Ce début d’année 2019 c’est la mobilisation en hausse des gilets jaunes et la montée de la mobilisation syndicale. C’est aussi une situation internationale tendue, au Moyen Orient comme en Amérique Latine mais aussi en Europe avec des reculs mais aussi des avancées des progressistes. Dans un entretien sur la situation politique et ses perspectives, Georges Gastaud revient sur les propositions et actions engagées par le PRCF et les JRCF, que chacun peut rejoindre et soutenir pour faire gagner les travailleurs, et avec eux la justice, l’égalité, la solidarité, le progrès et la paix. Georges Gastaud montre, sur la base des questions pratiques qui se posent aujourd’hui à tous ceux qui luttent, la nécessité de rétablir, de reconstruire, de faire renaître un vrai et solide parti communiste, le parti de la classe des travailleurs.
Initiative Communiste : Quel regard portes-tu sur la situation internationale ?
Georges Gastaud : Dans ma dernière entrevue avec IC/électronique, j’ai exprimé le point de vue du PRCF sur la situation internationale : ses grandes lignes n’ont pas fondamentalement bougé et je renvoie à l’entretien précédent. Par ailleurs, la commission internationale du PRCF s’exprime au jour le jour sur toute une série de questions et je renvoie chacun à ce sujet à la consultation régulière de notre site constamment renouvelé aux bons soins de nos jeunes camarades.
Compte tenu de l’actualité, il faut accentuer la solidarité avec les peuples et les pays progressistes d’Amérique latine agressés par Trump et par ses collabos des oligarchies brésiliennes, argentines, vénézuéliennes, équatoriennes, etc. La victoire du fasciste amateur de sang J. Bolsonaro marque un tournant très grave, non seulement pour les communistes, la gauche et le peuple travailleur du Brésil, mais pour tout le mouvement progressiste latino-américain. Fédérées par Trump, les forces de revanche oligarchiques veulent la peau du Venezuela bolivarien, du FSLN au Nicaragua, de Morales en Bolivie ; avec l’appui d’un président équatorien félon qui usurpe le prénom de « Lenin », ces forces de mort vont jusqu’à persécuter l’ex-président progressiste Rafael Correa. Quitte à revenir aux dictatures-gorilles de l’époque de Pinochet, l’impérialisme veut exterminer tout ce qui ne plie pas devant le pillage des Amériques par le « Tio Caiman » yanqui et par les bourgeois compradors et parasites des pays dominés.
Le but est aussi d’isoler Cuba socialiste. La réponse du peuple cubain est la participation au grand débat véritablement libre sur le projet constitutionnel. Y ont participé 8 millions de Cubains (presque toute la population adulte). Le peuple a réintroduit la référence au communisme dans le projet constitutionnel, et nous ne pouvons que féliciter à ce sujet le peuple et les communistes cubains. De même, le pouvoir populaire cubain accentue sa coopération avec la République populaire de Chine.
Alors que la fausse gauche et que les pseudo-communistes de France mégotent leur soutien au président élu Nicolas Maduro, le PRCF approfondira sa solidarité avec les progressistes vénézuéliens ainsi qu’avec le PC du Venezuela, dont l’ancrage marxiste-léniniste complète dialectiquement l’engagement unitaire et anti-impérialiste.
De même qu’en France, les travailleurs sont condamnés à perdre séparément ou à gagner tous ensemble et en même temps, de même au niveau mondial, les travailleurs, les progressistes, les peuples opprimés ne triompheront qu’en présentant un front uni contre l’impérialisme, ennemi principal du progrès social, de l’indépendance nationale, de la démocratie et de la paix.
C’est pourquoi, en ce 100ème anniversaire de la fondation de l’Internationale communiste à l’appel de Lénine (mars 1919), le PRCF s’apprête à organiser un colloque qui n’aura pas seulement pour but de rétablir la vérité historique sur cette question, mais de faire vivre au présent le mot d’ordre du Komintern, « prolétaires de tous les pays, peuples opprimés, unissez-vous ! ».
Initiative Communiste – En ce début janvier, comment analyses-tu la situation sociopolitique en France ?
