Entretien estival avec Fadi Kassem, secrétaire national du Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) – Dimanche 18 août 2024
Initiative communiste :. Emmanuel Macron s’est réjoui de l’échec de « l’esprit de défaite » à l’occasion des Jeux olympiques de Paris de 2024 qui semblent avoir anesthésié le pays. Peut-on dire qu’après la dissolution soudaine de l’Assemblée nationale, Macron a réussi son pari olympique ?
Fadi Kassem Nous pouvons regarder la séquence qui vient de se dérouler selon plusieurs angles attaques. Tout d’abord, Jeux ou pas Jeux, nombre de citoyens et de travailleurs ont été épuisés par la longue séquence électoraliste ouverte par le scrutin européiste – que tout le monde semble avoir oublié – et clôturée par le sévère désaveu de la Macronie lors des élections législatives. C’est pourquoi Macron, fin stratège, a parié sur l’« esprit olympique » et l’appétit de sport au sein d’une partie de la population pour tenter de reprendre la main.
De ce point de vue, les Jeux olympiques ont été une réussite sportive et logistique – en dépit de vrais ratés comme la qualité des eaux de la Seine, à propos de laquelle je souhaite bon courage aux aventureux s’y baignant ! – et ont suscité un engouement chez une partie de la population. Et il est tout à fait logique que des millions de téléspectateurs – y compris peut-être parmi les travailleurs – aient apprécié les performances des différents sportifs du monde entier engagés dans ces jeux. Il reste à savoir s’il en résultera un élan structurel en termes de pratiques sportives chez les travailleurs, alors que seulement un ouvrier sur deux (et 55% des femmes) a une pratique sportive régulière. C’est un enjeu d’accomplissement et de santé, et c’est la raison pour laquelle le PRCF porte un projet en faveur d’un sport et de pratiques sportives véritablement populaires – nous éditons à ce sujet le bulletin Sports du peuple. Un projet aux antipodes du système starifié élitiste que la Macronie a favorisé pour que la France termine parmi les cinq premières nations mondiales pour les J.O. de Paris, et ce alors que l’Education physique et sportive en France est sabrée depuis des décennies par les euro-gouvernements successifs, que les municipalités peinent à entretenir les installations sportives, que les bénévoles souffrent au quotidien pour faire vivre le sport populaire et que ce dernier coûte de plus en plus cher.
En réalité, tout a été fait pour que soit instaurée une illusion, et même une véritable bulle, de la part des médias aux ordres notamment. Il était par exemple sidérant de voir BFMTV être une véritable officine de propagande pour vanter, sous toutes ses formes, les prétendus « mérites » de la Macronie, à l’image de la soi-disant efficacité de Darmanin dans la lutte contre l’insécurité. Or, lorsque l’on sait que cette « délinquance » concernait des vols de drones ou des infractions au code de la route et que pendant ce temps, la véritable délinquance (en col blanc, en bande organisée, les trafics, etc.), se poursuivait dans les grandes largeurs, il y a de quoi sourire (jaune). En outre, l’autre face des J.O. n’a bien évidemment pas été montrée par les chaînes dites d’« information en continu » : un dispositif de sécurité hors-normes que l’on ne risque pas de voir en temps normal pour des territoires ayant réellement besoin de combattre efficacement les trafics en tous genres, avec de surcroît la présence de policiers étrangers érigés en héros (notamment américains et allemands) ; les amendes records de 700 euros ( !!!) pour quiconque osait coller des autocollants pour critiquer les J.O. ; les prix délirants du ticket de métro (à plus de 4 euros !) ou d’une bière sans alcool à 8 euros ( !!!) pour assister aux épreuves à la porte de Versailles ; le prix des places pour les épreuves (jusqu’à 1.000 euros !!!) et du logement atteignant des sommes indécentes et absolument inaccessibles pour des millions de travailleurs. Mais le sommet de l’ignoble réside dans le « nettoyage » des rues de Paris à travers l’évacuation – pour ne pas utiliser un autre mot… – des sans-domicile fixes (SDF) tous chassés de Paris par les cars de CRS la nuit (il ne manquait que le brouillard…).
En somme, prenant prétexte des incontestables succès des sportifs français, c’est une véritable illusion olympique qui a été planifiée et organisée, avec la volonté de la Macronie d’en tirer un profit maximal. Ce n’est pas pour rien que Macron a refusé de nommer un nouveau Premier ministre – ce qu’il peut légalement et constitutionnellement se permettre, mais beaucoup moins sur le plan politique – et qu’il a annoncé une grande parade de clôture le samedi 14 septembre sur les Champs-Elysées, le weekend de la Fête de l’Humanité. Mais avec la fin de l’illusion olympique, le retour à la réalité s’annonce douloureux pour la Macronie ; une réalité qui, elle, n’a pas connu de pseudo « trêve olympique », et notamment à l’échelle internationale.
