Plus de 80 personnes, communistes de diverses obédiences mais aussi militants de France-Cuba, de France-Palestine, sympathisants de Fralib, militants de quartier, ont participé au débat organisé par nos camarades du Cercle Barbusse sur deux thématiques, l’impact d’Octobre et la reconstruction communiste en France.
La première table ronde réunissait Pierre Thorez, Marianne Dunlop, Georges Gastaud et Saïd Bouamama qui ont chacun présenté leurs travaux sur le thème proposé.
Le second plateau mettait en présence William Roger (CC nord), Kamel (PCF-62), Vincent Flament (PRCF), Charles Hoareau (ANC + Polex + RV 13), Maurice Cukierman (PCRF, ex-Urcf). Les camarades du réseau FVR-PCF s’étaient excusés. En revanche, d’après les organisateurs, le PCOF, « Communistes » et la section PCF de Paris XV, également invités, se sont abstenus et ne se sont pas non plus excusés.
Voici l’allocution de V. Flament pour le PRCF.
Chers camarades, nous remercions la CC 59-62 et le cercle Barbusse pour leur invitation. Nous espérons que cette réunion permettra de clarifier les positions.
a) La dispersion des forces se réclamant du communisme est certes une réalité, que le PRCF et ses prédécesseurs ont tenté de conjurer depuis des années sans s’autoproclamer parti communiste (Etats généraux des communistes, 1998, signature de la pétition « nous assumons nos responsabilités », mise en place du CNUC aux côtés de Georges Hage, « Convergence communiste », participation aux Assises du communisme… ). Toutefois il serait irrespectueux à l’égard des efforts faits par les uns et les autres de s’auto-décourager en répétant partout que nous ne sommes que des « groupuscules ». Pour sa part, au prix d’un travail militant acharné, le PRCF est à l’offensive :
- nous sortons un mensuel couleur de 24 pages, Initiative communiste,
- notre site, quotidiennement renouvelé avec près de 15 000 articles visitables, s’est classé en 8ème position des sites politiques lors de la campagne présidentielle, devant ceux de LO et du NPA,
- notre revue théorique Etincelles publie des auteurs connus internationalement comme Annie Lacroix-Riz ou le philosophe portugais José Barata-Moura ; nos camarades ont publié de nombreux livres ces dernières années, notamment aux éditions Delga, dans les champs philosophique, politique et historique
- nous sommes fort investis dans la défense du syndicalisme de classe et nous défendons la FSM contre la CES depuis nos origines,
- nous avons organisé en 2013 un anniversaire de Stalingrad qui a fait date et nous sortons d’un meeting internationaliste retentissant qu’ont salué de nombreux partis communistes étrangers parmi lesquels, pour n’en citer qu’un, le PC portugais ; notre commission internationale est d’ailleurs en liaison avec près de 100 partis communistes et démocratiques.
- nos JRCF ont couvert d’affiches toute la région parisienne pour célébrer Octobre rouge
- nous sommes organisés officiellement, le plus souvent avec dépôts de statuts en préfecture, dans 1/3 des départements, avec présence militante plus ou moins visible dans 2/3 des départements
- Enfin, le PRCF s’honore de compter ou d’avoir compté dans sa présidence ou dans son comité d’honneur des figures de proue de la Résistance, comme Léon Landini, Nelly Dubois ou Pierre Pranchère, le regretté député Geo Hage, dit « Geo le bolcho », une figure de Mai 68 comme Roger Silvain ou le militant anticolonialiste Henri Alleg, qui n’était pas toujours d’accord avec nous mais qui n’en disait pas moins avec malice, « si le PRCF n’existait pas, il faudrait l’inventer ».
- Nos camarades, pionniers du CISC, ex-comité Honecker, né dans le Pas-de-Calais, interviennent également depuis près de 25 ans dans la lutte contre l’euro-criminalisation du communisme et ils sont pionniers dans la défense progressiste des langues d’Europe évincées au profit du tout-anglais transatlantique.
