Ils sont loin les temps héroïques où les FTPF de Corse organisés par le PCF clandestin expulsaient manu militari les troupes de Mussolini. Alors le combat était clair et l’on ne confondait pas les héros antifascistes avec de glauques assassins se mettant à plusieurs pour abattre dans le dos un fonctionnaire de la République française, si bourgeoise soit-elle. Alors la Corse rouge et tricolore à la fois se portait à l’avant-garde de l’insurrection nationale contre la Bête immonde insulaire et continentale du fascisme et de l’hitlérisme !
TAPER SUR LES « JACOBINS » POUR MIEUX MENAGER LE CAPITALISME ET L’HERITAGE HYPERCENTRALISTE DU BONAPARTISME !
Passe encore que, désormais, de jeunes Corses déboussolés finissent par croire les démagos qui leur racontent, de la Maternelle à l’Université, que « la France » et son prétendu « État jacobin » sont les seuls responsables du retard économique de l’Île. Et non pas les mafieux locaux et continentaux! Et non pas les clans insulaires et:ou continentaux travestis en partis politiques qui vampirisent l’île depuis des siècles en pratiquant la corruption ! Et non pas la loi d’airain de l’ « inégal développement » capitaliste qui fait rage dans une France métropolitaine affaiblie et écartelée par quarante années de néolibéralisme maastrichtien, d’abandon de l’aménagement planifié DU territoire, et de mise en concurrence « girondine » entre les « territoires différenciés ». Quelle aberration pourtant que d’accabler le prétendu « jacobinisme français »! Rappelons que l’Incorruptible Robespierre a gouverné la France moins de deux ans, et dans des circonstances tragiquement exceptionnelles. En réalité l’hypercentralisation bureaucratique, c’est un certain… Napoléon Bonaparte qui, très bizarrement, continue d’être encensé par les « natios » antifrançais (1). Ce renégat du jacobinisme républicain envoya aux galères les jacobins intègres et les babouvistes porteurs d’un projet de République sociale. C’est également Bonaparte qui rétablit le colonialisme et l’esclavage dans les îles caraïbes, qui étrangla la République en 1804, qui tenta de coloniser, non pas une île mais toute l’Europe, tout en vendant la Louisiane au jeune empire yanqui. Quant à la démocratie locale, c’est encore Napoléon 1er qui l’éradica en supprimant l’élection des maires et en soumettant toute la vie locale aux préfets nommés par « Paris » (mais qui dirigeait alors « Paris »?). Pour satisfaire sa mégalomanie, l’ « Empereur » monté sur le trône à la faveur d’un putsch militaire instaura une hypercentralisation bureaucratique antinomique de l’esprit démocratique des jacobins et des Sans Culotte, qu’approuvait d’ailleurs initialement Paoli ! Mais peut-on expliquer cela à Ajaccio où tant de rues font référence de manière acritique à l’ « Empereur », au « Premier Consul », etc.?
A QUI PROFITERAIT LA BALKANISATION DE LA FRANCE ?
Passe aussi que des « natios » racontent aux Corses à longueur de journée que la mise à mort de la République française indivisible, voire le largage total des amarres avec la France continentale, seraient propres à atténuer les inégalités territoriales et non à les accroître démesurément. Mais, sauf à devenir un nouveau paradis fiscal pillant la France et l’Italie voisines, ou à accueillir dangereusement une énième base US ciblant la Russie depuis la Corse, comment une « indépendance corse » (sic) placée sous la coupe directe de Bruxelles et Berlin et ne représentant que quelques centaines d’insulaires pourrait-elle peser quoi que ce soit face à l’Empire euro-atlantique centré sur Berlin, supervisé par Washington et travaillé en permanence de Strasbourg à Bruxelles par les influenceurs des transnationales? D’autant qu’un tel empire européen – dont il serait opportun, voire vital, de se retirer avant qu’il ne fît la guerre à la Russie – se construit de plus en plus sur des bases ouvertement bellicistes en profitant de la crise ukrainienne… Mais comment diantre une telle inclusion de la Corse en position archi-dominée dans un tel ensemble serait-elle au final plus favorable aux jeunes Corses, sans parler de la langue corse (l’empire européen ne fait mine de protéger les langues régionales que pour désétablir le français et pour établir partout le globish) que ne peut l’être le lien éprouvé avec une France continentale où tant de Corses ont fait leur vie depuis dix générations? Y compris du reste à Paris, voire à Neuilly (deux villes influentes qui eurent des maires corses: étrange « colonialisme français » tout de même!)… Mais après tout, quel parti ayant pignon sur rue en Corse aurait-il désormais le courage, le climat de violence larvée et d’intimidation idéologique étant ce qu’il est, de tenir sur place un autre discours que celui du nationalisme ethnique, du rejet de l’autre (on ne lit pas que « Francesi fora! » sur les murs de Bastia…) et de culpabilisation obligée de « la France » et « des Français », indifféremment à leur classe sociale ? Il est vrai que lorsque tel courageux élu communiste de Sartène tentait naguère de défendre un point de vue franchement républicain sur l’Île, il ne tardait pas à se faire plastiquer…
En résumé, à qui l’indépendance de la Corse – car l’autonomie ne serait qu’un faux nez provisoire: qui en doute ? – profiterait-elle vraiment ? A « la » Corse, ou seulement à certains Corses insulaires et continentaux nantis de « relations » de toutes sortes. Sans parler des dirigeants impériaux de l’UE germano-atlantiste qui voient d’un oeil favorable, tout en jurant hypocritement le contraire, tout ce qui peut déchirer les Etas-nations, France en tête, ou tous les Etats multinationaux historiquement constitués (Tchécoslovaquie, Yougoslavie, voire Belgique…) qui formaient jusqu’ici l’Europe occidentale? Car bien loin des déchaînements d’émotion nationaliste sous influence, les froids oligarques continentaux qui trônent à Bruxelles et à Francfort sauront appliquer en douce à la France, à l’Italie, à la Belgique fragilisées, le vieil adage machiavélique de l’impérialisme romain: « Divide et impera » (« divise-les et impose-toi »!)…
DRAPEAUX EN BERNE OU CORSES BERNES?
C’est pourquoi il est scandaleux que, provoquant grossièrement la République française et insultant a posteriori la malheureuse famille Erignac (un homme dont le froid assassinat fut prémédité), les autorités nationalistes coalisées, qui se répartissent les parts de marché politiques entre « indépendantistes » sans scrupules et autonomistes plus présentables, aient décidé de mettre les drapeaux en berne à l’occasion des funérailles de Colonna. Lequel, que l’on sache, fut condamné par la justice pour assassinat à l’issue d’un procès d’assises contradictoire qu’aucune instance internationale n’a suspecté. Certes, ce qui est arrivé à Colonna en détention est odieux et il est déshonorant pour elle que l’administration pénitentiaire française se soit montrée incapable de gérer la détention d’un citoyen dont la sécurité personnelle importait tant à celle de la Corse et de toute la Nation: dans tout pays réellement démocratique, et disant cela nous sommes à l’unisson de la rue corse justement indignée, le ministre de la justice aurait immédiatement démissionné. Pourtant, qui peut sérieusement penser que le meurtre de Colonna par un demi-fou fanatisé ait été téléguidé par l’ « Etat français assassin », comme le font clamer les « natios » ? En réalité, cette mort violente dessert l’Etat en général, voire Macron en particulier: ce dernier se fût bien passé de cela à la veille de la présidentielle ! En réalité, le meurtre en prison de Colonna démontre la décomposition au long cours d’une administration française rongée par des décennies de dénigrement néolibéral, d’euro-austérité asphyxiante et de gangrène maastrichtienne des services publics, toutes choses qui pèsent au quotidien, non seulement sur les Corses, mais sur l’ensemble des Français !
MELENCHON, DE L' »INDEPENDANTISME FRANCAIS » A L’AUTONOMISME EURO-REGIONALISTE?
