Entretien d’Initiative communiste, votre journal mensuel du PRCF, avec Georges Gastaud, secrétaire national du PÔLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE – 24 avril 2018
I.C. : Comment apprécier la situation géopolitique après les frappes impérialistes sur la Syrie et surtout, que faire pour défendre la paix mondiale ébranlée par le comportement unilatéral du trio Trump-May-Macron ?
Georges Gastaud : En apparence, il y a désescalade. En réalité, un fait accompli gravissime s’est produit par la faute de Macron : pour la 1ère fois depuis des décennies, la France a agi sans mandat de l’O.N.U., en violation assumée du droit international, sans disposer de preuves internationalement établies de l’origine de l’attaque chimique, dans un suivisme total à l’égard des Etats-Unis, même si, en la matière, Macron et le très belliqueux revenant Hollande ont été à la pointe de l’agressivité internationale contre un Etat souverain. La récente visite d’Etat de Macron à Washington aggrave encore le tableau tant il est clair que le chef de l’Etat français s’est couché devant les exigences de Trump sur le dossier iranien, faisant en outre le gros dos sur les questions climatiques.
Alors que notre pays avait résisté à l’ « unilatéralisme » de G.W. Bush lors de l’invasion de l’Irak, Macron a renié ce qui fait le cœur de la diplomatie française depuis les années soixante : la référence au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, par lequel la France reconnaît des Etats et non des « régimes » (ou des « opposants au régime », pour parler comme les belliqueux éditorialistes qui accaparent la matinale d’Inter…), le principe de l’égalité entre les peuples, le refus du prétendu « devoir d’ingérence » – ce cache-sexe du néocolonialisme – , le respect du droit international – si insuffisant, voire si biaisé qu’il soit. Ce comportement lâche et irresponsable est tragique pour l’avenir de la paix mondiale, pour la liberté d’action future de notre pays sur la scène mondiale, pour son prestige international – au plus bas dans les pays arabes – . Surtout, l’obséquiosité affichée de Macron à l’égard de l’Oncle Sam accroît l’incertitude dans les relations internationales, déjà gravement déstabilisées par ce que les auteurs superficiels nomment la « fin de la guerre froide », et qui est en réalité une « paix chaude » particulièrement éruptive : ennemi principal des peuples, l’impérialisme n’a évidemment pas changé de nature sous prétexte que le camp socialiste mondial a momentanément disparu. Bien au contraire, le trio infernal que composent les USA, la nouvelle Europe allemande aiguillonnée par Macron et le Japon néo-militariste, est d’autant plus agressif qu’il se sent menacé par la montée des « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), que Washington et ses relais saoudiens ont perdu la guerre en Syrie, que Trump se heurte, dans la péninsule coréenne, à la fermeté (assortie d’ouvertures à l’égard de Séoul…) de Pyongyang, et que le bloc capitaliste-impérialiste dominant n’a plus face à lui une Union soviétique assumant la défense de la paix mondiale sur des positions anti-impérialistes.
Dans une telle situation, le camp progressiste et anti-impérialiste en France se doit, d’une part, de couper tout lien avec la « gauche » social-impérialiste du type Benoît Hamon – qui applaudit à tout rompre aux frappes en Syrie ! Il faut aussi accentuer la campagne pour que la France sorte de l’OTAN, cette machine à mondialiser les guerres US. Refuser l’OTAN, implique de refuser non moins catégoriquement l’UE, qui se proclame « partenaire stratégique » de l’Alliance atlantique. Et ne nous laissons pas intimider par un récent appel obscène, émanant de Val, Sarkozy, Valls et Cie, qui amalgame le répugnant antisémitisme à l’indispensable et très légitime dénonciation du boucher Netanyahou, massacreur de la jeunesse palestinienne. Plus largement, démasquons les Tartuffes qui, comme Macron, arment les massacreurs saoudiens du Yémen, qui ferment les yeux sur le massacre des Kurdes par le fasciste Erdogan et décorent de la Légion d’honneur des pétro-monarques assassins alors que les mêmes hypocrites s’acharnent contre tous les régimes tant soit peu laïques et progressistes de la planète, en particulier contre le Venezuela bolivarien.