Initiative communiste : Justement, tandis que la bulle olympique a été sciemment constituée, l’actualité internationale est restée très inquiétante, avec l’attitude ultra-belliciste du fascisant Netanyahou, l’intensification de la guerre russo-ukrainienne ou les nouvelles tentatives de déstabilisation à l’encontre du Venezuela bolivarien. Le risque de guerre mondiale n’a-t-il pas progressé ?
Fadi Kassem : En tout cas, ce risque n’a pas reculé, au point que même Donald Trump a estimé que l’on était proche d’une troisième guerre mondiale. Une guerre à laquelle s’il était élu, il contribuerait certainement du fait de sa volonté manifeste d’en découdre avec la Chine populaire et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), mais aussi son soutien inconditionnel au fascisant Netanyahou au Proche-Orient (et notamment contre la République islamique d’Iran) et son ambition d’écraser les régimes anti-impérialistes en Amérique latine.
Il faut d’emblée signaler un point symbolisant parfaitement la confrontation en cours à l’échelle mondiale (avec les différentes spécificités afférentes à chaque conflit) : alors que les sportifs russes ne pouvaient pas participer avec leur bannière aux J.O. de Paris, ceux d’Israël paradaient et avaient le droit aux honneurs. Comme le dit le PRCF depuis des années, il est urgent de choisir entre l’Europe atlantique, asservie à l’OTAN et qui alimente la dynamique de conflagration générale notamment à l’est de l’Europe, et un monde pacifique nécessitant d’en finir avec l’hégémonisme états-unien et le capitalisme-impérialisme que l’Axe UE-OTAN défend mordicus.
De très loin, le risque actuel le plus urgent concerne le Proche-Orient du fait de la détermination du fascisant Netanyahou à anéantir le peuple palestinien – la rapporteuse des droits de l’Homme à l’ONU a de nouveau dénoncé le génocide du peuple palestinien après le nouveau massacre contre une école dans la bande Gaza ayant coûté la vie à 93 personnes – mais aussi à réaliser son véritable projet d’Eretz Israël, un « grand Israël » érigé il y a 3.000 ans. Car au-delà de la bande de Gaza qu’Israël souhaite contrôler en poussant à l’extermination (ou, moindre mal, à la déportation) de la population, la théocratie fasciste (dixit le maire de Tel-Aviv Ron Huldai le 4 décembre 2022 dans un article publié par Times of Israël) israélienne accélère la colonisation de la Cisjordanie et a déjà annexé le Golan syrien (avec reconnaissance par Donald Trump et confirmation par Joe Biden) et de facto Jérusalem-Est. Gageons que si le régime autoritaire et corrompu du maréchal Sissi en Egypte n’était pas conciliant (voire compromis) avec Israël, le gouvernement Netanyahou n’hésiterait pas à se lancer à la conquête du Sinaï afin d’accomplir la prophétie d’Isaïe qu’il a invoquée début novembre 2023. En outre, bénéficiant du soutien inconditionnel de l’Axe UE-OTAN (au-delà des déclarations théâtrales et hypocrites concernant les « préoccupations » face aux massacres de masse contre le peuple palestinien), Israël étend le conflit à l’ensemble du Proche-Orient, frappant violemment le sud du Liban et les houthis yéménites et n’hésitant pas à frapper directement la République islamique d’Iran. Rien de plus logique puisqu’Israël ne veut pas de paix au Proche-Orient et ne cesse de multiplier massacres (et encore en Cisjordanie de la part de colons israélien fanatiques) et provocations, à l’image de la présence de milliers de pratiquants juifs parmi lesquels un ministre d’extrême droite – rappelons que l’extrême droite est au pouvoir à Tel-Aviv, sans que cela heurte nombre de soutiens dits « démocratiques » en « Occident » – sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem, bien qu’il s’agisse d’un lieu protégé par l’ONU depuis 1967. Et tout cela, au risque de provoquer un embrasement généralisé préfigurant une troisième guerre mondiale.
Cette tendance a savamment été nourrie par l’administration Biden, à travers le soutien total à la théocratie fasciste israélienne et à l’Ukraine pronazie. Et l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aggraverait la situation sur tous les fronts – à l’exception notable (et non négligeable) a priori du front russo-ukrainien, de la baie de Cuba à la mer de Chine et à la péninsule coréenne en passant par le Proche-Orient. Ce qui ne signifie pas qu’il faille accorder confiance à Kamala Harris, actuelle vice-présidente donc tout autant comptable de la politique menée par Joe Biden. Aussi faut-il espérer, d’une part, que la guerre russo-ukrainienne s’achèvera le plus tôt possible (et par une défaite militaire de l’Axe UE-OTAN et du régime pronazi de Kiev), alors que le régime de Kiev a réussi une poussée meurtrière dans la région de Koursk. D’autre part, que les forces anti-hégémoniques, aussi contestables et même antipopulaires soient-elles (Fédération de Russie, République islamique d’Iran, etc.), parviendront à enrayer la marche généralisée à la guerre mondiale menée par l’Axe UE-OTAN.
