Proposée pour la première fois aux USA par le Parti Socialiste d’Amérique sous la forme d’une Journée Nationale de la Femme, cette journée est adoptée par l’Internationale Socialiste (IIème Internationale) sur proposition de Clara Zetkin en 1910 et officialisée dès 1911.
Mais c’est à Lénine que revient la responsabilité de l’institution définitive d’une Journée Internationale des Femmes qui sera fêtée le 8 mars, date anniversaire de la grande manifestation des femmes russes à l’origine de la révolution de février 1917.
Ce qui est sûr, c’est que cette Journée trouve son origine dans la volonté des organisations ouvrières, puis du premier État ouvrier du monde, de mettre en avant la place des femmes dans la société, de souligner l’exploitation aggravée dont elles sont l’objet et de soutenir leurs revendications spécifiques. Car elles en ont et ce n’est pas un hasard : les femmes, non seulement représentent en nombre la moitié de l’humanité, mais elles assurent une fonction irremplaçable pour le renouvellement des générations.
Ce sont elles qui conçoivent, portent et mettent au monde les enfants. Elles assurent le plus souvent la continuité du foyer familial qu’elles partagent avec leur compagnon autour des enfants qu’ils ont conçus ensemble.
Dans les sociétés préhistoriques, elles étaient porteuses du mystère de la fécondité et honorées en conséquence. Mais avec l’apparition de la propriété, cette fonction a été rapidement source de problèmes : les femmes ont été confinées au rôle de production des enfants pour assurer la continuité de la propriété foncière. Les sociétés patriarcales les ont réduites à ce rôle et y ont rajouté l’esclavage domestique. Jusqu’à l’apparition du système capitaliste, elles n’ont participé à la production sociale que comme servantes de “leurs” hommes, aux champs, à la boutique ou à l’atelier. Avec l’apparition des manufactures, elles entrent dans la production sociale avec l’hypothèque de leur “infériorité” sociale. Mais c’est une main-d’œuvre intéressante pour le capital qui profite de cette situation pour les payer moins bien que les hommes alors que leur compétence est équivalente. Leur nombre augmente dans les effectifs du prolétariat au point d’en faire des forces significatives. Déjà présentes dans les mouvements sociaux dès la Grande Révolution Française (ce sont elles qui vont chercher la famille royale à Versailles en octobre 1789), elles luttent aux côtés des canuts à Lyon, s’organisent en syndicats féminins, forment des bataillons et meurent les armes à la main en défendant la Commune. Au cours de la grande saignée du prolétariat européen par la guerre de 1914-1918, elles remplacent massivement les hommes dans la production industrielle. Et tout cela en continuant mutatis mutandis à concevoir, porter et mettre au monde les enfants.
Les femmes de la bourgeoisie ne sont pas en reste revendiquant des droits citoyens égaux à ceux des hommes. Elles administrent aussi la preuve que la prétendue infériorité féminine est un leurre bien commode pour justifier leur exploitation aggravée : George Sand, Marie Curie en sont des exemples éclatants. Pourtant, l’avance scolaire des Françaises est nette : « 51 % ont un diplôme du supérieur (dont deux tiers à bac +2) alors que les garçons ne sont que 37 % dans ce cas. » Vers la fin du XXème siècle, dans toutes les professions où c’est le diplôme qui ouvre la porte de l’activité professionnelle, elles sont majoritaires. C’est le cas des professions médicales, juridiques, ou dans l’enseignement.
Mais les transformations significatives de la situation des femmes ne seront que le résultat des luttes sociales et politiques, particulièrement des luttes menées par le prolétariat organisé. C’est lorsque ces luttes aboutissent à un rapport de forces favorable aux travailleurs, que les travailleuses bénéficient de droits spécifiques : égalisation avec les hommes pour les droits civiques (droit de vote, éligibilité), émancipation au foyer avec égalité entre les parents et les époux, congés de maternité, interdiction du travail de nuit dans l’industrie, accès à la contraception, à l’avortement en cas de nécessité. Bien évidemment c’est dans les pays expérimentant le socialisme sous la direction des communistes que ces droits ont atteint leur plus haut niveau.
Et non moins évidemment, lorsque le rapport des forces change et devient moins favorable à la classe ouvrière, la régression sociale touche les femmes en priorité.
Au début du XXIème siècle, les femmes restent très minoritaires dans les cercles de décision politiques ou économiques. À travail égal et responsabilité égale, leur salaire est nettement inférieur à celui des hommes (moyenne 80%). Par contre, elles sont dans le même temps, très majoritaires dans les secteurs à bas salaires, à temps partiels organisés, à sous-qualifications imposées. Elles sont aussi majoritaires parmi les chômeurs.
Un autre domaine où les femmes sont très largement majoritaires, c’est celui des familles monoparentales. Dans 85 % des cas, il s’agit d’une mère et de ses enfants. Lié directement à leur spécificité biologique, le statut de mère célibataire leur est réservé. Il s’y ajoute celui de mère abandonnée, séparée ou divorcée à qui sont, naturellement, beaucoup plus souvent confiés les enfants lors des divorces.
Le taux de pauvreté chez les femmes est supérieur à celui des hommes, surtout lorsqu’elles sont seules avec des enfants et cumulent emplois précaires, difficultés d’accès au logement et aux soins. La pauvreté touche 30 % des familles monoparentales.
