Une « journée d’études » pour une « histoire du consensus »
Le 8 juillet dernier, Sciences Po Alumni, l’association des ancien(ne)s étudiant(e)s ayant fréquenté la rue Saint-Guillaume, annonce la tenue d’une « journée d’études » le 4 septembre 2020, intitulée « 1870-2020 : 150 ans de République »[i]. Outre le titre très orienté, la formule interpelle en cela qu’elle consiste en une « Journée d’études organisée par l’Assemblée nationale et le Comité d’histoire parlementaire et politique, avec le soutien de Sciences Po Alumni, sous le haut patronage de Monsieur le Président de l’Assemblée nationale ». Ou comment honorer l’« histoire consensuelle » chère aux « historiens » de Sciences Po Paris, habitués à la fréquentation assidue des hommes au pouvoir (« neutres » et « consensuels », probablement).
D’emblée, le titre de la journée d’études a de quoi surprendre. Bien évidemment, la journée du 4 septembre n’est pas anodine, puisque Gambetta proclama la République en 1870, contraint et forcé par une foule révolutionnaire ; c’est également le 4 septembre 1958 que le général de Gaulle annonça la tenue d’un référendum pour faire approuver la constitution de la Ve République, rédigée alors que de Gaulle exerçait les pleins pouvoirs depuis début juin. Bien évidemment, la tenue d’une telle journée le 21 septembre (jour de proclamation de la Première République) ou le 23 février (jour de proclamation de la Deuxième République) ne peut être envisagée puisqu’il s’agit de fêter 150 ans, chose difficilement réalisable pour les deux premières républiques respectivement proclamées en 1792 et 1848. Mais l’intitulé résume à lui seul la pensée des « historiens » et « politiques » prétendument « républicains », qui renvoient aux oubliettes de l’histoire la Première et la Deuxième Républiques ; il est vrai que ces deux régimes eurent le tort de naître en pleine révolution sociale et politique, une chose inacceptable pour les tenants de l’« histoire consensuelle » (ou encore « histoire apaisée ») : c’est ainsi que Serge Berstein, spécialiste du parti radical sous la IIIe République, résuma son article intitulé « Les caractéristiques de la culture républicaine) et publié dans les Cahiers français en 2007, par la formule suivante : « Il semble que l’on assiste aujourd’hui à la mise en place d’une culture politique républicaine plus consensuelle » (« il semble » étant le minimum syndical de précaution sémantique critique que l’on puisse prendre).
Pour les partisans de « l’histoire consensuelle », les deux premières républiques n’obéissent pas à cette logique : épousant les vues de l’école antitotalitaire et anticommuniste incarnée par François Furet, ceux-ci s’engagent dans un vibrant plaidoyer républicaniste selon lequel la Troisième République met un terme définitif à la Révolution française, cette horreur dévoyée par la (fantasmée) « Terreur » robespierriste – terme désuet et dénoncé par les historiens, à l’image de Jean-Clément Martin récent auteur deLes Échos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’État, 1794-2018 – puis par les « rouges » en 1848. Furet s’extasie dans son ouvrage Penser la Révolution française– aux conséquences désastreuses pour l’histoire critique (cela est implicite quand on pratique réellement la discipline…) – sur la fin de la Révolution française affirmant qu’« avec la fondation de la République sur le suffrage populaire, et non plus sur l’insurrection parisienne, la Révolution française est enfin ‘‘terminée’’ »[ii][(ce que le « premier flic de France » Clemenceau considérait comme faux). Et c’est ainsi que les « spécialistes » de Sciences Po, forcément « neutres », développent les contes pour enfants martelés dans les programmes scolaires depuis des décennies : la « bonne Révolution » (bourgeoise et libérale) de 1789 et la « Terreur » de 1793-1794 ; la « République apaisée » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Christophe Bellon évoquant l’action d’Aristide Briand au sujet de la laïcité (Christophe Bellon est membre correspondant du Centre d’histoire de Sciences Po Paris et a reçu le prix de thèse 2010 de l’Assemblée nationale), et ce après avoir massacré la Commune de Paris ; la « culture républicaine » bien ancrée à partir des années 1880, au point qu’affirmer qu’il y a bien eu trahison des grands industriels, banquiers, technocrates, politiques réactionnaires et fascistes, etc., en 1940 relève du « complotisme » pur et simple (l’historienne Annie Lacroix-Riz peut en témoigner[iii]) ; enfin, « la fin de la guerre froide » consacrant « la fin de l’Histoire », forcément caractérisée par le triomphe de la « démocratie libérale », de « l’économie de marché » et de la « société de consommation », suivant en cela – même inconsciemment – les préceptes des idéologues Walt Rostow, auteur en 1960 des Etapes de la croissance économique : un manifeste anticommuniste (tout un programme !), et Francis Fukuyama, célébrés par la presse aux ordres du monde capitaliste euro-atlantique.