Plus grave encore pour la Corse, mais aussi pour l’ensemble des Français, notamment pour les électeurs de gauche, M. Mélenchon, l’ex-jacobin qui se réclamait encore en 2017 de la Gauche patriote et de la République indivisible, le tribun qui n’avait en bouche, face à Bruxelles, que l’ « indépendantisme français », fait désormais chorus avec les autonomistes corses ET AVEC le néo-autonomiste corse MACRON. Lequel, dès qu’il a un problème à régler dans une « périphérie », sort la proposition validée par personne, et surtout pas par le Parlement, d’ « autonomie administrative »: ce qui revient à larguer les amarres à petit bruit avec le « territoire » concerné et à lui signifier en sourdine le conseil amical suivant : « démerde-toi et crève! ». Ainsi avait déjà agi Macron avec les Antilles, alors que l’autonomie n’était pas la revendication de la rue et qu’il faudrait d’abord consentir là-bas à des investissements massifs pour permettre aux Antillais de rattraper le niveau de vie métropolitain. En réalité, Macron agit comme agissent ses modèles, les managers de transnationales, quand ils ont affaire à des filiales lointaines qui « plombent les comptes » et qui « mangent un pognon de dingue »: réglez vos problèmes seuls, trouvez un repreneur ou… fermez! Et en poussant la Corse à l’autonomie et à une indépendance sous dominance directement bruxelloise, les « natios » corses collaborent à cet abandon fort peu progressiste. Jadis euro-critique, l’ « autonomiste corse » qu’est subitement devenu JLM complait subrepticement aux partisans bruxellois de l’Europe fédérale des Länder: ces derniers ne peuvent qu’être ravis, en effet, à l’idée d’avoir à « digérer », non plus une France territorialement unie, donc difficile à phagocyter, mais une myriade de micro-territoires aux contours indéfinis.. et aux législations immobilières et financières fortement allégées. C’est ainsi que les maîtres du capital s’emploient à saper les Etats nationaux issus de la Révolution française et du Printemps des peuples de 1848, deux mouvements historiquement progressistes) pour restaurer en douce une forme de Saint-Empire germano-européen. Dans ce dernier, l’Empereur allié au Pape dominait une mosaïque de fiefs aisés à manipuler.
Dans ces conditions, il est triste que le chef de file de LFI devenue l' »union populaire » ne voie désormais même plus à quoi va conduire, à partir du contre-exemple corse, cet engrenage objectivement pré-séparatiste en Bretagne, en Alsace, en Flandre intérieure, en « Catalogne-Nord », au « Pays basque Nord » et ailleurs: bonjour la désagrégation rampante ou galopante selon les cas de la République, le plus souvent d’ailleurs à l’initiative de régions riches refusant de payer solidairement pour la France pauvre: fi de la France encore vaguement républicaine! Que la Creuse appauvrie, que le Pas-de-Calais industriel ruiné par Maastricht, que le Val-de-Marne cassé par les délocalisations, se débrouillent donc seuls à l’avenir ! En résumé, tout cela en dit long, non seulement sur le degré d’euro-décomposition de notre pays en général, mais sur ce qui l’accompagne politiquement: la dérive euro-compatible et néo-girondiniste (= antijacobine, et ce n’est pas un compliment!) de la gauche soi-disant radicale de moins en moins… insoumise au mortifère processus euro-atlantiste…
EURO-BALKANISATION
Pas plus tard que samedi 19 mars d’ailleurs, le prétendu Front de Libération de la Bretagne (FLB) menaçait publiquement la France des pires violences si n’étaient pas organisés très vite deux référendums, le premier sur le rattachement de Nantes à la région administrative bretonne (de manière à parfaire l’ethnicisation des Länder créés par François Hollande), le second sur l’autonomie, voire sur l’indépendance de la Bretagne. Les aveugles volontaires qui rient de tout cela parce qu’ils n’étudient pas les processus politiques et qu’ils ont décidé de rien voir venir, diront à nouveau « je n’y crois pas, la France est solide ». C’est là sous-estimer gravement le délitement du pays à l’issue de trente années de « construction » maastrichtienne présentement accélérée par la marche à l' »Etat fédéral européen » (officiellement programmé par Olaf Scholz), à la « souveraineté européenne » (Macron = fin de la règle de l’unanimité des Etats européens), voire à l’ « Empire européen » (D. Strauss-Kahn, Bruno Le Maire emploient désormais ce mot). Qu’il est alarmant que les militants de gauche continuent d’ignorer le processus que le PRCF a analysé dès 2011 sous le nom d’ « euro-balkanisation » générale, ce qui signifie la mise en place de mécanismes de dissolution, souple ou violente selon les cas, des Etats-membres de l’UE (en dehors de la RFA unifiée, pays-centre du nouvel Imperium), qu’il s’agisse de la République italienne menacée par le séparatisme de la « Padanie », de l’Espagne menacée d’implosion (cf la Generalitat de Catalogne transmettant ses condoléances à la Collectivité unique de Corse à l’occasion de la mort de Colonna…), de la Belgique en voie d’ « évaporation » ethniciste (sous l’impulsion du gouvernement flamand d’extrême droite) à la Tchécoslovaquie, déjà disloquée en deux micro-Etats. Sans parler de la manière dont la gentille Europe arrimée à l’OTAN a déjà dépecé la Yougoslavie, puis la Serbie (à cette époque, les modifications de frontières pratiquées « manu militari » ne scandalisaient pas Bruxelles!) en lui arrachant le Kosovo et en y installant aussitôt… une base américaine ! Bref, qui ne voit que la « question corse » peut être le détonateur d’une réaction en chaîne menant à la désagrégation française et que, sur le plan continental, elle peut amorcer des dégâts humains incalculables pour la France en général et pour le monde du travail en particulier ? Disant cela, nous assumons le risque de jouer les « Cassandre »: mais Cassandre avait vu juste et si les Troyens l’avaient un peu écoutée au lieu de se moquer d’elle, l’agresseur grec n’aurait jamais pu prendre du dedans et incendier leur cité…
SUR LE PLAN TERRITORIAL AUSSI, SE DIVISER POUR PERDRE OU SE RASSEMBLER POUR GAGNER?
