Le vent du boulet des régionales vient à peine de passer que déjà les grandes manœuvres politiciennes qui nourrissent le Front « national » (FN) redémarrent en grand.
Et c’est Valls qui annonce que de nouvelles mesures « pour l’emploi » – entendez par là de nouvelles attaques contre le CDI, contre le SMIG et le « coût du travail », contre le statut de la fonction publique, contre la Sécu et les retraites, vont être promues par le gouvernement qui recherche manifestement sur ces sujets l’accord de la droite et du MEDEF. Et qui ne fera ainsi qu’accentuer la droitisation de la vie politique française avec en bout de course son « extrême droitisation ».
Et c’est Hollande qui prend prétexte de la fraternisation franco-allemande de 1915 (à l’époque la bourgeoisie française la réprimait furieusement mais aujourd’hui que la soumission à Merkel est de règle, on lui trouve opportunément des vertus…) pour convoler dans le nord avec Xavier Bertrand, le pionnier de la nouvelle jonction électorale PS/UMP. Tout montre que loin d’infléchir à gauche sa politique, comme le lui demandent à genoux les prétendus « frondeurs », le PS hollandien va aggraver son virage néolibéral, prendre appui sur la peur du FN pour mettre en place une sorte d’alliance de travail UMPS entièrement au service du patronat et de l’UE. Bref, loin de tirer quelque leçon que ce soit de l’immense rejet populaire dont est victime la fausse gauche, et à sa suite, la pseudo-« gauche radicale » et « euro-constructive », l’Élysée et Matignon n’apportent qu’une réponse politicarde sur la base d’un calcul sordide : créer des passerelles avec la droite « modérée » de Juppé et Cie (sic !), marginaliser Sarkozy et son discours mal démarqué de celui du FN, et – comme le PS le fait scandaleusement depuis l’époque de Mitterrand – instrumentaliser le FN dans le rôle du repoussoir qui permettra à Hollande – croit-il – d’être le concurrent de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle et de gagner à quelques points près au second tour.
Sauf que c’est jouer avec le feu. Pour ne prendre qu’un exemple, dans la ville de Lens ravagée par la désindustrialisation et par le déclassement du prolétariat industriel, le FN a passé les 25% aux municipales, les 30% aux départementales et les 40% aux régionales…
Quant au PCF et aux autres forces « euro-constructives », leur discours est totalement inaudible et c’est elles, pour l’essentiel qui paient la facture social-libérale du PS. Non seulement parce que, par la faute principalement de la direction du PCF (surtout soucieux de sauver ses postes au second tour en ralliant les listes PS, ce qui impose que le PCF ait la tête de liste au premier, non seulement parce qu’il s’est révélé incapable d’articuler la moindre critique dure de la sacro-sainte « Europe », de fustiger l’euro-régionalisation du territoire (dans le Nord-PdC-Picardie, Fabien Roussel a éludé la question), en un mot d’être un véritable opposant de gauche à Hollande-MEDEF et à l’UE. Or il faut bien que la LÉGITIME colère sociale « sorte » quelque part et étant donné que le FN est devenu – et pour cause – le centre des discours politiques (et non pas la vie des travailleurs, l’avenir des jeunes et de la Nation), étant donné aussi que MENSONGÈREMENT, Marine Le Pen parle « à » la classe ouvrière et qu’elle feint de défendre la nation, étant donné que la « gauche » radicale pratique largement l’auto-phobie nationale et que le PCF lui-même a retiré depuis plus de vingt ans toute référence à la classe ouvrière dans ses statuts, beaucoup d’ouvriers et d’employés déclassés ou menacés de l’être par l’euro-mondialisation se tournent, soit vers le FN, soit vers l’abstention ou le vote nul, en croissance exponentielle. Quant aux jeunes que le discours ambiant stigmatise sous le nom de « fils d’immigrés », d’aucuns cherchent à les pousser vers le communautarisme, cette solution idéale pour le système en crise qui a vitalement besoin d’un peuple français clivé, divisé, c’est-à-dire impuissant. Ne parlons pas des régionalismes alsacien, breton ou corse (désormais aux commandes à Ajaccio, l’indépendantiste J.-G. Talamoni cherche ouvertement l’affrontement avec la République française, rebaptisée « Paris » ou « l’Etat ») : ils font leurs choux gras du discours néolibéral dominant contre le « jacobinisme » qui pousse à la déconstruction européenne des États-nations ; dans la ligne de l’irresponsable contre-réforme territoriale portée par le PS et l’UMP, doublée par la destructive « Charte européenne des langues régionales et minoritaires, la connivence antirépublicaine des partisans de l’Europe fédérale et des adeptes du repli, voire du séparatisme régionaliste, ne peut qu’ébranler l’idée même de territoire national avec de très graves conséquences pour le mouvement ouvrier et démocratique.
Si l’on veut redonner de l’espoir aux travailleurs, si, tout simplement, on veut éviter de terribles épreuves de toutes natures à notre peuple, il ne reste donc que trois issues possibles :
- Tout d’abord que, bousculant les états-majors syndicaux inertes et euro-dépendants, les syndicalistes de classe aidés par les vrais communistes relancent au plus tôt le combat social, qui est le terrain principal de la lutte contre la fascisation, la communautarisation et la lepénisation du pays : quand les travailleurs luttent « tous ensemble en même temps », ils se tournent contre l’adversaire réel (comme en décembre 1995), c’est-à-dire l’UE, le capital et les partis qui les servent ; quant aux lepénistes, ils assistent impuissants à l’arrêt des trains et des avions ; c’est pourquoi il est urgent que les forces réellement progressistes, non « socialo-dépendantes », se rencontrent pour décider ensemble d’une manifestation nationale unitaire tournée non seulement contre le FN et la droite patronale, mais contre Valls-MEDEF, contre la politique impérialiste et néocoloniale de Hollande et de l’OTAN, sans ménager le moins du monde la sacro-sainte « construction » européenne ;
- Ensuite que les forces progressistes 100% anti-UE et 100% anti-Le Pen (assez de mains tendues équivoques à l’extrême droite, la Le Pen ne veut pas sortir de l’UE et on ne discute pas avec un parti xénophobe) organisent ensemble une table ronde pour rendre visible la seule alternative possible à l’UM-PEN-S de plus en plus fascisante, antisociale, antirépublicaine, antinationale : celle d’une Front Antifasciste, Patriotique et Populaire (FRAPP), impulsé par une Alliance Rouge Marianne clairement progressiste retrouvant les grandes traditions du vrai PCF, le parti du Front populaire et de la Résistance qui savait unir la Marseillaise à l’Internationale, le drapeau tricolore au drapeau rouge frappé des emblèmes ouvrier et paysan ;
- Enfin, que les vrais communistes, membres ou pas du PCF, s’unissent dans l’action au lieu de se séparer dans l’auto-proclamation, sur la ligne potentiellement fédératrice et majoritaire des « quatre sorties » : de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme.
Il est minuit moins cinq, tant sur le terrain international où, manifestement, le gouvernement français continue, à la remorque d’Obama, de cibler davantage l’Etat souverain de Syrie que Daesh et ses parrains des pétromonarchies et de l’intégriste turc Erdogan que sur le terrain national où, à coups d’états d’urgence à rallonge largement tournés contre la gauche de gauche, les forces dominantes et le FN prennent en tenaille la République aux cris de « liberté, égalité, fraternité ».
Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF.