Déclaration du Secrétariat national du PRCF – 17 mars 2022
L’inacceptable « autonomie » pour ne pas traiter les maux de la Corse
L’annonce du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, d’« aller jusqu’à l’autonomie » pour tenter piteusement de reprendre le contrôle de la Corse – où, à la suite de l’agression sauvage d’Yvan Colonna (condamné pour son implication dans l’assassinat du préfet Erignac en février 1998), se multiplient les émeutes depuis plus de 10 jours –, constitue une inacceptable forfaiture. En prononçant ce terme avec l’aval du despote Macron, sans même une consultation du Parlement, Darmanin ouvre la voie à une rapide dislocation euro-girondiniste de la France où vont désormais se multiplier les appels à l’autonomie, cache-sexe de l’« indépendance » sous pilotage bruxellois direct, de Brest à Pointe-à-Pitre, de Biarritz à Bastia, de Strasbourg à Perpignan.
Incontestablement, la Corse souffre de nombreux maux depuis des décennies, comme la pauvreté accablante – près d’un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté – et une économie beaucoup trop mono-centrée sur le tourisme, au détriment d’une base industrielle et agricole sous-développée ; et ce ne sont pas les « transferts sociaux » qui compensent les fortes inégalités avec le niveau de vie moyen du reste du pays et les retards de développement. En outre, et ce depuis près de 100 ans, les forces politiques établies, de l’extrême droite collabo aux faux « socialistes », n’ont cessé de fricoter avec une puissante mafia disposant d’un grand pouvoir sur une bonne partie de l’île, plongeant cette dernière dans la corruption et la criminalité et utilisant les forces dites nationalistes pour rester intouchables.
La Corse, laboratoire pour détruire la République une et indivisible
Face à cette situation, plutôt que d’engager une politique basée sur l’industrialisation, sur l’essor des structures productives de la Corse et sur un vaste plan de formation des travailleurs, les euro-gouvernements successifs au pouvoir ont maintenu l’île dans une situation de fragilité et de précarité explosives, tout en laissant prospérer des discours nationalistes et indépendantistes de plus en plus radicaux. Pire : à l’image des fédéralistes « écologistes », nombre de forces politiques n’ont cessé de torpiller la République une et indivisible, héritage de la Révolution jacobine de 1793 reposant sur le triptyque démocratique communes-départements-nations pour substituer une « Collectivité territoriale de Corse » (CTC) aux prérogatives croissantes. De même qu’a été laissée sans riposte la rhétorique contre l’« Etat jacobin hypercentralisé », alors même que l’Etat centralisé démocratique fut l’œuvre des jacobins et que sa caricature hypercentralisée, bureaucratique et militariste a été mise en place par un certain Napoléon Bonaparte. Et désormais, des membres du « Front de libération nationale de Corse » (FLNC) appellent, a minima, à un transfert des compétences régaliennes (police, justice, armée) émanant de la République une et indivisible vers la CTC ! Ce qui garantirait à l’avenir la totale impunité pour les groupes imposant leur volonté et leurs intérêts par la violence armée.
Jamais les forces nationalistes et indépendantistes ne se seraient trouvées dans une telle situation si un développement socialiste basé sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et la lutte contre la misère et les inégalités avait existé, en lieu et place du système capitaliste rapace et semeur de la division, de l’inégalité territoriale, du déclin des services publics d’Etat, de la haine et du chaos. De même, jamais elles n’auraient pu gagner en influence auprès d’une partie des citoyens français de Corse si les Jospin, Sarkozy et autres Hollande n’avaient pas participé au démantèlement progressif des structures institutionnelles de la République une et indivisible, avec notamment la suppression des départements corses, pour le maintien desquels la population corse avait pourtant voté. Quant à la Macronie adepte du « pacte girondin », en introduisant le « droit à la différenciation des territoires » dans la Constitution le 12 juillet 2018 – , sous la pression en partie clientéliste des forces régionalistes et nationalistes comme en Bretagne ou en Alsace –, elle a ouvert une terrible boîte de Pandore dans laquelle s’engouffrent lesdites forces.
L’euro-démantèlement du territoire tous azimuts
Or, à l’heure actuelle, toutes les forces politiques établies, acquises à l’ordre européiste (avec lequel elles ne souhaitent pas rompre) promouvant le « saut fédéral européen », contribuent à cet euro-démantèlement du pays. Déjà, lors des émeutes de l’automne 2021 en Guadeloupe, la Macronie a évoqué subitement, sans le moindre débat parlementaire, comme si Macron disposait souverainement des la configuration territoriale du pays, voire de ses frontières à avenir, l’idée d’autonomie, alors que les travailleurs en lutte et les syndicalistes de combat manifestaient contre le prétendu « passe sanitaire », le coût de la vie et l’absence de développement des structures productives sur l’île. Rien d’étonnant pour les chantres de la différenciation des territoires, désireux de se débarrasser de ce qu’elle considère comme un « boulet » pour la France. Alors qu’au contraire, une politique démocratique de développement territorial « mettrait le paquet » pour le rattrapage économique et social des territoires appauvris en pratiquant une péréquation nationale transférant des ressources des territoires les plus riches vers les territoires les plus déshérités.
