Peu avant la Toussaint, Macron inaugurera la Cité Internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Le Pôle de Renaissance Communiste en France dénonce cette mascarade.
Le pouvoir actuel succède à plusieurs Présidents euro-formatés qui n’avaient et n’ont d’autre souci que d’ouvrir notre pays à la soif de profit des multinationales. Il assume pleinement la volonté de celles-ci d’instaurer « une langue mondiale unique du travail et des échanges ». Désormais sans la Grande-Bretagne, l’Union Européenne use et abuse du Globish sans la moindre considération pour les identités multiples du Vieux Continent.
Une collaboration linguistique systématique des pouvoirs publics
Mais l’arrachement de notre langue ne se cantonne plus au domaine des affaires plus ou moins décorées de vocables inédits à prétention technologique. Les « collabos de la pub’ et du fric » pratiquent ce globish sans vergogne dans l’espace public. Les institutions publiques et subventionnées ne sont pas en reste.
Heureux les Français qui détiennent une carte d’identité antérieure à 2021 ! Les autres sont condamnés, soit à se priver de ce document pourtant parfois utile, soit à se présenter comme les résidents d’un Bantoustan excentré du grand empire anglosaxon imposant ses phonèmes dans leur portefeuille.
Les chaînes de l’étrange lucarne nous font subir lors du retour de l’« Eurovision » la pétainiste capitulation de porte-voix hexagonaux se ralliant à la langue des (très estimables) Beatles.
Pressés d’intimer aux structures culturelles subventionnées le dernier oukase du quai d’Orsay, les hiérarques de la rue de Valois « oublient » les nombreux musées et théâtres pratiquant un bilinguisme au mépris d’une loi Toubon dont un document ministériel célèbre les 30 ans. Cela, juste après que la Ministre de la Culture a prononcé, fin Septembre un discours « pour la clôture (…) de « Think Culture », organisée par News Tank Culture »… cela se passe de commentaires… Cette même ministre rappelait à Cannes que le cinéma est largement subventionné, mais pas au point d’exiger la traduction systématique des titres de film !
Bien souvent subventionnés eux aussi, les arts plastiques n’ont de cesse d’utiliser un « globish » sensé leur ouvrir les portes des foires new-yorkaises. On honore à Villers-Cotterêts le très discutable François 1° pour mieux faire visiter dans la « Loire Valley », les châteaux édifiés de son temps. Le pouvoir macronien relayé par toute une bureaucratie culturelle s’inscrit ainsi totalement dans une politique linguistique impérialiste promouvant méthodiquement l’anglo-américain aux dépens du français. Cette politique linguistique et culturelle hégémoniste est arrogamment portée depuis des décennies par les Etats impérialistes anglo-saxons, USA et Royaume-Uni en tête.
Ne pas confondre patriotisme populaire et nationalisme xénophobe
Dans le même temps, un certain gauchisme culturel de nature pseudo-internationaliste limite la résistance des masses populaires et du mouvement ouvrier à l’alignement linguistique continental et mondial des peuples, certaines forces ayant intégré l’idée fausse que toute défense des caractéristiques nationales serait assimilable à une forme de chauvinisme xénophobe. Certes le colonialisme français a pu naguère utiliser le français pour nier l’identité des peuples colonisés ou pour refouler les langues indigènes…
Mais la dénonciation du colonialisme hérité du passé et se survivant au présent sous la forme de la « Françafrique » néocoloniale (dont le recul du Mali au Niger est une excellente chose), ne doit pas servir de prétexte pour justifier, ou pour accompagner en silence l’entreprise culturelle néocoloniale d’envergure planétaire qui vise à soumettre désormais toutes les nations, toutes les langues et toutes les cultures existantes à une seule d’entre elles, celle qui émane de l’espace impérialiste-hégémonique anglo-saxon, et dont la domination en marche cherche encore à s’étendre et à s’intensifier.
Il ne faut pas davantage confondre le patriotisme populaire et démocratique avec le nationalisme xénophobe, qu’il ne convient d’identifier le cosmopolitisme capitaliste des chasseurs de profit avec la solidarité internationale des peuples et des travailleurs en lutte ! C’est d’autant plus nécessaire que des forces de droite, voire d’extrême-droite comme l’est en France le Rassemblement lepéniste, exploitent et dévoient les justes aspirations des peuples à défendre leur souveraineté et à parler fièrement leur propre langue maternelle pour, en réalité, encourager le racisme et la xénophobie, diviser la classe travailleuse sur des critères « ethniques », tout en maintenant la France dans le carcan des institutions mortifères de la mondialisation capitaliste et euro-atlantiste !
Lier les enjeux linguistiques et culturels aux questions de classe
Ne sous-estimons donc pas les enjeux culturels du combat de classe et ne cantonnons pas la bataille sociopolitique sur le seul terrain économique et social, en un mot, sur le terrain syndical. Ce serait ignorer l’appel de Lénine à investir l’ensemble des terrains sociétaux en mettant la classe ouvrière et son parti communiste au premier rang des luttes démocratiques et culturelles, dont font partie la défense de la langue nationale et, plus largement, celle de la souveraineté nationale. Comme l’a en effet écrit Antonio Gramsci, le grand dirigeant communiste et antifasciste italien qui était par ailleurs linguiste de formation :
« A chaque fois qu’affleure, d’une manière ou d’une autre, la question de la langue, cela signifie qu’une série d’autres problèmes est en train de s’imposer : la formation et l’élargissement de la classe dirigeante, la nécessité d’établir des rapports plus intimes entre groupes dirigeant et masse national-populaire, c’est-à-dire de réorganiser l’hégémonie culturelle. »
Plus que jamais, il faut lier les enjeux culturels et sociétaux de l’affrontement de classes avec les dimensions socio-économiques de la lutte. C’est du même mouvement que, dans sa course obsédante au profit maximal, le capital oligarchique s’en prend aux conquêtes sociales des travailleurs, aux services publics, à l’emploi industriel, halieutique et agricole national, et qu’il démolit aussi l’ensemble des repères linguistiques, historiques et culturels des peuples, car un peuple privé de sa langue et de sa mémoire n’est plus qu’une multitude avilie, sans défense et privée de dignité.
A Villers-Cotterêts comme ailleurs, le Pôle de Renaissance Communiste en France appelle donc à une résistance linguistique multiforme face à l’industrie américaine de la chanson et du spectacle, au tout anglais à l’Université, dans la communication officielle et dans le Monde du Travail !