Tout cela dit, non pas par vaine gloriole, car nous voyons bien les très lourdes insuffisances qui sont encore les nôtres, mais parce qu’il faut arrêter de s’auto-flageller si l’on veut dépasser les divisions et aller vers la reconstruction d’un vrai parti communiste, que n’est plus depuis longtemps, hélas, le PCF-PGE.
b) Concernant la reconstruction communiste, la question est moins pour nous d’additionner la carpe au lapin, selon la vieille méthode menchévique qui consiste à faire large sans s’occuper du contenu de classe, ou de dénigrer le centralisme démocratique pour privilégier l’individualisme, que de savoir si l’on partage les mêmes buts stratégiques. Après près de 25 ans de lutte contre la mutation révisionniste du PCF (certains d’entre nous ont commencé ce combat dès 1973 et les prémices de l’abandon du marxisme-léninisme, puis de l’eurocommunisme et des deux participations opportunistes du PCF à des gouvernements sociaux-maastrichtiens), ces buts devraient être évidents pour tous les militants qui veulent vraiment rompre avec la « mutation » social-dém du PCF. On ne peut plus, en 2017, alors que tout cela est débattu depuis près de trente ans, faire comme s’il fallait éternellement s’interroger sur la « matrice léniniste », sur la nécessité de sortir de l’Europe capitaliste, sur l’héritage de l’URSS, dont la disparition contre-révolutionnaire est une catastrophe historique, sur le grand héritage du PCF du Front populaire et de la Résistance, sur le formidable point d’appui que reste l’œuvre admirable des ministres communistes de la Libération, etc. C’est pourquoi le PRCF est clair dans sa proposition stratégique qu’il met à la disposition de tous :
- Sur le plan des buts historiques, la perspective reste très clairement la révolution socialiste, impossible sans le pouvoir populaire que Marx appelait la dictature du prolétariat, sans la socialisation des grands moyens de production, sans le rôle dirigeant de la classe ouvrière (au sens aussi moderne du mot qu’on voudra) prenant appui sur un parti marxiste d’avant-garde et de combat. Ce n’est pas pour avoir trop, mais pour avoir mal ou pas assez mis en œuvre le marxisme-léninisme que le camp socialiste a été vaincu et disloqué sous les coups conjugués de l’impérialisme et des forces thermidoriennes conduites par Gorbatchev.
- Pour marcher à cette révolution sociale dans les conditions modernes, il convient à la fois de reconstruire le parti communiste, de relancer et de fédérer le syndicalisme de classe sans crainte de heurter les états-majors euro-formatés, de construire un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologique (FR.APPE en initiales) où la classe ouvrière sera l’élément moteur, dont le but sera de sortir la France de l’UE/OTAN par la voie progressiste pour nationaliser le CAC-40, approfondir la démocratie populaire, isoler le grand capital, écraser les fascistes, coopérer avec tous les continents et construire, non en paroles mais en actions, l’affrontement de classes offensif qui ouvrira sur la révolution sociale proprement dite. Le contraire, tout à la fois, des resucées de l’union des euro-gauches que nous ressort périodiquement le PCF sous diverses formes, du gauchisme, qui sous ses airs révolutionnaires, attend passivement l’insurrection populaire, et de l’ « étapisme » qui consisterait à ajourner le socialisme au profit d’une phase interminable de « démocratie avancée ». Dans les conditions de notre temps, la sortie par la gauche de l’UE ne peut être que progressiste et populaire – on le voit encore avec le déballonnage du FN, qui nous explique maintenant qu’il est inutile de lutter contre l’euro puisqu’il va « tomber tout seul » !), et compte tenu que l’oligarchie capitaliste et le MEDEF sont passionnément engagés dans l’euro-dissolution de l’Etat-nation, ce Frexit progressiste ne pourrait que susciter un affrontement de classes géants de nature à stimuler l’Europe des luttes et à créer, dans la pratique les conditions de l’éviction révolutionnaire de la classe capitaliste. C’est pourquoi la question nationale et la question sociale sont imbriquées comme jamais pour peu évidemment que l’on combatte très clairement le nationalisme et le fascisme. Car à notre époque, la grande bourgeoisie cultive à la fois le nationalisme réactionnaire, tourné contre les immigrés, et l’auto-phobie nationale, en attaquant tout l’héritage populaire de la nation, des acquis sociaux à la langue française délaissée en passant par la casse de la République indivisible et des Communes de France.