Georges Gastaud – Tout d’abord, MERCI aux courageux Gilets jaunes, et parmi eux, aux camarades syndicalistes et progressistes, dont ceux du PRCF, qui ont bravé durant des semaines le froid, les calomnies médiatiques, la macro-répression du président des riches, les tentatives de dévoiement xénophobe de l’extrême droite et de Wauquiez, voire – et c’est plus triste, l’appel initial non déguisé au boycott des GJ par P. Martinez. Heureusement, l’amalgame entre les GJ et le RN a vite été désavoué et dépassé dans la pratique par les bases rouges de la CGT. Les GJ ont prouvé par A + B que l’avenir du mouvement social en France ne passe pas par le « dialogue social » bidon orchestré par l’Elysée, par les tuniques bleues de Macron et par les livrées oranges de la CFDT (de ces parlottes ne sortent régulièrement que des défaites humiliantes !). Ni par la reconnaissance bêlante de la « légitimité » de Macron (de la part de toute cette « gauche » qui a rabattu sur lui le 6 mai 2017). L’offensive sociale passe au contraire par l’action démocratique de masse visant à bloquer l’économie capitaliste, par le slogan clair « Macron démission ! », par les références de plus en plus fréquentes à la Révolution française qui parsèment le mouvement des GJ, par l’exigence de manifester au cœur même du pouvoir, sur les Champs-Élysées, ou près de l’Assemblée nationale au lieu de se laisser promener sur les grands boulevards. Il ne s’agit pas de partir battu et de « limiter les dégâts sociaux » à partir de quelques « journées d’action » intersyndicales dispersées et défensives, mais de gagner sur les revendications sociales, mais aussi politiques comme le RIC, la proportionnelle, etc. Le premier de nos devoirs est de développer la solidarité de classe avec les Gilets jaunes réprimés souvent dans des conditions où l’odieux le dispute au ridicule avec notamment des milliers de « mise à l’ombre » préventives. Cela concerne aussi les très nombreux syndicalistes CGT et SUD qui ont été réprimés à l’occasion des luttes pour la défense du Code du travail et de la SNCF nationalisée et c’est d’autant plus nécessaire que la victoire populaire n’interviendra pas si les Gilets jaunes ne font pas leur jonction avec les « chasubles » rouges de la CGT et avec les « bonnets phrygiens » des femmes du peuple, ces nouvelles Mariannes.
En réalité, ce régime devient de plus en plus policier et fascisant; il faut donc cesser de réduire la fascisation au lepénisme et à l’euro-« populisme » de droite (qui en sont la forme caricaturale et grossièrement liberticide). En réalité, le régime oligarchique, minoritaire, antisocial, anti-laïque, antidémocratique et antinational de Macron ne peut que stranguler de plus en plus la démocratie tant sa politique entièrement dévouée au MEDEF, à Bruxelles et à Berlin, est vomie par les classes populaires et par une large part des couches moyennes. S’agit-il même encore d’un pouvoir français ? On peut en douter quand on apprend que Macron a froidement déclaré, au sommet européen de septembre : « les réformes entreprises en France sont ce que nombre de nos partenaires, et en particulier l’Allemagne, attendaient depuis de nombreuses années, et à juste titre » ? Comment s’étonner alors que ce Monsieur qui ne cesse d’insulter les Français (« rebelles à l’effort ») se soit lancé dans une acrobatique tentative de réhabilitation du traître Pétain en novembre dernier !
Cela dit, à travers des formes variables selon les lieux et les temps, les principes du léninisme gardent leur portée universelle qui découlent de la nature du capitalisme-impérialisme et des conditions incontournables de son renversement : fort d’une expérience et d’une réflexion théorique sans égal, Lénine a toujours expliqué que la révolution populaire ne pouvait réussir sans la conjonction de deux facteurs ;
- d’une part, le mouvement des masses le plus large, le plus libre, le plus porteur possible d’initiatives créatrices, de la plus ample démocratie populaire directe « en bas », pratiquant l’élection de délégués se coordonnant nationalement et révocables à tout instant : tels étaient les soviets (conseils) d’ouvriers, de soldats et de paysans auxquels l’insurrection bolchevique du 7 novembre 1917 remit aussitôt l’entièreté du pouvoir d’État.
- Mais en même temps, pour que les masses populaires triomphent, elles doivent s’armer d’une analyse scientifique juste du « moment actuel » et de la manière d’y répondre par un programme approprié orienté vers la révolution socialiste. Et cela nécessite l’intervention permanente d’un parti communiste de combat, ancré dans la classe travailleuse et la jeunesse populaire, rompu à l’analyse marxiste des situations concrètes, dialoguant avec les masses sans rien leur imposer (l’avant-garde n’est pas la caricature du « parti-guide » !) ; un parti fortement organisé, démocratiquement lié au syndicalisme de classe et menant sans relâche la lutte d’idées contre les tentatives des classes exploiteuses pour obscurcir les perspectives et diviser les travailleurs.
