C’est la rentrée des classes, l’occasion de s’intéresser à ce qui se passe à l’école.
Initiative Communiste vous propose le témoignage d’un professeur des écoles sur les menaces qui pèsent sur l’école de vos enfants. L’euro austérité véritable et seul moteur des réformes de l’école qui s’empilent les unes sur les autres avec la succession des ministres et qui à chaque rentrée aboutit à de graves attaques contre les moyens de l’Éducation Nationale.
Dans le viseur, le droit de chaque enfant à avoir accès à une école dispensant les mêmes enseignements. quels que soient la région, la commune et leurs moyens ! C’est cela qui est attaqué avec les menaces qui pèsent contre le statut des enseignants alors que Macron et son ministre poussent les feux de l’indépendance des établissements scolaires.
C’est cela qui est attaqué avec les coupes budgétaires, avec les suppressions massives de postes d’enseignants, avec la dévalorisation de leurs rémunérations et la précarisation d’un nombre croissant de professeurs.
Rentrée des classes : l’école de votre enfant est menacée !
Je ne sais pas si faire des suppositions sur l’avenir de mon métier relève du devoir de réserve, il me semble que non, tant que je ne mets pas en porte-à-faux la parole de mon employeur.
Plus j’y réfléchis, plus j’ai besoin de parler de l’évolution de mon métier, de mon statut, depuis que je l’exerce.Vous n’êtes pas sans savoir que je suis enseignant, j’ai pour statut « Titulaire remplaçant, brigade zone de rapprochement » TR-ZR. Du moins au départ, il y a 3 ans.
Cela signifie que je suis remplaçant pour le premier degré, affecté dans un département, lié à une circonscription par le biais de mon rattachement administratif à une école. Cette école correspond à l’endroit où je dois être si je ne remplace pas et au point de départ pour mes indemnités de déplacement. (cette école est située à 17km de mon domicile, dans un autre département).
Cependant, de par mon statut, je suis piloté par la direction des personnels départementale en priorité, puis par l’inspection de circonscription si je suis disponible. Contrairement au TR-ZIL (zone d’intervention limitée) qui est d’abord piloté par la circo. Dans la théorie. Dans la pratique, je suis bien plus souvent appelé par ma circo, sauf urgence ou priorité.
En septembre 2016, une circulaire nous apprend que ces « priorités » vont être lissées et que chaque titulaire remplaçant peut être envoyé sur tout le département si besoin. Donc, plus de réelle différence de statut, on penche vers un seul.Mon métier, de par mon statut, consiste à remplacer au pied levé un enseignant absent. Que ce soit pour une journée, une demi-journée, une semaine, une année…
Je dois m’adapter à sa préparation s’il souhaite que je suive ce qu’il a précédemment établi (une journée-une semaine).
Ou alors je dois proposer mon propre enseignement, en improvisant à partir de ma « valise » (ensemble d’activités préparées dont je dispose, pour chaque niveau) puis en créant un lien durable entre la classe déjà établie et ma pédagogie. Ce cas arrive lors d’un remplacement long en cours d’année.
Et encore, et c’est souvent mon cas, en devant effectuer la rentrée de septembre pour laisser ensuite la main au titulaire de la classe en cours d’année. (la préparation est partagée si le collègue est disponible, ou je dois la composer moi-même en quelques heures si je suis seul).Cette année j’ai eu la chance de remplacer sur le même poste de septembre à novembre, puis de me voir prolongé jusqu’à la fin de l’année scolaire. J’ai donc touché des indemnités de déplacement jusqu’en novembre puis suppression comme le prévoit le règlement. Bien sur, aucune possibilité de toucher une quelconque indemnité mineure, malgré la distance entre l’école et mon domicile (25km).
J’ai gagné la stabilité mais perdu de l’argent. Logique.
En décembre, la direction de l’école m’apprend que l’inspection lui a demandé s’il était possible de me détacher du poste pour me retourner au remplacement quotidien. En effet, les effectifs en terme de TR étant ridiculement bas, il y a pénurie. Des vacataires contractuels sont donc embauchés afin de combler ce manque. Cependant leur statut interdit de remplacer « au jour le jour ». Ils n’ont pas de formation et doivent donc avoir un contrat fixe avec un lieu et une période donnée. L’idée était donc de donner mon poste à un vacataire, car seuls les titulaires peuvent remplacer à la journée. La direction de mon école a bien sûr catégoriquement refusé, pour préserver la continuité pédagogique.Mais voyez-vous où je veux en venir ?
