C’est une situation inédite, plus d’une douzaine d’associations disciplinaires de professeur ont lancé une pétition pour stopper la réforme du lycée, pétition qui en deux semaines a reçu plus de 10 000 signatures. Macron, et son sinistre ministre Blanquer, homme de l’ombre de la casse de l’éducation nationale sous Sarkozy dont on peut déjà mesurer le tragique bilan, ne comptent écouter ni les lycéens, ni les parents d’élèves ni les profs. Mais uniquement obéir aux ordres du MEDEF, et appliquer la politique de privatisation et libéralisation de l’Éducation Nationale. Et ce le plus brutalement et le plus rapidement possible. C’est que l’école, l’enseignement supérieur, sont de très juteux marchés potentiels pour les multinationales. Les grands perdants seront les enfants de travailleurs, privés d’une école de qualité pour tous, et les travailleurs, privés de diplômes nationaux garantissant l’égalité des droits, préservant les niveaux minimums des salaires dans chaque branche. Alors, la question posée est bien de savoir ce qu’attend le peuple de France pour se mobiliser et défendre ses droits !
Lettre ouverte à M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale
Paris, le 29 janvier 2018
Monsieur le Ministre,
Le rapport Baccalauréat 2021 vous a été remis par M. Pierre Mathiot le 24 janvier 2018 et vous avez aussitôt annoncé la présentation d’un projet final en Conseil des ministres le 14 février. Ce calendrier précipité ne laisse donc que trois semaines pour la concertation à laquelle vous vous êtes engagé. Aux dires mêmes de Pierre Mathiot, la réforme du baccalauréat entraîne nécessairement celle du lycée. Ce délai est donc dérisoire.
Le projet qui vous a été soumis prévoit une transformation substantielle du baccalauréat et du lycée. Une réforme d’une telle ampleur doit s’appuyer sur un large consensus. Elle suscite pourtant de vives inquiétudes et de fortes réserves.
La Conférence des associations de professeurs spécialistes s’inquiète de l’extension du contrôle continu. Ce mode d’évaluation pose la question de l’égalité de traitement entre les élèves. En outre, la responsabilité que représente cette forme d’évaluation risque de soumettre les enseignants à des pressions de divers ordres. Pierre Mathiot, dans son rapport, partage nos inquiétudes, mais, de son propre aveu, ne voit pas quelle solution satisfaisante y apporter.
La semestrialisation proposée conduira à une discontinuité des apprentissages, alors que les élèves ont besoin de temps pour s’approprier des connaissances et développer des compétences disciplinaires, dans un cadre rigoureux qui évite la dispersion.
La complexité de l’architecture envisagée, qui articule d’abord « unité générale », puis « unité d’approfondissement et de complément » et enfin « unité d’accompagnement », démultipliant « majeures », « mineures » et « mineures optionnelles », est telle qu’elle ne sera compréhensible que par les initiés. Cela renforcera les inégalités sociales, aboutira à une concurrence délétère entre les disciplines et les établissements, brouillera les repères de l’orientation, et compliquera à l’excès la rédaction des programmes.
Ce dispositif complexe ne garantit même pas une plus grande liberté aux élèves, puisque leur choix se limite à une option, contre deux aujourd’hui. Les établissements les plus isolés territorialement seront particulièrement pénalisés.
Nous nous inquiétons du silence du rapport quant aux groupes à effectifs réduits, qui sont pourtant une nécessité pédagogique, et plus généralement, quant aux moyens dégagés pour la mise en œuvre d’une telle architecture.
Nous nous inquiétons également de la présence annoncée dans les jurys de l’épreuve dite de « Grand oral » d’une personne dont rien ne garantit les compétences pour évaluer équitablement un candidat. En outre, nous nous interrogeons sur cette nouvelle épreuve, aux attendus très flous, qui devrait représenter 15 % du baccalauréat.
Nous nous étonnons enfin du peu de place que le rapport réserve aux transformations envisagées dans la voie technologique.
Aucune réforme d’une telle ampleur ne peut se faire à marche forcée. Les délais annoncés conduiraient, en l’état, à définir des épreuves, et à écrire des programmes dans la précipitation. Un tel calendrier est manifestement déraisonnable.
C’est pourquoi nous vous demandons un moratoire sur la réforme du baccalauréat et du lycée.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération,
- APBG, Association des professeurs de biologie et de géologie
- APEMu, Association des professeurs d’éducation musicale
- APHG, Association des professeurs d’histoire-géographie
- APLettres, Association des professeurs de lettres
- APMEP, Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public
- APPEP, Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public
- APSES, Association des professeurs de sciences économiques et sociales
- APSMS, Association des professeurs de sciences médico-sociales
- CNARELA, Coordination nationale des associations régionales des enseignants de langues anciennes
- Les Clionautes, Les historiens et les géographes de l’avenir
- Sauver les lettres
- SLNL, Société des langues néo-latines
- UdPPC, Union des professeurs de physique et de chimie