Surtout, le PRCF appelle les syndicalistes et les progressistes engagés dans les luttes populaires à dénoncer à la fois la politique d’austérité et d’euro-privatisation et l’explosion indécente des budgets de surarmement destinés à préparer la guerre contre le peuple russe, envers lequel le peuple français a contracté une énorme dette historique. Quoi, il y aurait de l’argent à profusion pour expédier des missiles d’un coût exorbitant sur des usines syriennes désaffectées, et il n’y aurait pas un rond pour maintenir les hôpitaux de province, les écoles de village, les maternités supprimées à la pelle par Macron en application du pacte budgétaire européen ? Est-il normal que dans les manifs actuelles on n’entende guère de slogans tels que « des crédits pour l’enseignement, pas pour les bombardements » ou « l’argent pour les acquis sociaux, pas pour Matra et Dassault » ?
En un mot, il faut en finir avec la tendance réformiste à ménager la soi-disant « Europe sociale et pacifique » alors que l’UE-OTAN est structurellement tournée vers l’austérité, vers la privatisation générale et vers la répression antisyndicale (strangulation du droit de grève en Grèce sur injonction de l’UE). D’autant que cette belle « Europe démocratique » criminalise le communisme tout en acceptant des gouvernements truffés de néonazis (Vienne, pays baltes, Ukraine…) et qu’elle organise, avec l’OTAN, la marche à la guerre contre la Russie. En un mot, mettons la défense de la paix et des peuples souverains au cœur des luttes sociales !
I.C. – Alors que la situation continue de se tendre au Venezuela et que Cuba vient de se donner un nouveau président, comment le PRCF compte-t-il agir pour développer la solidarité avec les progressistes latino-américains menacés par la contre-offensive impérialiste ?
Georges Gastaud : d’abord, si la situation se tend au Venezuela, c’est par la faute de l’oligarchie vénézuélienne, qui sabote la production, qui bafoue les lois et qui organise les pénuries, et plus encore, de Trump qui impulse un véritable blocus non officiel du Venezuela et un assaut général contre la gauche latino-américaine (Argentine, Brésil, Nicaragua…). Les progressistes vénézuéliens sont confrontés à la nécessité d’approfondir le processus révolutionnaire ou d’être violemment éliminés car, comme le disait Saint-Just, « ceux qui font les révolutions à demi n’ont fait que se préparer un tombeau ». Aujourd’hui, au Venezuela, le choix n’est nullement entre la « brutalité » supposée de Maduro et une gentille démocratie de type scandinave : si Maduro tombait, un fascisme de type « pinochetiste », triompherait, comme il est déjà en train de monter en, et le rapport des forces mondial entre le camp réactionnaire et le camp progressiste subirait une nouvelle dégradation, dont les travailleurs français éprouveraient vite de nouvelles retombées.
C’est pourquoi nous avons salué l’accord historique entre le Parti socialiste unifié vénézuélien, de Maduro, et nos camarades du PC du Venezuela, qui ont toujours su marcher sur leurs deux jambes : d’une part en poursuivant la construction pleinement indépendante du Parti communiste, indispensable pour mettre les masses populaires au centre du processus bolivarien et pour orienter ce processus vers la révolution socialiste, et d’autre part l’engagement des communistes dans un large front patriotique, anti-impérialiste et progressiste. Le rôle des vrais communistes n’est pas en effet, comme le font le PCF ou le directeur de l’Humanité, de gémir sur les ainsi-dits « manquements » de Maduro, il est de soutenir tout pas en avant vers la révolution socialiste au Venezuela et, dans cet esprit, d’appuyer politiquement et sans réserve les communistes vénézuéliens.