Le mandarinat au sommet : la symbiose Sciences Po-Macron
La fréquentation du pouvoir pour les « historiens » et autres spécialistes du genre n’est pas une nouveauté à Sciences Po Paris : depuis des décennies, « sondagiers », « experts » en tout genre, « historiens », « politistes », se succèdent sur les plateaux télés des médiacrates qu’ils connaissent bien et fréquentent assidument. On ne sera pas surpris que : René Rémond, « père de la science politique » et ancien président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP, composante de Sciences Po Paris) ; Pascal Perrineau, président de Sciences Po Alumni, professeur des universités à Sciences Po Paris, pourfendeur des « populismes » … et garant de « l’indépendance » du « Grand débat national » organisé par Macron en 2019 pour étouffer la révolte des gilets jaunes ; Dominique Reynié, professeur des universités à Sciences Po Paris, également pourfendeur des « populismes » et président de la « Fondation pour l’innovation politique » liée aux faux « Républicains » ; ou encore Olivier Duhamel, professeur des universités à Sciences Po Paris qui célébra la qualification de Macron au second tour de la présidentielle à la Rotonde le 23 avril 2017, exercent une hégémonie totalitaire sur les plateaux télévision et soient si proches du pouvoir. Ces « scientifiques » sont alors amenés à organiser des colloques sur des présidents de la République en compagnie des principaux intéressés : à partir de 2002 fut organisée une série de colloques sur « Les années Giscard » avec l’ancien président « libéral, centriste et européen » (comme se définit Giscard en 1974) par le Centre d’histoire de l’Europe du XXe siècle (CHEVS) et l’Institut pour la démocratie en Europe, deux « organes de recherche » rattachés à Sciences Po Paris ; par la suite, René Rémond, Serge Berstein et Jean-François Sirinelli publièrent, sous la forme de plusieurs ouvrages, les « actes des journées d’études » qui s’étaient déroulées au Palais du Luxembourg, siège du Sénat. C’est cela, la « touche » Sciences Po.