Qui d’autre pour palier ce problème, cette pénurie d’enseignants titulaires remplaçants ?
D’autres titulaires ?? Des postes il y en a, plein, ça embauche. Mais qui veut faire ce métier ? Qui veut faire 5 ans « d’études » pour passer un concours qui t’envoie où tu ne veux pas forcément aller, loin de ta famille, avec un salaire pas folichon, des conditions de travail aléatoires et une évolution de carrière proche du néant…
Réponse: Pas grand monde.Et heureusement pour nos gouvernants qui ont tout à gagner dans la périclitation du métier d’enseignant à l’Education Nationale. Mais c’est un autre sujet dont je parlerai une autre fois.
Qui est élu en 2017 ? Saint Macron, le roi de l’entreprise, le chantre de l’ubérisation libérale, le chouchou de l’Europe financière et le messie des statuts précaires.Premier grand raout: Défaire la réforme des rythmes scolaires.
Tant mieux disent les mairies, trop de dépenses vaines pour un service médiocre.
Tant mieux disent les parents, on pourra refaire les courses le mercredi matin.Tant mieux disent les enseignants, les élèves seront moins fatigués.
Mais qui décide, les mairies bien sûr, sous couvert d’une concertation municipale avec les enseignants et les parents d’élèves.
Tant mieux pour nos gouvernants, dont le principal enjeu est de donner aux municipalités la direction de leurs établissements scolaires. En revenant sur cette réforme, personne n’a râlé et les mairies ont désormais les clefs et le feu vert pour devenir les décideurs des temps scolaires. Ce sera désormais aux municipalités de façonner le calendrier scolaire, les horaires, les autorisations… que devient l’Education NATIONALE ?
La disparition des Inspections de circonscriptions ne sera plus qu’un détail lorsque les pouvoirs d’évaluation et de contrôle seront donnés aux municipalités et donc à la direction d’établissement.Vous ne voyez toujours pas où je veux en venir ?« Je ne pense qu’à moi, je ne pense qu’à mon petit statut de titulaire à vie de poste d’enseignant- remplaçant avec tout le confort des arrêts maladie et mes 5 mois de vacances. » ?
Qui bien sûr va disparaitre. Il sera forcément remplacé par, supposons candidement, naïvement, un beau programme d’appel aux auto-entrepreneurs de l’éducation.
Et cela existe déjà, ne serait-ce qu’à l’Université… Mais désormais, qui viendra remplacer la maitresse titulaire qui a la grippe ??
C’est Hubert, ce jeune auto-entrepreneur, avec peut-être un diplôme, zéro formation, une expérience relative et la précarité extrême comme motivation. Sans doute piloté par une plateforme se chargeant de recruter des remplaçants à fournir, le tout géré sur une application « smartphone ». Fera-t-il un travail correct ? Sera-t-il capable d’encaisser ce que doit subir un remplaçant formé et assuré ? Lui-même ubérisé, atomisé, coupé de tout, transmettra-t-il encore un tant soit peu les valeurs de la République sociale, démocratique, laïque, souveraine, une et indivisible que se targue encore d’être la France selon sa constitution, sinon selon sa réalité ?
Ça n’est pas vraiment un problème voyons, il n’est là que provisoirement. En tout cas, ça ne coûtera rien à l’État, puisque ce seront les municipalités qui évalueront le besoin ou non d’appeler un « remplaçant », si toutefois elles en ont les moyens. Ce qui n’est pas garanti puisque, pour obéir à Bruxelles, Macron ne cesse de raboter les subventions d’État aux Communes et que de plus en plus, ce seront de grandes « métropoles » déshumanisées et loin du terrain qui décideront au nom des maires.Bref, c’est une vision personnelle, sans doute dramatisée à outrance par mes angoisses protectionnistes. Pourtant c’est un drame bien réel qui pourrait très bientôt se jouer dans vos communes.
Et forcément, ce seront encore et toujours vos enfants qui en pâtiront le plus.