Communiqué du secrétariat national du PRCF – 7 février 2020
Comme toujours quand un gouvernement maastrichtien marque le pas sur le front social, ses médias s’empressent de fabriquer une énième affaire « sociétale » susceptible de faire diversion. Telle est l’ « affaire Mila », du nom de cette adolescente qui, en réaction à une mésaventure personnelle, a cru bon de déverser ses états d’âme et son mépris de la religion musulmane sur les réseaux sociaux et a aussitôt reçu d’intolérables menaces de mort qui ont conduit à sa déscolarisation et à sa mise sous protection policière.
On pourrait n’y voir qu’un épiphénomène si, hélas, les militants progressistes n’étaient pas sommés de toutes parts de « choisir » entre deux options également mortifères : soit « être Mila » ( !) et, sous couvert de refuser le fanatisme, adhérer aux imprécations de cette jeune fille contre l’Islam, soit «ne pas être Mila » ( !), et cautionner si peu que ce soit les réactions fanatiques à l’encontre de la jeune fille sous couvert de « lutte contre l’islamophobie » (sic). La classe dominante obtient ainsi deux bénéfices idéologiques pour le prix d’un seul tout en entretenant la division au sein du peuple de France : d’un côté, elle nourrit une campagne insidieuse pour la réintroduction du délit de blasphème qu’avait aboli la Révolution française, de l’autre, elle encourage l’identification irresponsable entre la masse des Français musulmans (lesquels ne demandent qu’une chose, la PAIX !), et une poignée de fanatiques dangereux qu’il faut mettre hors d’état de nuire, y compris dans l’intérêt de millions de travailleurs musulmans pacifiques.
TOUT EN APPELANT LES MILITANTS COMMUNISTES, PROGRESSISTES ET AUTRES SYNDICALISTES à ne pas lâcher une seconde le terrain principal, celui des luttes sociales, nous formulerons ici quelques principes incontournables pour tout défenseur des Lumières et de l’esprit de tolérance :
1) Défendons sans fléchir la loi de 1905, refusons tout retour au prétendu « délit de blasphème » !
Héritiers de Jaurès, qui fut l’un des pères de cette loi, nous rappelons que la Loi de 1905 dispose (art. II) que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Le seul « sacré » commun qu’ont en partage les citoyens français et que défend la LOI est le respect par tous des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Il est donc scandaleux que la ministre macroniste Belloubet ait déclaré que Mila avait « attenté à la liberté de conscience » en fustigeant une religion ; au contraire, si outranciers qu’eussent été les propos de Mila, elle a fait usage de cette liberté du moment qu’elle n’a nommément attaqué ou sali telle personne physique ou morale. Il est important de préciser cela car depuis son avènement, Macron n’a cessé d’attaquer insidieusement ou ouvertement la loi de 1905 qu’il est chargé de faire appliquer, tantôt en déclarant que les combats laïques avaient « abimé » la relation de l’Etat avec l’Eglise catholique, tantôt en prétendant régenter l’organisation du culte musulman, tantôt en participant ès qualités à des assemblées cultuelles catholiques ou juives (notamment au synode des évêques). Or l’application rigoureuse de la loi de 1905, sans privilèges en faveur de la religion dominante (Alsace-Moselle), est une garantie pour la liberté de conscience de chacun, juif, catholique, protestant, musulman, agnostique ou athée, et aussi pour la libre auto-organisation des cultes, dans laquelle l’Etat n’a pas à s’ingérer dès lors que l’ordre public et l’indépendance nationale sont respectés.
MACRON, PAS TOUCHE A LA LOI DE 1905, APPLICATION RIGOUREUSE PAR L’ETAT ET LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE SES DISPOSITIONS, AUCUN RETOUR AU « DELIT DE BLASPHEME », démission de Belloubet qui, manifestement, méconnaît la Constitution, punition de ceux qui ont menacé de mort la jeune fille et l’ont privée de son droit d’aller à l’école et de se mouvoir à découvert sur le territoire national.
2) Droit d’attaquer publiquement les religions ou l’athéisme, devoir d’en user avec retenue
Le droit d’attaquer publiquement les religions (ou inversement, d’attaquer l’athéisme) étant garanti comme un effet direct de la liberté d’expression, les citoyens et les organisations responsables n’en ont pas moins le devoir d’en user avec retenue, dans le respect des autres citoyens et avec le souci prioritaire du combat général pour l’émancipation sociale.