Mais la « journée d’études » organisée en cette année 2020 franchit un nouveau cap dans l’allégeance totale envers le pouvoir macroniste. En effet, le programme annonce qu’a lieu un « débat » intitulé « Valeurs et pratiques républicaines », avec pour principal intervenant… tout simplement Emmanuel Macron ; et voilà qu’un président de la République en exercice, clivant le pays plus que jamais, est invité par les « historiens consensuels » pour parler des « valeurs et pratiques républicaines ». Bien entendu, le gratin des « historiens » est mobilisé pour l’occasion, à commencer par Jean Garrigues, président du Groupe d’histoire parlementaire et politique et chargé de la « Présentation générale » de la journée d’études, avant de participer à la « discussion » avec un exposé intitulé « Incarner la République ». Naturellement, le grand public ignore que Jean Garrigues a signé la tribune « Des universitaires et chercheurs [qui] appellent à soutenir Emmanuel Macron » dès le premier tour de la présidentielle[iv], et que « l’historien » pratique la propagande à grande échelle sur Twitter[v] : tantôt condamnant « la CGT [qui] organise une grève qui n’a d’autre but que faire parler d’elle. C’est pitoyable ! », « Alors que l’Etat et tous les Français se mobilisent contre le Covid-19 » (30 août) ; tantôt soulagé « d’entendre les propos à la fois pragmatiques et humanistes d’Éric Dupond-Moretti » sur la justice (1erseptembre) ; tantôt regrettant qu’« aussitôt annoncé, le Ségur de la Santé, un plan sans précédent, suscite récriminations et polémiques syndicales » (22 juillet) ; tantôt fustigeant « le commentaire hallucinant et mensonger de Mélenchon sur le combat d’Emmanuel Macron au Sommet européen. Décidément, il est irrécupérable ! », alors qu’« Emmanuel Macron et Angela Merkel se battent au Sommet européen contre les égoïsmes nationaux, et c’est un combat historique pour ceux qui croient en l’Europe » (20 juillet), avant de se réjouir qu’« il est incontestable qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ont remporté une belle victoire pour l’Europe lors du Sommet européen… Et maintenant, on attend les critiques de Mélenchon et des autres, dont c’est la raison d’être ! » (21 juillet). Le niveau d’obséquiosité, de flagornerie et de déférence absolue envers la macronie de la part de cet « historien » atteint des sommets ; mais ce dernier ne peut avoir le temps de pratiquer son métier puisque, au-delà de son rôle de petit télégraphiste qu’il exerce avec passion, Jean Garrigues « commente l’actualité ce soir de 18h à 19h dans« Punchline » sur C-News avec Laurence Ferrari » (25 août) – il est vrai que le « commentaire » n’est pas aussi harassant que le réel travail d’historien passant des jours entiers à consulter et analyser des archives de manière critique.
Le pedigree des autres intervenants conforte l’exercice de servitude volontaire : le débat auquel participe « Jupiter » est présidé par Jean-Noël Jeanneney, « historien » et ancien ministre, sévissant souvent sur France Culture (qui peut être qualifiée d’officine officielle de la macronie) ; Marcel Gauchet, le « philosophe libéral » vouant aux gémonies Robespierre et soutien initial de Macron – avant de constater qu’il « a échoué sur tout » au sujet des gilets jaunes, est également présent ; tout comme Leïla Slimani, qui soutint Emmanuel Macron au second tour en 2017 « par adhésion », car « la jeunesse, la modernité d’Emmanuel Macron – également fervent défenseur de l’égalité des hommes et des femmes – donneront un nouvel élan à la France, qui est actuellement enlisée dans une forme de grand pessimisme »[vi]puis devient sa représentante personnelle pour la francophonie – avant de prendre des distances.
Un plaidoyer « républicaniste » pour un monarque antirépublicain
Les « intellectuels du consensus » n’étant pas à une contradiction près, il ne leur vient pas à l’idée que Macron puisse incarner la droite autoritaire et réactionnaire, détruisant les fondements mêmes de la République sur laquelle ils sont amenés à « réfléchir ». Rappelons simplement que Macron et ses laquais :
- promeuvent un « pacte girondin » accélérant l’euro-dissolution de la République avec le « droit à la différenciation » des territoires, consacré par un amendement adopté par l’Assemblée nationale le 12 juillet 2018[vii] et prôné par Jean Castex dans son discours du 15 juillet dernier[viii] – ce qui se traduit déjà par l’existence de l’« euro-département » de Moselle et la « Communauté européenne d’Alsace », alors que l’article 1 de la Constitution stipule : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’;égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’;origine, de race ou de religion. » ;
- accélèrent le « saut fédéral européen » afin de constituer une « souveraineté européenne » totalement antinomique avec l’article 3 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) selon lequel « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » ;
- « subordonnent la délivrance du diplôme de toute licence, de toute licence professionnelle, de tout DUT et de tout BTS à la présentation d’au moins une certification en langue anglaise, rendant ainsi la maîtrise de la langue anglaise obligatoire pour l’obtention de ces diplômes »[ix], violant ainsi de manière flagrante l’article 2 de la Constitution selon lequel « la langue de la République est le français » ;
- amplifient l’euro-démantèlement des services publics et l’euro-destruction des conquêtes sociales et démocratiques pourtant clairement énoncées par la Constitution de 1946[x] et la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) de décembre 1948[xi] – sans même évoquer la DDHC insérée comme préambule de la Constitution du 24 juin 1793[xii], la plus démocratique de l’histoire de France.