Pour autant, la meilleure garantie pour une paix mondiale ne réside pas dans le soutien aux régimes antipopulaires, qui répriment les mouvements sociaux en Iran et en Russie par exemple, et pas davantage aux forces réactionnaires faisant basculer des peuples dans l’obscurantisme ethnique et/ou religieux. Elle se trouve plus sûrement dans les travailleurs en lutte contre leurs oligarchies capitalistes respectives et la reconstitution d’un grand mouvement communiste international qui, lorsqu’il était structuré autour du Komintern et de l’URSS, représentait le meilleur rempart contre le fascisme – et l’histoire l’a d’ailleurs très bien démontré au moment où l’on célèbre les 80 ans du débarquement en Provence et de la libération de Paris. Or, à notre époque, la menace exterministe est telle que cette question se pose avec une acuité renouvelée et urgente.
Initiative communiste – L’exterminisme, c’est la menace pour l’espèce humaine du fait de la guerre nucléaire, mais aussi le risque d’anéantissement de la biodiversité et de la vie face aux bouleversements écologiques divers. Là encore, les J.O. n’ont-ils pas occulté cette réalité pour l’été 2024 ?
Fadi Kassem – Evidemment, du moins de manière systémique. Si l’on analyse scrupuleusement les informations, on s’aperçoit rapidement que la situation s’aggrave et que, dans la continuité des été précédents, la planète suffoque de plus en plus. Avec une température moyenne de près de 16,91°C en juillet 2024 dans le monde, c’est le deuxième le plus élevé de l’histoire qui a été atteint. Quand on voit que la température avoisine 45°C en juillet à Séville et dépasse 50°C en Chine ( !), comment ne pas s’alarmer de la situation ? En France, si le printemps a été plutôt pluvieux, l’été, qui a pris du temps à s’installer, s’est traduit par des pics de chaleur intenses, perturbés par des variations de température et des épisodes orageux violents. Tout ceci a des répercussions sur la qualité des eaux – et l’épisode gaguesque des eaux de la Seine en est un excellent exemple. En outre, un nouveau record d’incendies a ravagé l’Amazonie tandis que la Grèce (en particulier les alentours d’Athènes, pulvérisés par les flammes, la Californie, la Croatie ou encore le Portugal ont été victimes de violents incendies. N’oublions pas également que les bouleversements climatiques et de températures touchent les espaces maritimes, et particulièrement la mer Méditerranée : près de 50 ans après le lancement du « plan Bleu » par l’ONU, la température de la mer avoisine les 30°C sur la Côte d’Azur et en Corse (contre 25-26°C ces 30 dernières années) !
N’oublions pas enfin les conséquences en matière d’agriculture, et déjà en France où les récoltes de céréales, de fruits et de légumes souffrent de toutes les variations météorologiques et climatiques, en particulier d’une sécheresse qui affecte spécifiquement les Pyrénées orientales – soumises à des restrictions d’eau structurelles depuis 2022. En outre, le fait que le prix de la tonne de café dans le monde s’accroisse de 35% en cette année 2024 – avec d’inévitables répercussions sur le prix de la consommation – ne peut être imputé, comme le font les médias aux ordres depuis mars 2022 pour justifier la folle inflation, à l’intervention russe en Ukraine mais bien à des problématiques structurelles parmi lesquelles le dérèglement climatique.
Incontestablement se confirme l’analyse de Marx et Engels selon lesquels le mode de développement capitaliste détruit les deux sources de richesse que sont la Terre et les travailleurs. Le problème réside dans le fait que tous les phénomènes exterministes sur le plan environnemental sont volontairement séparés les uns des autres pour laisser croire que les solutions sont individuelles (trier ses déchets, aussi nécessaire soit-il, par exemple) et faire oublier que le problème est avant tout structurel et est causé par l’ordre capitaliste et ceux qu’il sert le plus, les oligarchies capitalistes (et en premier lieu, l’oligarchie euro-atlantique). C’est ce qu’explique Clément Caudron – avec lequel le PRCF a réalisé un entretien en novembre dernier – dans son ouvrage Il est urgent de ralentir, appelant notamment à cibler les forces capitalistes par un drastique plan de rupture avec leur mode de vie (donc avec l’ordre UE-OTAN). Ce n’est pas pour rien que des activistes écologistes ont pris pour cible les villas privées de millionnaires comme le footballeur Lionel Messi, dont la villa d’Ibiza a été recouverte de slogans. Mais au-delà de ces opérations « coup de poing », c’est bel et bien une rupture véritable avec l’ordre capitaliste et ses structures qui est indispensable pour qu’un projet authentiquement écologique puisse triompher.
