9 DECEMBRE 2021, anniversaire de la loi laïque de séparation de la République et des églises – COMBATTONS CEUX QUI DETRUISENT LA LAÏCITE AUX CRIS DE : « VIVE LA LAÏCITE! ».
Par Georges Gastaud, ancien militant et élu syndical de l’Education nationale
QUE DIT REELLEMENT LA LOI LAÏQUE DE 1905?
Le 9 décembre 1905, à l’issue d’une confrontation politico-idéologique intense avec la réaction néo-monarchique, le camp laïco-républicain, que soutenait Jaurès et que dopait la récente victoire des Dreyfusards, faisait voter la loi de séparation de l’Etat et des Eglises qui définit depuis lors la « laïcité à la française ». Son article I dispose que la République garantit la liberté de conscience et de culte. Il ne s’agit donc nullement d’une loi « antireligieuse » ou d’un « athéisme d’Etat », comme le ressassent mensongèrement les réacs de tous poils. Il est vrai cependant, – et c’est là que le bât blesse les cléricaux affichés que sont Sarkozy, Valls ou Macron -, que l’article II de cette loi, désormais intégrée au « bloc de constitutionnalité » français, dispose que « LA REPUBLIQUE NE RECONNAÎT, NE SALARIE, NI NE SUBVENTIONNE AUCUN CULTE ». Bref, comme l’avait déjà proclamé Victor Hugo, alors chef du parti républicain, « il faut l’Etat chez lui et l’Eglise chez elle »: tel est l’anticléricalisme bien conçu, dont notre pays est encore fort éloigné sur le plan pratique!
TARTUFFE AU POUVOIR A PARIS ET A BRUXELLES
Rappeler tout cela, que l’on n’enseigne plus guère à l’école « laïque » (où les affiches imposées aux lycées par Blanquer réduisent la laïcité au « vivre ensemble »), c’est cingler au visage les présidents pro-Maastricht qui se sont succédé depuis 1992. N’oublions pas en effet que, contre l’esprit et la lettre de la loi de 1905, la constitution européenne retoquée par le peuple français (2005) faisait référence aux « racines chrétiennes de l’Europe ». Elle faisait également obligation aux Etats-membres de l’UE de dialoguer avec les Eglises constituées; quant aux athées, aux agnostiques, aux déistes et aux personnes qui se disent « sans religion », et qui sont majoritaires en France chez les moins de trente ans ! – , ils n’auront qu’à dialoguer avec eux-mêmes puisque, par définition, aucun appareil religieux ne les représente!
UNE « CONSTRUCTION » EUROPEENNE DE PART EN PART CLERICALE
Tel est en effet, depuis le Traité de Rome, l’essence profondément cléricale de la « construction » européenne: une construction rétrograde qu’ont conduite sur les fonds baptismaux, avec la constante complicité de la social-démocratie (SFIO et SPD allemand), les chrétiens-« démocrates » inféodés au Vatican que furent Saint Schuman et Saint-Monnet en France, Sankt Adenauer en Allemagne et Santo De Gasperi en Italie. D’où le prétendu « hymne européen », dont les paroles, empruntées à Schiller, sont dédiées à Dieu, et le « drapeau européen », illégalement officialisé par Macron, dont le concepteur a avoué qu’il faisait allusion au manteau de la Vierge et aux douze étoiles apostoliques. Un drapeau religieux, donc, que ne songent pourtant jamais à décrocher les militants gauchistes, trotskistes, « antifas », anars et autres faux rebelles trop occupés à fustiger le drapeau tricolore issu de 1789 que les militants du PRCF ne manquent pas d’arborer dans les manifs à côté du drapeau rouge frappé des outils qu’exècrent les anticommunistes de toutes obédiences!
