par Georges Gastaud. Secrétaire national du PRCF, philosophe, syndicaliste, auteur notamment de Patriotisme et Internationalisme et Le nouveau défi léniniste (Delga – 2018)
Départ de Philippot le FN tombe le masque
Le départ du FN de Florian Philippot, l’ex-bras droit de Marine Le Pen, accentue la crise de ce parti, émanation de l’aile la plus fascisante de la grande bourgeoisie. Un parti qui a longtemps donné le change en milieu populaire en affichant un faux souverainisme mâtiné de démagogie sociale.
Au-delà des brutales querelles de chefs qui ont toujours caractérisé l’extrême droite, l’éviction de Philippot est un symptôme de l’échec électoral cinglant de M. Le Pen (que les sondages donnaient initialement à 30% au 1er tour et éligible au second) et surtout, de son impuissance radicale à proposer une politique tant soit peu cohérente sur la question décisive de l’euro et de l’UE. Philippot, dont le ralliement à Le Pen est rédhibitoire, incarnait en effet pour le grand public la ligne souverainiste de sortie de l’euro et de l’UE sans laquelle tout le programme « social » du FN, retour de la retraite à 60 ans, « protectionnisme » industriel, etc. n’est que poudre aux yeux. A juste titre, le PRCF avait dès longtemps pointé le caractère mensonger du « souverainisme » frontiste puisqu’en réalité, Marine Le Pen et Philippot ont toujours subordonné la sortie de l’euro, et plus encore celle de l’UE, à un accord unanime préalable des Etats-membres de la zone euro, donc au feu vert de la RFA, principale bénéficiaire de la monnaie unique calée sur le mark : autant dire que cette « sortie » de l’euro à la sauce FN n’était pas pour demain…
Mais pour la grande bourgeoisie et pour le MEDEF, lequel ne rêve très officiellement que d’ « Etats-Unis d’Europe » et d’ « Union transatlantique », une agitation eurosceptique, fût-elle de pur apparat, est insupportable car elle entretient le doute sur la sacro-sainte « construction européenne » qui est le cœur de stratégie du grand patronat (comme l’atteste le Manifeste Besoin d’aire édité en 2011 par F. Parisot). Et c’est ainsi qu’au fur et à mesure qu’avançait la bataille électorale, le FN a été soumis par la grande bourgeoisie, qui est sa classe de référence*, à une intense pression interne et externe pour changer de politique, ou plutôt d’affichage politique, sur la question européenne. Et c’est ainsi que pour finir, Marine Le Pen a éclaté en vol lors du second tour de la présidentielle car elle ne savait plus trop elle-même quelle position adopter face à Macron sur la question européenne : tout ce qu’elle eût pu dire de clair et de tranché sur ce sujet pouvant provoquer un schisme entre les eurosceptiques à la Philippot (implanté en Lorraine ouvrière) et les euro-alliés cyniques comme Mr Gilbert Collard (élu de la façade méditerranéenne). Et c’est ainsi que MLP a cru bon de « fuir en avant », lors du débat de second tour, en affichant une agressivité hystérique et partiellement surjouée dont le froid Macron n’a fait qu’une bouchée.
Le FN chien de garde de la dictature du Capital
Peu importe désormais ce que fera le sieur Philippot, dont J.-L. Mélenchon a immédiatement et fort dignement retoqué la proposition de rencontre (à la différence de Dupont-Aignan qui est pourtant lui aussi « euro-compatible ») : tout dirigeant politique compromis avec le FN devient en effet ipso facto infréquentable pour tout républicain, et plus encore, pour tout patriote digne de ce nom. Quant au FN, il se condamne, soit à continuer son « cinéma » sur l’euro (le « protectionnisme intelligent », l’ « Etat protecteur », etc.) pour conserver son électorat ouvrier du Nord, soit à tomber totalement le masque du « social-souverainisme » pour retrouver un positionnement classique à l’ultra-droite, avec un programme néolibéral avoué dont Marion Maréchal-Le Pen, représentative de l’aile méditerranéenne du FN et digne héritière de l’ultra-patronal Jean-Marie, n’a jamais caché qu’il avait sa préférence. Dans cette hypothèse, soit le nouveau FN « mégrétisé » entrera en concurrence aiguë avec les LR ultra-droitisés à la Wauquiez, soit il trouvera le moyen de former avec eux une sorte de Tea Party (le parti américain ultraréactionnaire que préside Sara Palin) hexagonal. En tout cas, qu’il soit clair que le FN est hors d’état de défendre la nation, objectivement et non fantasmatiquement menacée d’euro-désintégration, et moins encore de défendre ces acquis du CNR qui ont toujours fait figure d’abomination pour les fondateurs du FN, dont beaucoup étaient de francs nostalgiques de Vichy et de l’OAS. Le Canossa européiste de Marine Le Pen, que contresigne le départ de Philippot, devrait également rendre courage aux militants franchement communistes du Nord-Pas-de-Calais qui affrontent des députés FN qui, tels le sinistre José Evrard, un ex-responsable communiste départemental du bassin minier lensois, se drapent toute honte bue dans le drapeau usurpé du social-patriotisme pour faire carrière et duper la classe ouvrière.
