Défenseur des « lumières » communes, du bac national et de l’enseignement philosophique au lycée, le PRCF apporte son plein soutien à cette motion votée par les professeurs de philosophie de l’Académie de Limoges.
La commission philosophie de la revue « Étincelles ».
Motion adoptée par les professeur·e·s de philosophie
de l’Académie de Limoges
réuni·e·s en A.G. le 20 mai 2019
Nous, professeur·e·s de philosophie de l’Académie de Limoges, tenons à marquer notre opposition aux réformes Blanquer du baccalauréat et du lycée, qui conduiront :
– à l’explosion du nombre d’élèves par classe. La suppression des séries permettra de regrouper les élèves par 35 dans les cours de tronc commun (voire de regrouper plusieurs divisions ensemble en amphi, comme cela a déjà été proposé dans plusieurs lycées d’autres académies). C’est sur cette base de 35 élèves par division que sont désormais calculées les moyens horaires des établissements.
– à une hausse exponentielle du nombre d’élèves par enseignant·e : un·e certifié·e aura en moyenne après la réforme 215 élèves (3 classes générales et 3 classes technologiques) !
– à la suppression corrélative de dizaines de milliers de postes, que favorisera encore l’imposition d’une 2e heure supplémentaire non refusable par les enseignant·e·s à partir de la prochaine rentrée (J.O. du 13 avril 2019).
– à la suppression de la série L, qui permettait aux élèves de bénéficier de 8h de philosophie par semaine et aux professeur·e·s qui y enseignaient (un·e professeur·e sur deux) d’avoir un service décent.
– à la mise en place de spécialités en nombre limité par établissement et en concurrence les unes contre les autres, spécialités elles aussi financées sur la base de 35 élèves par groupe et dont l’existence pourra être remise en cause d’une année sur l’autre sur simple décision des chef·fe·s d’établissement.
– à la fragilité des groupes de spécialité HLP, ouverts sur le papier dans quasiment tous les lycées généraux de notre académie, mais qui risquent de ne pas être pérennes si le nombre d’inscrits est jugé insuffisant. Or plusieurs conditions sont de véritables obstacles puisque 1° l’élève doit choisir HLP dès la seconde, 2° la suivre dans des groupes chargés en première, 3° pour enfin confirmer ce qu’il·elle savait depuis le départ : HLP n’est conseillée que par une extrême minorité de filières du supérieur sur Horizon 2021.
– à la mise en place de programmes largement contestés et massivement rejetés par le Conseil supérieur de l’éducation. En HLP, on peut déplorer le choix d’items thématiques (et non notionnels) et l’approche historique, qui invitent d’emblée à une interprétation culturaliste et non philosophique, qu’il reviendra aux enseignant·e·s de contrer. Par ailleurs, la philosophie aurait pu entrer en dialogue avec bien d’autres disciplines, des mathématiques aux arts, ce qui aurait pu élargir l’intérêt porté à notre discipline.
– à des épreuves de spécialité en fin de première de 2h, et donc d’1h en philosophie (étant donnée la bi-disciplinarité d’HLP et selon les premières informations publiées), ce qui est proprement scandaleux.
– à la mise sous pression permanente des élèves et des professeur·e·s engendrée par le contrôle continu et à la mise en place d’un bac local qui n’aura plus de valeur nationale.
– à la désorganisation de l’année et à la perte de semaines entières de cours pour les élèves : semaines d’épreuves ponctuelles, épreuves de spécialités en Première et en Terminale. De surcroît, en avril de l’année de Terminale, 80% du bac sera passé. Quel sera alors l’emploi du temps des élèves ? Comment les retenir au lycée pour préparer leur épreuve de philosophie et leur grand oral ?
– à la disparition programmée des cours en effectifs réduits dans les rares établissements où ils étaient encore pratiqués : les heures en effectifs réduits seront financées sur la marge d’autonomie de l’établissement, en concurrence avec les heures d’AP, les heures d’orientation, les options… Aucun cadrage national n’est prévu pour les heures en effectifs réduits, pas même dans les classes technologiques.
– à des emplois du temps plus morcelés, les heures de cours devant être alignées pour permettre aux élèves de différentes divisions de suivre les mêmes cours de spécialités.
– à l’allongement de l’année des enseignant·e·s de philosophie jusqu’à la mi-juillet, l’épreuve de philosophie étant repoussée à la fin du mois de juin.
Nous refusons ces réformes comme les éléments de langage qui visent à les faire passer :
– sous prétexte de « libre choix des élèves », elles donneront en réalité une prime aux mieux informé·e·s et accroîtront les inégalités sociales et territoriales ;
– sous prétexte de « meilleure préparation au supérieur » (et ceci par des choix dès la Seconde !), elles verrouilleront la perte pour les élèves du droit d’accéder à la filière universitaire de leur choix, dont ils·elles bénéficiaient depuis 50 ans.
Nous demandons l’abrogation des réformes Blanquer du lycée et du baccalauréat.
Nous nous inquiétons également vivement du projet de loi de transformation de la Fonction publique qui menace les statuts et le paritarisme.
Il est temps enfin que cette logique de gestion cesse d’étouffer le métier de professeur dont la vitalité s’épuise et se renouvelle chaque jour au contact des élèves.
Toute réforme devrait commencer par elle au lieu d’ignorer ce qu’il y a de plus vivant dans l’enseignement de la philosophie.
Adoption de la motion à l’unanimité