Après les régionales, et alors que la France est toujours sous état d’Urgence, Georges Gastaud secrétaire national du PRCF répond aux questions d’Initiative Communiste.
Initiative Commuiste : Comment apprécier l’évolution politique en France après les Régionales ?
Georges Gastaud : La main sur le cœur, ils jurent tous qu’ils ont « compris le message » des électeurs.
C’est-à-dire que l’abstention de masse, l’effondrement du PS au premier tour dans des régions où il était sortant, l’envol des votes blancs et nuls, la montée en flèche du FN dans les catégories populaires, tout cela – qui dit de manière déformée, et parfois de manière carrément désespérée et suicidaire, l’immense ras-le-bol du peuple face à l’euro-désintégration de la nation, du produire en France et des acquis sociaux – est aussitôt gommé par Valls, Juppé et Cie. Constatant que le « front républicain », cependant de plus en plus usé, risqué et aléatoire, a encore provisoirement sauvé les meubles de l’UMPS cette fois-ci, Valls, Hollande et une bonne partie de la droite (Bertrand, etc.) se demandent comment officialiser l’alliance UMPS déjà réalisée dans les urnes sous couvert d’ « antifascisme ». Hollande ne pense qu’à blinder un éventuel second tour de présidentielle où il espère être présent derrière MLP TOUT EN CONTINUANT LA MEME POLITIQUE antisociale (à bas le Code du travail, les statuts, l’emploi cheminot, le SMIG, la Sécu, les APL…) et antinationale (mise en place d’une gendarmerie des frontières habilitée à intervenir sans l’accord des Etats frontaliers de la Grande Europe). Rien ne compte aux yeux du CAC-40 que le primat de l’euro – donc du « remboursement de la dette » (c’est la même chose !) -, rien d’autre que la marche à l’Europe fédérale, rien que les négociations sur la Pacte transatlantique et que le renforcement de l’OTAN, que la poursuite sous des formes nouvelles des ingérences en Ukraine, en Afrique, au Proche-Orient… Certes, ils savent bien qu’en France, ça finira bien par péter car notre peuple en a ras-le-bol du mépris, du mal-vivre, du travailler dur pour des clopinettes, des services publics au rabais, en un mot, de l’humiliation et de la régression pour tout horizon. Mais d’une part, les dominants savent que le FN ne menace absolument pas la « construction » européenne, que MLP multiplie les appels du pied à l’UE et au MEDEF; ils savent aussi qu’en sens inverse le renforcement continu de l’Etat policier sous état d’urgence à rallonge (le bel « antifascisme » que voilà !) permet de resserrer la tenaille DITE sécuritaire sur le peuple : vidéosurveillance partout, possibilité pour le Big Brother étatique de lire toutes les courriels privés qu’il veut, d’interdire les organisations qui déplaisent, les manifs qui dérangent, etc. Et pendant ce temps, Fabius continue de frayer avec le Qatar, avec l’Arabie saoudite, avec l’intégriste turc Erdogan, bref avec tous ceux qui alimentent l’intégrisme…
La seule question qui se pose est alors comment briser toutes ces tenailles qui prennent notre pays en étau
- Tenaille de la fausse gauche et de la fausse extrême gauche européiste, qui continuent de vendre à prix cassés l’introuvable « Europe sociale », qui décrient le drapeau tricolore et la Marseillaise en laissant le FN récupérer et usurper ces symboles d’origine révolutionnaire pour diviser la classe ouvrière ;
- Tenaille du nationalisme frontiste et du régionalisme séparatiste, voir la Corse hélas, où les ultra-droitiers de Talamoni sont au pouvoir et où ils viennent de déclarer la guerre à la République laïque, afin de liquider la France démocratique et populaire du CNR ;
- Tenaille de la fausse droite « laïque », qui ne stigmatise les travailleurs « musulmans » que pour installer des crèches dans les mairies au nom de « traditions » ressorties de la naphtaline, et des divers communautarismes religieux hostiles aux Lumières et à l’émancipation féminine, ces deux forces convergeant pour menacer l’école laïque et pour vider de tout contenu la loi laïque de 1905 qui sépare l’Etat de toutes les Eglises ;
- Tenaille d’un syndicalisme euro-formaté qui reste l’arme aux pieds face au déluge d’agressions contre le monde du travail en laissant chaque secteur agressé se défendre et se faire ratiboiser tout seul : dame, il ne faut pas énerver la Confédération Européenne des Syndicats qui « accompagne » la casse sociale à l’échelle du sous-continent !