Stopper la fascisation et défendre le pays en brisant les chaines de l’Union Européenne pour faire place aux peuples
La leçon est en tout cas claire pour les vrais communistes et les vrais progressistes. Alors que les partis maastrichtiens (LR, PS, LRM) ne peuvent faire autrement qu’attaquer sans relâche l’héritage national, social et internationaliste français, issu de l’An II, de la Commune, du Front populaire antifasciste et du CNR, alors que les « souverainistes » de l’ultra-droite ne sont rien d’autre que la mâchoire pseudo-« patriote » de l’étau supranational qui broie notre peuple, il appartient aux vrais communistes alliés aux francs progressistes de présenter ensemble une vraie politique indépendantiste, internationaliste, sociale, antifasciste, antiraciste, anti-impérialiste et patriotique tournée vers le Frexit progressiste (nationalisations démocratiques et relance planifiée du produire en France, démocratisation profonde de la vie politique, centralité du monde du travail, coopérations internationales, politique environnementale soustraite au tout-profit…) et le socialisme : dans les conditions françaises, qui diffèrent fort des conditions britanniques où l’arrière-plan du Brexit est l’alliance privilégiée avec Trump, la sortie de l’UE par la droite est une chimère et la sortie par la gauche pose à terme la question de la sortie du capitalisme. Rien d’étonnant à cela si l’on veut bien se rappeler que la relance maastrichtienne de la construction européenne (1991) a accompagné la chute du camp socialiste européen et que sa signification de classe ultime a fort bien été résumé par l’ultralibéral Madelin quand il a présenté Maastricht comme une « assurance tous risques contre le socialisme en Europe ». Avis aux idiots utiles de l’euro-construction qui, pour coller au PS, au PGE ou à la CES, en sont encore à bêler après l’ « Europe sociale ». Avis aussi aux fins « marxologues » qui jugent le léninisme « dépassée » et qui devront tôt ou tard se confronter au lucide avertissement de Lénine : « en régime capitaliste, les Etats-Unis d’Europe ne sauraient être qu’utopiques ou réactionnaires ».
Soyons conscients que la montée du FN en classe ouvrière et en terre de gauche n’a jamais été que l’effet des carences croissantes du PCF mutant qui, rompant avec le marxisme-léninisme et prenant ses distances à la fois avec son ancrage prolétarien et avec la politique patriotique traditionnelle du PCF (depuis au moins 1935, le lancement du Front populaire et le 7ème Congrès de l’Internationale communiste), a misé sur la délétère « construction » européenne, a cultivé suicidairement le mythe de l’ « Europe sociale » (mot d’ordre justement méprisé par la classe ouvrière déchiquetée par la dictatoriale « économie de marché ouverte sur le monde » prescrite par le Traité de Maastricht).
Reconstruire un vrai parti communiste pour une France Franchement Insoumise à la dictature capitaliste de l’UE MEDEF
Plus que jamais l’heure est donc à briser la tenaille politique qui pétrit notre peuple entre l’euro-nationalisme faisandé du FN et l’euro-supranationalisme BCBG du Parti Maastrichtien Unique, ce PMU polycéphale composé du PS néolibéral, des LR juppétistes, des LRM flanqués de leurs micro-satellites euro-verdâtres, euro-rougeâtres ou euro-rosâtres, de François de Rugy à Robert Hue. Et pour briser cet étau politique, il ne faut évidemment, ni rallier la prétendue « union des souverainistes » que ne manqueront pas de cultiver ensemble MM. Dupont-Aignan et Philippot (assortis de quelques « progressistes » en mal de doriotisation), ni rallier l’euro-« progressisme » managérial de Macron, ni continuer à balbutier « union de la gauche » sur tous les tons comme le fait l’appareil du PCF incapable de couper le cordon institutionnel qui le rattache au PS et au PGE supranational (et non pas internationaliste). Il faut au contraire reconstruire un vrai Parti communiste, 100% antifasciste et anti-UE, aile marchante et fièrement prolétarienne d’un large front patriotique et progressiste appelant la France à sortir par la gauche de la prison euro-atlantique. C’est à cette condition que, face à l’ultra-droite pseudo-patriote et à ses frères ennemis, les maastrichtiens ultra-patronaux, émergera une France Franchement Insoumise (FFI !) à l’UE dictatoriale et au système capitaliste de plus en plus mortifère.
*Qu’il faut bien distinguer de ses couches sociales d’appui, qui ressortissent de milieux populaires abusés : ouvriers industriels menacés de déclassement, paysans naufragés, artisans glissant vers l’ubérisation, employés rejetés à l’extrême périphérie des villes…