Concernant Cuba, nous sommes persuadés que le camarade Diaz-Canel, « pur produit du parti communiste » (comme le disent nos médias réacs en s’imaginant dénigrer le nouveau président alors qu’ils dressent son éloge !) poursuivra l’ « actualisation du socialisme cubain » tout en respectant ses fondamentaux légués par Fidel et Raul : propriété sociale des grands moyens de production, « poder popular », systèmes proto-communistes de santé, de recherche scientifique et d’éducation figurant parmi les plus performants du monde, respect de l’environnement, solidarité internationale. Dans cet esprit d’intense fraternité, une délégation des JRCF se rendra prochainement à Cuba pour renforcer la solidarité entre les communistes. Il s’agit moins pour nous de « défendre Cuba » (car c’est au contraire Cuba socialiste qui, notamment depuis la contre-révolution en Russie, est le porte-drapeau mondial des valeurs révolutionnaires !), que de NOUS défendre AVEC Cuba socialiste. Car il faut rappeler qu’à Cuba, malgré le blocus que Trump a encore durci, le système de santé, l’éducation, la recherche, le soin de l’environnement, ne sont pas des coûts à réduire mais des leviers décisif du développement social.
I.C. – Comment selon toi renforcer le camp du travail et de la jeunesse de France qui est actuellement en plein bras de fer social contre Macron ?
Georges Gastaud : Ce que le PRCF nomme le « tous ensemble en même temps » est indispensable pour briser l’offensive thatchérienne, voire fascisante, que conduit Macron pour accomplir « jusqu’au bout » le sale travail dont l’ont investi l’UE et finance. Il faut saluer le courage des étudiants qui bloquent les facs malgré la répression, féliciter les cheminots qui font face aux briseurs de grève du sieur Pépy, soutenir les travailleurs de Carrefour en bute à un énorme plan de licenciement, sans oublier les salariés d’Air France qui affrontent l’austérité salariale après avoir dû encaisser, depuis l’euro-privatisation imposée par le gouvernement Jospin-Gayssot, des milliers de suppressions de poste. Pour gagner ce bras de fer difficile, il nous semble qu’il faut en outre :
- décrypter la nature de classe du pouvoir macroniste. Macron n’est pas seulement un jeune gandin qui « n’écoute pas le peuple ». C’est un ennemi de classe déterminé qui se rêve en Thatcher français, qui réprime à tour de bras, et dont la feuille de route est très claire : il s’agit pour lui de démanteler les ultimes acquis progressistes français pour parachever à toute allure la dissolution de notre pays dans les « Etats-Unis d’Europe », dans « l’Union transatlantique » (le « CETA », puis, n’en doutons pas, le grand retour du « TAFTA »), voire dans le tout-anglais managérial mondial dont l’actuel président est littéralement intoxiqué. Bref, la mission de classe dévolue à Macron est d’ARASER tout l’héritage progressiste français issu de la Révolution française (souveraineté du peuple français, « République une et indivisible », libertés communales…), de 1905 (interdiction du travail dominical), de la séparation laïque de l’Etat et des Eglises (discours aux évêques grossièrement anticonstitutionnel !), du Front populaire (conventions de branche), de la Libération(statuts, Sécu, retraites par répartition, nationalisation, Code du travail…), de Mai 68 (reconnaissance des sections syndicales d’entreprise…), pour mettre en place – en violation du Non français à la constitution européenne – une « souveraineté européenne », une « défense européenne », une « gouvernance de la zone euro »… le tout étant assorti d’une gouvernance mondiale pilotée par Trump et supervisée par l’OTAN. Et tout cela, Macron le fait en violant allègrement l’Etat de droit international – on l’a vu plus haut – et national et sans même se soucier de son propre programme électoral qui n’annonçait pas la destruction du statut des cheminots. Si nous voulons gagner ce bras de fer décisif, il est indispensable de saisir la cohérence de classe, à la fois antisociale, antinationale, belliciste, antidémocratique (banalisation de l’état d’urgence) de la politique macronienne, tant que le mouvement social n’aura pas saisi qu’en définitive, Macron active l’évaporation complète de la France et de ses acquis sociaux, il sera malaisé de fédérer les luttes en montrant ce qui unit le cheminot en grève contre la privatisation de la SNCF, l’étudiant qui défend le bac comme premier grade universitaire, l’ouvrier qui refuse qu’Alstom soit bradé à Siemens ou que STX devienne une filiale de Fincantieri (avant d’être fermé ?).
