A propos de la « remontée » attribuée à Macron par certains sondages, Par Georges Gastaud
Même s’il faut pratiquer le doute méthodique à l’égard des instituts de sondage, dont les modes de questionnement et les liens avec le capital sont souvent peu discrets (de fait l’institut CSA vient ainsi d’être racheté par le milliardaire Bolloré, déjà la tête de Canal+, I Télé, direct8 etc..) , la remontée sondagière récente attribuée à Macron après son effondrement estival n’est pas sans interroger : comment ce « président des riches », dont l’arrogance de classe éclate à tout propos, peut-il voir sa popularité repartir à la hausse après des mesures aussi odieuses que les ordonnances, qui brisent le Code du travail, ou que la contre-réforme fiscale qui abolit l’essentiel de l’ISF ?
Certes, la mainmise du capital sur les médias privés et la confiscation des médias publics par le président-monarque ne sont pas pour rien dans le rebond macronien, réel ou apparent. Elles sont cependant insuffisantes pour l’expliquer car, globalement, elles étaient les mêmes dans la période précédente où Macron ne cessait de baisser. Bien entendu, il faut aussi prendre en compte le fait que la politique thatchérienne de Macron rallie les « fillonistes » qui n’avaient pas encore compris que la politique de Macron ne différait en rien sur le fond de celle de leur poulain initial. Mais au-delà de cette convergence réactionnaire relevée par certains observateurs, il existe en fait deux raisons très politiques au regain de popularité présidentiel.
Faire le lien entre casse sociale, politique de guerre et casse nationale
La première raison, c’est qu’à l’international, Macron parle haut et fort et qu’il semble dignement remplir les devoirs de sa charge. Bien entendu, ce n’est qu’une apparence trompeuse car jamais président n’aura été aussi dépendant à l’égard des Etats-Unis (l’ex- « Young Leader » Macron prévient tous les désirs de la Maison-Blanche en matière d’augmentation – vertigineuse ! – des crédits destinés à l’OTAN), de l’Europe allemande (Macron a officialisé le drapeau et l’hymne européen refusé par les Français en 2005, il travaille à une « souveraineté européenne », à un « gouvernement de la zone euro » et à une « défense européenne » qui mènent tout droit à la fin de la souveraineté nationale et à l’idée même d’une défense nationale), voire des pétromonarchies du Golfe dont il est l’empressé courtisan, du Qatar à Ryad sans oublier les banquiers libanais et l’Etat colonialiste israélien.
Seulement, qui explique aux travailleurs le contenu antinational et impérialiste de cette politique étrangère de classe devant les travailleurs en lutte ? Quelle confédération syndicale, fût-elle anciennement « de classe et de masse », fait méthodiquement le lien entre les guerres impérialistes, la « construction » européenne, l’Europe allemande d’une part et, d’autre part, l’euro-austérité à l’infini, l’écrasement des salaires, des services publics et des acquis sociaux, la destruction du produire en France industriel et agricole ? Au contraire, le nouveau dogme syndical, hypocritement réaffirmé par tous les responsables confédéraux CGT incluse durant l’automne, est qu’il « ne faut pas mélanger syndicalisme et politique » (sic). Résultat, les travailleurs ne font pas le lien spontanément entre la CASSE NATIONALE, la marche aux guerres impérialistes et la démolition des conquêtes sociales de 1936, 1945 et 1968… C’est tout bénèf pour Macron qui peut jouer aux « présidents jupitériens » incarnant la Nation alors même qu’il DEMOLIT NOTRE PAYS et qu’il est incapable de prononcer six phrases sans polluer notre langue d’innombrables anglicismes « managériaux »…
La demi-résistance et l’euro-complaisance nourrissent l’esprit capitulard
La seconde raison, plus forte encore, est que lorsque les gens ne voient plus comment s’opposer à une politique néfaste, ils ont tendance, soit à se résigner en se repliant sur leurs affaires privées (tant que la mauvaise politique capitaliste ne vient pas les chercher dans leur lit !), soit, pire encore, à l’applaudir ; car à tout prendre, les passagers d’un navire évoluant par grosse mer préfèreront toujours un pirate qui sait où il va et qui fait preuve de détermination (et incontestablement, Macron est « en marche » vers le sabordage national), à des « bizounours » inconsistants qui perdent conflit social sur conflit social, qui radotent sans fin sur l’introuvable « Europe sociale » (dont la masse des ouvriers a compris depuis longtemps, contrairement à Mmes et MM. Mailly, Chérèque, Rolet, Groison et Martinez, qu’elle est un leurre grossier) et qui, lorsqu’une occasion se présente d’organiser un bras de fer avec le pouvoir, se relaient sur les ondes pour déclarer que « la grève générale ne se décrète pas » ou que « la CGT n’a pas vocation à bloquer le pays » (Thibault, 2004). Surtout hélas quand, à l’arrière-plan de ces éternelles journées « saute-mouton » syndicales sans perspective, les forces politiques progressistes (faut-il dire que nous ne parlons pas du PS ?) ont, depuis des dizaines d’années, abjuré tout idée de rupture progressiste claire avec l’UE, qu’elles ne disent plus mot sur la nécessité de nationaliser le CAC 40, ou qu’elles poussent des hauts cris quand une force franchement communiste propose une stratégie patriotique, sociale et révolutionnaire de sortie de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme… Au fait, le moindre débat démocratique a-t-il été organisé par les confédérations affiliées à la C.E.S. à propos de la manifestation de combat sur les Champs-Elysées que J.-L. Mélenchon avait proposé aux syndicats, en acceptant de défiler derrière eux, pour lancer le bras de fer national sur l’ordonnance Macron ?
