Le 7 septembre, le PdG d’Alstom annonçait la fermeture de l’usine Alstom de Belfort. Le cœur industriel de la production des TGV en France. Et ce alors que Alstom et la SNCF venait de confirmer le report du lancement du projet de TGV du futur.
La raison de fermeture de l’usine avancée par le patron d’Alstom ? un carnet de commande pas assez rempli. Pourtant, Alstom a un carnet de commande bien fourni à l’export. En Asie centrale ou aux États-Unis par exemple. Ou encore à Dubai où l’entreprise vient de remporter un méga contrat de construction de métros. Preuve s’il en est que ce n’est pas la qualité des trains produits qui est en cause contrairement à ce que certains – adeptes du dénigrement francophobe – prétendent.
Surtout, la SNCF gros client de l’industriel a besoin de renouveler ses matériels. D’ailleurs, l’entreprise publique vient d’acheter 40 locomotives qui aurait pu être produite à Belfort. Mais en application des règles européennes – imposant la concurrence soit disant « libre et non faussée » – elle a acheté ces 40 locomotives au groupe allemand Vossloh. Qui les produira en Pologne en profitant des très bas salaires. Illustrant le dumping social qui chaque jour aggrave un peu plus la désindustrialisation et le chômage en France.
Les fausses solutions du gouvernement PS
A la veille de la présidentielle, et alors que le chômage ne cesse d’augmenter, le gouvernement fait mine d’agir. Il n’aura pourtant rien fait durant des années alors que la situation difficile de l’industrie ferroviaire est connue depuis des années. Les patrons de la Fédération des Industries Ferroviaires avaient alerté Emmanuel Macron dès le 9 juin 2015 il y a donc plus d’un an et demi que « les plans de charges [des] usines ferroviaires risquent fortement de s’effondrer dès 2017-2018 ». Le 22 décembre 2015, le président de la FIF, Louis Nègre avait interpellé le président François Hollande : « Les sites majeurs et emblématiques de Reichshoffen et de Belfort (Alstom) et de Crespin-Valenciennes (Bombardier) sont directement menacés dès 2017 » en raison des « incertitudes » liées au « TGV du Futur ». Enfin le 3 juin 2016, une autre lettre au chef de l’État indique qu' »aucune réponse concrète » n’avait été apporté. Chantage à la commande diront certain. Peut être. Cela n’enlève rien à l’inaction coupable des Macrons, Valls, Hollande et Cie.
La liquidation du ferroviaire et de la SNCF comme objectif ?
Il faut également souligner qu’alors que la ministre en charge des transports Ségolène Royal communique beaucoup sur la transition écologique (tout en massacrant son ministère et les moyens indispensables à la conception et la réalisation de cette politique), se faisant mousser avec la COP21, dans le même temps le transport ferroviaire est liquidé en France. En 1990 le fret ferroviaire représentait 35% du transport terrestre de marchandise. En 2015, il ne transporte plus que 10%. En 1984, le fret ferroviaire transportait 26,6 millions de tonnes kilomètres. En 2014, 9,6 millions de tonnes kilomètres. En 30 ans, le transport de marchandise par le rail a été divisé par 3. Sur la même période le transport par camions a augmenté de 50% ! Ce qui conduit a un effondrement de la demande de wagons et de locomotives pour le fret ferroviaire en France.
Entre 1990 et 2015, la part modale du transport ferroviaire de voyageur a elle légèrement progressé, passant de 8,7% à 9,6%. Bénéficiant du développement des TGV et des TER et RER. Des chiffres qui cachent mal la liquidation des lignes intercités et de large pans du réseau ferroviaire sous l’effet de la course à la rentabilité de la SNCF alors que l’Union Européenne impose à la fois sa privatisation et l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire. Elle impose également la libéralisation des dessertes routières autocars. Avec la sordide Loi Macron. Résultat les investissements pour renouveler les trains, trains corail comme intercité, sont restés en deçà des nécessités. La SNCF voit son matériel roulant vieillir – augmentant les pannes et affectant la qualité du service à l’usager – mais retarde sans cesse son renouvellement. En 2013, le ministre Montebourg annonçait la sortie en 2018 des TGV du « futur » devant remplacer les rames de TGV dites sud est (les rames oranges repeintes depuis) qui ont désormais 36 ans. En 2015, Emmanuel Macron, ministre du Budget et Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, repoussaient l’échéance à 2019. Désormais, c’est plutôt 2022 qui est envisagé. Au mieux. C’est ce report qui explique ç lui seul le creux dans le programme de production de Belfort. Et ce alors que les contrats à l’export ne font pas tourner l’usine de Belfort, les pays acheteurs négociant – et c’est légitime – de pouvoir faire travailleurs leurs ouvriers à construire les trains. A l’image des USA. Ce qui est strictement interdit à la France par l’Union Européenne.