Initiative communiste – L’écologie est d’ailleurs l’une des composantes mises en avant par les représentants du Nouveau Front populaire (NFP), qui aspirent à exercer le pouvoir via Lucie Castets, choisie comme candidate au poste de Premier ministre. Or, nous voyons bien qu’Emmanuel Macron, désireux de reprendre à tout prix le contrôle de la situation politique, cherche à gagner le plus de temps possible. Comment analyser l’actuelle situation ?
Fadi Kassem – S’il y a bien une bulle dont Emmanuel Macron craint l’éclatement, c’est celle consécutive à son sévère désaveu lors des élections législatives. En dissolvant « par surprise » l’Assemblée nationale, il espérait mettre les forces dites de « gauche » dans l’embarras et escomptait obtenir encore une majorité suffisante pour gouverner.
Le fait est que son pari a en partie réussi puisque aucune majorité absolue n’existe pour une seule coalition politique, même si le NFP est la première coalition du pays. Mais il s’agit avant tout d’un cinglant échec pour Macron, dont le nombre de députés est deux fois moindre qu’en 2017. Et encore, plusieurs députés macronistes doivent leur salut au fameux vote de « barrage antifasciste » qui s’est exercé aveuglément, au point que les états-majors du NFP et que des forces dites « communistes » cautionnent, voire appellent, à voter pour Elisabeth Borne ou Gérald Darmanin au second tour ! Cependant, avec environ 170 députés, le bloc macroniste constitue une force suffisante avec laquelle tout gouvernement devra compter. De plus, il ne faut pas écarter la volonté macroniste de constituer un gouvernement de droite – qui serait improprement appelé « de centre » – avec les LR qui, avec autour de 65-70 députés, ont limité les dégâts en dépit du ralliement des LR lepéno-compatibles derrière Eric Ciotti. On arriverait ainsi à près de 240 députés – soit près de 50 députés de plus que le NFP – et déjà circule, comme par hasard, le nom de Xavier Bertrand comme potentiel premier ministrable. Et si Gabriel Attal multiplie les lettres aux responsables de partis des LR au P« C »F – ce qui en dit long sur ce qu’est devenu ce dernier ! – pour trouver une méthode de fonctionnement en faveur de « projets de majorité », et ce en écartant le prétendu « Rassemblement national » (qui, pourtant, n’hésite pas à voter des lois concordantes avec son idéologie comme l’infâme dite « loi immigration » proposée par Gérald Darmanin en décembre 2023) et LFI, c’est bien parce que Macron se dit que ce nouveau coup de force politique, niant totalement le fait que le NFP est la première coalition politique, peut fonctionner.
De ce point de vue, l’échec relatif du RN a été une aubaine pour Macron. Bien loin du raz-de-marée annoncé – certains sondages prédisaient même une majorité absolue potentielle –, le Rasssemblement lepéno-bardelliste a été plombé par ses propres « forces », tout le ramassis de candidats qui ont, pêle-mêle, posé avec une casquette SS bien vissée sur la tête ou appelé à refuser toute personne d’origine étrangère (en somme, nier le droit du sol) dans la haute administration ou au gouvernement. Autant de déclarations et de gestes ravageurs qui ont joué un rôle dans le réflexe de « barrage antifasciste » – au point, comme dit précédemment, de ne pas discerner les vrais éléments antifascistes des carburants de la fascisation que sont les LR, la Macronie et même des éléments EELV ou PS comme François Hollande – et qui ont affaibli le Rqssemblement lepéno-bardelliste. Mais on aurait tort d’enterrer ce dernier, qui constitue le premier parti politique à l’Assemblée nationale et qui, ne l’oublions, n’avait que 8 députés avant les législatives de juin 2022. De même que ce serait une erreur d’oublier que le prétendu « RN » est largement arrivé en tête du scrutin européiste (il est en tête dans 32.000 communes, soit plus de 90% du total des communes du pays !), avec une participation en hausse et des scores écrasants dans l’ensemble des territoires à l’exception des grandes métropoles (sauf à Marseille et Nice où il perce également). Preuve, une nouvelle fois comme le dit le PRCF, que l’abstention joue de plus en plus contre le « RN » et qu’un regain de participation joue en sa faveur du fait d’un vote d’adhésion, aussi contradictoires et néfastes soient les raisons de ce vote. A ce sujet, il est impératif de dénoncer les mensonges et de révéler la réalité du programme du RN, qui ne veut sortir ni de l’euro, ni de l’UE, ni de l’espace Schengen, ni de l’OTAN – et ne parlons même pas du capitalisme –, alors que Macron et ses satellites et même des gens dits de « gauche » font croire que le RN défend le Frexit ! Et ce d’autant plus que, Reconquête d’Eric Zemmour étant fortement affaibli par la séquence électoraliste, le « RN » peut davantage polariser les idées réactionnaires autour de lui. Et ainsi apparaître comme le pôle de « résistance » contre la « gauche » progressiste, comme l’a illustré la polémique autour des séquences choquantes pour des fidèles catholiques à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des J.O. – symbole du post-modernisme sociétal dont les éléments les plus radicaux cherchent à humilier publiquement les croyances religieuses – dont nous sommes bien d’accord qu’il faut, en tant que communistes, réduire au maximum au profit des Lumières communes, mais sans les éradiquer dans une folie déchristianisatrice à la Hébert et en respectant ces croyances dans la sphère privée.
