Dès le milieu des années 1980, notre camarade Georges Gastaud, auteur du samizdat rouge « Matérialisme et exterminisme » puis de « Mondialisation capitaliste et projet communiste » (Temps des cerises, 97) a fait la démonstration que « l’exterminisme est le stade suprême de l’impérialisme », c’est-à-dire que le maintien du capitalisme de plus en plus pourrissant, destructeur, fascisant, prédateur, parfois carrément génocidaire, est tendanciellement (et peut-être à plus court terme que beaucoup ne le pensent) incompatible avec le maintien de la vie sur terre. Pas seulement par la course aux armes d’extermination nucléaire que l’impérialisme US a menée depuis Hiroshima pour épuiser l’URSS et la contraindre, comme le réclamait ouvertement Nixon, à « choisir entre la guerre et son système socialiste » au risque de détruire l’humanité (« plutôt morts que rouges » était alors le slogan de la réaction mondiale conduite par Reagan et applaudie par feu A. Glucksmann), mais en marchandisant l’ensemble des activités humaines, en multipliant les guerres et les ingérences impérialistes, en secrétant la hideuse « construction » européenne, en soutenant les pires extrémistes intégristes ou néonazis, en développant une grimaçante culture de l’apocalypse et de la catastrophe, en un mot et comme le disait Marx, en « épuisant la Terre et le travailleur » pour maximiser la course absurde au profit de quelques-uns.
Cela, Gorbatchev a refusé de le comprendre, lui dont la prétendue « nouvelle pensée politique », adoptée de facto par ses suiveurs révisionnistes de l’ « eurocommunisme », opposait l’ « intérêt de classe du prolétariat » aux « valeurs universelles de l’humanité » : sur cette voie capitularde, qui conduisait à renier le socialisme au nom de la paix, les peuples ont perdu le point d’appui fondamental que constituait pour leur lutte l’U.R.S.S. et le camp socialiste européen et ils n’ont eu pour tout « bénéfice » que la mondialisation des guerres.
A l’inverse, Fidel Castro déclarait en 1989 qu’ « il y a la paix des riches et la paix des pauvres, la démocratie des riches et la démocratie des pauvres » et au faux universalisme du liquidateur Gorbatchev, le chef de file de la révolution cubaine patriotique et internationaliste opposait le juste slogan, qui résume la problématique de notre temps, « patria o muerte, socialismo o morir ». Ecoutez Evo Morales, le président de la Bolivie et membre éminent de l’ALBA, mettre en accusation l’exterminisme capitaliste à la COP 21 lors d’un moment de vérité comme ce cénacle sous pilotage impérialiste en connaîtra sans doute fort peu. Son message est d’autant plus important que Morales, fidèle à la fois aux traditions amérindiennes des Guaranis et des Aymaras andins, s’exclame pratiquement comme nous, « j’aime la planète (il dit : la Terre-mère) et l’humanité, je combats le capitalisme » (cf ci-dessous, suite à la vidéo, la déclaration du PRCF sur la COP-21).
Déclaration d’EVO MORALES, président bolivien, à la COP 21 : J’AIME L’HUMANITÉ ET LA TERRE-MERE, JE COMBATS LE CAPITALISME !
1 décembre 2015
DÉCLARATION DU POLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE SUR LA COP 21 – le 24 novembre 2015
J’AIME MA PLANETE ET L’HUMANITÉ, JE COMBATS LE CAPITALISME et l’IMPÉRIALISME !