Le tour de passe passe de François « Coperfield » Hollande
Pressé par l’opinion, et retenant la leçon du désastre Jospin se payant la figure des ouvriers face à des suppressions d’emplois dans les usines Michelin pourtant rentables « l’état ne peut pas tout », c’est par un tour de passe qu’Hollande tente de cacher le tragique bilan de son quinquennat, celui de la poursuite d’une désindustrialisation massive résultat de l’euro et des directives imposées par la Commission Européenne, c’est à dire la dictature des marchés financiers. Après tous, Hollande en 2012 est bien monté sur une camionette pour promettre que Florange ne fermerait pas. Promettant une nationalisation « temporaire » en 2012, rapidement abandonnée. Le haut fourneau fermant ses portes en 2013.
Voici la manipulation : le 4 octobre, Manuel Valls annonce la commande par l’Etat de quinze rames TGV pour les lignes Bordeaux-Marseille et Montpellier-Perpignan (450 millions d’euros). Il a aussi garanti que la SNCF s’engageait à acheter vingt locomotives diesel de remorquage (30 millions d’euros) mais également six autres TGV spécialement adaptés pour circuler sur la ligne Paris-Turin-Milan (200 millions d’euros) et répondre aux nouvelles normes italiennes. Problèmes, les lignes Bordeaux Marseille et Montpellier Perpignan sont des lignes intercités…, conventionnelles où les rames Euroduplex – pourtant 30% plus cher en cout d’exploitation et de maintenance – ne pourront pas dépasser les 220 km/h alors qu’elles sont conçues pour rouler à 350 km/h. En fait, en commandant ces quinze rames TGV, le gouvernement anticipe une commande de 30 trains intercités auprès d’Alstom, des trains qui auraient du être produit à … Reichshoffen. en juin 2016, la Fédération des industries ferroviaires (FIF) tirait le signal d’alarme dans une lettre adressée à François Hollande en s’inquiétant d’une « menace sur la pérennité » de cet autre site majeur en raison de l’incertitude qui plane sur l’ensemble des programmes ferroviaires français. Et attention, la FIF évoquait une fermeture possible dès 2017. C’est ce qui s’appelle déshabiller Paul pour habiller Jacques. Du « perdant » « perdant » comme dirait Ségolène Royal.
Un tour de passe passe probablement illégal devant les fourches caudines de Bruxelles
Au regard des montants en jeux, la directives européennes sur les marchés publics impose un appel d’offre européen. Car l’UE interdit « d’acheter français » imposant une mise en concurrence systématique condition sine qua non du dumping social pour effondrer les salaires et les droits des travailleurs. Pour contourner la difficulté, le gouvernement a passé sa commande sur la base d‘un accord cadre (directives « marchés publics » du 31 mars 2004 (2004/17 et 2004/18)). Qui permet de conclure des accords subséquents sans remise en concurrence. Problème cet accord cadre date de 2007, c’est un contrat-cadre passé en 2007 entre Alstom et la SNCF. Cet accord permet de débloquer rapidement de futures commandes de rames de train, sans passer à chaque fois par le lourd processus de l’appel d’offres. Hors a priori un accord cadre a une durée maximale de 4 ans selon le Code des Marchés Publics, pour l’Etat ( sans durée pour les pouvoirs adjudicataire comme la SNCF). Rien ne dit que cet accord cadre soit donc encore pleinement valable. Par ailleurs, il a été conclu entre la SNCF et Alstom. Et non entre l’Etat et Alstom. Juridiquement l’Etat et la SNCF sont deux « pouvoirs adjudicateurs » différents et rien n’indique donc que le gouvernement puisse utiliser cet accord. Au delà, il est fort probable que – comme la Commission Européenne l’a déjà fait dans le cas d’Alstom – l’Union Européenne interdise cette commande, en tant qu’aide d’état déguisée. Faisant ainsi appliquer les traités européens garantissant le dumping social, et base de la guerre contre les salaires et les droits des travailleurs
Le scandale de la privatisation des lignes Inter Cités !
