Vague de grèves dans l’automobile en Corée du sud dans les usines Renault, Hyundai et Kia : 100 000 ouvriers dans la lutte
Article repris de http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
La Corée du sud est un modèle régulièrement avancé par le patronat français, tel Pierre Gattaz en décembre dernier : « la Corée du sud, elle, a fait le pari de l’entreprise ». Pas un hasard : heures de travail à rallonge, cadences infernales, précarisation, répression anti-syndicale. Mais les travailleurs coréens ne se laissent plus faire et engagent la riposte.
Le mouvement de grèves qui touche l’industrie automobile est une première. Non que le secteur soit calme ces dernières années : ainsi, c’est la troisième année de suite que Hyundai connaît des mouvements de grève, et Renault a connu huit grèves partielles depuis le début de l’année.
La nouveauté, c’est que ces grèves ont pris une forme coordonnée, entre les salariés de Hyundai et Kia. Le 14 août, 70 % des 47 000 syndiqués de Huyndai ont voté la grève, rejoint par les 30 000 syndiqués de Kia. Ce 22 août, une grève de 4 heures a été organisée chez Hyundai et Kia.
Ce sont désormais les ouvriers de Renault (propriétaire de Samsung Motors) qui partent pour un mouvement de grève. Ils ont refusé le 29 août un plan de la direction – après plusieurs grèves perlées, partielles depuis juillet – bien inférieur à leurs attentes.
Déjouer le piège patronal : intégrer les bonus réguliers au salaire
L’enjeu, c’est l’intégration des bonus octroyés sur une base régulière comme paye régularisée. La Cour suprême en décembre 2013 a donné raison aux syndicats en incitant les entreprises à intégrer les bonus réguliers au salaire.
Pour le patronat sud-coréen, payer les travailleurs en bonus réguliers a plusieurs avantages :
1 – il pousse les travailleurs à accepter une sur-exploitation par des « incitations à la production », supposant une intensification des cadences, des heures supplémentaires ;
2 – cela introduit de même une logique d’intéressement à la performance de l’entreprise, patrons et ouvriers étant dans le même bâteau pour augmenter la production, être « compétitif » ;
3 – enfin, cela permet d’éviter aux patrons du secteur de payer les cotisations sociales patronales assujetties au salaire, donc de rogner sur les avantages sociaux des salariés : les congés payés, les allocations maladie, les retraites bien entendu.
La lutte actuelle montre que les syndicats ne sont plus dupes et les avances du patronat proposant de sérieuses revalorisations des bonus ont rencontré, pour l’instant une fin de non-recevoir.
« Si l’entreprise continue, on lancera une grève illimitée »
Ainsi, le 29 août, les salariés de Renault ont refusé une hausse de 48 € du salaire mensuel, accompagné de « bonus lié à la production » de plusieurs centaines d’euros. Ils réclament une hausse de 90 € du salaire, après un gel des salaires de deux ans.
Chez Hyundai et Kia, les salariés ont refusé le plan de la direction consistant à accorder de nouveaux bonus en échange d’heures supplémentaires le week-end. Les travailleurs réclament une hausse du salaire de 100 € par mois, ainsi que la garantie d’être employé jusqu’à 60 ans.
Les syndicats ont durci le ton, si on suit la déclaration commune à la fin du mois de juillet de Lee Gyeong-hun, responsable du syndicat à Hyundai et Kim Jong-seok, son homologue à Kia :
« La Cour suprême a confirmé l’an dernier que les bonus réguliers devaient devenir salaire régulier, mais Hyundai-KIA a dit qu’il ne l’accepterait pas … Si l’entreprise veut s’embourber dans une catastrophe avec ces négociations malhonnêtes, on lancera une grève illimitée ».
Lutte de classes en Corée du sud :
un syndicat de classe et de masse face à un patronat intransigeant
Les deux syndicats présents dans les entreprises font partie du KMWU (Syndicat des travailleurs de la métallurgie coréenne), la première fédération de la puissante et combative Confédération coréenne des syndicats (KCTU).
La KCTU compte 700 000 syndiqués, elle est une des deux grandes confédérations syndicales mais représente une alternative à la FKTU proche du pouvoir et du patronat. Elle est connue pour ses positions de lutte de classe, illustrées par les grandes grèves des années 1990.
Le patronat sud-coréen, lui, n’hésite pas à brandir le bâton après la carotte.
Alléguant de pertes de 50 millions d’euros dans les usines Hyundai et Kia (après la grève de 4 heures), le chaebol (monopole sud-coréen) prétend même que les syndicats lui ont coûté depuis 1987 (la fin de la dictature!) la somme de 11 milliards d’euros.
Face à ce péril syndical, Hyundai envisage deux solutions : l’embauche de travailleurs temporaires en substitution des travailleurs réguliers, la délocalisation.
A titre d’exemple, Hyundai délocalise une partie importante de sa production en Chine, envisageant de passer dans les prochaines années de 500 000 à 1 million de voitures produites dans le pays voisin. Actuellement, le groupe sud-coréen ne produit plus que 40 % de ses autos au pays.
Pourtant, Hyundai est loin de se porter mal : après avoir réalisé 1 milliard d’euros de profits en 2012, il a encore augmenté ses marges atteignant les 1,3 milliard en 2013. Selon les analystes, l’année 2014 devrait être marquée pour Hyundai par des profits records.
La Corée du sud, géant émergent de l’automobile
La grève lancée par plus de 100 000 ouvriers syndiqués du secteur n’est par ailleurs pas anecdotique. La Corée du sud est en effet devenu en quelques années un géant de l’industrie automobile.
La Corée du sud occupe désormais la cinquième place mondiale en termes de production automobile – derrière le Japon, la Chine, les Etats-unis et l’Allemagne – avec 4,5 millions d’autos assemblées en 2013, c’est quatre fois plus qu’il y a vingt ans.
Elle détient même le record du nombre d’automobiles produites par tête : 9 pour 100 habitants contre 2 pour 100 en Chine, 6 pour 100 en Allemagne, 7 pour 100 au Japon.
Le contraste est saisissant avec le déclin de l’industrie automobile française : encore numéro 4 mondial en 1994 avec 3,5 millions de voitures, elle est désormais à la 13 ème place mondiale avec 1,7 millions d’automobiles produites l’an dernier.
Après la grève héroïque des cheminots sud-coréens en décembre dernier, le mouvement des enseignants pour lutter contre l’interdiction de leurs syndicats au nom de l’anti-communisme, la grève des ouvriers de l’automobile sud-coréens ne peut qu’emporter tout notre sympathie.