A titre de document historique, www.initiative-communiste.fr publie ci-après l’appel de Jacques Duclos devant le Comité central du PCF à la construction d’un Front national uni contre l’Europe atlantique de la guerre, du chômage et du fascisme renaissant.
ll ne s’agit nullement dans notre esprit de proposer la réédition à l’identique de cette politique : le PRCF pense en effet que dans les conditions actuelles, la lutte pour l’indépendance nationale posera très rapidement la question du socialisme pour la France.
Mais il s’agit de bien montrer, contre les anticommunistes de droite et de « gauche », que la lutte patriotique est au cœur des traditions communistes et révolutionnaires de notre pays et de son mouvement communiste
A suivre ! demain www.initiative-communiste site web du PRCF publiera une tribune revenant largement sur le sujet.
Aveugles au dévissage fascisant doublé d’une euro-dissolution de la République dans l’UE du capital, certains groupes sectaires prennent la pose du grand révolutionnaire (en paroles !) et dénigrent comme « opportuniste » l’idée d’un front antifasciste, patriotique et populaire contre l’UE atlantique et le nationalisme réactionnaire. Les mêmes diabolisent l’idée de nation et abandonnent aux sarko-lepénistes le drapeau de la Révolution française ou la Marseillaise… Symétriquement, d’autres ne jurent que par l’entente suicidaire avec le PS (ou avec ses prétendus « frondeurs ») et derrière lui au moment même où il est en train de sombrer !
Voici ce que, dans d’autres conditions, leur répondait le léniniste Jacques Duclos, chef de file du Front populaire, puis du PCF clandestin pendant l’Occupation, qui était alors à la tête du PCF aux côtés de Maurice Thorez.
Le 3 octobre 1952, ce texte de Jacques Duclos, « Pour un puissant front national uni », a ouvert à Montreuil les travaux du Comité Central du Parti Communiste Français. Celui-ci a adopté l’appel que ce rapport comportait.
Il s’agit d’un document historique rare, qui confirme que Jacques Duclos (dont il convient de rappeler qu’il a dirigé la Résistance nationale et antinazie du PCF pendant l’Occupation) avait compris la nécessité de barrer la route à l’impérialisme étasunien et à ses agents en France. A la tête de ceux-ci, se trouvaient déjà les dirigeants socialistes.
Pendant 7 ou 8 mois, cette stratégie politique particulièrement lucide et pertinente, liant les questions sociale et nationale, sera celle du PCF.
La nation veut l’indépendance et la paix
Dans les circonstances présentes, alors qu’il s’agit de sauver le pays, d’empêcher qu’il ne sombre dans la ruine et la honte d’une politique de trahison, le devoir qui s’impose est d’unir la classe ouvrière et de rassembler avec elle, en un puissant Front national uni, l’immense masse des Français et Françaises qui « sont résolus à lutter pour la paix et l’indépendance de la patrie sans aucune distinction d’opinions politiques, de croyances religieuses ou de situation sociale ».
De plus en plus nombreux sont ceux qui en arrivent à penser que la situation actuelle, conséquence de la politique du gouvernement Pinay, ne peut plus durer, que le plan Schuman et la mainmise américaine, tant politique qu’économique, sur notre pays, ont des conséquences désastreuses auxquelles il faut mettre un terme, que le réarme¬ment de l’Allemagne de l’Ouest, avec les menaces qu’il comporte pour la sécurité de la France, est inacceptable.
Il faut dire en effet et répéter que l’action des masses, si elle atteint un degré de puissance suffisant, peut non seulement faire triompher telles ou telles revendications économiques, atteindre tels ou tels objectifs politiques immédiats comme, par exemple, le dégonflement du complot, mais elle peut aussi aboutir à des victoires bien plus grandes.
L’action des masses peut imposer non seulement un changement de gouvernement, ce qui ne serait rien si la même politique devait être poursuivie avec un autre gouvernement plus ou moins semblable, mais elle peut imposer aussi, et c’est cela qui est important, un changement de politique.
