Il y a quelques années, j’étais chez un libraire de l’Isle sur la Sorgue qui exposait des livres d’occasion, en vrac dans un bac. En fouinant, je découvris un vieil exemplaire de « La Question ». Comme je le prenais en main, par affection en quelque sorte, et que j’évoquais Henri Alleg, le libraire m’avoua qu’il croyait qu’il était mort.
Une certaine presse, paraît-il, en était également là avant-hier.
Au-delà, combien de Français n’avaient même jamais entendu parler de celui qui fut pourtant l’honneur et la conscience de la France pendant la Guerre d’Algérie. Il ne fit pas que subir la torture de l’armée française et de la France elle-même. Dès qu’il prit pied sur le sol algérien, tout jeune journaliste, il s’arc-bouta de toute la puissance de sa faible carrure contre la colonisation et l’humiliation de tout un peuple qu’il accompagna pour enfin recouvrer son indépendance et sa dignité.
Il le paya cher aux côtés de ses compagnons de lutte, tous algériens de coeur.
Et pourtant, très vite on oublia Henri Alleg d’un côté de la Méditerranée comme de l’autre. Il dut même quitter son Algérie.
Pourquoi aurait-on encore parlé de lui. Il avait un défaut rédhibitoire : il était communiste. Non, pas un communiste de consensus mais quelqu’un qui militait, lui aussi, pour la Renaissance du Communisme en France. Mettons des majuscules puisque c’est le sigle du PRCF. A la défaite du camp socialiste, il n’abandonna pas le navire dans la tempête. Elle ne le laissa pas sans voix, il écrivit après un séjour dans l’ex-Union soviétique un petit livre de plus qu’il intitula : « Le grand bond en arrière » mais les grands intellectuels n’étaient plus là pour l’épauler. Aujourd’hui, sa bibliographie aussi oublie souvent ce livre clairvoyant.
Henri resta un grand militant toute sa vie. Un être si généreux, si discret, si modeste, si humble qu’il n’aurait intéressé les grands médias que s’il n’avait pas été ce communiste-là.
Avec notre respect.
Gaston PELLET, le 18 juillet 2013