La France Franchement Insoumise à Fillon, au FN, à l’UE et à Valls-MEDEF se construit aussi, se construit d’abord, dans les retrouvailles des communistes et de la CLASSE OUVRIERE à la porte des entreprises ! Entretien d’Initiative Communiste avec Georges Gastaud, porte-parole du PRCF – 16.12.2016
Initiative Communiste : Quel regard portes-tu sur la situation internationale fin 2016 ?
Georges Gastaud : La situation géopolitique reste marquée par la restauration contre-révolutionnaire du capitalisme qui a suivi l’implosion « sous influence » du camp socialiste. Cette déflagration contre-révolutionnaire a provoqué l’autodestruction en chaîne du Mouvement communiste international et du Front anti-impérialiste mondial. L’ élection de Donald Trump aux USA (avec deux millions de voix en moins que Clinton !) montre comme une loupe à quel point Lénine avait raison d’écrire en 1916 (dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme) que l’impérialisme signifie « réaction sur toute la ligne ». Quand on constate que le P.-D.G. d’Exxon-Mobil, l’un des principaux pollueurs de la planète, va diriger le département d’État, on voit bien que le capitalisme monopoliste d’État n’a pas disparu : il s’est durci et élargi comme en prenant les formes nouvelles et fort paradoxales du néolibéralisme…
Mais ce serait une grave erreur que de croire que l’impérialisme transatlantique, et plus précisément, l’Axe Washington-Berlin qui en constitue le pivot, ont partie gagnée. D’abord on a bien vu lors de l’enterrement de Fidel que des millions de Cubains et des dizaines de millions d’amis de Cuba dans le monde, refusent de baisser la tête et continuent le combat pour le socialisme. Plus que jamais, les mots d’ordre de Fidel : « Patria o muerte ! Socialismo o morir ! » méritent d’inspirer l’humanité progressiste. Ils dessinent en effet deux dialectiques progressistes qui sont au cœur de l’activité du PRCF et qui portent la modernité de sa stratégie : d’abord, l’unité du patriotisme populaire et de la lutte pour le socialisme, car à notre époque l’impérialisme détruit à la fois les conditions de vie du prolétariat et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes : donc, plus que jamais, comme le disait l’Internationale communiste, « prolétaires de tous les pays, peuples opprimés du monde, unissez-vous ! ». Ensuite, la course capitaliste au tout-profit est devenue tellement menaçante pour l’avenir de l’humanité, tellement « exterministe » comme nous disons au PRCF, que le combat pour la vie tend à fusionner avec la lutte pour un socialisme de nouvelle génération. Un socialisme qui, tout en continuant les combats communistes passés, les ajustera à l’état actuel des forces productives.
Ensuite la défaite retentissante que les fauteurs de guerre civile impérialistes viennent de subir en Syrie montre que le « gendarme du monde » n’a pas partie gagnée et pas davantage ses créatures terroristes liées à Al Qaida. Qu’on ne me fasse pas dire cependant ce que le PRCF n’a jamais dit, car en Syrie, au Liban, etc., notre solidarité politique a toujours été au peuple syrien, notamment aux communistes syriens. En tout cas, l’évolution de la situation mondiale montre qu’une France en rupture révolutionnaire avec l’UE/OTAN ne serait pas isolée ; sans rompre avec les travailleurs allemands et américains, bien au contraire, elle devrait tendre la main aux peuples des BRICS et de l’ALBA, aux pays de l’Europe du Sud humiliés par la « gentille » Angela Merkel (voir ce qui s’est passé ce jour même à l’encontre des retraités grecs sur injonction de Berlin !), aux pays d’Afrique pressurés par le néocolonialisme, et plus largement à tout pays souverain désireux d’échanger avec la France en dehors de la « concurrence libre et non faussée » chère au Parti Maastrichtien Unique des Fillon, Fabius, Guetta, Valls et autre Cohn-Bendit.