C’est pourquoi, tout en participant au mouvement des GJ à égalité avec tout autre acteur de ce mouvement, en écoutant ses revendications, en prenant toute leur part des actions et des difficultés de la lutte, les militants franchement communistes rappellent que bloquer les ronds-points ne suffit pas : il faut aussi bloquer l’exploitation capitaliste à sa source, dans les usines et les services ; et pour cela, l’alliance de combat des GJ avec le mouvement lycéen, avec les bases rouges de la CGT et avec les secteurs combatifs de la FSU (prochainement en grève), est incontournable : encore faut-il que les syndicalistes de lutte s’affranchissent du légitimisme à l’égard des appareils dont les sommets ont tout fait, dernièrement, derrière le Gilet rayé Berger, pour raviver les mensonges flagrants du « dialogue social » pré-ficelé par Macron et de l’introuvable « Europe sociale » prônée par les états-majors confédéraux euro-subventionnés.
En conséquence, nous n’appelons pas les Gilets jaunes à « suivre » qui que ce soit, fût-ce nous-mêmes, mais, comme Lénine le faisait en 1917 à l’adresse des soviets ouvriers et paysans, à s’organiser par eux-mêmes, à se coordonner nationalement, à élire leurs délégués révocables à tout instant. Non pour « dialoguer » avec ce pouvoir failli, mais pour construire l’action, élaborer une plate-forme sociopolitique nationale (augmentation des salaires, des pensions et des autres revenus indirects du travail, rééquilibrage de la fiscalité aux dépens des richards du capital, embauche dans les services publics, nationalisation de Total et des autoroutes, renationalisation intégrale d’EDF et de la SNCF, abrogation de Parcours-Sup et de la contre-réforme du lycée, relocalisation de l’emploi industriel et agricole en France sur la base d’un secteur bancaire et public (re-)nationalisé, et bien sûr, sur le plan institutionnel, une 6ème République démocratique mettant fin à la 5ème « Irrépublique » dictatoriale et chapeautée par l’UE, tout cela et bien d’autres choses sont à mettre en débat).
Et les GJ ne doivent en rien s’interdire d’aller sur la « chasse gardée » du monarque présidentiel : débattons librement de la sacro-sainte UE, cette prison des peuples, du funeste euro, dont les « critères de convergence » verrouillés par Berlin condamnent les travailleurs à l’austérité continentale à perpétuité, de la dangereuse « armée européenne » arrimée à l’OTAN qui est une énorme pompe à finances et qui nous emmène tout droit à la guerre contre ce peuple russe sans lequel Hitler eût fait main basse sur le monde.
Initiative Communiste – Faut-il participer au « grand débat » macronien ?
Georges Gastaud – On ne peut interdire à un camarade, s’il se sent capable de braver les préfets missionnés pour « encadrer » ce débat piégé, d’aller secouer le cocotier ! En revanche il serait naïf d’attendre quelque écoute réelle et quelque impartialité que ce soit des Macron, Philippe, Schiappa et Cie. S’ils étaient de bonne foi, nos bons maîtres ne commenceraient pas par exclure du débat l’augmentation des salaires, la proportionnelle intégrale aux élections, le RIC, l’appartenance de la France à l’UE et à l’euro, le rétablissement de l’ISF, et j’en passe : par définition, LE PEUPLE EST SEUL SOUVERAIN SUR TOUT ! S’ils voulaient écouter les doléances populaires, nos Seigneurs n’orienteraient pas grossièrement les réponses en posant des questions (sur les services publics, sur le démontage de la République une et indivisible au profit des féodalités « territoriales », sur l’immigration…) dont le traitement final – on prend tous les paris à ce sujet ! – ne serviront qu’à doter d’un emballage « populaire » les plus graves projets macroniens : casse des statuts, retraite par points vouant des millions de futurs pensionnés à la misère, « évaporation » des communes et des département au profit des euro-métropoles type « Grand Paris » ou « Grand Lyon », suppression à la pelle de postes, d’écoles et de lits d’hôpital au nom de la « baisse des impôts »… En réalité, même les cahiers de doléances de 1789 étaient plus « libres » que le « grand débat » macroniste ! Et pour commencer, si Philippe voulait vraiment discuter, il ferait voter l’amnistie pour les milliers de Gilets jaunes traités comme des criminels par une police aux agissements trop souvent débridés au lieu de traiter les GJ d’ « agitateurs » !
En réalité, on peut deviner sans grand risque d’erreur que Macron essaiera, non seulement pour se re-légitimer lui-même, mais pour re-légitimer l’UE, de mettre en place le jour des élections européennes un référendum portant sur la « synthèse » (déjà écrite dans ses grandes lignes, qui en doute sérieusement ?), de son « grand débat ». L’objectif macroniste est avant tout de faire voter à tout prix l’écrasante majorité des ouvriers, des jeunes, des chômeurs, des employés, qui boycottent à juste titre le scrutin européen ; et pour ce faire, quoi de plus piégeant qu’un référendum grossièrement camouflé en « RIC » pour « appâter » les citoyens et les amener aux urnes ce jour-là, quoi qu’ils puissent voter ? En effet, ce que craignent avant tout les euro-manipulateurs, c’est que l’abstention populaire largement MAJORITAIRE battant tous ses précédents records, le « saut fédéral européen » et la quasi-fusion de la France et de l’Allemagne annoncée pour juin prochain (futur traité d’Aix-la-Chapelle, la capitale de l’Empire de Charlemagne, alias Karl der Grosse) soient délégitimés par l’abstention citoyenne massive.
Nous, militants franchement communistes, 100% anti-UE et anti-OTAN, avons donc déjà du pain sur la planche pour appeler à l’abstention citoyenne lors de ces élections qu’il faut à tout prix délégitimer en appelant à la seule voie possible pour reprendre la route de la démocratie et du socialisme, celle des quatre sorties, de l’UE, de l’euro, de l’OTAN et du capitalisme. Et bien entendu, la voie des luttes reste l’issue principale pour le camp progressiste qui ne doit apporter aucun oxygène politique à ce régime honni et largement discrédité après moins de deux années de pouvoir. Amis gilets jaunes, camarades, ne lâchons pas la proie des luttes, qui mettent Macron sur la défensive, pour l’ombre d’un « grand débat » et d’un référendum final organisé par le chef de l’État dans le seul but de lui rendre l’initiative politique, puis, n’en doutons pas un instant, d’écraser le mouvement populaire pour des dizaines d’années !
Initiative Communiste – Quelle stratégie politique pour que le mouvement populaire, offensif sur le terrain social, prenne aussi l’initiative politique ?
G.G. – Bien moins imputable aux Gilets jaunes qu’à l’abattement secrété par le PS et par toute la galaxie de l’euro-réformisme, la grande faiblesse du mouvement populaire actuel tient à son rapport naïf à « la politique », au syndicalisme, et plus encore, au débat sur la funeste « construction » européenne, qui n’est pas assez présente dans le débat citoyen. Sans s’en douter, ce n’est pas « la politique » que rejettent les GJ, au contraire ils en font et construisent à leur insu les conditions d’une contre-offensive populaire potentiellement très politique et très révolutionnaire : ce qu’ils rejettent tout autant que nous, adhérents du PRCF qui ne nous sommes jamais enrichis d’un euro en militant (bien au contraire !), ce sont les politiques bourgeois, entièrement au service du capital, et c’est aussi les politicards de la fausse gauche, tous ces usurpateurs de sigles prestigieux : car le « communisme » de certains est à Ambroise Croizat (le ministre communiste qui créa la Sécu) ce que le « socialisme » de Hollande est à Jaurès, ce que Wauquiez est à l’homme du 18 juin, ce que la Le Pen est à Jeanne d’Arc, ce que Macron est au libéral progressiste et laïque Condorcet et ce que certains dirigeants confédéraux euro-assagis sont à Frachon et Krazucki : des contrefaçons dangereuses.
Nous appelons donc à rejoindre le PRCF, dont les dirigeants désintéressés travaillent à reconstruire un parti communiste de combat, à fédérer sans exclusive les syndicats de lutte de classe, à construire un nouveau CNR reposant sur quatre piliers indissociables :
- l’antifascisme, l’antiracisme et la démocratie populaire, sans lesquels toute tentative patriotique dérapera vers la droite euro-nationaliste,
- l’indépendantisme français (qui implique la rupture franche avec l’UE-OTAN du capital), sans lequel les promesses de progrès social relèvent du mensonge,
- le progrès social et les nationalisations (sans eux on ne pourra pas « mettre le monde du travail au centre de la vie nationale » comme y appelait Jean Moulin) et,
- compte tenu du caractère de plus en plus exterministe du capitalisme-impérialisme actuel, la défense résolue de la paix mondiale et de l’environnement démolis par le néolibéralisme mondial.
Initiative Communiste : en conclusion ?
Georges Gastaud : Communistes, rejoignons le combat du PRCF pour un vrai parti communiste. N’attendez pas pour cela que le PCF-PGE ait quitté le lit douillet de la subordination électorale aux sociaux-maastrichtiens Faure et Hamon : si vous attendez ce jour heureux, la « France des travailleurs » que chantait Jean Ferrat aura fondu entre temps comme beurre en broche !
Syndicalistes de lutte et de terrain, cessons de suivre les Bergers en gilet rayé, coordonnons-nous « en bas » sans exclusive pour construire le tous ensemble en même temps.
Reconstruisons une gauche populaire, antifasciste et patriotique coupant tout contact avec le PS, une France FRANCHEMENT insoumise (FFI !) à l’UE du capital, un indépendantisme exempt de tout relent de toute xénophobie pseudo-« souverainiste », unissons à nouveau le drapeau rouge au drapeau tricolore et la Marseillaise à l’Internationale pour que, rouvrant la voie du socialisme à la France, notre peuple connaisse à nouveau des « Jours heureux » !