Le fonctionnement de la République tel que mis en place par la Révolution très simple dans son principe. A la base les communes, nombreuses et maillant le territoire, disposant des compétences soient seules soient en relais ou en appuis de l’Etat. Au niveau supérieur, les départements, échelon de la structuration de l’Etat déconcentré au niveau local, formés pour être à « portée de chevaux pour tout citoyen et briser les privilèges locaux ». Puis l’Etat. Les vagues successives dites de « décentralisation » instaurée sous la pression des potentats locaux et des recommandations de l’Union Européenne ont abouti à la création de « régions » et de « métropoles ». Echelons couteux supplémentaires divisant tout à la fois le pays tout en éloignant le pouvoir du peuple mais en le rapprochant de la main des potentats, économiques notamment, locaux. On ne le sait que trop peu, mais la division des pays en région est une des conditions d’adhésion à l’Union Européenne. De sorte que le triptique Etat Département Commune a éloigné le pouvoir politique selon le schéma Eurométropole (intercommunalité) Euro régions, Europe. Dans une analyse illustré, la commission économie du PRCF revient à travers un exemple sur cette situation.
Tout observateur de la vie politique française ne peut qu’être effaré devant l’empilement de couches successives des instances locales.
Prenons l’exemple de la région Île-de-France. Soit la commune de Montreuil. Celle-ci fait partie d’un territoire, terme nouveau produit par la loi NOTre , Territoire dénommé Est Ensemble et qui comprend par ailleurs huit autres communes. Elle est une des communes du département de la Seine-Saint-Denis qui lui-même est un département composant la région Île-de-France.
Mais l’ affaire ne s’arrête pas là car au-dessus du Territoire il existe désormais la Métropole du Grand Paris créée par la loi du 3 juin 2010. Aussi incohérent et grotesque que soit ce découpage en millefeuilles il ne doit en réalité rien au hasard.
On doit remarquer qu’il existe une première catégorie de ces collectivités locales, celles issues de la Révolution française, la commune et le département. Ces deux collectivités locales ont des instances délibérantes élues au suffrage universel direct. Le pouvoir gaulliste a introduit une première couche bureaucratique au-dessus des ces deux instances démocratiques : la Région. Dans un premier temps le conseil régional était élu au second degré par des collèges composés d’élus municipaux, départementaux, de sénateurs et de députés. Cette instance voulue par le pouvoir gaulliste visait à encadrer les instances démocratiques et déjà, à restreindre les compétences locales tout en déchargeant l’Etat d’une partie des ses responsabilités et en transférant une partie du poids des impôts nationaux sur les recettes fiscales locales.
La dérive bureaucratique s’est poursuivie et même accélérée de façon à court-circuiter toutes les instances élues au suffrage universel direct.
Il s’est agit d’une part des Territoires créés par la loi dite NOTre de 2015. La commune de Montreuil fait partie du territoire appelé Est Ensemble. Puis au-dessus du Territoire court-circuitant les instances démocratiques de base, communes départements et même la région, les Métropoles. Montreuil fait partie de la Métropole du Grand Paris. La première conséquence de cet empilement d’instances est la rupture avec l’élection au suffrage universel. Si une partie, minoritaire, des élus du Territoire est élue au suffrage universel direct, une discrète liste de candidats figurant au bas du bulletin de vote (10 élus) , la majorité (70 élus) est désignée par les conseillers municipaux des villes adhérentes.
La Métropole créée par la loi dite MAPTAM de 2014, ici celle du Grand Paris, est élue de façon totalement antidémocratique . Les élus du de la Métropole du Grand Paris sont tous désignés au second degré. le contournement des instances de gouvernance éloigne de plus en plus les citoyens des centres de décision. Tout devient d’une opacité extrême.
Si on on prend par exemple cette compétence cruciale qui est l’aménagement du territoire il est tout à fait clair que l’instance de décision ultime est la Métropole du Grand Paris. Les plans d’aménagement que ce soit un PLU local un PLUi de Territoire ou un projet régional tous devront respecter les schémas d’aménagement du territoire et et de développement définis bureaucratiquement par la Métropole.
L’un des effets pervers, outre l’éloignement des centres décisions du citoyen, est que les élus locaux totalement accaparés par des réunions aussi nombreuses que stériles auxquelles ils sont obligés d’assister ne serait-ce que pour savoir comment prendre leurs propres décisions puisque celles-ci devront respecter celle du Territoire ou de la Métropole, sont devenus eux-mêmes des bureaucrates désertant les rues de leur commune. Ainsi la bureaucratie s’est installé en force dans le paysage politique de la France. Soulignons une autre atteinte aux principes républicains: à des assemblées non élues sont attribuées des restes fiscales que d’autres collectivités, celles élues au suffrage universel direct, ont votées.