- Il faut en finir avec l’omertà sur l’UE imposé par certaines confédés syndicales. Alors que depuis le Traité de Maastricht, et d’une manière de plus en plus pressante et dictatoriale, l’UE orchestre la casse générale de nos services publics (SNCF, hôpitaux, EDF, Université et lycée, Equipement, aéroports, etc.) de la Sécu, des retraites par répartition, alors que l’ « euro fort » aligné sur le mark strangule nos salaires et détruit le « produire en France », alors que l’UE enjoint Tsipras d’interdire la grève en Grèce, qu’elle criminalise le communisme et qu’elle adoube sans états d’âme des gouvernements truffés de néonazis (Kiev, Vienne, Budapest, etc.), il est surréaliste de constater que la plupart des tracts confédéraux ménagent l’UE, qu’ils ne prononcent parfois même pas son nom en plein « quatrième paquet ferroviaire » ! Mais à quoi peut-il bien servir de trancher tour à tour, secteur par secteur, chacune des tentacules sans cesse renaissantes de l’euro-régression si par avance on est décidé à ne jamais frapper centralement la TÊTE de la pieuvre ? Il faut frapper l’ETAT-MAJOR continental des attaques antisociales, c’est-à-dire non pas seulement telle contre-réforme macronienne ou telle directive européenne, mais l’Union européenne elle-même ! Tant qu’on ménagera ainsi l’UE, on aura le plus grand mal à fédérer les luttes puisque chacun se battra contre tel ou tel aspect de la casse sociale sans voir qu’en définitive, c’est la nation elle-même, socle historique des conquêtes sociales, laïques et démocratique, qui est déconstruite pièce à pièce par la « construction » européenne. Alors osons mettre en débat dans les luttes la question du Frexit progressiste et rejetons l’odieux amalgame de ceux qui assimilent les partisans du Frexit internationaliste et antifasciste que nous sommes, aux xénophobes du FN qui, d’ailleurs, ont officiellement renié tout leur précédent discours hypocrite sur le Frexit ! Car le frexit sera progressiste ou ne sera pas étant donné qu’en France, TOUT le MEDEF, TOUT le CAC-40 inscrivent leur stratégie de classe dans l’alignement euro-atlantique » de notre pays. Si bien qu’il y a pour nous, militants franchement communistes qui avons toujours associé le drapeau rouge au drapeau tricolore (conformément à la tradition du Front populaire et de la Résistance), une cohérence parfaite à défendre l’idée des « quatre sorties », sortie de l’euro, cette austérité continentale faite monnaie, de l’UE, ce broyeur de peuples souverains, de l’OTAN, cette embuscade permanente tendue à la paix mondiale, et bien entendu, du capitalisme-impérialisme, ce système décadent qui mène le genre humain au suicide planétaire.
