À l’occasion de son voyage en Corse, le chef de l’exécutif s’apprête à un nouvel exercice de double langage et de dé-tricotage de la France républicaine.
Cette visite intervient au lendemain d’une manifestation des nationalistes à Ajaccio qui a mobilisé bien en-deçà de leurs espérances et très loin de la manifestation tenue après l’assassinat du préfet Érignac, et après que ces derniers sont sortis premiers de l’élection de l’assemblée de la collectivité unique. Une élection dont le grand gagnant aura été une abstention massive et historique, logique lorsque l’on sait que les Corses consultés par référendum en 2003 s’étaient majoritairement prononcés contre la fusion des départements corses.
Évidemment, Macron ne manquera pas de bomber le torse en condamnant (c’est bien le moins !) les tueurs du préfet Érignac, que les « pacifiques » élus séparatistes – qui n’ont en bouche que les « valeurs d’accueil » et le « respect », voudraient tant voir amnistiés ; sans doute Macron refusera-t-il, en apparence, de désétablir officiellement la langue française (« la langue de la République est le français », dispose l’Art. II-a de la Constitution) en co-officialisant la langue corse, ou encore d’établir un « statut de résident » qui saperait sur tout le territoire national le principe universaliste d’une citoyenneté française dénuée d’ancrage ethnique. Macron ne pourra manquer d’adopter à Ajaccio une telle posture « républicaine » puisque, la France étant encore, sur le papier plus que dans les faits, une « République une et indivisible », le chef de l’exécutif ne peut trop ouvertement violer la constitution qu’il est censé protéger…
Mais en réalité, par-delà son très probable et convenu discours « républicain », Macron cherche en réalité à instrumentaliser le séparatisme corse pour mettre en place, à l’échelle de l’Hexagone, ce qu’il appelle son « pacte girondin », c’est-à-dire l’euro-fédéralisation à l’allemande de la République française. Un projet largement rejeté par les français qui sont plus de 60% à refuser que la Constitution soit modifiée pour y mentionner une « spécificité » de la Corse. Quant à la langue française, Macron n’a pas attendu son voyage à Ajaccio pour lui réserver un traitement mortifère :
- On sait déjà en effet que Macron veut faire graver dans la constitution un prétendu « droit à la différenciation des territoires ». Cela affaiblirait le primat du français, socle de la nation et premier service public de France, notamment dans plus d’une région française périphérique (et pas seulement en Corse : Bretagne, Pyrénées-Atlantiques, Alsace, Flandre, Pyrénées-Orientales…). Le « droit à la différenciation » ne tarderait pas à détruire tout ce qui reste de national dans notre pays : code du travail, conventions collectives, statuts publics, services publics d’État, fiscalité des entreprises, SMIG, etc. ; enterrée la possibilité de reconstituer une Sécurité sociale protectrice, de grands services publics d’État, le « produire en France » ! Et bienvenue au capital prédateur jouant sans cesse une région contre l’autre pour abaisser les salaires, casser les protections sociales et délocaliser les productions !
- Macron est partisan de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, que le Conseil constitutionnel a déjà récemment jugé incompatible avec la l’unicité de la citoyenneté française, constitutionnellement indépendante de toute condition de religion, de sexe, de « race » ou de territorialité. Par ailleurs on ne voit que trop combien Macron martyrise chaque jour la langue française en officialisant de fait le tout-anglais dans sa communication (voir ses derniers discours « Choose France ! », « France is back ! », « Make the planet great again ! », « One planet’s Summit », etc.), donnant un véritable permis de polluer la langue à tous ceux qui piétinent la loi Toubon de 94. En réalité, le proconsul de l’UE qu’est Macron prend en tenaille le français, « langue de la République », entre le tout-anglais « transatlantique » et la marche vers l’officialisation rampante des langues régionales. Ainsi, sous couvert d’ouverture et de « modernité », le « Ramina-Globish » néocolonial porté par l’Empire euro-atlantique s’apprête-t-il à dévorer toute forme de diversité linguistique et culturelle en France, en Europe et dans le monde !
En réalité, sous prétexte de résister au séparatisme corse, Macron s’apprête à ouvrir la boîte de Pandore de tous les pseudo-« indépendantismes » (car que vaudrait une « indépendance » de la Corse ou de toute autre région par rapport à « Paris » si, en même temps, tous ces territoires « indépendants » se soumettent à Bruxelles… donc à Berlin, dont on voit comment ils traitent les malheureuses îles grecques !). Alors que la « construction » européenne induit la balkanisation de nombre de nations européennes (Belgique, Espagne, Italie, Grande-Bretagne…), que les partisans de l’ « Europe des régions », – dont le QG siège au MEDEF ! – veulent « reconfigurer les territoires », voire « éliminer les communes et les départements » – , le « droit à la différenciation » n’est donc rien d’autre qu’une manière centralisée, « une et indivisible » dans la méthode, perverse en un mot et encore plus dangereuse que l’indépendantisme corse, de dépecer la République indivisible à partir du « centre », de Paris !
En un mot, Macron ne feint de refuser le séparatisme corse que pour mieux mettre chaque région française en concurrence sauvage avec toutes les autres pour le seul bénéfice des chasseurs de profit et au détriment de la masse des Français qui préfèreraient que le gouvernement daigne régler leurs soucis d’emploi et de pouvoir d’achat.