Par ex. Lénine refusait que les militants bolcheviks se saisissent du jour de Pâques pour insulter la religion orthodoxe et provoquer ses fidèles* au risque de les rabattre vers la réaction. De même, mettre hors d’état de nuire les fanatiques qui se réfèrent au « délit » de blasphème pour menacer autrui de mort, n’implique pour les marxistes ni de renoncer à une critique argumentée des religions, ni de se solidariser avec la brutalité d’imprécations antireligieuses dénuées de tact et de retenue : en effet, défendre le droit d’exprimer une idée ne signifie nullement qu’il y existerait, pour les laïques, un quelconque devoir d’en approuver le contenu ou la formulation*. Il est dur de constater que dans la France de 2020, on ne sait plus articuler correctement le droit pour quiconque de s’exprimer à sa guise sur la religion (ou sur l’irréligion !), y compris en tenant des propos outranciers, au droit non moins inaliénable des citoyens qui le désirent de NE PAS APPROUVER cette manière de faire et de le dire, pourvu qu’ils n’usent pour cela ni la menace ni la violence directe. La phrase souvent attribuée (à tort) à Voltaire, « je suis en désaccord avec vous mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez exprimer vos idées » (principe de tolérance) ne vaut qu’accompagnée de sa réciproque : « je me battrai pour que vous exprimiez librement vos idées, mais je me réserve le droit de déclarer que ce sont des sottises si je juge que c’est le cas ». Donc, pas touche à la personne de Mila, châtiment pour ceux qui la menacent de mort, mais refus d’approuver sur la forme les propos outranciers de l’adolescente. Et exigence que l’Education nationale, au lieu d’encourager à grands frais, sous l’égide de Blanquer, la « fabrique du crétin numérique », enseigne aux jeunes qu’à l’époque des réseaux sociaux, on n’est pas obligé d’afficher urbi et orbi ses moindres émotions. Encore faut-il que l’école soit dotée de vrais moyens pour enseigner aux jeunes l’esprit de dialogue, la démarche philosophique et la méthode scientifique…
3) Défendre à la fois les positions matérialistes argumentées et tendre la main aux travailleurs croyants
Pour les communistes il est pleinement cohérent de défendre à la fois des positions matérialistes argumentées – qui n’ont rien à voir avec l’agressivité infantile à l’encontre des croyants – et de tendre la main, comme l’avait fait Maurice Thorez en 1936, à tous les travailleurs croyants. C’est précisément parce que le clivage social objectivement le plus significatif ne sépare pas « ceux qui croient au Ciel » de « ceux qui n’y croient pas », mais bien les exploiteurs aux exploité(e)s, les oppresseurs aux opprimé(e)s, les fascistes aux antifascistes, qu’il faut éviter le piège d’une guerre civile larvée entre « communautés » religieuses. C’est le capitalisme-impérialisme qui cherche au contraire, mondialement et nationalement, à nous attirer dans le guet-apens d’un « choc des civilisations ». Ce genre de « choc » a déjà failli détruire la France au 16ème siècle (Guerres de religion terminées par l’Edit de Tolérance promulgué en 1596 par Henri IV) et il met aujourd’hui le Proche-Orient à feu et à sang depuis, à l’instigation de l’impérialisme US et de ses succursales fanatiques de diverses obédiences (gouvernement fascisant d’Israël, pétromonarchies arabes, fanatiques « évangélistes » des USA…).
En réalité, le seul combat qui vaille est celui qui unit dans le respect mutuel « celui qui croit au Ciel » à celui qui n’y croit pas, pour qu’advienne un monde de paix, de lumières partagées et de « bonheur commun ».
*dans le même esprit, Lénine défendait le droit au divorce tout en précisant qu’il n’impliquait aucunement pour les bolcheviks qu’ils fassent de la propagande pour l’explosion des couples. De même il avait fait inscrire dans la Constitution soviétique le droit pour chaque république fédérée de quitter l’URSS, mais il disait aussi que le Parti communiste bolchevique devait militer pour l’union la plus étroite des travailleurs soviétiques et contre tout séparatisme nationaliste.
IL m’a semblé que Mila n’avait pas critiqué seulement l’Islam, mais toutes les religions … Mais peut-ere que je me trompe.
les propos concernés : https://twitter.com/hatenotfound/status/1223039593106300928?ref_src=twsrc%5Etfw