Par Georges Gastaud et Fadi Kassem, secrétaires nationaux du PÔLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE, 10 novembre 2020
PRÉCANDIDATURE
Sans grande surprise, Jean-Luc Mélenchon vient d’annoncer sa précandidature à la présidentielle de 2022. À l’occasion d’un passage-éclair à la fin du JT de TF1, il a subordonné sa candidature effective à une clause de réserve objectivement fort peu contraignante en demandant que 150 000 citoyens adoubent sa candidature en allant cliquer sur l’internet ; rappelons que Jean-Luc Mélenchon avait obtenu sept millions de voix au premier tour de la présidentielle de 2017 et que, sans rien aliéner de son indépendance politico-organisationnelle, le PRCF avait d’ailleurs modestement contribué à la dynamique collective de ce succès en apportant à la candidature Mélenchon un soutien « critique mais déterminé ».
FIN DE NON-RECEVOIR OU RESPECT DES VALEURS ÉGALITAIRES ?
Notons d’abord hélas que le citoyen Mélenchon n’a pas jusqu’ici accusé réception du courrier que lui a adressé le PRCF il y a plus de deux mois pour proposer un échange en direct, conformément aux valeurs d’égalité dont ne peut que se réclamer tout républicain. Mais au-delà du respect dû aux formes républicaines, il est surtout dommage que le président du groupe parlementaire Insoumis n’ait pas saisi l’occasion de faire le point démocratiquement sur diverses questions à propos desquelles le PRCF l’interrogeait aussi franchement que cordialement.
SUR QUEL CONTENU ?
Remarquons ensuite que, dans le très bref entretien que le chef de file des Insoumis a accordé à TF1 (qui n’en avait pas moins consacré les trois-quarts du JT au barnum étatsunien), les questions de contenu ont été aussi vite balayées que les questions d’alliance politique. Certes, il a été fait référence sur TF1 au programme « l’Avenir en commun », élaboré il y a cinq ans ; ce dernier n’est pas sans intérêt et sur certains points, tout patriote progressiste et antifasciste pourrait se retrouver sans problème. Mais disons-le clairement, il y a un souci : depuis 2017, LFI aura surtout mené une grande campagne pour l’arrêt indiscriminé des centrales nucléaires (comment décarboner l’économie et reconstruire le produire en France dévasté par le MEDEF sans un mixte énergétique comprenant une part de nucléaire dans le cadre d’un pôle énergétique 100% nationalisé ?); et surtout, il y a eu l’épisode des européennes, l’arbitrage de Jean-Luc Mélenchon en faveur de son aile euro-constructive et bobo-compatible (Clémentine Autain, Manon Aubry…) et contre son aile plus « indépendantiste », puis la quasi-disparition durant cinq ans du mot d’ordre de 2017 « l’UE, on la change ou on la quitte« . Ne parlons pas de la quasi absence de réaction de LFI depuis cinq ans sur la question du « tout-anglais » galopant, alors que son propre programme lui crée pourtant des obligations sur ce terrain ô combien stratégique pour l’avenir du pays. En outre, depuis 2017, il y a eu la campagne européenne de LFI et le tournant politique dont elle a été l’occasion, et qu’Initiative communiste avait signalé en temps utile. À cette occasion, LFI a choisi pour cheffe de file l’ex-dirigeante d’Oxfam, Manon Aubry ; or, non contente d’avoir largué l’électorat ouvrier de Mélenchon et d’avoir divisé par trois le score de Mélenchon à la présidentielle, cette dernière n’a cessé de rappeler à toute occasion (y compris désormais au Parlement européen où elle s’exprime en anglais: vive l’insoumission linguistique et culturelle !) qu’il n’est en rien question pour LFI de quitter l’UE. Ne parlons pas du fait que les nationalisations démocratiques, dont l’urgence sanitaire a fait sentir toute l’urgence vitale en tous domaines, ne sont globalement pas plus présentes dans le discours global actuel de l’état-major « insoumis » qu’elles ne l’étaient déjà, hélas, en 2017…
QUELLES CONDITIONS POUR UNE VÉRITABLE RUPTURE PROGRESSISTE?
