Par Georges Gastaud* – 25 mars 2021
À l’échelle mondiale comme au niveau national, l’heure paraît être aux pseudo alternances entre clans oligarchiques sur fond de surenchères bellicistes, antisociales, impérialistes et liberticides.
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L’impérialisme nord-américain, ou le rapace à deux têtes
Aux États-Unis d’Amérique, la chaotique alternance entre Trump et Biden devait, aux dires des médias bien-pensants, « ramener la raison » à la Maison-Blanche. Mais à peine Biden intronisé, le voilà qui, arrogamment, renforce les « sanctions » contre la Chine, qui la provoque militairement en Mer de… Chine (avec le renfort, hélas, de la Marine française!), qui traite irresponsablement de « tueur » le président russe en exercice, et qui encourage même ouvertement le gouvernement ukrainien (ouvertement soutenu par de francs nostalgiques du IIIème Reich!) à liquider par la force les Républiques russophones antifascistes du Donbass: bonjour la paix mondiale, la souveraineté des peuples et la coexistence pacifique en Europe et en Extrême Orient ! Certes, Biden déverse des milliards de dollars – qu’il n’a pas réellement en sa possession, tout cet argent procédant de la planche à billets – sur le peuple américain pour tenter de rallumer la croissance (et avec elle, soit dit en passant, la course folle au consumérisme qui caractérise ce pays plus que tout autre); mais, outre que ce sont surtout les trusts américains qui vont principalement rafler, sans contrôle démocratique aucun (comme les « nôtres » d’ailleurs), cette énorme manne publique, il n’y a, pour compenser ces « largesses », que deux issues possibles in fine: soit le peuple américain paiera ces cadeaux tout provisoires par une austérité meurtrière, soit les autres peuples du monde créanciers des insolvables USA règleront de leur poche les cadeaux de Biden: tant il est vrai que le dollar, de plus en plus déprécié et depuis longtemps devenu inconvertible en valeur-or, ne tient plus, comme monnaie mondiale de référence, que pour une raison: détentrice de 80% des armements existants au monde, l’US Army interdit de fait et manu militari aux peuples créanciers des USA, parmi lesquels se trouve le peuple chinois, de réclamer leur dû. Au fond, on peut s’endetter sans limite et vivre à perpète sur le dos d’autrui quand on a dans sa manche l’ « huissier » (= la « justice » internationale), la monnaie de référence mondiale et la police internationale (l’OTAN)…
Renaissance de l’alternative socialiste et anti-impérialiste mondiale? Par bonheur, une autre alternative, une alternative à la fois rouge, patriotique et anti-impérialiste, pourrait bien germer plus vite que prévu à l’échelle mondiale : pour ne prendre que trois exemples,
- Au Chili, c’est le combatif Parti communiste héritier de Pablo Neruda et des héroïques Victor Jarra et Gladys Marin, qui dirige une immense fronde populaire au point que le bloc libéral-fascisant héritier de Pinochet, social-démocratie chilienne incluse, est désormais placé sur la défensive. En Amérique latine, non seulement Cuba et le Venezuela ne se sont pas effondrés sous la pression militaro-économique de Trump et de son très néocolonial Make America geat again, mais les forces de la gauche populaire sont de nouveau à l’offensive de la Bolivie à l’Equateur.
- En Inde, ce pays-continent, les deux partis communistes sont présentement – sans que nos « libres » médias n’en pipent mot ! -, à la tête des plus grandes grèves ouvrières et luttes paysannes de l’histoire. Des centaines de MILLIONS d’Indiens ouvriers ou paysans affrontent l’autocrate Modi, ce « souriant » despote adoubé par les USA qui, périodiquement, massacre les musulmans indiens pour faire diversion à ses inhumaines contre-réformes néolibérales.
- en Afrique, les peuples se dressent contre l’impérialisme français décadent, ennemi commun de notre peuple et des masses africaines soulevées contre la pauvreté et la mal-gouvernance structurelle, tandis qu’en Algérie et en Tunisie, les jeunes et les femmes sont régulièrement dans la rue pour exiger la démocratie, le progrès social et le renouveau économique.