Outre la Macronie, les faux « Républicains » (dont la candidate Pécresse propose des peines judiciaires « différenciées » selon les « territoires » où sont commis les crimes et les délits !), « socialistes » et « écologistes », mais aussi les trotskistes pablistes du NPA voyant dans les émeutes actuelles un fantasmé « ça va péter révolutionnaire » et adeptes de la reconnaissance d’un « peuple corse » et de la « langue corse », capitulent face aux forces nationalistes. Il n’en va pas jusqu’au (de moins en moins) « jacobin » Jean-Luc Mélenchon qui propose d’appliquer l’article 74 de la Constitution de la Ve République (qu’il prétend pourtant vouloir remplacer) pour attribuer à la Corse un statut administratif comparable à… celui de la Polynésie française !
Quant à l’extrême droite lepéno-zemmourienne, son refus de sortir de l’Union européenne (UE) qui renforce les régionalismes contredit totalement son pseudo discours unitaire basé avant tout sur la promotion d’une France xénophobe fantasmée – niant au passage la diversité des origines des citoyens français de Corse et d’ailleurs. Une position valorisant les « différences » et reprise par les régionalistes de tous poils versant de plus en plus dans un ethno-différentialisme foncièrement anti-égalitaire. C’est ce qu’affirme la sociologue Marie Peretti-Ndiaye, expliquant à raison que :
« Le nationalisme antimoderne favorise, quant à lui, le racisme différentialiste. […] un racisme plus directement lié à la nécessité, politique, de « faire communauté », dans un contexte marqué par la prégnance, depuis les années 1970, des revendications nationalitaires, se développe. La mise en avant de marqueurs différentiels corses revêt, ici, une importance spécifique et peut donner lieu à des phénomènes de différenciation et de mise à distance susceptibles d’ouvrir un espace au racisme. Le nationalisme corse s’inscrit dans une dynamique propre aux mouvements qui luttent aujourd’hui pour un dépassement du cadre national traditionnel et de nouvelles conceptions de la territorialité. Historiquement, la montée en puissance de ces nouvelles conceptions s’inscrit dans un contexte marqué par l’infléchissement du discours égalitariste au sein de l’État. […] En cristallisant les angoisses liées à une disparition – orchestrée par l’État français – du « peuple corse », ces références ont étayé plusieurs revendications politiques. »[i]
Une seule solution : le Frexit progressiste
Voilà pourquoi le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF), fidèle à l’héritage jacobin de la République une et indivisible qui repose sur le principe puissant et central d’EGALITE et de laïcité, condamne les propos irresponsables et antirépublicains de Darmanin et des autres dirigeants politiques prêts à s’incliner devant les revendications/sommations des nationalistes et indépendantistes corses – lesquels n’ont toujours pas condamné les crimes de sang commis par certains d’entre eux. Car d’éventuelles concessions « autonomes » aggraveraient le processus d’euro-dislocation de la France, ferait « contagion » avec d’autres régions où prospère l’euro-séparatisme discret ou avoué (Alsace, Bretagne, « Catalogne-Nord » …). Et, avec lui, la dislocation finale des conquêtes sociales, démocratiques et nationales issues entre autres du programme du Conseil National de la Résistance (Sécurité sociale, grandes nationalisations, statuts des travailleurs, etc.), conquêtes NATIONALES appliquées après-guerre par les ministres communistes en 1945-1947 et dont bénéficieront les citoyens et travailleurs de Corse comme tous leurs compatriotes, quelle que soit leur « petite patrie » de naissance.
Le PRCF tient aussi à affirmer la nécessité de valoriser l’enseignement de la langue et de la culture corses dans le cadre de la République une et indivisible et d’une Education nationale dotée de puissants statuts publics, et cela avec les mêmes lois pour tous les citoyens. Pour cela, il faut rompre radicalement avec l’UE du Capital qui paupérise et désindustrialise notamment la Corse. Le PRCF réaffirme son combat contre la corruption et la criminalité gangrénant dangereusement l’île, mais aussi contre le « pacte girondin » et le « saut fédéral européen ». Il prône haut et fort son attachement à la langue française comme langue commune unique de la République.
C’est pourquoi le Frexit progressiste constitue, plus que jamais, la seule perspective pour un développement socialiste sur des bases souveraines, égalitaires et démocratiques qui soit favorable à la Corse et ses habitants, citoyens français et travailleurs étrangers, ainsi qu’aux très nombreux Corses qui vivent sur le continent et dont l’autonomisme et l’euro-indépendantisme lèse en réalité les intérêts d’avenir.