En clair, l’un, Macron-Thatcher, avance (vers le gouffre, certes, mais qui le voit ?) avec sa cohérence euro-libérale et atlantico-patronale de dissolution de l’Etat-nation français et d’arasement des acquis sociaux ; et de promettre que pour prix des « sacrifices » consentis, il y aura « un jour » des contreparties positives sur le retour du produire en France. A l’inverse, le camp progressiste défend mollement les acquis, il hésite à revenir aux méthodes de lutte qui ont fait leurs preuves : ses chefs de file syndicaux et politiques ne proposent majoritairement plus que de semi-changements excluant la sortie de l’UE-OTAN, l’expropriation du grand capital et le pouvoir des travailleurs. Dans ces conditions, les hésitants – et en particulier les « couches moyennes », pourtant massivement précarisées – tombent spontanément du côté du plus résolu et du plus cohérent.
Pour gagner, reconstruire une cohérence sociale et politique franchement révolutionnaire et 100% euro-critique !
C’est pourquoi vous, travailleurs, vous, communistes et progressistes qui étouffez dans le climat crépusculaire qui s’abat sur le pays, vous qui voulez résister et GAGNER pour que revivent la France républicaine et l’espoir d’une vie meilleure, vous devez vous interroger sans tabou ni retard : et si le PRCF – qui ne fait qu’adapter à notre temps la ligne historique gagnante du véritable communisme – avait raison ? Et si les germes de la défaite n’étaient pas d’abord dans NOTRE propre camp et dans notre propre « QG », dans ces états-majors euro-assagis qui poussent des cris d’orfraie à l’idée d’opposer à Macron une autre cohérence, qu’il s’agisse d’une plate-forme revendicative nationale, d’un programme politique de transition révolutionnaire ou d’un plan de lutte visant enfin à gagner et non pas à « demander au gouvernement de revoir sa copie » ? Et si l’un des problèmes majeurs qui nous est posé était la résistance obstinée que certains syndicalistes, qui se disent pourtant « de classe », opposent à toute idée de coordination interprofessionnelle des syndicats de lutte en prétendant enfermer chacun dans « son » syndicat et dans « sa » branche professionnelle ? Histoire d’abandonner la STRATEGIE SYNDICALE NATIONALE aux états-majors arrimés à la C.E.S. et, par elle, à l’UE supranationale… Et si l’anti-léninisme tonitruant du PCF, son euro-rallié, son réformisme rosâtre travesti en « anti-stalinisme », n’étaient pas « la solution », mais le problème lui-même ? Et si l’incapacité de certains d’entre nous de rompre, politiquement d’abord, organisationnellement ensuite (et le temps presse, car la France se défait à grande vitesse !) avec les directions euro-réformistes, donc avec l’UE et avec la social-eurocratie dont elles sont les satellites, contribuait lourdement à cette tergiversation générale du camp progressiste qui donne des ailes, non seulement aux LREM (Les Ravis d’Emmanuel Merkel ?), mais à l’extrême droite, aux communautaristes religieux, aux euro-séparatistes régionalistes et à tous ceux qui avilissent notre pays ?
Conclusion : Reconstruire l’avant-garde, c’est décisif pour GAGNER !
Reconstruire l’avant-garde, c’est décisif pour GAGNER ! – En théorie comme en pratique, il faut oser reposer la question des avant-gardes politiques, culturelles et sociales. « Si le sel perd sa salure, qui la lui rendra ? », interroge un passage de l’Evangile qui soulève à sa manière, à propos de l’engagement tiédissant des Apôtres, l’éternelle question de ce qu’on nommait jadis l’avant-garde ? Alors, retrouvons notre « salure », amis et camarades, reconstruisons l’avant-garde léniniste en rompant avec les endormeurs de la fausse gauche, du syndicalisme euro-apprivoisé et du « communisme » décaféiné. Aidons le PRCF, rejoignons les JRCF, engageons-nous dans construction d’un large front syndicaliste rouge qui n’aura plus pour premier souci de ménager les appareils distributeurs de prébendes, mais de porter une stratégie gagnante. Il y a urgence à le faire avant que le mot « France » ne désigne plus qu’une expression géographique, en anglo-américain qui plus est… Regarder les choses en face n’a rien de démoralisant pour de vrais révolutionnaires qui se souviennent des deux devises favorites d’Antonio Gramsci :
« la vérité est révolutionnaire », et… « pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté » !