Ou comment, « pour faire l’Europe, il faut défaire la France ».
La gouvernement vient d’annoncer la suite logique de son offensive contre la Fonction Publique avec en particulier la généralisation des recours aux contrats (contrat à durée limité, salaire au mérite) en lieu et place des emplois statutaires dans les Fonctions Publiques. Il s’agit de la première déclinaison des mesures annoncées dans le cadre de CAP 22 qui prévoit in fine la suppression de 120000 emplois de fonctionnaires et la destruction des statuts nationaux de fonctionnaires.
Dans le même temps, il annonce la fusion des deux départements alsaciens (Haut-Rhin et Bas-Rhin) au sein d’une collectivité Alsace rassemblant les compétences de l’État, de la région et de l’ensemble des départements. Comme explique Frédéric Bierry président du conseil départemental du Bas-Rhin :
« Effectivement pour nous c’est important car le territoire alsacien est ancré sur la vallée rhénane, une vallée française, allemande et suisse, c‘est sur cette échelle là que nous avons intérêt à construire le développement de notre territoire ».
Notons qu’il s’agit là d’une tendance générale puisque déjà, en Haute-Savoie, les responsables de la communauté de communes d’Annecy, qui viennent significativement de se fédérer sous l’appellation hautement francophone de « In Annecy Mountains », se conçoivent clairement comme les satellites du Grand Genève. Adieu la France, la langue française et le territoire national…
Deux éléments de l’offensive euro patronale contre la France des travailleurs
Ces deux annonces conjointes résument l’alpha et l’omega de l’action de l’oligarchie euro-patronale en ces matières.
D’une part, il s’agit d’une négation totale de la démocratie. Dans le premier cas, le président mal élu Macron n’a aucune légitimité pour casser le socle républicain issu de la Résistance et du CNR qui reconstruisit le pays en grande partie sur la Fonction Publique adossée elle-même au statut général des fonctionnaires conçu par le ministre communiste Maurice Thorez pour assurer les droits des agents publics et des usagers, ainsi protégés les uns et les autres des pressions des pouvoirs locaux, des diktats du patronat et d’une corruption généralisée.
Dans le second cas, il s’agit ni plus ni moins d’un nouveau viol de la souveraineté populaire : en 2013 un référendum sur la fusion des départements alsaciens avait justement rejeté celle-ci. Qu’à cela ne tienne, comme pour le non populaire de 2005 bafoué par le traité de Lisbonne en 2007, on passe par dessus l’expression démocratique pour imposer une nouvelle construction bureaucratique directement connectée sur l’espace rhénan et l’UE. Il a d’ailleurs été procédé de même en Corse où les électeurs avaient refusé la fusion des deux départements en une collectivité unique qui leur a été imposée sous la contrainte complice de l’Etat central et des indépendantistes du type Siméoni/Talamoni. De la même manière, le patronat de Bretagne, organisé au sein de l’Institut de Locarn et sous couvert de promotion d’une pseudo économie locale et de « Made in BZH », finance et soutien activement les tenants du sécessionisme breton qui rêvent d’une Bretagne « libre » (libre des « charges » sociale, de la sécurité sociale, des conventions collective de la nation française etc) et redessiné, grâce à la disparition de nombreuses petites communes et à l’extension de gigantesques communauté de communes, selon les vieux évêchés et régions féodales d’entant pour en terminer avec les départements, héritage jacobin tant décrié, entre autre, par le mouvement des bonnets rouges qui fut la démonstration de sa force de frappe. Tout cela répond aux vœux du MEDEF et de ses relais locaux qui affichent leur détermination à « reconfigurer les territoires » et à dissoudre l’Etat-nation dans les « Etats-Unis d’Europe » arrimés à l’ « Union transatlantique » et à l’OTAN.
D’autre part, il s’agit d’avancer toujours plus dans la destruction simultanée du système social de France et de la nation populaire en vue de son intégration-dislocation dans l’espace supranational en formation qu’est l’UE : destruction de la FP d’un côté et de l’autre, casse de l’unité républicaine remplacée par le morcellement en euro-régions déconnectées des peuples dans le cadre du « Pacte girondin » de Macron visant à briser la souveraineté populaire (déjà bien affaiblie) par la dislocation de l’espace d’expression nationale de cette souveraineté.
Lutte pour les droits des travailleurs et lutte pour la souveraineté populaire sont indissociables
Pour les communistes que nous sommes, la lutte pour défendre et étendre les conquis populaires et la lutte pour la souveraineté populaire ne sont pas dissociables. En particulier, l’effort du pouvoir pour à morceler et affaiblir les espaces de souverainetés au sein d’un d’un empire « prison des peuples » en formation ne peut être évacué d’un revers de manche par les progressistes et les républicains. Non seulement parce qu’il est un axe stratégique de l’adversaire de classe mais aussi parce qu’il dessine en creux la possibilité d’une vaste opposition populaire aux projets de casse sociale, démocratique et nationale associant – et c’est indispensable pour battre le pouvoir euro-MEDEF – autour du monde du travail les couches sociales attaquées par l’oligarchie euro-patronale, indispensable pour battre le pouvoir euro-MEDEF. On mesure aussi, alors que se multiplient heureusement les travaux historiques réhabilitant la mémoire de Robespierre et qu’à l’inverse, les partis dominants du PS aux LR en passant par les LREM et par certains secteurs du RN se déclarent « girondins », d’une bataille culturelle sur le « jacobinisme ». Tant il est vrai que la grande bourgeoisie devenue antinationale et ultraréactionnaire s’efforce de dérouler à l’envers le fil de la construction nationale unifiée qui a bâti notre pays. Plus que jamais par ailleurs, il s’agit de comprendre que « faire l’UE, c’est défaire la France », comme l’a crûment dit M. Von Thadden, le haut fonctionnaire allemand qui fut longtemps préposé par Berlin à la supervision du « couple franco-allemand ». Si bien que pour les vrais communistes et autres francs républicains, l’heure n’est plus seulement à débattre de l’UE mais, dans le cadre même de ce débat national qu’il faut imposer, de faire avancer l’idée d’un Frexit progressiste sans lequel notre pays, sa langue, ses acquis sociaux, ses services publics et ses conquêtes laïco-démocratiques sont condamnées à mort à brève échéance.
C’est dans cet esprit que le PRCF lance son « tour de France du Frexit progressiste » auquel il invite toutes et tous pour venir discuter sans tabou de toutes ces questions dans la perspective d’une République souveraine et indépendante, laïque, une et indivisible, démocratique et populaire, pacifique et internationaliste sortant du broyeur euro-atlantique pour construire le socialisme-communisme de notre temps.
PRCF – 29 octobre 2018