A l’approche de la conférence mondiale sur le climat, l’oligarchie capitaliste et les médias à sa dévotion propagent l’idée que « la technique », la « production » et l’ « insouciance de chacun d’entre nous » seraient les principales causes du dangereux réchauffement climatique d’origine humaine* ; en clair, « le progrès », l’ « industrie » en général – indépendamment des finalités sociales pour lesquelles elle est organisée – et, pour finir, « l’Humanité », sans considération de sa division en classes sociales, seraient les principaux responsables des dérèglements et des pollutions qui affectent l’environnement et qui, par contrecoup, mettent en péril la survie de l’humanité, de la biodiversité et peut-être même à terme de l’ensemble des êtres vivants qui peuplent la planète bleue. Les militants franchement communistes et/ou franchement progressistes que nous sommes ne nient nullement la gravité de la situation climatique et des autres dérèglements d’origine humaine qui caractérisent les rapports de l’homme avec son milieu naturel à l’époque de ceux que d’aucuns nomment l’Anthropocène**. Rejetant cette approche dépolitisante des questions écologiques, les militants franchement communistes et progressistes du PRCF et ceux qui s’associent à lui dans cette déclaration refusent de voir dans la lutte contre le réchauffement climatique l’occasion d’une union sacrée derrière les féodalités financières et les Etats prédateurs qui dirigent le monde et qui le pillent– ces mêmes dirigeants qui occuperont vertueusement la tribune pendant la COP 21 – ; refusant le piège consistant à opposer la défense du climat d’une part, le progrès social, le « produire en France » et les avancées scientifiques d’autre part, le PRCF invite à mettre en accusation l’impérialisme, ce stade de développement du capitalisme que Lénine qualifiait déjà de « réaction sur toute la ligne » ; plus fondamentalement encore, le PRCF invite à dénoncer le mode de production capitaliste dont Marx, le premier penseur qui, avec Engels, ait approché la dialectique de la nature et de l’histoire de manière scientifique, disait déjà dans Le Capital :
« Chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès, non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps est un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité (…). La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison de processus de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur ».
Loin donc de faire chorus avec Hollande, que ce soit sur le terrain environnemental ou sur tous les autres terrains, et pas davantage avec Obama, A. Merkel, Al Gore, etc., le PRCF appelle au contraire à :
- Dénoncer en tous domaines le caractère exterministe du capitalisme contemporain; il faut entendre par là que le capitalisme-impérialisme « moderne » est de plus en plus incompatible avec un développement sain des forces productives, et plus généralement, avec la survie de l’humanité et de ses conditions naturelles et socio-historiques d’existence ; on l’a vu sur le plan politico-militaire dans les années 1980 où, dans le droit fil de la Seconde Guerre froide engagée par Reagan contre l’ « Empire du Mal » (c’est-à-dire contre le camp socialiste), l’humanité a été aux portes de l’affrontement nucléaire mondial ; le bloc occidental et lui seul portait alors le terrifiant slogan exterministe « plutôt morts que rouges » qui servait à justifier la stratégie clairement revendiquée par Washington d’une « première frappe nucléaire désarmante » contre l’U.R.S.S., et cela au risque de déclencher une escalade nucléaire qui eût à coup sûr mis en péril l’avenir de l’homme et des autres vivants sur terre ; les mouvements pacifistes occidentaux comme Pugwash démontraient alors qu’il eût suffi que les deux superpuissances nucléaires utilisent 15% des stocks fuséo-nucléaires existants pour que les rejets de déchets radioactifs dans l’atmosphère provoquent l’« hiver nucléaire » pendant plusieurs années, c’est-à-dire l’interruption prolongée de la photosynthèse indispensable aux organismes tant soit peu complexes. Le chantage exterministe à la mort de l’humanité n’ayant pas joué un petit rôle dans l’involution contre-révolutionnaire de l’U.R.S.S., l’exterminisme capitaliste a pris de nouvelles formes qui n’en mettent pas moins en péril l’avenir de notre espèce et de l’ensemble de la biosphère. On le voit avec la mondialisation du chaos économique, la déstabilisation de régions entières de la planète par l’aventurisme insensé de Washington et des pays de l’O.T.A.N., le soutien direct ou indirect apporté par les puissances capitalistes et par leurs vassaux (Turquie d’Erdogan, pétromonarchies, mais aussi gouvernement pronazi de Kiev…) aux pires mouvement fanatiques, apocalyptiques et néonazis rêvant d’asservir l’humanité ou de l’anéantir. On le voit aussi avec l’irresponsable politique économique « néolibérale » des sociétés multinationales : appuyé par l’O.T.A.N. et par la toile d’araignée mondiale des bases états-uniennes, portée par les mécanismes monétaires et financiers dictatoriaux du dollar, de la zone euromark et de la prétendue « dette souveraine », le néolibéralisme cher à l’U.E. et au Grand Marché Transatlantique en gestation piétine le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, déclasse des millions d’ouvriers et de techniciens industriels à coups de délocalisations, saccage la souveraineté alimentaire (et la souveraineté en général…) ainsi que l’agriculture paysanne et vivrière, déstabilise l’artisanat et le commerce de proximité, tout cela au seul bénéfice des transnationales empoisonneuses de l’agroalimentaire et des prédateurs de la grande distribution capitaliste.