- Enfin, il faut cesser d’ériger une Muraille de Chine entre les luttes syndicales et les luttes politiques progressistes. Chaque fois qu’il y a eu de grandes avancées en France, les militants syndicaux et les militants politiques de la classe laborieuse ont lutté au coude à coude, notamment en 36, 45 et 68. C’est pourquoi nous ne comprenons pas que des dirigeants confédéraux de la CGT refusent presque le droit aux responsables politiques d’organiser de grandes manifestations, par ex. le 5 mai prochain à Paris (pour faire la « fête à Macron », ou mieux, la DEFAITE !) : comme s’il ne fallait pas s’y mettre « tous ensemble en même temps » pour battre Macron et sa POLITIQUE, en lui opposant NOTRE propre cohérence sociopolitique, celle d’une République sociale, souveraine et fraternelle en marche… vers le socialisme ! Pour sa part, le PRCF, qui collecte pour les grévistes, participe aux manifs et aux grèves, etc. constate que dans la vie, les barrières articiellement montées par les appareils, tombent d’elles-mêmes dès lors qu’on lutte ensemble. Le PRCF et les JRCF, qui soutiennent les blocages et les AG de lutte tout en respectant strictement la démocratie ouvrière et étudiante, constatent par ex. avec plaisir que, dans la dernière période, des cheminots en lutte viennent ici et là nous aider à afficher pour le tous ensemble, pour « briser les chaînes de l’Union européenne », pour condamner la guerre impérialiste et l’augmentation démentielle du budget de l’OTAN.
I.C. – Comment travailler la perspective politique alors que semble se renforcer la tenaille politique qui broie le peuple de France entre le camp euro-atlantique piloté par Macron, et le rassemblement « tradi » particulièrement réactionnaire des Wauquiez, Dupont-Aignan et autre Marine Le Pen ?
Georges Gastaud : Manifestement, la posture « dure » et grossièrement répressive affichée par Macron vise à mettre derrière lui toute la réaction, LR compris voire extrême droite (tous ensemble pour casser du gréviste et du « fonctionnaire » !). Toutes les fractions de la bourgeoisie comprennent en effet d’instinct qu’une victoire macroniste dans le bras de fer en cours briserait les digues syndicales subsistantes et permettrait à Macron de « thatchériser » totalement notre pays (fin du statut de la fonction publique, forte baisse des retraites…), ce qui, compte tenu de ce qu’est l’identité de notre pays (dont l’histoire et la culture diffèrent fortement de celles des Anglo-Saxons) reviendrait à liquider de fait la nation.
Sur cette base uniformément antisociale, antinationale et maastrichtienne en un mot, se dessinent deux blocs politiques d’apparence opposée enserrent notre peuple et cherchent à empêcher son sursaut vital :
- D’une part Le bloc pseudo- « moderniste », européiste, « managérial », américano-formaté, emmené par Macron, et qui entraîne à sa suite les « juppéistes », mais aussi, plus discrètement, la majorité du PS et d’ « Europe-Ecologie-les Verts »
- D’autre part un bloc « tradi », encore plus xénophobe que Macron autour de la figure montante de Marion Le Pen, l’égérie du journal L’Incorrect qui veut fédérer « culturellement » l’ultra-droite de Wauquiez et l’extrême droite lepéniste.
Il importe absolument de briser le tête-à-tête morbide que forment les pseudo-« internationalistes » macronistes (leur prétendue « communauté internationale » limitée au bloc transatlantique exclut les ¾ de l’humanité !) et les pseudo-patriotes Wauquiez, Dupont-Aignan, Le Pen et autre Mariani qui tous acceptent l’UE dans son principe, et pour mieux éluder la question du Frexit (dont le grand capital ne veut même pas entendre parler !) attise la haine du travailleur musulman (les pétro-monarques et le roi du Maroc ne risquent rien, rassurons-nous !) et ne sont même pas fichus de dénoncer le déferlement destructeur du tout-anglais en France.
Face à cette hydre bicéphale, la proposition du PRCF est claire, dans le droit fil de la Révolution jacobine, de la Commune de Paris, du combat de Jaurès, du Front populaire, de la Résistance antifasciste : unir la Marseillaise à L’Internationale, le drapeau national au drapeau rouge, agir pour une sortie progressiste de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme, afin de « mettre le monde du travail au centre de la vie nationale », comme y invitait le programme du CNR, et de rouvrir la voie du socialisme à notre pays. Contre la droite dite souverainiste, qui vomit les luttes sociales et le drapeau rouge et qui salit le drapeau français en le compromettant avec le racisme, mais aussi contre la fausse gauche maastrichtienne qui se désintéresse de l’avenir de la nation, il faut proposer un grand programme de rupture avec l’oligarchie capitaliste, de nationalisation démocratique des banques et des entreprises stratégiques, de reconstruction du produire en France, des libertés démocratiques, des services publics et de la protection sociale, de coopération avec les pays de tous les continents. C’est ce que savait encore faire le PCF avant qu’il ne se dissolve dans le « Parti de la gauche européenne », cette courroie de transmission des eurodestructeurs de la nation et de l’internationalisme prolétarien.
