Par Georges Gastaud, co-auteur du Livre noir de l’anticommunisme et Annie Lacroix-Riz, historienne, dernier livre paru La non-épuration en France (Armand Colin), DANIEL DUBOIS, libre-penseur et syndicaliste (59)
Inspirée par le très fascisant et très russophobe régime clérical polonais, la honteuse résolution votée en septembre 2019 par le « Parlement » européen quasi-unanime assimile le régime nazi exterminateur à l’Union soviétique qui, au prix de sacrifices sans égal, a libéré l’Europe de la peste brune. Cette résolution infâme n’est pas seulement négationniste, elle est liberticide car elle approuve chemin faisant la persécution politique des partis et des symboles communistes dans nombre de pays de l’Est (Pologne, Ukraine, Pays baltes) ; elle banalise en outre insidieusement le nazisme : car prétendre que le communisme historique ne vaut pas plus cher que le nazisme revient objectivement et du même mouvement, qu’on le veuille ou que l’on n’ait même pas l’intelligence de s’en rendre compte, à dévaluer et à diaboliser le premier pays socialiste de l’histoire tout en réhabilitant à mots même pas couverts le régime le plus criminel et sciemment génocidaire de toute l’histoire moderne !
Bien placé pour voir QUI, durant la Seconde Guerre mondiale, combattait vraiment les nazis et QUI avait au contraire collaboré ou tenté de collaborer avec eux, Charles de Gaulle était loin de mettre sur le même plan Hitler et Staline quand, en décembre 1944, il se rendit à Moscou pour signer le premier Traité d’amitié franco-soviétique. Le chef de la France libre déclarait alors : « les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ». Une phrase que devraient méditer les piètres eurodéputés « verts » et « socialistes » qui, alors qu’ils s’apprêtent à quémander les voix communistes au nom de l’ « union de la gauche » à l’occasion des municipales*, n’ont pas craint de mêler leurs voix à celles de francs nostalgiques du fascisme pour mettre à égalité le nazisme exterminateur et son principal vainqueur (de Stalingrad à Berlin en passant par Leningrad et Koursk…), l’Armée rouge ouvrière et paysanne de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Pour être bien dans l’air anticommuniste de nos temps contre-révolutionnaires, l’amalgame promu par le Parlement européen n’en repose pas moins sur plusieurs supercheries historiques et conceptuelles.
Historiquement, les vrais collabos internationaux qui ont torpillé les efforts de paix de l’URSS et qui ont largement stimulé l’agression hitlérienne sont à chercher à l’Ouest et non à l’Est de l’Allemagne et de la Pologne. Souvenons-nous : alors que l’URSS tentait, malgré l’éloignement géographique, d’armer l’Espagne républicaine agressée par la Triade Franco-Mussolini-Hitler, que l’Internationale communiste aidée par le PCF envoyait les Brigades internationales au secours de l’armée républicaine*, que la France bourgeoise fascinée par le Reich fermait les yeux sur le réarmement allemand et sur la réoccupation hitlérienne de la Rhénanie, que toutes les tentatives soviétiques, continues depuis 1933, pour mettre en place une alliance militaire antihitlérienne anglo-franco-russe étaient systématiquement sabotées par les « démocraties » occidentales et que le danger pointait pour l’URSS de se retrouver seule face à une alliance antisoviétique de facto à l’Ouest et face au Japon militariste à l’Est (« Pacte anti-Komintern »), alors que Londres et Paris signaient le honteux Pacte de Munich abandonnant la Tchécoslovaquie à Hitler et que la dictature polonaise des colonels refusait à Moscou, avec l’appui de fait de Paris et de Londres, le droit d’aller au contact de la Wehrmacht sur le sol polonais en cas d’invasion allemande de la Pologne, alors qu’en 1939, l’Etat-major français resta l’arme au pied sur notre frontière Est (« Drôle de guerre ») et qu’il choisit ridiculement d’envoyer deux corps expéditionnaires français se battre aux marches nord-ouest et sud-ouest de la Russie (Finlande, Caucase) pour tenter de prendre en étau l’Armée rouge …
- ce sont bien les communistes allemands qui furent les premières victimes des bourreaux nazis ;
- ce sont bien les Soviétiques qui – seuls – liquidèrent le Blitzkrieg dès l’été 1941 puis stoppèrent l’ « invincible Wehrmacht » à Stalingrad, et qui, pour finir, prirent seuls Berlin en portant le coup fatal au Troisième Reich ;
- ce sont bien les communistes français qui, bien que menacés de la peine de mort pour « propagande communiste » par le décret du « socialiste » Sérol (9 avril 1940), proposèrent au gouvernement Reynaud d’armer le peuple de Paris et de faire de notre capitale une ville inexpugnable ; ou qui, par l’appel du 17 juin 1940 lancé par le dirigeant communiste Charles Tillon à partir du territoire français, appelèrent les tout premiers le peuple français à résister à l’envahisseur et aux traîtres