L’intérêt de la classe ouvrière et de l’ensemble du peuple, l’intérêt de la France, exigent que tout soit mis en œuvre pour imposer le départ du gouvernement actuel et pour rendre inefficaces les intrigues de ceux qui, comme les dirigeants socialistes, font semblant de combattre Pinay tout en manœuvrant pour assurer sa survie ministérielle ou tout au moins la continuation de sa politique.
Pour ne citer qu’un exemple de l’état d’infériorité et de dépendance dans lequel la politique gouvernementale place notre pays, il suffit de comparer la situation actuelle de la sidérurgie française avec les prévisions que la Commission de modernisation de la sidérurgie faisait en novembre 1946, c’est-à-dire avant la marshallisation de la France dont le socialiste Ramadier fut le sinistre initiateur.
Cette commission prévoyait une production pour 1949 de 10 millions de tonnes d’acier, de 12 millions pour 1951 et de 15 millions par la suite.
De telles ambitions n’étaient nullement au-dessus des possibilités françaises, mais avec la politique de marshallisation le développement économique de la France devait être forcément entravé.
C’est si vrai que pour 1951, la production de la sidérurgie française, tributaire de l’Allemagne occidentale pour ses approvisionnements en coke sidérurgique, n’a été que de 9.800.000 tonnes, cependant que la sidérurgie allemande produit déjà 13.500.000 tonnes et atteindra 22 millions de tonnes en 1957.
Les trusts allemands sont entrés avec une supériorité évidente dans le pool charbon-acier qui va verser 350 mil¬lions de marks au criminel de guerre Krupp, et cette supériorité va être encore accrue par le règlement de la question de la Sarre, quelle que soit la solution adoptée.
Ce sont donc les trusts allemands qui vont être les grands bénéficiaires de l’opération de trahison des intérêts français que constitue le plan Schuman. Εt des usines françaises dont le développement était prévu par la Com¬mission de modernisation de la sidérurgie, sont vouées à la disparition avec le chômage qui en résultera et avec l’affaiblissement de la France qui en sera la conséquence.
Notre pays est ainsi réduit à une situation mineure, ce qui ne peut manquer de provoquer des mécontentements non seulement dans les rangs de la classe ouvrière, mais jusque dans les milieux de la bourgeoisie lésés dans leurs intérêts.
Ainsi se manifestent les contradictions qui minent le système impérialiste. Ces contradictions sont la consé¬quence inévitable de l’action des forces économiques internes du capitalisme, la conséquence de sa décadence générale.
Ces contradictions sont aggravées à la fois par la politique agressive du capital monopoliste américain et par la résistance active des masses à cette politique.
Comme on le sait, la politique des États-Unis vise à réduire la France au rôle d’une puissance de second rang et l’armée européenne sous commandement américain, avec les divisions de l’Allemagne occidentale comme élément de choc, est destinée non seulement à faire la guerre à l’U.R.S.S. et aux démocraties populaires, mais aussi à poursuivre l’asservissement de l’Europe occidentale et, en premier lieu, l’asservissement de la France.
Tout dernièrement, la presse italienne a fait état d’un accord secret entre Washington et Bonn prévoyant le transfert de troupes fascistes allemandes en France et en Italie, en cas de nécessité.
En présence d’une telle situation et des réactions qu’elle provoque inévitablement, la réalisation d’un Front national uni pour la reconquête de l’indépendance nationale et la défense de la paix, apparaît non seulement comme une impérieuse nécessité, mais elle doit pouvoir, grâce à d’audacieux et persévérants efforts, devenir une possibilité proche.
C’est seulement l’existence d’un puissant Front national développant son action de masse à travers le pays qui peut imposer les changements correspondant aux exigences de la situation et faire triompher une politique nouvelle.