Pour donner une idée des rapports de force on peut et on doit se pencher sur les budgets et mesurer leur taille relative. Qui détient les finances détient le pouvoir.
Voici les chiffres pour l’année 2023
Le budget du Grand Paris qui est composé d’emprunt et de recettes fiscales. Mais comme nous le verrons ce budget n’est pas significatif, car à ce niveau seule compte la Société du Grand Paris.
Le budget d’investissement de la région Île-de-France est de 2,7 MDS € ( en autorisations de programme). La majeure partie de ce budget est absorbée par les compétences délestées par l’Etat : lycées, transports.
Le budget du département de la Seine-Saint-Denis et de 457 millions € dont 232 pour l’écologie et 93 pour l’éducation
Le budget du territoire Est Ensemble et de 92 millions €
Le budget de la commune de Montreuil est de 42 millions €
On constate de plus que ce qui reste de pouvoirs propres aux instances démocratiques sont en réalité des compétences que l’Etat a délégué aux collectivItés locales, faute de pouvoir en assumer le financement. C’est le cas très clairement des locaux de l’éducation nationale : école primaire pour les communes, collège pour les départements, lycée pour les régions.
Les financements du mille-feuille : un autre biais anti-démocratique
En 2011, la répartition de ces impôts entre les collectivités territoriales a été profondément modifiée : les communes et leurs groupements se voient attribuer le produit de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la CFE. Les départements récupèrent la taxe foncière sur les propriétés bâties, tandis les régions, comme les autres échelons locaux, bénéficient d’une part de la CVAE.
De façon plus générale les collectivités locales n’ont aucun pouvoir sur la détermination des impôts qui leur sont dévolus. En effet l’article 34 de la Constitution donne compétence au Parlement pour fixer les règles relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature.
Les dotations et subventions, dotation d’équipement des territoires ruraux DETR ; dotation de soutien à l’investissement local DSIL et dotation politique de la ville DPV ne sont délivrées que sur des projets décidés par l’État et par lui seul. Il ne s’agit donc ni d’aide aux projets locaux ni de subventions aux communes. C’est même tout le contraire, obligées de participer aux projets d’aménagement de l’État ce sont donc les communes qui financent l’État.
La situation est légèrement différente pour les départements. Certes les priorités concernant la DETR ne sont pas définies par la loi mais par une commission où les représentants des départements sont en minorité et où les instances non démocratiques comme les établissements publics de coopération et les instances nationales via les parlementaires jouent un grand rôle.
Bref tout le système fiscal légal est antidémocratique. Au final l’Etat décide de tout.
Les schémas d’aménagement : au sommet la compétence ultime
On peut ainsi mesurer aussi d’un autre point de vue à quel point les instances démocratiques ont été dépouillées de tout pouvoir réel ,en tout cas de tout pouvoir ayant un impact décisif sur la vie des citoyens. Il suffit pour cela de comparer les niveaux les compétences et leur imbrication hiérarchique reprenons l’exemple de l’aménagement du territoire.
La Métropole : Le SCOT
Voici pour les textes« La Métropole du Grand Paris exerce de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, la compétence en matière d’aménagement de l’espace métropolitain, qui comprend notamment l’élaboration du schéma de cohérence territoriale. » Il doit être compatible avec le SDRIF (Schéma Directeur de la Région Île-de-France) et s’imposera au PLU(i) – Plan Local d’Urbanisme (Intercommunal) – du territoire.
Mais qu’y at-il dans le SCOT ?
Ce document détermine le projet de la Métropole du Grand Paris et définit les grandes orientations en matière d’aménagement, d’urbanisme et de cadre de vie, etc., pour les 15 prochaines années.. Certes mais si on regarde les têtes de chapitre il s’agit de déclarations si vagues, si imprécises qu’en réalité il en sera comme de tous les projets d’aménagement de la région, et ce quelque soit leur niveau géographique., balloté par les réalités économiques Voici quelques exemples :
‘permettre aux quartiers en difficultés de retrouver une dynamique positive de développement ‘ Nul ne doute que ces quartiers seront ravis de la permission qui leur est accordée
‘Offrir un parcours résidentiel à tous les métropolitains’!