N’attendons pas plus de ces « spécialistes » qu’ils révèlent le caractère et la pratique profondément antirépublicains du monarque Macron, qui donna sa vision de la Révolution française à l’été 2015 : « Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. »[xiii]. Pourtant, Nicolas Roussellier, qui participe à cette « journée d’études », décrit bien la conception du pouvoir de Macron dans La force de gouverner : « les vieux concepts de pouvoir exécutif, de pouvoir législatif ou bien même encore de régime représentatif sont probablement aujourd’hui dépassés » car « la démocratie exécutive contemporaine représente une forme de réhabilitation de ce « pouvoir personnel »; que des générations de républicains avaient appris à détester au XIXe et au début du XXe siècle. Elle a réussi à légitimer, y compris aux yeux de la gauche, la nécessité de concentrer la presque totalité des pouvoirs au profit d’;un Exécutif puissant et moderne. »[xiv]. Autant d’éléments faisant de Macron un moteur de l’euro-fascisation catastrophique frappant la République[xv] et déroulant un véritable « tapis brun » au prétendu « Rassemblement national ».
Macron, l’héritier du « Redressement français »
Gageons que les participants de cette « journée d’études » auront à cœur de se demander à qui comparer Macron : de Gaulle ? Napoléon ? Clemenceau ? Mitterrand ? Ils ne songeront certainement pas Pierre Laval, pourtant plus approprié pour une comparaison comme l’atteste ce discours du 22 juin 1942 : « On parle souvent d’Europe, c’est un mot auquel, en France, on n’est pas encore très habitué. On aime son pays parce qu’on aime son village. Pour moi, Français, je voudrais que demain nous puissions aimer une Europe dans laquelle la France aura une place qui sera digne d’elle. Pour construire cette Europe, l’Allemagne est en train de livrer des combats gigantesques. Elle doit, avec d’autres, consentir d’immenses sacrifices. Et elle ne ménage pas le sang de sa jeunesse. Pour la jeter dans la bataille, elle va la chercher dans les usines et aux champs. Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout. Ainsi donc, comme je vous le disais le 20 avril dernier, nous voilà placés devant cette alternative : ou bien nous intégrer, notre honneur et nos intérêts étant respectés, dans une Europe nouvelle et pacifiée, ou bien nous résigner à voir disparaître notre civilisation.[xvi]. Une intégration passant par l’inévitable « couple franco-allemand » et la soumission croissante envers l’Allemagne réactionnaire et capitaliste, comme le démontre la signature du traité d’Aix-la-Chapelle (l’Empire carolingien est ressuscité !) le 22 janvier 2019, traité selon lequel « les deux États approfondissent l’intégration de leurs économies afin d’instituer une zone économique franco-allemande dotée de règles communes. Le Conseil économique et financier franco-allemand favorise l’harmonisation bilatérale de leurs législations, notamment dans le domaine du droit des affaires, et coordonne de façon régulière les politiques économiques entre la République française et la République fédérale d’Allemagne afin de favoriser la convergence entre les deux États et d’améliorer la compétitivité de leurs économies » (article 21)[xvii] ; ou comment rallier sans sourciller l’ordo-libéralisme allemand déjà triomphant au sein de l’Union européenne…
Et quitte à établir une comparaison appropriée pour le « républicain » Macron, évoquons les industriels, banquiers et technocrates du Redressement français fondé en 1925 par le magnat de l’industrie électrique et pétrolière Ernest Mercier, désireux de « rassembler l’élite et éduquer les masses » pour « moderniser » la vie politique française (dans un sens réactionnaire) et en finir avec les « archaïsmes » sociaux (grèves et syndicats). Mercier s’appuie sur le comte Edmond de Fels, auteur de… La Révolution en marcheen 1925 puis d’un Manifeste pour une révolution sociale en 1941 (dont on imagine aisément le contenu), fondateur de la nouvelle version de la Revue de Paris qui présente le Redressement français