Or il s’agit là de deux questions stratégiques sans lesquelles il n’est pas possible non seulement de rompre avec la domination mortifère du grand capital sur la France, mais même d’engager la rupture avec elle. Nous venons d’ailleurs d’adresser publiquement la même remarque à Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, dont le récent entretien accordé à la Pravda (cf. les commentaires de Georges Gastaud sur www.initiative-communiste.fr ) confirme qu’il n’est toujours pas question pour le PCF, membre éminent du Parti de la gauche européenne inféodé à Bruxelles, de sortir de ces prisons des peuples institutionnelle et monétaire que sont l’UE et la monnaie unique arrimée au Mark.
Si l’on ne sort pas de l’UE, si l’on enterre peu ou prou (s’agissant des Insoumis, car le PCF n’allait même pas jusque là en 2017 !) le « plan B » et la « menace » d’une sortie de l’UE, si l’on refuse ne serait-ce que de mettre en question la propriété du grand capital sur les banques et le CAC 40, si l’on prétend en outre illusoirement que l’on pourra « sortir des traités européens », voire de l’OTAN (pourtant « partenaire stratégique de l’UE ») tout en restant dans l’UE, on ne pourra évidemment pas engager la moindre réforme sociale, fiscale ou environnementale qui tienne. Une France à demi insoumise et à moitié indépendante resterait en réalité une France soumise et dépendante qui s’ignore : la souveraineté nationale, qui passe par le Frexit progressiste, et la souveraineté populaire, qui requiert l’expropriation des grands capitalistes et la mainmise du peuple français sur les secteurs-clés de l’économie (comme le démontrait encore le PCF avant 1981 – c’est-à-dire avant de s’embarquer dans le gouvernement pré-maastrichtien de Mitterrand-Mauroy-Delors), se vident alors de tout contenu. A fortiori deviendrait impraticable de droit pour notre peuple de rompre avec le capitalisme et de construire une société socialiste dans laquelle le monde du travail, placé au centre de la vie de la nation, coopèrerait sur une base égalitaire avec tous les pays de tous les continents.
CONTRASTES
Bien entendu, Jean-Luc Mélenchon a eu, depuis cinq années, des prises de position courageuses sur Cuba, sur l’amitié nécessaire avec les peuples russe et chinois, sur le « coup d’État social » de Macron et sur d’autres sujets ; quant au honteux procès en sorcellerie que lui font la droite et la gauche bobo sur ses prétendus manquements à l’esprit laïco-républicain, il n’est que vilénie. Chaque fois qu’il l’a fallu, y compris quand Macron a déclenché contre LFI en général, et contre le citoyen Mélenchon en particulier, les persécutions qui permirent à l’État policier « en marche » de s’emparer des archives et des documents internes de la FI, le PRCF n’a pas hurlé avec les loups ; condamnant ce temps fort de la fascisation macroniste, le PRCF a au contraire a pris la défense des insoumis attaqués. De même, les militants franchement communistes et léninistes que nous sommes avons publiquement remercié les eurodéputés insoumis – Manon Aubry incluse – qui ont voté contre la motion scélérate du 19 septembre 2019 ; rappelons que cette motion de chasse aux sorcières ose assimiler le Troisième Reich au pays de Stalingrad et appelle à mots même pas couverts à interdire sur tout le territoire européen les organisations communistes courageuses qui, tel le PRCF, continuent d’arborer fièrement le drapeau rouge orné des « outils » ouvrier et paysan. Nous ne pouvons que remercier derechef les Insoumis qui, dans différentes localités de France, ont manifesté à notre côté contre l’infamie de cette UE relevant du maccarthysme caractérisé.