I.C. – A l’approche du congrès du PCF, quelles pistes pour la reconstruction d’un vrai parti communiste en France, pour la relance d’un grand syndicalisme de classe indispensable aux victoires présentes et futures ?
Georges Gastaud : Il faut d’abord constater que, malheureusement, le PCF actuel a perdu l’une après l’autre toutes les caractéristiques d’un parti communiste. Ni par sa composition sociale (depuis combien de temps les cellules d’entreprise ont-elles été liquidées par la « mutation » ?), ni par la doctrine (l’abandon du marxisme-léninisme date officiellement de… 79 !). Si désormais Pierre Laurent est ouvertement critiqué à l’interne, nombre de ses censeurs les plus en vue ne sont pas moins européistes et sociaux-démocrates que lui. Nous respectons bien entendu la minorité de camarades qui, dans le PCF et dans les JC, continuent de défendre une conception marxiste du communisme, mais nous ne pouvons pas ne pas leur poser fraternellement deux questions : si de nouveau le congrès prochain débouche sur une direction euro-béate, dont le seul point d’ « identité communiste » soit la mélencho-phobie obsessive, attendrez-vous encore le congrès suivant, camarades, puis le suivant encore, dans l’espoir toujours déçu de « remettre le PCF sur les rails du combat de classe » ? Mais à quoi mènera ce combat si, dans l’intervalle, Macron a mené à bien son démontage intégral et irréversible de la nation ? Alors, n’est-il pas temps, avec les militants incontestablement communistes du PRCF, de travailler « en bas » à jeter les bases d’un vrai parti communiste héritier de ce que le PCF nous a légué de meilleur à l’époque de Sémard, Thorez, Duclos, Croizat, et même pour une part encore, de Marchais ? N’est-il pas évident en tout cas que se limiter à un tête-à-tête interne avec la direction du PCF n’est pas moins utopique que de prétendre transformer l’UE « du dedans » ? A l’inverse, la décision de certains adhérents « critiques » du PCf, qui est de se désintéresser du congrès du PCF et d’aller aux luttes sans leur offrir la moindre perspective de reconstruction communiste, sans porter un programme communiste de Frexit progressiste revendiqué, bref, sans apporter aux gréviste le moindre carburant politique nouveau, peut-il sérieusement aider les travailleurs et les étudiants à gagner le très dur bras de fer en cours ?
Pour sa part, le PRCF s’efforce de marcher sur ses deux jambes : il va vers les travailleurs, vers la jeunesse, vers les intellectuels progressistes, avec ses tracts, ses affiches, son journal mensuel, son site constamment renouvelé, sa revue théorique Etincelles, ses cafés citoyens, ses stages de formation, et il s’efforce de proposer inlassablement une stratégie communiste innovante, que résume l’expression « Fr.A.P.P.E », « front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste ». Alors, pourquoi pas, camarades communistes encore membres du PCF, ne pas faire tout cela en allant « tous ensemble et en même temps » à la porte des entreprises, dans les manifs et les AG de lutte, en partant de l’idée révolutionnaire du Frexit progressiste et internationaliste, sans mettre dans la poche la perspective de la révolution socialiste pour notre pays ?