‘Conforter une métropole polycentrique, économie en espace vert équilibrée dans la répartition de ses fonctions’ Etc. Et le tout à l’avenant. Il y en a douze comme cela. Un pur style techno-bureaucratique qui derrière ses phrases ronflantes et généreuses, et qui en l’absence de planification contraignante laissera libre cours aux forces économiques dont la seule motivation est l’aménagement du territoire et la répartition des forces de travail à leur seul le profit.
Mais ce n’est pas tout enfonçant le clou anti-démocratique le SCOT inclut un cahier de recommandations pour l’élaboration des PLU i (intercommunaux; les PLU intercommunaux n’existent même plus).
Le plus important réside dans la volonté de cohérence. Au nom de ce principe on peut tout autoriser ou tout interdire. Ce sera selon.
.
Au delà de cette production d’un document d’aménagement la Métropole s’est révélée redoutablement inefficace dans sa capacité à atteindre les buts qui lui ont été fixés.. Tout ceci a été souligné dans un rapport très récent (2023) de la cour des Comptes .
Relevons les principaux points
- Un SCOT arrêté en 2022 qui ne fait que reprendre les orientations du SDRIF(mais lors quel intérêt) mais qui ne les décline pas localement;
- Une incapacité élaborer un schéma de l’habitat et de l’hébergement;
- Une seule opération en cours déclarée d’intérêt commun et seulement six opérations nouvelles.
- Aucun rôle joué en matière de redistribution des ressources entre collectivités locales.
Mais la métropole du Grand Paris c’est aussi et surtout la Société du Grand Paris
La Métropole : Société du Grand Paris
Créée en 2010 La Société du Grand Paris a pour mission la construction du futur réseau de transports en commun en rocade de la Région Ile de France. Sous forme d’un Etablissement public industriel et commercial elle est détenu à 100% par l’Etat. Ceci n’est pas choquant. On doit admettre que d’aussi grands travaux soient pilotés par l’Etat . Ce qui est choquant c’est d’une part la forme prise qui installe un mode de fonctionnement bureaucratique et d’autre part le mode de financement des travaux..
1- Lorsque nous parlons de bureaucratie ce n’est pas une exagération. Le conseil de surveillance de la société du Grand Paris, dont le mode de fonctionnement est ouvertement calqué sur celle des sociétés privées à conseil de surveillance et directoire, est composé majoritairement de représentants de l’État (11 ) tous des de techno-bureaucrates. Le directoire est composé de trois membres : le président un magistrat ex président d’une chambre régionale des comptes, un ingénieur général des ponts , un haut fonctionnaire des finances. Bref des personnalités d’une profonde incompétence en matière d’aménagement du territoire. On aurait aimé des géographes, des urbanistes ou des architectes. Mais comme dans la sphère privée plutôt des ‘managers’ que des gens de métiers. On voit où cela mène. On ne s’étonnera pas du sévère rapport de la Cour des Comptes sur la gestion de la Métropole du Grand Paris don nous citons la conclusion:
“La Cour alerte sur le dérapage considérable du coût prévisionnel de ce projet, sur les risques financiers qui en résultent et sur la fragilité de la situation dans laquelle se trouve la SGP. La maîtrise des délais et des coûts semble à ce jour très compromise, rendant inatteignable l’amortissement complet de la dette en 2070.”
Source : Rapport de la cour des Comptes- 2018-
2- Pour ce qui est du financement voici comment les choses des passent: la SGP emprunte , pour financer les travaux, sur les marchés financiers. Ces emprunts sont essentiellement des emprunts obligataires. Les intérêts de ces emprunts sont remboursés par les impôts des franciliens.
En 2021 i y avait 23 milliards d’emprunts obligataires inscrits au bilan(et 2,5 milliards
d’emprunts auprès d’organismes financiers). La même années les intérêts de ces emprunts se sont élevés à 178 millions € . Leur remboursement à été financés par une partie des recettes fiscales affectées. Celles-ci se sont élevées à 764 millions € , couvrant aussi l’ensemble des charges de fonctionnent de la SGP (456millions €). Ainsi la machine bureaucratique de l’Etat est subventionnée à 100% par les impôts des franciliens. À la grande satisfaction, semble t-il, de presque tous les élus de la région. Le Conseil de surveillance n’ayant jamais émis la moindre critique à l’encontre de cette construction.
Source : Rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels 2021.
Mais pourquoi surtout?