Car soyons sérieux: qui peut croire qu’une telle marche à la décomposition territoriale sous couvert de fédéralisme européen, et que de telles « autonomies/indépendances » sous pavillon germano-européen puissent apporter aux travailleurs autre chose que divisions et rivalités exacerbées ? Il est au contraire urgent de construire le tous ensemble des travailleurs et des citoyens pour une nouvelle République sociale, souveraine, une, laïque, démocratique et indivisible faisant place à la diversité culturelle dans le cadre d’une péréquation des moyens entre territoires au moyen d’un plan d’État démocratiquement débattu, et sans perdre de vue l’indispensable primat national de la langue française, socle fondamental du pays. Car le fond des choses qu’il nous faut constater haut et fort, au lieu d’accompagner la démagogie séparatiste comme Mélenchon imitant les Verts d’EELV, c’est que désormais, la grande bourgeoisie devenue réactionnaire sur toute la ligne, ne peut plus construire les nations: seulement les détruire en privilégiant la course euro-mondialisée au tout-profit avec son cortège de fascisation, de micro-nationalismes rétrogrades… et de marche à la guerre mondialisée contre la Russie et l’ensemble des peuples qui refusent l’hégémonie de l’Oncle Sam.
CIBLER ENSEMBLE LE GRAND CAPITAL!
Sans céder à la démagogie d’une gauche établie de plus en plus à la remorque, toutes tendances confondues, des forces européistes, sans céder à une union sacrée belliciste dont la face cachée est la bombe à micro-fragmentation de l’euro-séparatisme, travaillons d’urgence, citoyens français de Corse et du « continent », à une Alternative patriotique et populaire. Car pour la Corse comme pour la Bretagne, l’Alsace, le Pays nissard, les Savoie, le Roussillon, les Pyrénées-Atlantiques, la partie flamande du Nord-Pas-de-Calais et les autres régions périphériques comme pour tout le pays, la démagogie euro-régionaliste pourrait vite mener à des situations incontrôlables remettant en cause, non seulement ce qui reste des conquêtes démocratiques de la Révolution française et des acquis de 1945, mais les bases mêmes de la paix civile en France: cela paraît peut-être exagérément pessimiste à l’heure ou j’écris, mais « un chemin de mille lieues commence par un premier pas »… Au rebours de ces processus continentaux, et pas seulement « locaux », de gangrène et de décomposition, c’est d’une « grande explication » avec le pouvoir hexagonal, continental et « transatlantique » du grand capital incarné par Macron qu’ont besoin tous les travailleurs, tous les progressistes et tous les patriotes républicains.
SORTIR L’UN APRES L’AUTRE de la REPUBLIQUE FRANCAISE, OU SORTIR TOUS ENSEMBLE, PAR LA VOIE PROGRESSISTE, DE L’U.E. du GRAND CAPITAL?
Au final, pour un avenir progressiste partagé, la Corse ou la Bretagne n’ont aucun intérêt à « sortir de la France » pour se précipiter dans les bras faussement amicaux de Bruxelles, Berlin et Washington. Ensemble et en même temps, les travailleurs et citoyens de toute la France devront sortir de l’UE et de l’OTAN pour reconstruire un pays fier de ses diversités mais uni dans la voie du progrès, de la paix, du développement coordonné et de l’indépendance véritable.