dans un article publié le 1ermai 1926 (sans doute une coïncidence), à savoir un groupement fondé par des « industriels et des intellectuels inspirés par un sentiment de patriotisme », ayant« pour mission la défense des intérêts généraux de la France » face à la« crise morale, financière et sociale, provoquée par les erreurs de l’Ecole dirigeante » ; ces erreurs seront réparées grâce à « un esprit dégagé de toute passion politique, de toute influence de parti », grâce à « leur compétence de directeurs de grandes affaires, leur habitude du pragmatisme » : « Voilà la nouveauté, voilà l’originalité du Redressement français ». Le but principal ? « Rendre l’État à sa mission véritable, le faire rentrer dans ses limites, réviser ses fonctions et lui reprendre ce que nous n’osons dire qu’il ait usurpé, car nous le lui avons trop souvent abandonné », face aux deux dangers « les plus apparents de l’heure présente, (…) le communisme et la banqueroute ». Le moyen ? Créer des commissions chargées de « mettre au point des projets clairs, positifs, concrets, prêts à l’application immédiate » par les représentants nationaux et les gouvernement[xviii]. Précisons que l’écrasante majorité de ces « élites » technocratiques et économiques collabora massivement avec l’Allemagne nazie et expérimenta les idées corporatistes et « managériales » au sein de « l’Etat français » fasciste.
« La » République détruite par la servitude volontaire des mandarins
Cela fait plus de 150 ans que les « mandarins » sont, à juste titre, attaqués pour leurs compromissions avec l’ordre capitaliste et leurs représentants en place, qu’ils soient marxistes-léninistes ou non, de Marx et Engels à Jean-Pierre Chevènement qui publia, sous le pseudonyme de Jacques Mandrin, L’énarchie, ou les mandarins de la société bourgeoise en 1964, de Georges Politzer qui publia les Principes élémentaires de philosophie à Simone de Beauvoir auteure des Mandarinsen 1954, de Paul Nizan condamnant les Chiens de garde à Julien Benda dénonçant La trahison des clercs. Mais ces mandarins indéfectiblement liés au pouvoir et à la recherche des honneurs jouent toujours leur rôle d’idéalistes exprimant des « idées » « créatrices » de la matière – dans le cas présent, « la » République sans aucun contenu socio-économique, politique, etc., incantation divine que Georges Politzer décrit parfaitement en opposition au matérialisme dialectique : « Si l’idéalisme est né de l’ignorance des hommes – et nous verrons comment l’ignorance fut maintenue, entretenue dans l’histoire des sociétés par des forces culturelles et politiques qui partageaient les conceptions idéalistes –, le matérialisme est né de la lutte des sciences contre l’ignorance ou obscurantisme. C’est pourquoi cette philosophie fut tant combattue et c’est pourquoi, sous sa forme moderne (le matérialisme dialectique), elle est peu connue, sinon ignorée ou méconnue du monde universitaire officiel. »[xix]
Aveuglés par leur discours sans aucune prise matérielle réelle, ces « penseurs » opérant pour la plupart à Sciences Po continuent d’exercer leur magistère universitaire comme bon leur semble et n’ont désormais plus aucune limite dans la servitude volontaire avec la macronie garante de l’ordre capitaliste euro-atlantique réactionnaire et fascisant, tout en détruisant petit à petit la République une et indivisible, sociale et laïque, souveraine et démocratique, fraternelle et pacifique, et en présentant l’antirépublicain Macron comme le « garant de la République ». C’est oublier les leçons de l’histoire prodiguées par Marc Bloch dénonçant les traîtres responsables de la débâcle de 1940 – attitude relevant d’un complotisme avéré pour l’« historien » Jean Lopez auteur d’une charge au vitriol contre Annie Lacroix-Riz[xx]. On suggérera toutefois à ces prêcheurs de « la » République de méditer cet extrait d’Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, dans lequel Ivan Jablonka montre combien la « culture républicaine » des « élites » dirigeantes et administratives est largement surestimée et combien ces derniers, derrière de grands discours célébrant « la » République – Macron, Valls et tant d’autres –, détruisent en réalité progressivement la République héritée des combats et des luttes révolutionnaires par leurs politiques et leurs pratiques antipopulaires et antisociales :