En Europe même, alors que le tout jeune PRCF était quasi-seul en 2004 à proposer la stratégie innovante des « quatre sorties » (de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme), nombre de partis communistes et progressistes osent désormais affronter l’Internationale « socialiste » et son satellite rose vif le PGE, présidé par Pierre Laurent : ils s’orientent pour cela vers ce que, s’agissant de la France, nous appelons le FREXIT progressiste. Non seulement il est capital que les véritables communistes de France et d’Europe reprennent en main le drapeau de l’indépendance nationale, qui va de pair avec l’appel à l’Europe des luttes et à la coopération internationale, mais cela devient même une question d’autodéfense pour les communistes d’Europe tant l’UE devient le terrain de chasse favori des nouveaux maccarthystes : Slovaquie, Hongrie, Pologne, Ukraine, la criminalisation des « rouges » est au cœur de cette belle Europe fascisante que la fausse gauche et les pseudo-communistes appellent sans rire à « démocratiser »…
Dans ces conditions, les « communistes » qui continuent froidement de pratiquer la vieille opposition trotskiste ou social-maastrichtienne entre patriotisme et internationalisme, ceux qui refusent d’opposer le patriotisme populaire au nationalisme raciste et l’internationalisme prolétarien au mondialisme néolibéral, prennent une écrasante responsabilité : celle d’abandonner aux extrêmes droites les nations écrasées par l’euro-mondialisation capitaliste avec son cortège de privatisations, de délocalisations, de précarisation, lesquelles désespèrent la classe ouvrière, travailleurs industriels en tête. C’est pourquoi, fidèle au Front populaire, au 7ème congrès de l’Internationale communiste, aux leçons de la Résistance antifasciste, le PRCF ne déviera pas d’un pouce dans sa ligne tendant à associer le drapeau rouge au drapeau tricolore, à les tourner à la fois contre l’UE et contre le FN ; car – à condition d’être portée par des dizaines de milliers de communistes et de syndicalistes de classe – cette « ligne de masse » progressiste et patriotique anti-UE peut permettre à notre classe de reprendre l’offensive, de battre à la fois la droite, le FN et le PS maastrichtien. Voilà qui peut rouvrir en pratique le chemin du socialisme dans notre pays, et non pas des incantations gauchistes, des auto-proclamations « communistes » ni, a fortiori, le pantouflage ad vitam æternam dans l’union de la gauche si chère aux appareils vermoulus qui s’y raccrochent pour d’évidentes raisons, non pas de classe, mais… de places !
Initiative Communiste : Et sur le maelstrom électoral actuel en France ?
Georges Gastaud : A droite, c’est Fillon-Thatcher qu’il faut démasquer dès maintenant, et c’est aussi, en « libero » du système de domination, le parti des « Fachos Nanties » où certaines poussent l’inhumanité jusqu’à exclure des écoles les gosses de sans-papiers (en leur collant un croissant vert sur la poitrine ?) ou à demander que l’IVG soit dé-remboursée, c’est-à-dire réservée aux femmes riches. A droite encore, c’est le lancement à millions de Bercy-Macron, l’homme des banquiers. Macron qui prétend augmenter les salaires… en liquidant les cotisations Sécu (= le salaire indirect mutualisé des travailleurs), Macron qui veut surtout dynamiter les statuts publics : belle « modernité » que rejettent en masse les salariés d’Uber, ces prolétaires surexploités qu’une transnationale voulait déguiser en « patrons ». On peut mettre Valls dans le même panier que MAcron. Ce personnage maladivement autoritaire, qui a été encore plus loin que Sarko dans la répression antisyndicale et l’État policier, prend vraiment les électeurs socialistes pour des billes quand il promet de désactiver le 49-3… sans toucher à la loi Travail qui n’est passée que grâce à cet artifice ! En réalité, Valls-MEDEF a pour mission d’officialiser la mutation du PS en un parti « démocrate » à l’américaine, ce qu’il est d’ailleurs déjà dans les faits. A voir les résultats réjouissants du référendum italien, par lequel les travailleurs transalpins ont botté les fesses du Valls italien (Matteo Renzi), cette orientation faussement moderniste héritée de Tony Blair n’est assurément pas l’avenir !