LA CLARTÉ SUR l’UNION EUROPÉENNE, CONDITION SINE QUA NON DU VRAI CHANGEMENT
Cependant, nous répéterons sans nous lasser cette évidence : sans clarification politique majeure sur la sortie française de l’UE par la « porte à gauche », sans nationalisations démocratiques placées sous le double contrôle de la nation et des collectifs de travailleurs, aucune rupture avec la domination du grand capital n’est pensable si bien que, dans ces conditions, aucune réforme sociale et institutionnelle, aucune « Sixième République » se confinant d’avance dans la PRISON euro-atlantique du capital, ne peuvent conduire à autre chose qu’à l’échec (comme démontrer par la catastrophique expérience Tsipras/SYRISA en Grèce) , et pour commencer à l’échec électoral ; car sans positionnement franchement eurocritique et anticapitaliste, la classe ouvrière de France et les autres couches populaires ne pourront que rester méfiantes au détriment de toute dynamique populaire. En réalité, sur des bases euro- et capitalo-compatibles (l’ « harmonie » que vous prônez, citoyen Mélenchon, est impossible entre les capitalistes et les travailleurs qu’ils exploitent), les candidatures « insoumise » ou « communiste » de JLM et de Fabien Roussel ne pourront « faire la différence » avec le social-démocrate vaguement « souverainiste », néo-patronal et anglicisant (ah le « made in France » de ces anglolâtres acharnés…) Arnaud Montebourg, et encore moins avec celles de la social-maastrichtienne bon teint Anne Hidalgo (dont le « communiste » Brossat est d’ailleurs l’adjoint). Pis : si aucune force patriotique de gauche ne porte clairement le Frexit progressiste, anticapitaliste, antifasciste et anti-impérialiste dans la campagne, un nouveau boulevard sera ouvert en milieu populaire à Marine Le Pen dont la spécialité est d’accaparer – si mensongèrement et perversement que ce soit – le thème de l’indépendance nationale sur la base de la xénophobie et d’un euro-scepticisme de façade.
POUR UNE CAMPAGNE, UN PROGRAMME, UNE INTERVENTION FRANCHEMENT COMMUNISTES ET PROGRESSISTES!
Dans ces conditions, tout en poursuivant le dialogue et l’action commune « à la base », et si possible « en haut », avec les militants de LFI et avec ceux du PCF, sans prédéterminer en rien le positionnement électoral qui sera démocratiquement celui des instances élues du PRCF le moment venu et sans laisser en rien préempter ledit positionnement par les offensives médiatiques des uns et des autres, le Pôle de Renaissance Communiste en France continuera à s’adresser prioritairement aux travailleurs des entreprises et des quartiers populaires. Il leur proposera plus que jamais la construction du « tous ensemble en même temps » contre l’ensemble des contre-réformes MEDEF/MACRON/UE, il dénoncera de plus belle la marche de l’UE/OTAN aux guerres impérialistes ; et c’est en collant des milliers d’affiches et en diffusant des centaines de milliers de tracts que les militants franchement communistes diffuseront leur programme de République sociale et souveraine en marche vers le socialisme et qu’ils multiplieront les initiatives, en ce 100ème anniversaire de la fondation du PCF-SFIC, pour appeler à reconstruire le vrai parti communiste en France, pour soutenir le syndicalisme de classe et pour faire émerger une large Convergence Nationale des Résistances.
LE CONTENU DE CLASSE DOIT DÉTERMINER LA CANDIDATURE et le POSITIONNEMENT ENVERS L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ELLE-MÊME, NON L’INVERSE
C’est à cette fin que le PRCF, qui a mandaté le camarade Fadi Kassem pour conduire cette campagne, fera tout son possible dans la période qui vient pour mener son action indépendante tout en tendant la main à toutes celles et à tous ceux qui acceptent de dialoguer avec lui dans un esprit d’égalité et de COMBATIVITÉ!
Car loin de « mettre la charrue avant les bœufs » et de se laisser dominer par l' »offre » médiatique chatoyante mais, jusqu’ici, faiblement alternative de la démocratie bourgeoise en décomposition, il faut tout faire pour qu’émerge un contenu FRANCHEMENT INSOUMIS à l’Europe supranationale du grand capital, de la guerre impérialiste et de la fascisation. Ensemble, il n’est pas trop tard pour y parvenir.