Mais le scandale ne s’arrête pas là. Car les rames TGV achetées pour servir d’intercité par l’Etat, le sont au moment même ou le gouvernement en application des directives européennes de libéralisation du rail (les fameux paquets ferroviaires, dont la réforme ferroviaire contre laquelle les cheminots se sont battus au printemps derniers, et en 2014 est une transcription en droit français), va ouvrir à la concurrence le transport ferré de voyageurs. Et donc, la livraison de ces rames interviendra tout pile lors de l’ouverture à la concurrence des lignes intercités ! L’état – soit disant sur endetté – va donc probablement fournir des rames neuves à des concurrents privés de la SNCF ! Privatisation des bénéfices, socialisations des pertes. Avec le Capitalisme, les travailleurs sont toujours à 200% les perdants !
En 2014 déjà le gouvernement Valls avait signé le démantèlement d’Alstom préparé par Montebourg, pour satisfaire aux ordres de l’Union Européenne
On le voit, la « solution » du gouvernement Valls n’a rien de sérieux et ressemble à ce qu’elle est, un couteux tour de passe qui ne règle rien, mais qui permet simplement à F Hollande de gagner du temps. Celui de la campagne présidentielle. Personne ne doit s’y tromper. D’autant moins que ce n’est pas une surprise puisque ce gouvernement en la personne d’Emmanuel Macron avait signé en 2014 le démantèlement d’Alstom dont la branche énergie avait été vendue pour une bouchée de pain à General Electric.
Bien sûr il ne serait pas juste de simplement mettre en cause Hollande et d’oublier l’intervention de Sarkozy qui a vendu pour une bouchée de pain les parts prises par l’Etat dans Alstom alors que le groupe était au bord du gouffre déjà à cause des dividendes énormes versés aux actionnaires. Il avait permis à son ami le milliardaires Bouygues de faire de juteux profits. Tout à satisfaisant aux ordres de Bruxelles interdisant la nationalisation du groupe !
Comment ne pas rappeler également qu’en application des ordres de Bruxelles (déjà), le gouvernement de Sarkozy avait alorsbradé la filliale de construction navale d’Alstom, les fameux Chantiers de l’Altantique à Saint Nazaire – dernier pans survivant de la construction navale civile en France -auprès du groupe coréen STX. On apprend ces derniers jours que ce derniers ayant besoin d’argents frais cherchent à vendre les chantiers, c’est à dire leur savoir faire, leurs brevets et leurs carnets de commandes auprès d’investisseurs chinois ou italiens qui s’empresseraient de dépecer là aussi, façon General Electric, ce concurrent encombrant.
Et comment ne pas rappeler aussi que le FN et Marine Le Pen, toujours aussi hypocrite, se sont fendu d’un communiqué faisant mine de dénoncer l’Union Européenne, pour mieux appeler à la nationalisation …. partielle d’Alstom. Exactement ce qu’avait fait Sarkozy alors aux affaires pour satisfaire aux ordres de Bruxelles. Une manière d’éponger les pertes de la classe capitaliste avec l’argent des travailleurs, puis de rendre l’entreprise une fois la tempête passée, redevenu profitable à l’oligarchie qui pourra se gaver tranquillement de profits. Le Pen, Sarko, Hollande, même combat : servir l’oligarchie capitaliste, exploiter les travailleurs !
Alors que faire ? NATIONALISER pour un grand pôle public des transports, un grand pôle public de l’Énergie, réindustrialiser au profit de la transition écologique et de la baisse du chômage
Alors quelle solution ? est-on condamné à voir liquider ce pôle industriel stratégique qu’est Alstom, perdant les savoirs faire enviés mondialement de ses ouvriers et de son ingénierie ? Certes non. Alors comment construire une solution ?