UN « DEUX POIDS-DEUX MESURES » INSUPPORTABLE ET EXPLOSIF
Mais il y a pire encore. Désormais, le mot « laïcité » est méthodiquement employé comme un nom de code raciste et antimusulman, non seulement par l’extrême droite lepéno-zédo-ciottiste, non seulement par Valls (le « patriote » qui, entre deux trajets Paris-Barcelone et retour, n’a cessé de taper sur les musulmans tout en courtisant le CRIF et le Vatican…), mais par le pouvoir macroniste. Tous ces tristes sires ne sont nullement choqués par ex. que « l’affaire du foulard », qui a abouti à l’exclusion scolaire d’une jeune fille musulmane, ait éclaté dans un lycée public alsacien où, en vertu du Concordat bismarckien maintenu en 1918, des pasteurs protestants, des rabbins et des prêtres catholiques se promènent avec leurs insignes respectifs dans les couloirs d’un lycée public et y dispensent leurs « cours de religion » aux frais du budget public. Cela ne choque pas davantage des laïques bouffeurs de musulmans, non seulement de recevoir en grandes pompes les émissaires du prince saoudien Mohammed Ben Salman, grand dépeceur de journaliste (le pétrole et les ventes d’armes sont sans religion!), mais de voir Sarkozy déclarer que « le prêtre, le pasteur ou le rabbin sont mieux placés que l’instituteur pour enseigner les valeurs ». Pas plus que cela ne choque les présidents de la Vème République d’être intronisés l’un après l’autre « chanoine du Latran » par Sa Sainteté chaque fois qu’un nouveau locataire emménage à l’Elysée. Pas plus que cela ne heurte les bien-pensants, si hypocritement indignés quand une mosquée surgit dans une lointaine banlieue (en vertu de l’article I de la loi de 1905!) sur un terrain dûment acheté par la communauté musulmane. Aucune pudeur « laïque » non plus au fait que Castex ait pu récemment déclarer, lors de sa visite au Vatican, que, selon le bon vieux cliché, la France demeure la « fille aînée de l’Eglise »… Dans le même temps, le bigot Macron – qui n’a pas eu un mot pour soutenir les 300 000 victimes alors mineures violées par des pédo-criminels en soutane depuis 1945 – félicite l’Eglise de France pour sa « créativité ». Le même président de cette étrange République laïque déplore aussi, à l’occasion d’un Synode des évêques de France (!), que « le lien entre l’Eglise et la France ait été abimé » (attaque directe contre la grande bataille sociétale qui conduisit à la loi de 1905). Mais, sans qu’il soit question de cautionner quelque port d’insignes religieux à l’école que ce soit (c’est pour tous ou pour personne!), comment ne pas voir que le séparatisme social et culturel explosif que nourrit pareille stigmatisation à sens unique des musulmans (en réalité, des musulmans issus de la classe ouvrière, les plus aisés de leur coreligionnaires mettant déjà leurs gosses à l’école… catholique pour ne pas les mettre en contact avec des « sans-Dieu »!) fait plus pour écarteler la nation, fomenter un « choc des civilisations » artificiel porteur de guerre civile et détruire l’école publique, que ne feront jamais les intégristes de toutes confessions pour diffamer la loi de 1905?
UNE LAÏCITE SCOLAIRE AFFAIBLIE ET ERODEE PAR L’ANTICOMMUNISME ET PAR L’EUROPEISME
Ne parlons pas de ce viol permanent de la loi de 1905 qui conduit les Sarkozy, Hollande ou Macron, à tenter en permanence d’ « encadrer et d’organiser le culte musulman », c’est-à-dire de s’ingérer dans les affaires internes d’une religion. Alors que, en la matière, l’Etat devrait seulement faire en sorte que le culte musulman ne soit pas encadré, financé et infiltré par les pétromonarchies, le Maroc royaliste ou la Turquie d’Erdogan ! De même, une vraie République laïque ne devrait-elle pas financer à milliards l’enseignement privé catholique, ni effacer périodiquement ses énormes dettes (scandaleux Accord Cloupet/Lang sous Mitterrand) (3): en effet, l’école publique ayant été fliquée, appauvrie, brisée par la pluie incessante de contre-réformes dictées par l’euro-austérité et l’alignement en marche sur l’anti-modèle anglo-saxon, n’a fait que céder du terrain à l’école privée, qu’elle soit catholique ou non confessionnelle; si bien que le secteur scolaire privé attire de plus en plus les enfants de cadres, la « laïque » tendant à devenir une école pauvre pour les pauvres (2), dont les personnels de plus en plus précarisés, sont dans l’incapacité structurelle de résister aux pressions idéologiques des gouvernements européistes: il est par ex. alarmant de voir combien d’enseignants d’histoire relaient passivement les cours d’ANTICOMMUNISME, d’européisme béat ou d’ANTIJACOBINISME primaire que colportent, aux dépens de l’esprit critique, nombre de manuels scolaires. Mais la « gauche » établie elle-même n’a-t-elle pas depuis longtemps « oublié » sa vieille revendication de nationalisation laïque du système scolaire, c’est-à-dire de lutte contre le séparatisme scolaire et SOCIAL majeur que constitue la concurrence extrêmement faussée que se livrent les deux écoles… et les établissements publics eux-mêmes diversement « cotés », au sein d’une Education de moins en moins « nationale » ? Il est vrai que ce sont les gouvernement « socialistes », parfois à participation « communiste », d’abord de 1981/84, puis de 1997/2002, qui ont livré la laïque à la propagande de l’on ne sait combien d’ « O.N.G. » (pourvu qu’elles fussent anticommunistes et « euro-politiquement correctes »), de l’Union européenne (qui a pu faire littéralement campagne pour la constitution européenne dans le cadre soi-disant « apolitique » de l’Education nationale…), voire du MEDEF lui-même, avec lequel d’indignes chefs d’établissement multiplient désormais les « jumelages » (« apprendre pour entreprendre » était déjà le mot d’ordre de… Chevènement, alors ministre de l’Education nationale, en 1984!).