Enfin et surtout, le débat mondial sur le capitalisme et le socialisme a été fortement relancé par la pandémie virale : chacun peut voir en effet que les pays-phares du néolibéralisme mondial, les USA, le Royaume-Uni ou le Brésil de Bolsonaro, présentent un bilan cataclysmique en termes de mortalité, alors qu’à l’inverse, la Chine populaire, Cuba socialiste et le Vietnam jugulent l’épidémie. Et tandis que notre France, auto-délabrée par ses pouvoirs maastrichtiens successifs, s’avère incapable de produire un vaccin (au pays de Louis Pasteur !) et, ne serait-ce que de chercher méthodiquement un traitement au virus, Cuba, bien que soumise au blocus étatsunien et ne disposant que d’un P.I.B. inférieur de vingt fois au nôtre, a déjà produit quatre vaccins (dont l’un est baptisé « soberenia »: souveraineté) et continue d’envoyer, en tout désintéressement internationaliste, ses cohortes de médecins hautement qualifiés dans les pays qui, comme l’Italie, en ont fait la demande…
France 2022 : faux duel, vrai duo pour la présidentielle?
En France, tous les médias de l’État (le prétendu « service public de l’audiovisuel ») et de l’oligarchie capitaliste (= 90% des journaux et des grands médias privés) en ont déjà décidé ainsi : Le Pen affrontera de nouveau Macron au second tour de la présidentielle. Au point que l’on pourrait presque, pour faire des économies, organiser le second tour avant le premier, voire supprimer celui-ci… Toujours est-il qu’on assiste à ce spectacle étrange et indécent que les politistes appellent « triangulation » : Macron et son ministre Darmanin prenant de droite Mme Le Pen à coup de surenchères sécuritaires, xénophobes et liberticides (la dernière en date étant la demande de Blanquer d’interdire… l’UNEF – et pourquoi pas SUD ou la CGT pendant qu’il y est ?) tandis que, symétriquement, Dame Marine multiplie les génuflexions devant l’euro, qu’elle n’a jamais voulu quitter, devant l’UE, qui lui convient tout à fait, et devant Schengen, qu’elle appliquera sans états d’âme si elle accède à l’Élysée.
Bref, ces deux faux duellistes et vrais duettistes de la caste oligarchique que sont Macron et Le Pen s’accordent en fait, sans pouvoir le dire, sur les intouchables politique, idéologie et économie qui fédèrent le Parti Maastrichtien Unique à l’échelle de l’Europe: ce « PMU » toujours perdant pour les peuples et toujours gagnant pour l’oligarchie du CAC 40 est du reste foncièrement d’accord pour écraser le mouvement ouvrier et syndical de classe, pour criminaliser le communisme*** et banaliser l’extrême droite, nazis inclus****. Quant aux thématiques nationales, à la Marseillaise et au drapeau tricolore, ils ne sont évoqués par le faux duel/vrai duo que pour stigmatiser les travailleurs immigrés et autres « séparatistes musulmans » (sic), l’érection d’un Empire euro-atlantique centré sur Berlin, supervisé par Washington et converti au tout-globish*** étant pour sa part totalement sanctuarisé par les états-majors « profonds » – et profondément réactionnaires – du « R.N. » (Racisons la Nation !), des « L.R. » (Les Riches!), de « L.R.E.M. » (la Loi des Riches Et de Maastricht), du « P.S. » (Pilonnons le Social !) et d’ « E.E.L.V. » (Ensemble, Eteignons les Lumières, Vite!).
Mais c’est oublier les luttes, qui restent très nombreuses malgré les conditions sanitaires et l’exploitation liberticide détestable qu’en fait le pouvoir, et la colère populaire annonciatrice d' »explosion sociale » (l’expression est d’Edouard Philippe) à une époque où, selon des chiffres évoqués par la M.G.E.N., près d’un Français sur trois ne fait plus que deux repas par jour ; car les Gilets jaunes et les syndicalistes de classe, de plus en plus rebelles aux atermoiement des confédérations euro-formatées, n’attendant qu’un assouplissement des mesures sanitaires consécutives aux effets de la vaccination pour reprendre l’offensive sociale.
Emergence d’une alternative rouge-tricolore?
C’est aussi compter sans le travail de fourmis (rouges!) qu’accomplissent les militants franchement communistes du PRCF et des JRCF qui, jour après jour, au fil de la campagne que conduit leur dynamique porte-parole national Fadi Kassem**, propagent l’idée d’une « alternative rouge-tricolore » pour la France tout en portant la perspective d’un Frexit progressiste, d’une démocratie sociale centrée sur le monde du travail et d’une franche nationalisation démocratique des secteurs-clés de l’économie de manière à remettre le socialisme au coeur de la problématique politique. Ce que résume le mot d’ordre fédérateur d' »alternative rouge-tricolore ». Un mot d’ordre ciblant à la fois la fascisation rampante de l’Etat et l’euro-dislocation précipitée du pays, tout en appelant, cent cinquante ans après la Commune, à nouvelle République sociale, souveraine, laïque et indivisible pratiquant la fraternité à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. De moins en moins aisée à censurer, cette alternative rouge-tricolore a objectivement l’avenir pour elle – pour peu qu’avenir il y ait ! – car elle est de fait la seule issue possible tant l’intégration en cours de l’Empire européen piloté par Berlin et supervisé par Washington fait figure de Bérézina industrielle : privatisation générale des sociétés nationalisées en 1937 et 1946, de la SNCF à EDF, délocalisations et fusions transnationales (Renault, PSA…) accélérées de la grande industrie, casse généralisée des retraites, des statuts, du Code du Travail, des services publics, etc. Le suicide national programmé par l’oligarchie va désormais jusqu’à désétablir le français de son rôle de « langue de la République » (art. II de la Constitution), comme le révèle le récent projet euro-formaté et hautement symbolique de carte « nationale » d’identité, illégalement ornée du drapeau européen et libellée, toute vergogne bue, en franco-globish…
Socialisme ou destruction capitaliste des possibles humains?
Lorsqu’il y a juste trente ans, le drapeau rouge frappé de l’emblème ouvrier et paysan fut amené à Moscou sur l’ordre de Boris Eltsine, les idéologues du capital ont entonné à s’en péter la glotte l’hymne de la « fin de l’histoire », de la « mort du communisme », de l’ « État de droit universel » et de la « nouvelle frontière européenne ». Depuis lors, un nombre grandissant de citoyens a pourtant commencé à saisir que les prétendus « bouleversements démocratiques » d’alors n’étaient qu’une contre-révolution logiquement porteuse, dans les pays demeurés jusqu’alors capitalistes, de contre-réformes sociales, de fascisation politique et de nouvelles guerres impérialistes.
Peu à peu, les vents de l’histoire semblent en passe de tourner et l’Occident capitaliste prédateur peine de plus en plus à imposer, malgré sa dangereuse agressivité redoublée, sa loi mortifère aux peuples. À nous tous, en réorganisant et en fédérant dans l’action les avant-gardes politiques, culturelles et syndicales à nouveau émergentes, de faire en sorte que la voie des peuples, celle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour construire un socialisme-communisme de nouvelle génération, l’emporte à temps sur celle d’un capitalisme-impérialisme de plus en plus destructeur de nations libres, d’humanité et, tout simplement, de vie.
*Philosophe, secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF). Dernier livre paru: Lumières communes, traité de philosophie générale à la lumière du matérialisme dialectique. Cinq tomes, deuxième édition, Delga 2021.
**Agrégé de l’Université, syndicaliste, diplômé de Sciences politiques.
*** Cf la Résolution scélérate du 16 septembre 2019 par laquelle tous les europarlementaires français, à la seule exception des députés LFI, ont mis sur le même plan le Troisième Reich génocidaire et son principal vainqueur militaire, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Oublié le mot de De Gaulle visitant Moscou en 1944 et déclarant avec gratitude: « les Français savent que c’est la Russie soviétique qui a joué le rôle principal dans leur libération« .
****L’UE « démocratique et libérale », qui approuve l’interdiction officielle ou la quasi-interdiction de fait des PC des ex-pays socialistes, ne voit aucune difficulté à collaborer quotidiennement avec les gouvernements des pays baltes, de la Hongrie, de l’Ukraine, qui célèbrent la « mémoire » de régimes collabos des nazis. Logique: on ne peut pas écrire l’équation scélérate « communistes = nazis » sans criminaliser les premiers tout en banalisant les seconds.