Reste alors le NFP, dont le PRCF a suffisamment souligné les insuffisances et surtout les graves contradictions sur des questions centrales comme la livraison d’armes au régime pronazi de Kiev au nom de « l’urgence de la paix » ( !), l’absence de nationalisations pour relancer une indispensable réindustrialisation et, bien entendu, le rapport à l’UE du Capital et à la question patriotique. Or, déjà en son sein, les tensions sont multiples : opportunistes de premier ordre, François Ruffin et Clémentine Autain ont exploité la séquence électoraliste pour lancer une fronde anti-mélenchoniste (non sans quelques raisons valables comme le fonctionnement interne de LFI… dont ils connaissaient pourtant les règles à son fondement !) et, ainsi, lancer leur propre mouvement. Au-delà, deux tendances se sont dégagées : la volonté d’une « union de la gauche » similaire à la « gauche plurielle » de 1997 à tout prix, quitte d’ailleurs à laisser de côté une partie du programme très tiède du NFP – Marine Tondelier et le P« C »F étant au cœur des manœuvres depuis début juin ; celle d’une stricte application du programme du NFP que défend Jean-Luc Mélenchon, qui a accepté lui aussi cette « union de la gauche » non sans critiques (et pour cause pour celui qui qualifiait François Hollande de « capitaine de pédalo » !).
Mais quoi qu’il en soit, en admettant que le Premier ministre soit issu du NFP (ce qui serait le plus conforme à la dynamique politique exprimée, aussi faible soit la majorité dont disposerait ledit Premier ministre), il se heurtera très vite à deux obstacles : d’une part, la probable censure par les anti-FLI primaires parmi les macronistes (sans même parler des « LR » et du « RN ») ; de l’autre, et autrement plus grave, le « mur de l’argent » érigé par les forces euro-atlantiques dans le cadre de l’Axe UE-OTAN. Car l’événement central, au-delà de la nomination du Premier ministre, résidera dans le vote du budget national à partir de fin septembre. Et inutile de préciser que la France étant placée en procédure de « redressement pour déficit excessif » par la Commission européenne (programmée depuis septembre 2023 et annoncée en pleine campagne législative : simple hasard ? …), tout gouvernement refusant un affrontement radical avec l’UE du Capital sera condamné à l’échec puisque ne contrôlant ni la monnaie, ni le budget (et rappelons que le refus de ne pas prendre le contrôle de la Banque de France coûta cher à la Commune de Paris en 1871 ou au Front populaire en 1936…), ni même les lois de toute façon décalquées des directives européistes. De plus, la couleur a déjà été annoncée au printemps dernier par l’ancien « socialiste » Pierre Moscovici, premier président de la Cour des Comptes, qui a appelé à ce que la France réalise 50 milliards d’euros d’économies d’ici 2027 pour que la France soit en conformité avec les imbéciles et dogmatiques « critères de stabilité et de convergence » de Maastricht. Or, actuellement, aucun membre du NFP (même au sein de LFI) n’évoque cet enjeu CAPITAL pour les travailleurs de plus en plus en colère.