« Les camps de concentration républicains, destinés aux réfugiés espagnols, allemands ou autrichiens, aux Juifs chassés de toute l’Europe, constituent un vivier où puiseront à l’envi les autorités de Vichy et les nazis. Les décrets-lois de Daladier préparent le terrain à la législation du maréchal Pétain, dirigée contre les naturalisés et les étrangers en juillet-septembre 1940, contre les Juifs à partir d’octobre 1940. A cette date, cela fait plusieurs années que la France discrimine les étrangers et traque les clandestins. […] Sous le Front populaire, le fichier de la Sûreté nationale est géré par un jeune fonctionnaire plein d’avenir, René Bousquet. En 1940, après son évacuation en péniche, le « casier central » de la Préfecture de police est rapatrié à Paris où il est remis en ordre par la direction des étrangers et des affaires juives. […] Bien que la législation des années 1930 ne soit pas expressément antisémite, il y a un « Vichy avant Vichy », et il fermente dans la République. »[xxi]
[i] https://www.sciences-po.asso.fr/gene/main.php?base=01&action=details&id_news=1450
[ii] François Furet, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, p. 21.
[iii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/droit-de-reponse-a-gilles-morin-et-ses-appels-a-la-censure-annie-lacroix-riz-retablie-les-faits/
[iv] http://petiteau-natalie.blogspot.com/2017/04/des-dizaines-duniversitaires-soutiennes.html
[v] https://twitter.com/jeangarr78
[vi] https://www.leparisien.fr/week-end/presidentielle-32-personnalites-s-engagent-pour-le-second-tour-28-04-2017-6893280.php
[vii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/macron-la-republique-en-miette-par-fadi-kassem/
[viii] https://www.macommune.info/castex-droit-a-la-differenciation-nouveaux-fonctionnaires-reserves-aux-departements/
[ix] https://www.francophonie-avenir.com/fr/Point-d-infos/435-Contre-l-obligation-d-une-certification-en-langue-anglaise-pour-l-obtention-de-toute-licence
[x] https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946
[xi] https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/index.html
[xii] https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-du-24-juin-1793
[xiii] https://lelab.europe1.fr/pour-emmanuel-macron-il-manque-un-roi-a-la-france-1365792; https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-macron-plus-royaliste-que-socialiste-07-07-2015-1943115_20.php
[xiv] https://www.nouvelobs.com/politique/20180424.OBS5662/emmanuel-macron-ou-le-retour-du-monarque-republicain.html
[xv] https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/censure-insultes-injures-attaques-la-fascisation-explose-en-france/Ecouter notamment : https://www.youtube.com/watch?v=tmJEzm5UnH8
[xvi] Le texte est disponible notamment dans Marc Ferro, Pétain : les leçons de l’histoire, Paris, Texto, 2016, p. 291.
[xvii] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/traite-de-cooperation-et-d-integration-franco-allemand-d-aix-la-chapelle/
[xviii] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/traite-de-cooperation-et-d-integration-franco-allemand-d-aix-la-chapelle/
[xix] Voir l’instructive fiche Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Redressement_fran%C3%A7ais
[xx] Georges Politzer, Principes élémentaires de philosophie, Paris, Editions sociales, 1954, p. 22. Disponible aussi aux éditions Delga, publication en 2008.
[xxi] https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/la-france-a-t-elle-ete-trahie-reponse-dannie-lacroix-riz-au-dossier-de-guerres-et-histoire/
Cette fois, çà y est ! L’humanité est devenu un journal anti-communiste, anti-marxiste, boboisé grâce aux sbires de Braouezec à Saint-denis que le macronien ultralibéral hyperatlantiste (Baouezec) y a mis en place depuis 25 ans.