Ajoutons à cela que l’euro-mondialisme néolibéral transforme la Santé, l’Education et les autres services publics en marchandises en sacrifiant usagers et personnels, qu’il démolit la diversité culturelle et linguistique mondiale en imposant partout sa langue unique (l’anglo-américain des affaires), sa « culture » unique (celle de CNN, de Mac Do et d’Hollywood), sa politique et son économie uniques. Et comme l’avait anticipé Marx, cette offensive générale du Capital, provisoirement débarrassé du contrepoids que constituaient le camp socialiste et le Mouvement communiste international, n’attaque pas seulement l’homme travailleur : n’ayant d’autres vraies règles que la marchandisation et la profitabilité universelle, soumettant comme jamais la valeur d’usage à l’argent, elle va de pair avec d’immenses saccages environnementaux provoqués par la course absurde au profit maximal : utilisation pernicieuse des O.G.M. pour fidéliser, vassaliser et éliminer les petits paysans, détournement de l’agriculture pour favoriser les agro-carburants, destruction des productions locales et explosion du transport (routier, maritime, aérien) sous ses formes les plus polluantes et les plus dangereuses, privatisation insensée de l’électronucléaire (Fukushima), marchandisation des « droits à polluer » dans le but de bloquer le développement des pays pauvres, bref, absence totale de souci des besoins de la majorité des humains (près d’un milliard d’affamés !), de l’avenir du vivant, de la terre, de l’eau, de l’air… et du corps humain lui-même que la techno-barbarie capitaliste envisage de trafiquer dans le sens fascisant et néo-eugéniste du « transhumanisme ».
- Stigmatiser le prétendu « capitalisme vert » : en particulier, il faut refuser la prétendue « agriculture climato-intelligente » prônée par la Banque mondialeet portée par nombre de transnationales et d’Etats capitalistes (dont la France) désireux de farder de vert leurs prédations anti-écologiques. En réalité, ce projet – qui risque d’être au cœur de la COP 21 – a pour fin principale de détourner vers les monopoles capitalistes de l’agroalimentaire et de la grande distribution capitaliste d’énormes financement publics locaux, nationaux et supranationaux. Sous prétexte de « moderniser » l’agriculture avec l’appui de « syndicats » agricoles aux mains des gros céréaliers, ce projet est typique du redéploiement du capitalisme monopoliste d’Etat à l’échelle européenne et mondiale. Justement dénoncé par la Confédération paysanne et par Via Campesina***, ce capitalisme vert vise hypocritement à démanteler ce qui subsiste de l’agriculture paysanne, y compris en France, à détruire les productions vivrières tournées ou pas vers le marché.
- Porter ensemble une perspective révolutionnaire et communiste centralement porteuse d’un souci écologique universel.
- En France, il faut nationaliser les banques et le CAC-40, planifier démocratiquement la production, étendre les droits des travailleurs et des usagers dans la Cité et à l’entreprise, remettre en perspective l’urgence de la révolution socialiste pour la France ; c’est indispensable pour que les gains de productivité permis par les avancées techniques et par le travail humain servent à reconstituer le « produire en France » sur des bases éco-compatibles, pour en finir avec l’aberration anti-écologique de la loi Macron, renationaliser à 100% EDF-GDF, les barrages, ports et aéroports, taxer le fret international autoroutier transitant par la France pour financer la reconstitution d’un transport ferroviaire bon marché et de qualité, remettre en place d’authentiques services publics, en particulier un O.N.F. et un ministère de l’Equipement, de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire dignes de ce nom. Et tout cela est impossible sans que la France sorte au plus tôt de ces broyeurs capitalistes et impérialistes que sont la zone euro, l’U.E. supranationale et l’OTAN.C’est dans cet esprit que le PRCF propose de forger un F.R.A.P.P. (Front de Résistance Antifasciste, Patriotique et Populaire) qui est diamétralement opposé à l’ « union sacrée » réalisée autour de Hollande, et, de plus en plus, autour de l’U.E. à laquelle se rallie rapidement Marine Le Pen, par l’U.M.-Pen-S****.