Initiative communiste – En colère, mais semble-t-il impuissants pour mener l’affrontement de classe au moment où le pays devient plus que jamais ingouvernable…
Fadi Kassem – Le PRCF explique en effet depuis des années que le pays est ingouvernable – et ce bien avant la présidentielle de 2022. Précisons qu’il s’agit d’une ingouvernabilité selon la volonté, donc la souveraineté, populaire sciemment bafouée et piétinée par tous les euro-gouvernements (y compris dits de « gauche ») depuis quatre décennies. Il est d’ailleurs stupéfiant, alors que se profilent les 20 ans de la victoire du NON au référendum du 29 mai 2005 contre le « Traité établissant une constitution pour l’Europe » (la dernière grande victoire démocratique et populaire pour les travailleurs en France, une éternité !), qu’aucun ténor du NFP n’évoque ce sujet. Comme si le passage en force du traité de Lisbonne le 4 février 2008 – avec l’appui, sans surprise, de nombre de parlementaires PS qui osent se dire encore de « gauche » ! – devait être effacé des mémoires et la contrainte européiste acceptée à jamais ! C’est cette situation qui exaspère et radicalise les travailleurs, l’enjeu étant de capter cette colère populaire dans un sens patriotique, populaire et pacifique radical afin qu’elle ne profite pas aux pires forces réactionnaires et fascisantes de France.
Or de ce point de vue, force est de constater que les syndicats, plombés par leurs directions nationales euro-confédérales – y compris Sophie Binet, grande supportrice acritique du NFP – qui jouent à fond la carte du « dialogue social » promu par l’Intersyndicale (dont la stratégie s’est soldée par un fiasco lors du combat pour la défense des retraites en 2023) contrôlée par la jaune CFDT et par la Confédération européenne des syndicats (C.E.S., dirigée par Laurent Berger annoncé un temps comme un possible futur premier ministrable !), sont désemparés par l’absence de perspectives politiques de rupture. Une véritable « rupture », pas celle annoncée par le NFP qui ne pourra rompre avec pratiquement rien – si ce n’est ses promesses sociales qui, pourtant, seraient déjà un gain utile pour les travailleurs. Et alors que les J.O. antipopulaires de Paris – sur lesquels s’extasient pourtant même des « communistes » du P« C »F ! – auraient pu être l’occasion de mener un véritable affrontement du fait de tous les scandales évoqués plus haut (sans compter les étudiants chassés de leurs logements par milliers) et, plus généralement, de la situation sociale réellement catastrophique dans le pays, les directions euro-confédérales – y compris de la CGT – ont joué la carte de la « trêve olympique » et de l’« union sacrée » que Macron veut prolonger à tout prix. On se demande bien comment il sera possible de mobiliser massivement les travailleurs dans ces conditions à la rentrée, encore plus si un gouvernement NFP est nommé à Matignon – option qui semble toutefois peu vraisemblable.
Et pourtant, comme je viens de le dire, la situation pour les travailleurs ne cesse de s’aggraver. Les urgences sont saturées et le système de santé est au bord de l’effondrement général : ce n’est pas pour rien que 100% des personnels soignants se sont mis en grève aux urgences d’Aix-en-Provence et que celles du Havre croulent littéralement. La rentrée dans l’Education nationale s’annonce explosive, en particulier du fait de l’application du « choc des savoirs » promu par Gabriel Attal et qui désorganise terriblement les collèges ainsi que des coupes budgétaires qui rognent toujours plus que les effectifs des personnels (enseignants, techniques, administratifs…) et sur le fonctionnement des établissements scolaires. L’inflation poursuit sa cadence et les prix de produits de première nécessité s’accroissent, les grands surfaces pratiquant même de plus en plus la mesure faussaire de « format maxi » avec des prix… encore plus maxi (et le prix au kilo permet de vérifier l’énorme supercherie). Et ne parlons pas des prix des transports, des énergies et du logement qui plombent toujours plus le budget des travailleurs, dont il faut rappeler que 35% d’entre eux ne font plus trois repas par jour et que la moitié ne part en vacances durant l’été. Cela montre d’ailleurs combien les conquêtes sociales comme les congés payés, invoqués à foison ces derniers mois, ne valent pas grand-chose quand les conditions d’application structurelles ne sont pas réunies. Et elles ne peuvent l’être dans l’ordre euro-atlantique.
Pour autant, il ne faut pas croire que les travailleurs baissent la tête. Gardons en tête qu’un grand mouvement de classe se développe dans le monde, et jusqu’aux Etats-Unis où ont été obtenues des augmentations de salaires historiques à l’automne dernier dans l’automobile. La colère des travailleurs se manifeste en Allemagne, au Royaume-Uni, en Argentine face à l’auto-proclamé « anarcho-capitaliste » Javier Milei qui démantèle l’Etat social, en Inde où Modi a obtenu la plus faible majorité absolue en juin dernier. Et les braises restent importantes en France, où les bases rouges de la CGT, refusant de soutenir aveuglément le NFP – tout en combattant la Macronie, les LR et l’extrême droite –, critiquent de plus en plus la stratégie Binet qui est dans la continuité de ses prédécesseurs depuis Bernard Thibault (d’ailleurs mis à l’honneur à l’occasion des J.O. antipopulaires !).