Initiative Communiste : Comment desserrer puis casser ces tenailles politiques ?
Georges Gastaud – Il n’y a pas de voie courte. Si on en est à ce degré de droitisation de l’opinion et de résignation de certains secteurs du monde du travail (cf le vote sous chantage patronat à l’entreprise SMART), c’est aussi parce que la direction du PCF n’a cessé de reculer idéologiquement depuis plus de trente ans en effeuillant l’un après l’autre tous les fondamentaux issus du Congrès de Tours et enrichis par le Front populaire et par la Résistance ; primat de la classe ouvrière, organisation en cellules d’entreprise, aide au syndicalisme de classe et de masse, marxisme-léninisme, perspective révolutionnaire, alliance du drapeau rouge et du drapeau tricolore pour mettre la classe ouvrière au centre de la nation… et la nation au cœur de la classe ouvrière, perspective affirmée de la révolution socialiste, défense éclairée de la première expérience socialiste de l’histoire, solidarité de classe internationale et j’en passe. Ce recul et ce désarmement ont permis à l’idéologie de la classe dominante, disposant de moyens de diffusion d’une puissance inouie, de devenir hégémonique et d’imprégner tous les secteurs de la société. Aujoud’hui, quand le PCF, devenu la section hexagonale de la « Gauche européenne » prêche pour un introuvable « euro au service des peuples », quand il dialogue officiellement avec le MEDEF, quand il soutient le capitulard Tsipras plutôt que le PC de Grèce, quand aux régionales le vrai souci des directions est de présenter des listes en état de fusionner au second tour derrière le PS (quand PS il y a !), quand des militants se réclamant du communisme en arrivent à voir dans l’ultra-droitier Estrosi un « barrage » antifasciste au FN, quand pas un seul député ou sénateur du PCF ne vote contre l’état d’urgence à rallonge de Hollande, faut-il s’étonner si le PS – qui n’a jamais demandé que ça ! – s’aligne sur la droite néolibérale et si l’UMP sarkozyste ne cesse de surenchérir avec le FN qui, très logiquement, récupère tout ce glissement à droite de l’éventail politique français?
Il faut donc reconstruire l’union dans l’action des vrais communistes, qu’ils soient ou non membres du PRCF. Quelle force auraient les militants franchement communistes si, au lieu de poser sans cesse le problème à l’envers en s’autoproclamant « parti » (à quelques dizaines) ou union pan-hexagonale des communistes, ils commençaient par le commencement et, partant des forces communistes organisées telles qu’elles sont, s’ils AGISSAIENT ensemble, en diffusant des tracts communs à la porte des usines et sur les marchés pour appeler le peuple à combattre à la fois la fascisation galopante, les mesures Valls-MEDEF, l’UE du capital, les ingérences impérialistes. Et pas en s’interrogeant à perpétuité sur cette Europe mortifère, pas en se demandant à l’infini si la « matrice léniniste » est la bonne pour reconstruire un parti (laissons ce type d’interrogation aux dirigeants mutants du PCF !), mais en rompant avec la mensongère « réorientation progressiste de l’Europe », qui fait rire dans les usines, et en défendant la ligne innovante d’une SORTIE unilatérale, par la porte à gauche, de cette machinerie de mort qu’est l’UE atlantique doublée de la zone euro. Et pour ceux qui essaient déloyalement de prendre le PRCF de gauche pour cacher leur propre incapacité à affronter l’U.E. et l’euro, je reprécise ici pour la millième fois que pour nous les quatre sorties (euro, UE, OTAN, capitalisme), articulées à un programme antimonopoliste visant la satisfaction des revendications populaires, appartiennent à la même dynamique révolutionnaire dont le terme est le socialisme pour la France.