Le changement de politique et ses conditions
Nul ne saurait contester que des millions de Français et de Françaises ont l’ardent désir de voir disparaître le gouvernement Pinay, de mettre fin à sa politique et de voir se constituer un gouvernement répondant à leurs vœux et à leurs préoccupations immédiates.
Εt nul ne saurait prétendre que le problème de la constitution éventuelle d’un tel gouvernement laisse indifférents les travailleurs, les démocrates, les patriotes, mais ce qu’ils doivent savoir, ce que nous leur disons avec force, c’est que tout dépend d’eux, c’est-à-dire de nous tous.
C’est seulement dans la mesure où notre action unie sera assez forte pour exercer une pression suffisante jusque dans les milieux parlementaires que cette éventualité deviendra une possibilité.
Sans doute y a-t-il en ce moment un nombre important de Français qui n’approuvent pas entièrement le programme communiste que nous considérons, quant à nous, comme répondant seul pleinement aux besoins et aux intérêts présents et à venir de notre pays, mais beaucoup de ces Français sont cependant d’accord avec nous sur un certain nombre de points et peuvent constituer avec nous un puissant Front national uni qui se fixerait des objectifs politiques et économiques répondant aux exigences de l’heure.
Le Front national uni rassemblant des hommes et des femmes de toutes opinions, de toutes croyances et de toutes conditions sociales pourrait sans aucun doute, avec l’assentiment de tous, se fixer pour tâches de rétablir l’indépendance de la France, d’imposer l’abrogation du plan Schuman, de s’opposer résolument à la remilitarisation de l’Allemagne occidentale, de lutter pour aboutir à une solution pacifique du problème allemand et de mettre fin à la guerre du Viêt-Nam.
Le Front national uni pourrait aussi, avec l’accord de tous, se fixer pour tâche de promouvoir une politique éco¬nomique, financière et sociale assurant, dans le cadre d’une économie de paix, le relèvement de l’industrie et de l’agri¬culture françaises, la satisfaction des revendications les plus pressantes des masses laborieuses, l’épanouissement de relations commerciales fructueuses avec tous les pays, la mise en œuvre de grands projets de reconstruction et de construction de maisons d’habitation.
Le Front national uni pourrait aussi, fort d’une approbation unanime, s’assigner pour tâche d’assurer la défense des libertés démocratiques contre toutes les attaques de la réaction et du fascisme.
Ainsi donc la constitution d’un puissant Front national uni plongeant ses racines dans les profondeurs de la nation et entraînant les masses à l’action peut rendre possible ce que certains s’acharnent à proclamer irréalisable pour justifier leurs agissements favorables à la poursuite de la politique de Pinay.
Seul un Front national réalisant l’union de tous les patriotes avec les communistes peut promouvoir une politique conforme aux intérêts du pays et imposer la formation d’un gouvernement décidé à appliquer cette politique.
Un changement de politique n’est possible, en effet, qu’avec le concours des communistes qui, eux, veulent l’unité d’action la plus large au sein d’un puissant Front national uni, pour ιimposer ce changement.
Et les tenants de l’anticommunisme doivent être considérés par tous ceux qui veulent ce changement, comme travaillant pratiquement en faveur de la continuation de la politique actuelle.
Cela, il faut le faire comprendre au pays, en démasquant le rôle joué par les dirigeants socialistes en tant que soutiens de la politique de Pinay.
Nous devons montrer clairement aux masses que c’est seulement par leur union et leur action au sein d’un Front national uni fort du soutien des Français et des Françaises dignes de ce nom, qu’elles peuvent s’assurer la possibilité de mettre un terme à une politique malfaisante qui conduit à France à la ruine, de barrer la route au fascisme, à la guerre, de promouvoir une politique répondant aux intérêts de la nation, au rétablissement de l’indépendance nationale, à la sauvegarde de de la paix et d’imposer la constitution d’un gouvernement véritablement français qui fera enfin une politique française.