Initiative communiste – Il existe donc des perspectives et des motifs d’espoir pour les travailleurs et pour le PRCF pour cette rentrée 2024 et pour la nouvelle période 2024-2025 à venir ?
Fadi Kassem – Oui, et ce n’est pas un hasard si Emmanuel Macron cible « l’esprit de défaite » : qu’est-ce donc si ce n’est une peur du « défaitisme révolutionnaire » prôné par Lénine dans « Le socialisme et la guerre » en 1915, s’opposant ainsi à l’« union sacrée » que Macron veut à tout prix prolonger ? Les contradictions ne cessent en réalité de s’aiguiser et les tensions sociales et politiques de s’accroître, et il est fort à parier que l’actuelle Assemblée nationale peinera à tenir au-delà de l’obligatoire année au cours de laquelle aucune nouvelle dissolution n’est possible. A ce sujet, rappelons que le PRCF avait anticipé une dissolution dès fin avril dernier, sans quoi il n’aurait pas été possible de proposer des candidatures en un temps si réduit avec tout un dispositif de campagne, dont les trente mesures d’urgence et de nombreux dons – au demeurant plus importants que les besoins réels dont nous avions besoin, preuve que la mobilisation était efficace ! Cette campagne ainsi que la campagne pour le boycott du scrutin européiste ont permis de diffuser les idées du PRCF, bien reçues par de nombreux travailleurs alors que la mobilisation électorale s’effectue de plus en plus négativement sur la base du rejet d’une force politique, et non d’une réelle adhésion à un projet.
Cette nouvelle saison pourrait toutefois, pour la première fois depuis 2014-2015, se traduire par une certaine apathie du fait, d’une part, de l’absence de séquence électoraliste (du moins jusqu’à l’été prochain potentiellement) et, d’autre part, devant l’absence de perspective de mouvement social d’ampleur comme en 2016 (loi Chômage), en 2018-2019 (gilets jaunes), en 2019-2020 (retraites) et en 2023 (encore les retraites). Ce qui ne signifie pas qu’il n’y aura pas de luettes (et il y en a plein au moment où nous échangeons) sociales nombreuses, mais qu’il ne sera pas forcément facile à coordonner sous le mot d’ordre du « tous ensemble en même temps » (et dans le même sens) que prône le PRCF depuis des années. Dès lors, en espérant qu’aucune nouvelle épidémie mondiale perturbe les travailleurs – au moment où se développe une nouvelle variante de variole qui est désormais arrivée en Europe – et, plus encore, que la troisième guerre mondiale n’éclate pas, cette année 2024-2025 pourrait permettre de renforcer les structures internes du PRCF, ce est la priorité majeure face à l’urgence absolue de reconstruire un vrai Parti communiste en France, au moment où l’actuel P« C »F euro-muté accélère son écroulement – et les lamentables échecs de Léon Deffontaines et Fabien Roussel au premier tour des législatives face au « RN » (Roussel perdant même une circonscription tenue par le P« C »F depuis 1962 !) en sont la spectaculaire démonstration – et son asservissement à la « social-démocratie » dans le cadre du NFP.
Renforcer les structures, cela signifie aller dans le sens du Ve congrès du Komintern qui, à l’été 1924, mit à l’honneur les forces anticolonialistes et anti-impérialistes et lança le mot d’ordre de bolchévisation des partis communistes dans le monde. Bolchévisation, un mot ringard pour les tenants des « mouvements gazeux » (pourtant en voie de déliquescence) et de tous ceux qui se défient de la « forme-parti » ; un objectif pourtant indispensable à atteindre pour que le mouvement ouvrier, affaibli et impuissant du fait des euro-trahisons des appareils nationaux du P« C »F et de la CGT, ait enfin un outil de classe pour mener le combat contre l’oligarchie euro-atlantique de France. A ce sujet, des progrès notables ont été effectués ces derniers mois par le PRCF en termes d’implication et d’activité régulières de nombreux camarades, en attestent la diversité des productions sur tous les sujets politiques, sociaux, idéologiques et internationaux, de la condition féminine aux transports, de l’écologie et de l’agriculture à la culture, de la bataille pour un syndicalisme de classe à celle pour la paix, etc.). Nous allons renforcer les exigences de rigueur et de régularité de tous les camarades, étant entendu que la direction nationale – et les secrétaires nationaux en premier lieu –, qui effectue déjà un remarquable travail au regard des moyens dont nous disposons, est la première concernée. Parmi les chantiers importants, nous allons poursuivre le développement de nos médias et de nos réseaux sociaux – qui ont déjà réalisé d’importants progrès cette année –, la diffusion encore plus prioritaire du journal Initiative communiste et de la revue théorique EtincelleS et la formation interne des militants, y compris sur des questions pratiques et de sécurité à maîtriser alors que l’euro-fascisation explose depuis des années – et l’infâme circulaire Dupont-Moretti du 11 octobre 2023 qui a débouché sur l’interpellation, le jugement et la condamnation du secrétaire général de l’UD CGT du Nord Jean-Paul Delescaut – que le PRCF a soutenu fermement – en est une preuve flagrante.