Le fait qu’aujourd’hui les petits marquis de la fausse gauche et du « communisme » repenti s’interrogent gravement pour savoir s’il convient de défendre des « staliniens » ou supposés tels menacés par l’euro-Parlement (en les sommant d’abjurer leurs convictions pour prix d’une « défense » par ce petit monde intellectuellement invertébré ) montre en outre que ces gens – dont on se demande bien quel camp militaire ils eussent choisi à Stalingrad ! – sont décidément plus anticommunistes qu’antifascistes. Comme en 1939, l’URSS sert de prétexte à l’anticommunisme, comme quand le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 a servi de pur prétexte à une interdiction du communisme (à l’époque, du PCF) que Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, avait promise formellement à l’ambassadeur du Reich à Paris le 1er juillet 1939 : car en validant à demi, ou en approuvant carrément l’Euro-parlement de la honte, en entamant derrière lui un nouveau Chemin du déshonneur dont on ne sait que trop où il les conduira tous, en refusant le réflexe démocratique élémentaire consistant à défendre tels qu’ils sont les communistes attaqués par les loups de l’euro-fascisation en marche, cette pseudo-gauche ne montre que trop l’inconsistance de son verbiage « antitotalitaire ». Voilà des gens qui, lorsque les dirigeants anticommunistes de Solidarnosc les appelaient à la rescousse contre la Pologne populaire, déclaraient en chœur, « mais non, nous ne sommes pas contre le socialisme et la propriété socialiste des moyens de production, nous sommes seulement pour le pluralisme politique auquel attente le régime communiste polonais ». La preuve éclatante de leur hypocrisie, la preuve que ce concept fourre-tout de totalitarisme ne vaut rien, c’est que désormais, le socialisme polonais a été arasé, les Chantiers de Gdansk ont fermé, des millions d’ouvriers et de paysans polonais ont repris le chemin de l’émigration pour gagner misérablement leur vie, et cela ne dérange en rien les petits messieurs de la Solidarité… anticommuniste. Mais pire, maintenant que le régime polonais brise le pluralisme politique et persécute les communistes à Varsovie, c’est encore CONTRE LES COMMUNISTES PERSECUTES et non pas contre les anticommunistes fascisants et persécuteurs, que se tourne à nouveau l’ire de notre vertueuse « gauche » antitotalitaire. Preuve par A + B que ce qui a jamais intéressé ces gens, c’est bien l’anticommunisme – au prix s’il le faut, de la dictature de droite !– et nullement l’antifascisme – au prix élémentaire du Front populaire antifasciste pour la paix et la démocratie, chacun gardant ses convictions propres sur les questions idéologiques et historiques.
On peut discuter sereinement, en se respectant les uns les autres, de toutes les questions historiques et idéologiques intéressant le passé et le futur du combat pour le socialisme. Sur la base des faits dûment et contradictoirement établis, on peut discuter de l’URSS avant, après et pendant l’époque de Staline. C’est une chose dont nous ne pourrions d’ailleurs même pas rêver si les millions de Soviétiques tombés dans la lutte antihitlérienne, les dizaines de milliers de Fusillés communistes (en immense majorité FTP) morts chez nous pour la liberté, de Châteaubriant à la Citadelle d’Arras en passant par le Mont Valérien, n’avaient pas sacrifié leur vie au profit, entre autres, d’individus d’une ingratitude et d’une hypocrisie confondantes. Mais c’en est une tout autre que de mettre en avant ces débats nécessaires, et dont nous communistes n’avons absolument pas peur, pour FAIRE BLOC AVEC L’U.E. FASCISANTE, RUSSOPHOBE ET ANTICOMMUNISTE et pour régler des comptes avec une partie mal-pensante du mouvement populaire à l’abri des lois d’exception qui arrivent à nouveau, et qui à l’arrivée, frapperont TOUS les démocrates.
A nouveau, comme dans les années trente, l’histoire va soumettre chacun à un test imparable : faire bloc avec l’UE du grand capital, avec les russophobes revanchards et avec les fascistes contre les communistes en enfilant la tenue de combat « antitotalitaire » ou, avec les communistes, sauver les conditions d’un libre débat sur le socialisme passé et à venir en combattant SANS MEGOTER la fascisation galopante et la marche à la guerre antirusse de notre continent à la dérive.
*Au fait, camarades du PCF, accepterez-vous de faire liste commune aux municipales avec les partis « verts » et « socialistes » qui approuvent les persécutions anticommunistes à l’Est et qui à demi-mots, veulent interdire la faucille et le marteau en Europe, ou débaptiser les places honorant la Mémoire de Stalingrad à Brive ou à Paris ? Il est vrai que la direction de votre parti s’est dérobée d’avance – croit-elle ! – aux persécutions, en abandonnant depuis longtemps l’emblème ouvrier et paysan de l’Internationale communiste et du grand PCF de la Résistance et du Front populaire !
Autre question : après une pareille motion de la honte, y a-t-il encore un communiste pour prétendre que cette Europe anticommuniste et fascisante peut « être réorientée du dedans » ?