Quant au syndicalisme de lutte, le PRCF a suffisamment dénoncé de manière pionnière la Confédération européenne des syndicats*, il a suffisamment appelé les syndicalistes combatifs à revenir à la Fédération syndicale mondiale pour se réjouir de voir qu’aujourd’hui, la Fédé CGT du commerce a engagé sa désafiliation de la C.E.S. (à l’instar de ce qu’ont déjà fait la Chimie et l’Agroalimentaire CGT) de même que les UD CGT des Bouches-du-Rhône et du Val-de-Marne ou que l’Union des syndicats de Monaco ont, elles aussi, opté pour se rapprocher de la FSM. Tôt ou tard, le syndicalisme de classe, c’est-à-dire le syndicalisme véritablement indépendant du patronat, de l’UE et des gouvernements, se réorganisera sans complexe dans notre pays, ouvrant la voie de la reconquête sociale, de la renaissance nationale républicaine et de la marche au socialisme pour notre pays.
*Au meeting internationaliste du 4 novembre (100ème anniversaire d’Octobre 17), les centaines de participants ont scandé ensemble : « jaune, jaune, jaune, la C.E.S. est jaune, rouge, rouge, rouge, la FSM est rouge ».
I.C. – Comment le PRCF voit-il l’avenir des relations communistes avec la France insoumise ?
G.G. – Du fait de sa composition interclassiste et de ses références idéologiques non strictement marxistes (ce n’est pas là reproche mais constat), la F.I. est tiraillée entre
- un courant petit-bourgeois nostalgique de l’ « union de la gauche » (donc de feu le « front de gauche »), favorable au principe de la « construction » européenne, tentée par le prétendu droit d’ingérence impérialiste, anti-chaviste, anticastriste, anticommuniste, attirée par les « Verts »,
- et une aile populaire, patriotique, opposée au traités supranationaux sinon totalement gagnée au Frexit progressiste, ouverte au dialogue avec les communistes, laïque, « jacobine », hostile à l’impérialisme US, solidaire du peuple palestinien, amie de Chavez et de Cuba, ouverte aux luttes.
Il est clair que nous communistes sommes plus attirés par la seconde « aile » que par la première. Cela dit, la question est moins celle, passablement spéculative, « que va devenir la F.I ? », que celle, concrète et pratique : les vrais communistes partisans du Frexit, les syndicalistes de classe, vont-ils faire à temps tout ce qui dépend d’eux pour s’unir et s’organiser en bas, pour aller aux luttes ensemble, pour dialoguer fraternellement avec les militants insoumis (sur la paix, sur le socialisme, sur l’indispensable union des drapeaux rouge et tricolore, c’est-à-dire sur l’alliance stratégique de la classe ouvrière et de la nation) et avec d’autres aussi. C’est nécessaire pour qu’émergent les bases d’une France Franchement Insoumise à l’UE, à l’euro, à l’OTAN et au capitalisme, donc capable de mobiliser des millions d’ouvriers, d’employés, de paysans, d’artisans, aujourd’hui encore très méfiants à l’égard de « la politique » ? Rien ne sert de compter maussadement les points à l’occasion de chaque discours de Mélenchon en remarquant à chaque fois que JLM n’est pas communiste (ce qu’il n’a jamais prétendu être, bien qu’il ait plus d’une fois dénoncé l’antisoviétisme, la russophobie ou l’anti-castrisme bien plus clairement que l’éternel « repentant » P. Laurent). Camarades communistes, syndicalistes, militants du Frexit progressiste, LA BALLE EST DANS NOTRE CAMP : en particulier, c’est à nous communistes de mener la bataille des idées en direction des ouvriers, et sur la base du marxisme-léninisme, chose que la F.I. ne peut évidemment faire à notre place. Exprimons-nous « tous ensemble et en même temps » dans les rassemblements populaires et à l’entrée des boîtes et des campus ; portons la véritable alternative rouge et tricolore à Macron, appelons ensemble à dégager démocratiquement cet arrogant personnage et tous ceux qui flirtent honteusement avec le Pen.
C’est ainsi que nous reconquerrons l’initiative socioculturelle aujourd’hui portée par les maastrichtiens que nous aiderons le mouvement populaire à vaincre avec la classe ouvrière et la jeunesse populaire en lutte.