Concernant les Primaires du PS, qui peut croire que les ex-ministres « frondeurs » de Hollande, tous ces Peillon, Hamon, Montebourg – tous plus atlantistes, européistes, admirateurs de l’ « entreprise » les uns que les autres – à commencer par le « nouveau manager » Montebourg, puissent enthousiasmer les travailleurs ? N’oublions pas la principale leçon de Florange : quand, pour sauver ce qui reste de l’acier français, la nationalisation de Florange fut revendiquée par les ouvriers, Montebourg s’est couché devant Hollande qui s’est couché devant Bruxelles : pas question d’attenter à l’ « économie de marché ouverte sur le monde » chère à Mittal et aux rédacteurs du Traité de Maastricht. Ceux qui disent qu’ils relanceront le produire en France(pardon, le made in France puisque ces « patriotes » ont honte de parler français !), sans exproprier les grands actionnaires, sans instaurer le contrôle ouvrier de l’outil nationalisé, sans planifier la ré-industrialisation à partir d’un fort secteur public industriel et bancaire, et surtout, sans quitter l’UE qui interdit tout cela, sont des pitres politiques. Pas un progressiste tant soit peu éveillé ne cautionnera cette primaire dont le seul but est de rabattre les gens de gauche sur le PS en préservant sa malfaisante hégémonie sur le camp progressiste. Si un électeur a du temps à donner pour sauver le camp du progrès, qu’il s’engage plutôt dans son entreprise pour défendre l’emploi, les salaires et les libertés syndicales !
Concernant la candidature Mélenchon, c’est les yeux grands ouverts que le PRCF lui a démocratiquement apporté un soutien critique : ni alignement ni états d’âme ! Comme tout observateur non prévenu, nous constatons les avancées de JLM sur ces questions stratégiques que sont :
- l’« indépendantisme français », une expression de JLM qui exaspère M. Laurent pour qui il serait… nationaliste de reconquérir notre souveraineté : Jacques Duclos et Georges Marchais doivent se retourner dans leur tombe !
- la mise en cause de l’UE « l’UE, on la change ou on la quitte ! », dit JLM
- l’indépendance politique par rapport au PS, que matérialise le refus de JLM de s’inscrire dans la primaire du PS (ce qui lui vaut de se faire traiter de diviseur de la gauche par A. Chassaigne, lequel ne jure que par l’union de la gauche aux législatives…).
Sur ces questions stratégiques, indépendance de la France par rapport à l’UE, indépendance par rapport au PS, les critiques de JLM produites par le PCF sont clairement droitières : derrière son verbiage « antinationaliste », P. Laurent (président du PGE et sénateur francilien qui dépend du PS pour sa réélection…) entend surtout ménager l’UE (laquelle subventionne le PGE…), et le PS, lequel sert de pilier gauche au Parti Maastrichtien Unique. Et si la gauche populaire cessait de jouer à ce « PMU » toujours perdant ?
Cela signifie-t-il que le Pôle aliène en quoi que ce soit sa capacité critique et son indépendance ? Nullement. Nous clamons plus que jamais qu’une France franchement insoumise (FFI !) n’a pas à négocier son indépendance avec l’UE : elle devra au contraire engager sur le champ les réformes nécessaires sans s’enliser dans des palabres paralysantes avec Berlin !
Dans cet esprit d’indépendance et de débat constructif, nous venons ainsi d’exprimer des réserves sur la manière quelque peu abrupte dont JLM appelle à « sortir du nucléaire » ; non parce que nous serions indifférents à ces questions, mais parce qu’il faut veiller à l’indépendance énergétique future du pays et que le danger n°1 pour l’avenir industriel de la France est l’euro-privatisation-démantèlement d’EDF, que critique d’ailleurs pour une part JLM.