C’est qu’en fait ce sont les grands travaux d’infrastructure de transports en commun qui décident de la réalité du développement urbain et déchainent la spéculation foncière qui est une des tares majeures du capitalisme. Certes la SGP n’es pas seule à la manoeuvre. Il ya les prolongements de ligne de métro, comme ligne 11 à l’Est, les nouvelles lignes de tramway et bien sûr la grande rocade ferroviaire. Observez les quartiers qui seront nouvellement desservis. La spéculation foncière y fait rage; des zones pavillonnaires sont détruites, d’immenses ensembles d’habitat collectif, d’une densité à peine imaginable surgissent de partout.
La Région le SDRIF
Le document portant projet d’aménagement de la région s’intitule Ile e de France 2030
On ne peut être plus clair quant à la volonté d’encadrement des décisions communales: ‘Le SDRIF assure la cohérence des politiques publiques sectorielles des différents acteurs compétents et l’articulation des échelles temporelles et spatiales de l’aménagement. Le SDRIF offre un cadre, fixe des limites, impose des orientations et
laisse aux collectivités territoriales, au travers de leurs documents d’urbanisme locaux, la responsabilité de la traduction de ces grandes orientations au niveau local.
Quant au volontés exposées on retombe dans les figures du discours techno-bureaucratique. De ce point de vue le SCOT n’a rien inventé.
Le département : ensemble vide
Le Territoire le PLU de Territoire: le PLU i d’Est Ensemble
La loi dite « NOTRe » a transféré la compétence relative aux Plans Locaux d’Urbanisme aux Établissements Publics Territoriaux (EPT) au 1er janvier 2016. Le Plan Local intercommunal d’Est Ensemble remplace les Plans Locaux d’Urbanisme des communes membres et devient donc, pour l’ensemble des villes du territoire, le document opposable pour toute démarche de demande d’autorisation du droit du sol. On ne serait mieux dire
Mais dans un premier temps le Territoire a produit une projet de Territoire pour tenter de donner corps à cet ensemble de communes. Donc s’affirmer politiquement. Par ailleurs Est Ensemble a publié de nombreux plans et projets: contrat de développement territorial, plan air-climat énergie, plan local de déplacement, programme local de l’habitat/..etc..
Le PLUi a été adopté en février 2020. Ce plan : (nous citons) ‘remplace les PLU des neuf communes membres’. Ce plan se compose de très nombreux documents dont des plans de zonage de chacune des villes où même de leurs quartiers.
La Commune : le PLU communal
Le PLU communal n’est plus qu’un résidu local du PLUi et si on comprend bien la portée du PLUi, ce document n’est plus, opposable au tiers. Il est donc sans existence juridique.
On pourra nous faire remarquer que dans une large mesure ce PLUi reprend les dispositions des PLU locaux. Mais rien n’interdit une évolution beaucoup plus centralisatrice lorsque l’antériorité des plans communaux ne sera plus. Tout est en place pour cela incluant ce qu’on ne peur exclure: la quasi disparition des communes, tant leurs champs de compétences seront réduits.
La boucle est bouclée: du SCOT qui se réserve de juger de la cohérence des actions d’aménagement à la Région qui fixe le cadre et au PLUi qui se substitue au PLU tout a été mis en place pour éloigner le citoyen des cercles de décisions et qui dans sa vie quotidienne mesure l’hypocrisie des volontés affichées.
On ne s’étonnera pas du très sévère rapport de la Cour des Comptes sur l’organisation de la Métropole du Grand Paris. Ce qui est en cause c’est que la volonté anti-démocratique a accouché d”une monstre bureaucratique d’une complexité effroyable
Le sort particulier de Paris
Le politiquement pire de toute cette reconstruction est le sort qui a. été réservé à la Ville de Paris.
Par une loi de 2017 et depuis le 1 janvier 2019 , à la place de la commune et du département de Paris, la été mise en place une collectivité unique à statut particulier, Ville de Paris, exerçant à la fois les compétences de la commune et du département.
Donc exit la Commune de Paris. Il s’agissant à n’en pas douter d’effacer toute trace institutionnelle d l’existence de la commune de Paris, donc d’effacer d cela mémoire politique collective la Commune de Paris institué dès le 12 juillet 1989 et dont l’installation est à l’origine de la première irruption du peuple le 14 juillet et qui par exemple le 10 août 1792 en une nouvelle insurrection oblige lAssemblée nationale à reconnaître officiellement la Commune insurrectionnelle. Quel cauchemar pour la bourgeoisie!
Mais il fait effacer un cauchemar encore plus grand : La Commune de Paris de 1871, premier gouvernement ouvrier dans l’histoire. La bourgeoisie en frémit encore. Mais ouf il n’y a plus que la Ville de Paris!
Voilà à quelles torsions de l’histoire en est réduit pour combattre le peuple.