Plus concrètement et plus immédiatement, le PRCF renouvelle ses deux appels :
- Aux forces progressistes politiques et syndicales, rencontrons-nous pour construire ensemble, par ex. en janvier, une grande manif nationale unitaire contre le FN et la droite, contre l’ensemble de la politique gouvernementale et européenne, contre l’OTAN, pour la République sociale, souveraine et fraternelle ; et j’ajoute, vu ce qui se passe en Corse et qui pourrait prendre dangereusement corps ailleurs étant donné le déboussolage populaire, pour la République une, laïque, francophone et indivisible, si diverse qu’elle soit (vivent les langues régionales tant qu’elles ne sont pas prétexte à casser le pays !). Militants du mouvement ouvrier et démocratique, reprenons l’initiative sur le terrain qui nous est le plus propice : la RUE. Bien sûr il y a l’ « état d’urgence ». Mais n’a-t-il pas été fait, nous dit-on chaque jour, pour défendre les libertés démocratiques au premier chef desquelles se trouve celle de faire grève et de manifester. Du reste, les chambres patronales qui organisent d’immenses marchés de noël comme à Strasbourg sous l’œil bienveillant du gouvernement : touche pas à MES profits, tant pis pour TES acquis ! Au demeurant le moratoire sur les manifs, qui est appliqué de fait, ne s’accompagne bizarrement pas d’un moratoire de Macron et du MEDEF contre les conditions d’existence des travailleurs du commerce, contre les cheminots, contre les salariés d’Air France, contre les enseignants du collège obligés d’appliquer une contre-réforme qu’ils rejettent…
- Organisons et médiatisons au plus tôt, je le répète, une table ronde unitaire et plurielle pour rendre visible l’alternative progressiste à l’UE. Il y a de brillants intellectuels, des organisations, des syndicats qui déjà s’affirment à la fois 100% anti-Le Pen et qui veulent sortir au plus tôt du mouroir euro-atlantique en reconstruisant l’indépendance nationale, le progrès social, le secteur nationalisé, le produire en France, le logement social, l’Education nationale de qualité pour tous, la Sécu remboursant 100% les soins… tout cela sur la base, non pas d’un repli national, encore moins du stupide repli régional ou « métropolitain », encore moins que moins d’une infâme politique de discrimination xénophobe, mais sur la base d’une coopération internationale impliquant à égalité les peuples de tous les continents.
Je le redis avec gravité : la montée fulgurante du vote FN, notamment en terres ouvrières, la percée du séparatisme le plus agressif dans plusieurs régions, la poursuite obstinée de la politique maastrichtienne par l’UMPS (qui se dit que quelques années de barrage UMPS de second tour – avec la politique archi-patronale qui irait avec – pourraient suffire à mener à son terme l’euro-dissolution de la France ; après quoi le peuple de France pourrait toujours brailler contre ses maîtres : en quelle langue d’ailleurs puisqu’on veut l’écarteler entre le tout-anglais des élites et les groupes de pression linguistiques à l’échelle locale ?) appellent de la part des forces de progrès un arrêt des petites manœuvres nombrilistes.
Sombrer ensemble dans le déshonneur ou bien résister, contre-attaquer, reprendre l’offensive ensemble, il n’y a donc pas de troisième chemin et le temps presse terriblement. J’invite ceux et celles qui liront ces mots et qui en constateront la vérité et la sincérité, à renforcer sans tarder le combat du PRCF.