Mais les perspectives sont aussi extérieures pour le PRCF et deux événements doivent être retenus. Tout d’abord, les 20 ans du PRCF, qui se tiendront les 19 et 20 octobre prochains – le programme et les indications pratiques seront rapidement publiés. Ce sera l’occasion de mettre à l’honneur à la fois les fondateurs encore présents ou disparus, les origines de la fondation du PRCF et, en même temps, l’ensemble des combats menés par le PRCF et les perspectives d’avenir enthousiasmantes. L’enthousiasme, c’est ce qui a caractérisé le camp d’été de la JRCF fin juillet-début août 2024, qui a été une grande réussite logistique, fraternelle et politique et qui prouve que le PRCF, qui connaît un essor croissant de ses effectifs de jeunes notamment, porte bien le message d’avenir et la seule perspective claire, cohérente et radicale pour les travailleurs, à savoir le Frexit progressiste. A ce sujet, l’autre grand événement concernera les 20 ans de la victoire du NON au référendum du 29 mai 2005, pour lequel le PRCF organisera, avec d’autres forces parmi lesquelles celles qui ont mené la campagne pour le boycott du scrutin européiste de juin 2024 – Pardem, Dynamique populaire constituante et RPS-FIERS entre autres –, un grand rassemblement au printemps prochain. Un événement qui mettra en avant la nécessité d’une Alternative de franche rupture avec l’Axe UE-OTAN pour une France franchement insoumise, au moment où Macron voudra accélérer le « saut fédéral européen » qu’Ursula von der Leyen, fraîchement réélue à la tête de la Commission européenne, porte avec fanatisme. D’où la nécessité de l’Alternative rouge et tricolore associant le drapeau de l’internationalisme prolétarien et de la Révolution jacobine comme surent le faire, chacun à leur façon et dans des contextes très différents, Robespierre, Jaurès et Thorez, à qui le PRCF vient de rendre hommage à l’occasion de leurs disparitions respectives à chaque fois en juillet et à chaque fois une année s’achevant par 4.
Cela ne signifie pas que le PRCF ne sera pas dans les combats quotidiens, au contraire ! Plus que jamais, nous porterons le message ultra-prioritaire de la paix mondiale, nécessitant de rompre avec l’Europe atlantique au profit d’un monde pacifique, avec notamment les slogans « l’argent pour les salaires, pas pour la guerre ! », « l’argent pour les pensions, pas aux marchands de canon ! », « l’argent pour l’hôpital, pas pour la guerre mondiale ! », et par refus d’une « armée européenne » déjà rejetée le 30 août 1954 par les parlementaires communistes et gaullistes. Nous irons toujours davantage auprès des travailleurs en lutte pour les soutenir et porter le double message de la nécessité de s’inscrire dans un syndicalisme de combat – en rupture avec le « syndicalisme d’accompagnement » jaune prôné par les directions euro-confédérales – et d’une rupture avec l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme sur des bases patriotiques et populaires. Nous amplifierons la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle progressiste, alors que les forces de la Réaction monopolisent les médias aux ordres pour appeler au « saut fédéral européen » et à la dissolution définitive de la France dans l’ordre UE-OTAN. Et bien entendu, nous poursuivrons notre tâche unitaire en tendant la main à toutes les forces politiques, syndicales et associatives et à l’ensemble des travailleurs pour se retrouver autour d’un projet 100% antifasciste, anti-UE et anti-OTAN, pour le progrès social (donc radicalement opposé au capitalisme), pour la paix mondiale, pour l’indispensable rupture écologique par la gauche, pour la coopération internationale entre les peuples souverains, et pour la défense de la démocratie et des libertés menacées par l’offensive obscurantiste multiforme dans le monde. C’est le combat que menait déjà le président du PRCF Léon Landini quand il s’engagea au sein des FTP-MOI pour la libération de la France à laquelle il contribua – au même titre que notre regretté ami et camarade Pierre Pranchère, ancien FTP-F – à l’été 1944. C’est ce combat que poursuit le PRCF, pessimiste de l’intelligence mais optimiste de la volonté et qui, reprenant le mot d’ordre de Georgi Dimitrov à l’occasion du VIIe congrès du Komintern (dont nous fêterons le 90e anniversaire en juillet 2025), est certain d’être dans la marche de l’histoire face aux contre-révolutions qui sont des parenthèses de l’histoire. Et oui, plus que jamais, l’avenir appartient aux révolutionnaires !