REFUSER LA RECUP MACRONISTE DE LA LOI DE 1905
Il y a pire désormais: comble du dévoiement, Macron voudrait faire du 9 décembre une fête nationale annuelle de la laïcité. Mais la loi laïque de 1905 n’a pas besoin d’être « fêtée », avec une forte dimension antimusulmane (cf la récente loi macroniste contre le « séparatisme musulman »), par ses pires ennemis: elle a besoin d’être enfin APPLIQUEE et RESPECTEE par ceux qui sont censé exécuter la loi, punir ses contrevenants et protéger la Constitution! Désormais presque aussi violée par les gouvernants anti-laïques et pro-« globiche » que l’article II de la Constitution (lequel dispose que « la langue de la République est le français »), la loi de 1905 n’est pas sous la « protection » de ces tartuffes, si ce n’est au sens que certains caïds donnent au mot « protecteur » quand ils supervisent leur périmètre de trottoir: cette loi de civilisation précieuse, y compris en tant que référence tendanciellement universaliste, doit au contraire être défendue et sans cesse expliquée par les militants franchement communistes, les vrais antifascistes et anti-racistes. Et aussi bien sûr par les croyants fort qui ne confondent pas leur engagement moral et spirituel hautement respectable avec les récups de la droite (2) et par tous les patriotes républicains qui refusent que la « construction européenne » dévastatrice arase l’une après l’autre toutes les spécificités héritées de notre histoire progressiste.
Le 9 janvier et tous les jours de l’année, avec tous les laïques de France, le PRCF refusera l’injurieuse mascarade macroniste et plus encore les dévoiements indignes de la laïcité auxquelles se livrent, alors même qu’ils courtisent la partie la plus intégriste des catholiques (celle-là même qui traite le pape actuel en gauchiste!), les Zemmour, Le Pen, Ciotti et autre Pécresse. Et ils rattacheront ce juste combat à leur engagement permanent pour sortir la France du nouveau Saint-Empire romain germanique en gestation sous le nom frelaté de « souveraineté européenne » (Macron) et d’ « Europe fédérale » (Schultz).
(1) – Ce qui est une réalité historique (Clovis, Charlemagne, Louis IX, etc.), mais qui omet sciemment les racines païennes – Rome, les Celtes, les Phéniciens et la Grèce ! – , juives, musulmanes (Cordoue et Cadix!), et aussi matérialistes et libre-penseuses de, non pas « l’Europe », ce qui ne signifie rien, mais de la très protéiforme culture européenne.
(2) Rappelons que des protestants comme Ferdinand Buisson ont joué un rôle majeur dans l’institution de l’ « école publique, laïque, publique et gratuite » à la fin des années 1980. Rappelons aussi à l’usage de certains milieux anticommunistes « de gauche » que Thorez n’a nullement dérogé à la laïcité et à la libre pensée, et encore moins au marxisme et au matérialisme dialectique, quand, pour combattre le fascisme menaçant des années 1930, il a tendu la main aux TRAVAILLEURS catholiques pour ne pas les abandonner aux fascistes. Il a tout bonnement fait son devoir de communiste, qui est en toutes circonstances, d’unir contre le fascisme, la guerre et le capital, l’ensemble de la classe prolétarienne, toutes religions et convictions philosophiques confondues.
(3) il va de soi que, écrivant cela, nous ne mettons nullement en cause les professeurs de l’enseignement catholique privé, notamment ceux d’entre eux qui militent pour la nationalisation laïque de l’enseignement.