Quant à la Corse, on peut simplement rappeler quelques données de base à son sujet :
- pourquoi tonner contre le « jacobinisme de Paris » alors que c’est le pouvoir central qui, depuis notamment 81 (Defferre) et 2003 (Raffarin), ne cesse d’affaiblir l’unité administrative du pays avec pour seul résultat l’éclatement des inégalités territoriales qui a aggravé la paupérisation de la Corse; ajoutons qu’en fait de centralisation excessive, il faut surtout incriminer un certain… Napoléon Bonaparte qui liquida l’élection des maires et soumit la France à la dictature des préfets ; à l’inverse de Robespierre, qui n’a dirigé la France qui souhaitait le maximum d’autonomie des communes dans le cadre de la loi universelle ;
- C’est dans le cadre d’une République sociale et souveraine démocratiquement centralisée que la Corse pourra enfin, à l’abri des mafias, des gangs, des clans et des promoteurs, trouver la voie d’un co-développement planifié que peuvent seuls porter des services publics d’État, un puissant secteur public bancaire et industriel chargé de redévelopper à égalité tous les territoires, d’une Éducation nationale dotée des moyens nécessaires pour enseigner convenablement partout la langue nationale, et aussi, à tous ceux qui le souhaitent, les langues régionales, ce patrimoine indivisible de la nation (par ex. pourquoi le corse ne serait-il pas enseigné à Marseille et là où il y a une demande suffisante, 800 000 originaires de la Corse soit 3 fois la population de l’île vivant sur le continent) ;
- Si néanmoins un jour, clairement et à leurs risques et périls (car on ne peut gagner sur tous les tableaux, rejeter l’État français et exiger le maintien des subventions), les Corses voulaient majoritairement divorcer d’avec la France, il faudrait qu’ils pussent le faire démocratiquement, le dernier mot revenant toutefois à l’ensemble des Français, qui sont copropriétaires du territoire. En tout cas, la volonté, fût-elle euphémisée sous le nom d’« autonomie », de rompre avec le peuple français dont les valeureux FTP Corses furent pourtant l’aile patriotique marchante en 43/44, ne doit pas servir de prétexte à Macron pour dépiauter toute la nation au seul profit de l’UE et de l’oligarchie capitaliste.
Déclaration du PRCF – 6 février 2018
La CGT de Corse appelle à la manifestation le 7 février :
Union Régionale CGT de Corse
Bastia le 5 février 2018 – Conférence de presse lundi 5 février
Macron à Bastia mercredi 7 février. La CGT appelle les salariés à se mobiliser et à accompagner la délégation qui sera reçue par son conseiller social. A cette heure le Préfet interdit toute manifestation ce qui est proprement scandaleux.
Plan social dans les services publics; politique fiscale au profit des plus riches; loi travail; non à la double peine pour la plus grande majorité des Corses.
La CGT n’envisageait pas de manifester pour la venue du Président de la République dans la mesure ou se voyage se voulait uniquement un hommage au Préfet Erignac pour le 20ᵉ anniversaire de son lâche assassinat. La CGT s’associe d’ailleurs à cette cérémonie et sera présente demain à Ajaccio.
Mais le Président Macron prolonge sa visite et sera à Bastia mercredi 7 décembre dans un cadre politique. Nous venons de plus de découvrir son projet funeste de «plan social» dans les services publics au moment même ou les salariés se mobilisent pour des emplois notamment dans les hôpitaux, les EHPAD, les prisons. Le Président parle de «pacte Girondin» en transférant des compétences aux Région tout en diminuant les crédits aux collectivités et en supprimant les emplois et les missions de proximité comme aux Finances de Corse ou par exemple les services RH ou de recouvrement de la taxe d’aménagement au profit des collectivités locales sont transférés à Avignon.
La CGT a demandé à être reçue par le Président de la République afin d’exposer l’ensemble des revendications sociales et plus particulièrement celles plus spécifiques à la Corse. Nous appelons les salariés, les retraités et les chômeurs à se mobiliser et à venir manifester pour accompagner notre délégation qui sera reçue par un conseiller social de l’Élysée.
Vie chère, indemnité de transport, précarité, collectivité unique, fiscalité, hausse de la CSG pour les retraités, solidarité nationale fragilisée, services publics…autant de questions essentielles pour la vie quotidienne des Corses que le Président Macron et d’autres tentent de masquer derrière des questions institutionnelles.
Aucune évolution institutionnelle ne résoudra la grave crise sociale qui touche une majorité de Corses, sans une meilleure répartition des richesses et de nouveaux droits pour les salariés. Faibles salaires (1 Corse sur 2 vit avec moins de 1500 euros par mois) cadeaux fiscaux sans contre parties sociales faisant de l’île la région championne des inégalités ( record national de dépôt bancaire par habitant).
L’indépendance financière pour la Corse revendiquée par l’exécutif et encouragée par le gouvernement Macron cela signifie une perte annuelle de près de 2 milliards d’euros (enveloppe de continuité territoriale, taux de TVA réduits, compensation du surcoût de l’électricité , PEI, …). Le transfert aux collectivités locales des compétences en matière de lutte contre les inondations sans moyens financiers suffisants (taxe GEMAPI sur les taxes d’habitation) montrent que malgré la hausse des taxes locales qui vont se multiplier les ressources seront insuffisantes.
La loi travail qui va faciliter les licenciements à moindre coûts aura de graves conséquences sur la vie de milliers de Corses obligés de supporter une forme de précarité à vie.
La CGT refuse de laisser les Corses s’enfermer et se diviser comme cela se répète en Europe que ce soit en Catalogne en Écosse ou même en Italie et ailleurs sur ces questions identitaires. Certes la mondialisation capitaliste et la financiarisation de l’économie que la commission Européenne accompagne plus qu’elle ne la combat crée une peur et inquiétude bien légitime. Pour autant si le débat politique se résume à seulement pour ou contre l’indépendance ou même plus ou moins d’autonomie sans poser la question des Droits sociaux, de la répartition des richesses et des moyens financiers; alors à coup sur seule la loi du Marché et sa politique libérale en sortiront gagnants.