- D’abord en constatant que les savoirs faire de Alstom – dans toutes ses branches – sont indispensables pour le pays. Construire des trains, des turbines, des bateaux c’est un enjeux stratégique. Pour le secteur des transports, celui de l’énergie. Deux domaines qui sont au cœur de la nécessaire transition écologique. Deux domaines indispensables du développement économique, deux domaines qui avaient été nationalisés sous forme de monopoles publics, notamment pour EDF à la libération par le ministre communiste PCF du CNR Marcel Paul. Il s’agit là de domaines stratégiques qui engagent l’avenir de la Nation, car un pays incapable de construire ses propres infrastructures, incapable de produire son énergie ne peut être indépendant et ne peut décider de sa politique. Cela importe peu bien sûr à notre classe capitaliste qui fait le choix de la mise en coupe réglée du pays pour construire l’UE après avoir fait celui de la collaboration. Pour les capitalistes, seuls comptent les profits
- Ensuite en rappelant que le patronat d’Alstom qui vient de vendre pour 12 milliards d’euros la branche énergie d’Alstom à la multinationale General Eletric avec le soutien du gouvernement Hollande/valls/Montebourg s’est empressé de distribuer 3,5 à 4 milliards d’euros du produit de la vente en dividendes et rachat d’actions pour soutenir le cours de l’action en bourse, à comparer à la capitalisation boursière du groupe qui est de 5 milliards d’euros ! Qui a dit qu’Alstom transport manquait de liquidités ? Plutôt que d’arroser ses actionnaires, le groupe aurait donc largement pu investir, moderniser ses usines, une façon de profiter d’un creux de charge de production pour préparer l’avenir. Mais l’avenir ce n’est pas ce qui intéresse l’oligarchie capitaliste !
- Sans oublier que le dépeçage d’Alstom en 2014 sous l’égide d’Arnaud Montebourg a également donné lieu à un aussi énorme que scandaleux cadeau à Bouygues (cliquez ici pour lire).
- Enfin, en rappelant qu’Alstom appartient à tous les travailleurs français qui l’ont déjà largement payés. Car on le voit bien ce sont les commandes des services publics français, dans les transports, l’énergie qui font vivre le groupe. Le développement du TGV, des métros, des turbines hydroélectriques ou pour le nucléaire est aussi le résultat des investissements publics. Cette technologie largement financée par la Nation appartient donc à la Nation! Et surtout qu’Alstom appartient à ses travailleurs qui sont les seuls à y produire de la richesse alors que leurs patrons et actionnaires se gavent.
Il y a deux ans le PRCF expliquait que la nationalisation totale d’Alstom était la seule solution et que la stratégie suivie par Hollande à la suite de Sarkozy en application des ordres de l’UE ne mènerait qu’au démantèlement de l’entreprise et au chômage, force est de constater avec ce nouveau scandale à Belfort, que les faits lui donnent 100% raison.
La solution est donc logique et évidente : l’état doit nationaliser Alstom, sans indemnités, puisque les travailleurs ont déjà payés plusieurs fois. Comme salariés du groupe, comme usagers des services publics, comme contribuables. Non seulement sa branche transports mais également sa branche énergie, et sa branche construction navale. Pour l’adosser aux services publics des transports (SNCF, RATP…) et de l’énergie (EDF/GDF), ce dernier secteurs étant eux aussi à renationaliser d’urgence, supprimant les scandaleuses privatisations imposées là aussi par l’Union Européenne et mise en œuvre par Sarkozy. Une évidence reconnue désormais par Jean Luc Mélenchon, qui réclame dans un communiqué lui aussi la nationalisation d’Alstom et reconnait que cette nationalisation ne peut se faire dans le cadre de l’Union Européenne. On peut s’étonner que Jean Luc Mélenchon ne propose donc pas clairement de sortir de l’UE, alors que sans sortie de l’UE par la voie progressiste, aucune politique de gauche, pour les travailleurs, n’est possible. Oui, l’affaire Alstom Belfort le prouve de manière tragique, pour les travailleurs, pour s’en sortir, il faut sortir de l’Union Européenne.
Jean Baptiste Clément pour www.initiative-communiste.fr
Retrouvez le dossier spécial d’initiative communiste sur Alstom :
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