- Dans le monde, face aux projets visant à la fois à presser « intelligemment » la planète comme un citron tout en déclassant massivement les ouvriers, les paysans, les agents des services publics, les artisans et commerçants de proximité,il faut qu’ensemble, la classe ouvrière et la paysannerie revitalisent l’alliance d’avenir de la faucille et du marteau, non seulement pour résister aux prédateurs exterministes, non seulement pour que les travailleurs de la ville et des champs ne soient pas massivement réduits au rôle dégradant de plèbe « rurbaine » abêtie et vivant dans un univers empuanti, mais pour porter le projet d’un communisme de nouvelle générationfort d’une dimension écologique axiale ; il faut entendre par là, non pas une quelconque répudiation des expériences communo-socialistes du passé (de Babeuf à l’expérience mondiale née d’Octobre 1917***** et, s’agissant de la France, du Congrès de Tours, en passant par la Commune de Paris), non pas la mise au rencart des principes marxistes-léninistes concernant la transition du capitalisme au communisme, mais la prise en compte centrale, par le communisme de l’avenir, de cette nécessité vitale pour l’humanité travailleuse de l’avenir : « commander à la nature en lui obéissant » (Francis Bacon).
- Cela nécessite d’écarter à la fois l’idée d’un impossible et très réactionnaire retour à « l’état de nature » et l’idée symétrique d’une guerre à mort entre l’homme et la nature… dont l’histoire humaine est elle-même un dérivé. En effet, la production de demain, organisée sous l’autorité du Travail par des nations libres coopérant à égalité et co-planifiant leur développement, devra à la fois en finir avec la loi de la jungle dans le domaine social (c’est-à-dire avec la sauvagerie du capitalisme-impérialisme), et avec le mépris théorique et pratique des conditions naturelles du développement humain. Une alliance stratégique des véritables communistes prolétariens et des écologistes sincères, en entendant par là les écologistes citoyens qui ne confondent pas la cause environnementale avec une posture de « distinction » sociale et de ralliement à l’euro-fédéralisme, est donc pensable. Car pour porter un nouveau mode de production et de consommation capable d’assumer la reproduction socialement construite des conditions environnementales de la vie humaine, il faudra, non pas moinsmais PLUS ET MIEUX de progrès humain et de « lumières communes » :davantage de sciences et de technologies tournées au service de l’humain, davantage de relocalisations nationales et locales, davantage de souverainetés nationales et de coopération internationale, davantage de progrès social et de démocratie populaire, davantage de socialisation en profondeur des moyens de production et d’échange, de rôle dirigeant de la classe ouvrière associée aux autres couches travailleuses.
* Il est possible qu’une partie du réchauffement climatique ne provienne pas de l’activité humaine mais, par ex. de l’activité solaire ; c’est là un débat scientifique que les politiques comme tels n’ont pas à trancher ; mais il revient aux politiques responsables d’agir sur ce qui dépend d’eux : sur ce qui revient aux émissions de gaz à effet de serre émis par l’homme par exemple.
** On entend par là la nouvelle ère géologique que, selon nombre d’auteurs, la révolution industrielle a ouverte en grand en faisant de l’homme un acteur (involontaire) du changement climatique, de l’acidification de l’Océan, etc.
*** cf. la Déclaration du 21 septembre 2015
**** Le débat existe dans le PRCF pour savoir si, étant donné les urgences environnementales, il ne faut pas que le F.R.A.P.P devienne un « F.R.A.P.P.E. » (avec le E de « écologique ») pour que les écologistes qui refusent l’euro-fédéralisme néolibéral et antirépublicain d’ « Europe-Ecologie-les Verts » puissent être partie prenante, autour du mouvement ouvrier de lutte, du rassemblement des couches populaires et moyennes, des syndicalistes de lutte, des patriotes républicains, des amis de la paix, de la démocratie, de la culture et du progrès social… Tel serait pour nous l’esprit d’un « nouveau C.N.R. ».
***** Le monde entier reconnaît par ex. le rôle pionnier de Cuba socialiste dans le domaine environnemental.