- La construction d’un large Front patriotique et progressiste passe par l’intervention systématique des communistes, d’abord en direction de la classe ouvrière et des entreprises, et dans ce but, le PRCF a diffusé près de 150 000 tracts, surtout aux entreprises, durant l’année électorale 2016, et presque autant dans la période de lutte contre la loi El Khomri. C’est là le front PRINCIPAL de ce que nous appelons l’intervention franchement communiste dont nous ne revendiquons pas le monopole ; pour autant le PRCF n’a nullement regardé de haut le mouvement populaire de masse qu’a suscité, avec ses limites de classe évidentes, la candidature Mélenchon. Démocratiquement, à l’issue d’un débat de plusieurs mois et d’un vote unanime de son comité central, le PRCF lui a apporté un appui critique mais dynamique, sans se lier en rien les mains pour l’avenir et en rappelant sans cesse que le but, dont nous sommes encore loin, est qu’émerge une France franchement insoumise à l’UE du capital. Il faut certes se dégager de l’illusion euro-constructive d’un plan A et d’un plan B. Encore faut-il qu’on nous explique pourquoi il serait droitier de voter Mélenchon tout en le critiquant si nécessaire, alors qu’il serait révolutionnaire de soutenir partout des candidats PCF qui parlent platement d’Europe sociale et dont la plupart combattent obstinément l’idée d’un plan B pour sortir de l’UE.
- Concernant la reconstruction du parti proprement dite, nous disons qu’il y a le feu. S’autoproclamer magiquement le Parti communiste n’est certes pas la solution. Mais construire, sans jamais fixer de point d’arrêt, une tendance révolutionnaire au sein du PCF totalement décaféiné, qui vient encore de renier avec éclat Lénine et d’appeler à l’Europe sociale avec les amis de Tsipras, nous semble une impasse à l’heure où la décomposition organisée de la France par Macron fait des bonds de géant. Pour nous, le chemin est clair : unir d’abord les communistes, où qu’ils soient organisés, dans l’action pour les 4 sorties, de l’euro-UE-OTAN et du capitalisme. C’est ce qu’avaient centralement décidé à Gémenos les Assises du communisme et nous avons regretté que la décision unanimement signée d’organiser tous ensemble sur ce thème un meeting national à Paris le 30 mai 2015, n’ait été réellement appliquée que par quelques partenaires. Le but n’en est pas moins, comme l’avait posé dès 1995 la première coordination communiste du PCF, la séparation organique des euro-réformistes et des révolutionnaires, le regroupement des seconds dans un seul et même parti communiste. Sur le principe, c’est ce qu’a fait le congrès de Tours quant il a fusionné en un seul parti, la SFIC totalement séparée de la SFIO, les socialistes conduits par Cachin, les militants du Comité pour l’adhésion à la Troisième Internationale et les syndicalistes révolutionnaires qui formeront ultérieurement la CGTU.
Pour nous les conditions de l’unité d’action, dans les Assises du communisme ou dans d’autres regroupements, pourvu qu’ils soient actifs et loyaux, sont donc claires : s’unir clairement avec tracts et affiches, à l’entrée des entreprises et des quartiers populaires, sur la politique des quatre sorties, sans opposer de droite ou de gauche la perspective du socialisme à celle de la rupture progressiste avec l’UE. Pour nous, si important qu’il soit conjoncturellement, notre soutien critique à Mélenchon est si peu une JLM-dépendance que nous n’avons jamais rallié ni le Front de gauche ni la France insoumise, et qu’aux prochaines européennes nous appellerons sans doute à former un large front patriotique, progressiste et internationaliste, et pourquoi pas aussi une large Convergence d’action communiste pour le boycott de cette élection supranationale.
Par ailleurs, la question de l’union des communistes se pose en termes d’action. Nous sommes sceptiques sur tout prétendu « élargissement » des Assises qui affaiblirait les bases d’action convenues en commun, notamment la politique des quatre sorties alors que ces Assises, et certainement pas par notre faute, ont jusqu’ici si mal fonctionné. D’ores et déjà, nous pouvons nous unir pour secourir les communistes polonais persécutés et, pourquoi pas, pour mettre en place nationalement et/ou localement (pourquoi pas dans le NPDC ?) une manifestation régionale ou nationale pour sortir la France de l’UE par la voie progressiste. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon, c’est dans l’action sur des bases radicalement euro-critiques qu’on peut former une unité d’action communiste qui en soit une et qui ne s’achève pas, en réalité, en une unité pour l’inaction et pour la paralysie mutuelle.
Et tout en appuyant fraternellement comme toujours les camarades du PCF qui affrontent leur direction social-eurocrate sur des bases de classe, nous appelons à tout faire pour que 2020 ne soit pas seulement un anodin anniversaire de plus du congrès de Tours, mais une balise rouge pour un NOUVEAU Congrès de Tours regroupant les révolutionnaires dans un vrai parti communiste tout en les séparant enfin des dirigeants euro-réformistes qui, depuis longtemps déjà, campent de l’autre côté de la barricade sociale.
Merci de votre attention.