Nous avons aussi fortement réagi aux polémiques malvenues, politiquement superficielles et électoralement contre-productives, du « mouvementisme » contre le « post-léninisme » (sic). Ce n’est pas d’un trop plein de centralisme démocratique, de léninisme, voire de… jacobinisme que souffrent la France et son mouvement ouvrier. En réalité, notre peuple n’a jamais tant reculé que depuis que le PCF a renié le léninisme (l’abandon de la dictature du prolétariat date de 1976 !), et que depuis que l’euro-régionalisation dépèce la République une et indivisible héritée de Robespierre. Car il y a dialectique féconde, et non opposition stérile entre ces trois nécessités connexes :
- Que redémarre au plus tôt le mouvement populaire de classe pour les salaires, l’emploi, les services publics, la protection sociale… ; ce serait la meilleure riposte à Fillon et à ceux qui lui ont préparé le terrain, Valls et « Bercy Macron » ! Voilà un « mouvement » anticapitaliste, voilà une « insoumission » que doivent cultiver tous ceux qui, courageusement, s’opposent aux injustices sur le lieu central de l’exploitation capitaliste : l’entreprise capitaliste et les services publics écrasés par l’euro-austérité d’État.
- Que se forge un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologique, non seulement contre Fillon-Thatcher et contre ses supplétives « Fachos Nanties », contre Valls-Macron, mais pour le Frexit progressiste et sur la base d’un programme de transition révolutionnaire. Le PRCF met en débat son programme de transition révolutionnaire qui est à la disposition de tous les progressistes.
- Que se reconstruise, dans l’action d’abord, puis dans l’organisation, un parti franchement communiste. Sans céder aux auto-proclamations dérisoires ni attendre ad vitam æternam que le PCF redevienne communiste (quand le pays aura été démonté de fond en comble et qu’il n’y aura plus rien à sauver ?), les vrais communistes doivent aller ensemble aux entreprises pour les « quatre sorties ». Ensemble appelons à une nouvelle République souveraine, sociale, démocratique et populaire, une, laïque et indivisible, fraternelle et pacifique, affrontant le grand capital et en marche vers le socialisme !
Initiative Communiste : Quel message adresses-tu aux militants du PRCF, aux communistes, aux syndicalistes de lutte, aux autres patriotes progressistes de France ?
Georges Gastaud : Des communistes ne peuvent se désintéresser de l’espace politique progressiste indispensable aux luttes et c’est dans cet esprit que nous soutenons la candidature JLM. Là est la barricade progressiste lors des présidentielles : des matérialistes doivent prendre acte du rapport des forces tel qu’il est s’ils veulent le faire bouger ! Et que, du même mouvement, nous rappelons qu’une France Franchement Insoumise devrait d’emblée sortir de l’UE-OTAN.
Mais il ne faut pas survaloriser une élection bourgeoise et de vrais communistes ne doivent pas se diviser gravement sur ce terrain ; travaillons aux convergences de lutte sans attendre que la bourgeoisie ne décide à froid et en toute quiétude qui elle délèguera en mai pour manger vivants les travailleurs ! Travailleurs d’Airbus, de Renault, de la SNCF dont les effectifs fondent alors que les trains roulent mal, hospitaliers surmenés, chauffeurs VTC surexploités, enseignants vilipendés, faisons converger nos luttes !
Et surtout, camarades communistes, comment appeler les travailleurs au tous ensemble si nous-mêmes nous ne donnons pas l’exemple du tous ensemble des communistes pour le FR.exit Antifasciste, Patriotique, Progressiste et Écologique ? Comment appeler à sortir par la gauche de cette UE de malheur si nous n’avons d’autre perspective que l’arrimage à vie à un appareil arrimé à l’UE et à l’ union de la « gauche « , c’est-à-dire au PS ? Passons aux actes, allons ensemble « aux boîtes » et formons une union de combat des communistes qui, en agissant séparément de l’appareil euro-réformiste, préparera la reconstruction du vrai parti communiste.
En tendant largement la main mais sans attendre quiconque, le PRCF et ses militants vont dès maintenant à la porte des entreprises publiques et privées, et d’abord, des usines avec leur quatre-pages programme pour appeler à la reconstruction progressiste du pays. Ils ont également remis 6000 signatures au préfet de Tulle pour exiger un référendum sur l’UE.
Car en définitive, c’est dans les boîtes et les luttes (plus que dans les ainsi-dites « plateformes de Nation building » (sic) !), c’est dans les retrouvailles des militant franchement communistes avec la classe ouvrière que prendra forme la contre-offensive gagnante de notre peuple !