C’est une réalité que les femmes sont plus exploitées que les hommes. Mais elles sont plus exploitées que les hommes dans un contexte où ce qui domine la société c’est l’exploitation acharnée des hommes et des femmes par le capital dont la seule loi qui vaille est de maintenir son taux de profit. Les prestations sociales sont dans le collimateur du pouvoir du capital préférant payer des intérêts aux banques que de maintenir un niveau de vie correct à la population.
Pendant longtemps, suite à la Résistance et aux luttes sociales et politiques menées pied à pied au cours du XXème siècle, les femmes ont bénéficié de droits particuliers : interdiction du travail de nuit et de certains travaux pénibles, congés de maternité, d’allaitement, prise en compte des temps de grossesse pour l’ancienneté, les cotisations de retraite, institution de crèches. Ces droits particuliers ont été surtout développés dans les sociétés socialistes. Mais, dans les sociétés capitalistes, ils l’ont été aussi là où les organisations de lutte de la classe ouvrière étaient suffisamment puissantes pour tenir tête aux dominants. Ce fut le cas en France jusqu’à la fin des années 80.
La régression sociale effroyable qui suivit la disparition des sociétés socialistes effaça complètement ces avancées dans les pays qui les avaient connues et pratiquées. L’exemple le plus frappant a été celui de la République Démocratique Allemande avec ses 2 années de congé de maternité, et la certitude de retrouver sa place au travail, à son poste et avec son ancienneté, sa protection sociale des mères et des enfants, la promotion des femmes à égalité avec les hommes… Tout de suite après l’annexion par la RFA, non seulement toutes ces lois sociales ont été abolies, mais dans un contexte de destruction systématique de l’outil économique qui s’ensuivait, une femme, pour trouver du travail devait produire un certificat attestant qu’elle avait subi une stérilisation chirurgicale.
Plus progressive en France, cette régression fut menée sous la tutelle de l’administration supranationale européenne au nom de l’égalité hommes-femmes… Par exemple le travail de nuit des femmes fut rétabli sous cet élégant prétexte. Mais les salaires féminins sont toujours, à travail égal, nettement inférieurs aux salaires masculins. Les trimestres de grossesse comptant pour la retraite ont été réduits comme peau de chagrin. Les congés parentaux les concernent majoritairement sans compensation. Les retraites des femmes sont du coup très nettement inférieures à celles des hommes, non seulement parce que les salaires sont inférieurs mais aussi parce que le temps effectivement passé dans l’activité professionnelle est lui aussi amputé par la continuité de la vie familiale.
À l’occasion de la Journée Internationale des Femmes on va à nouveau bavarder en utilisant le discours féministe bourgeois : on revendique la parité politique, la parité dans le sport, et, pendant ce temps, la plupart des femmes s’occupent des enfants, assurent la continuité nutritionnelle et environnementale du foyer ; elles forment les bataillons les plus nombreux des familles monoparentales… mais qui, dans la société cherche à créer les conditions pour leur permettre de faire du sport, de la politique, de les aider à assurer le fonctionnement de la maison pour pouvoir en même temps assurer leur liberté de choix de vie et d’existence ? On en parlera encore une journée. Et, de façon allusive ou ouverte, on les renvoie à une confrontation avec leurs hommes.
Pendant ce temps, on ferme des classes, on ferme des crèches, on ferme des maternités, des centres de santé, on ferme des usines ; par ailleurs on augmente le prix de l’énergie, de la nourriture, du logement plongeant de plus en plus de familles dans la précarité nutritionnelle, la précarité de santé, avec toujours les femmes au premier rang des difficultés.
Mais aux côtés des femmes, leurs compagnons aussi sont victimes de la course effrénée au profit maximum. La famille dont la femme est objectivement le pivot est directement victime du système. Le chômage de l’homme retentit sur la femme plus sûrement que toute autre exploitation ou domination. La femme vit dans sa chair les fins de mois difficiles. Elle est dans l’impossibilité d’apporter à ses enfants non seulement le superflu (jeux, jouets, vacances), mais aussi aujourd’hui souvent le nécessaire (nourriture variée, vêtements décents, espace de vie correct, voire simplement un toit). Et cela la place dans un dénuement physique et moral gravissime.
La femme a le droit de vivre sa féminité sans que sa condition féminine ne soit assortie d’aucun assujettissement.
La libération de la femme passe par la suppression de la propriété des moyens de production et d’échange qui est à l’origine de toutes les exploitations, des femmes comme des hommes. Elle passe par une égalité citoyenne absolue entre les hommes et les femmes.
Comme quoi, ce n’est évidemment pas une égalité formelle qu’il s’agit de mettre en place mais l’égalisation des conditions objectives de développement personnel et social par l’inégalité des traitements.
Nous rappelons le dernier ouvrage de notre camarade Claude Emile Tourné
FÉMINISME, FÉMINITÉ, FÉMINITUDE Ça alors !
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=42593
Dans cet ouvrage, l’auteur revisite le concept de féminité, caractéristique des femmes et condition de la maternité, et le comportement féministe à la lumière de cette épistémologie. La revendication féministe est replacée dans son contexte de luttes, sociales et sociétales, et ses déviations, dont la « théorie du genre », sont critiquées. L’auteur évoque l’existence d’une force motrice sous-jacente à la féminité : la féminitude. C’est là qu’il s’écrie in petto avec Groddeck : ça alors !
autres ouvrages de CE Tourné :
- LE NAISSANT
Ce petit tout qui fait un homme
Septembre 2007
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=24379&razSqlClone=1 - LE NAÎTRE HUMAIN
Octobre 1999
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=8820&razSqlClone=1