Septembre c’est la fin de la période estivale, celles des congés payés. et Georges Gastaud, directeur politique d’initiative Communiste le journal du PRCF répond aux questions de la rédaction autour des grands enjeux de la période. Un grand entretien passionnant en parties sur la problématique géopolitique, sociale et politique de la rentrée scolaire et sociale. Et rendez vous du 15 au 17 septembre avec les nombreux débats qui auront lieu sur le stand du PRCF à la fête de l’Huma, l’événement de la rentrée politique.
- partie 1 : quel avenir pour la paix mondiale alors que l’contre-offensive de l’OTAN en Ukraine escalade dans la boucherie
- partie 2 : Face à l’urgence environnementale, réagir après la récente canicule française, les méga-feux aux Canada et en Grèce, canicule record en Iran et ces séries de catastrophes naturelles
- partie 3 : Opposer à la destruction capitaliste du pays la résistance révolutionnaire du prolétariat devenant Nation
- partie 4 : Tirer les leçons politiques de la bataille des retraites, résister à la fascisation et construire l’alternative rouge et tricolore gagnante pour les travailleurs
- partie 5 : Elections européennes : agir pour le vrai enjeu, la souveraineté du peuple avec le Frexit progressiste !
Initiative Communiste : Tu as publié avec Fadi Kassem un texte sur le Grand Soir où tu expliques que la décomposition nationale française est désormais devenue si grave que les choses peuvent vite devenir irréversibles pour la défaisance de la nation si la classe laborieuse n’en prend pas les rênes ; en un mot si le prolétariat ne « devient pas la Nation » (pour reprendre une expression du Manifeste du parti communiste). N’y a-t-il pas là quelque exagération ?
Ce n’est pas jouer les Cassandre (il s’agit moins de prophétiser que d’ouvrir les yeux sur des faits massifs, actuels et répétés !) que constater que sous l’indécente novlangue des mots dévoyés chers à Macron « Renaissance », « rebâtir », « nouveau C.N.R. » (que, soit dit en passant, les communicants-plagiaires de Macron semblent avoir empruntés au PRCF après que M. Le Pen nous eut emprunté naguère, pour le mettre à sa sauce, l’expression « UMPS » !),c’est un plan de défaisance généralisée du pays qu’orchestre l’équipe Macron sous la conduite de l’UE-OTAN et de l’oligarchie « française ».
- Cela saute aux yeux sur le plan social où le pouvoir s’acharne sur les ultimes conquêtes subsistantes des ministres communistes de 45, les Thorez, Croizat et autre Marcel Paul : après l’âge de la retraite repoussé a minima à 64 ans, le pouvoir s’en prend aux remboursements-maladie, aux indemnités chômage, aux arrêts-maladie délivrés par les médecins et au statut des enseignants. Pendant ce temps, l’intrépide camarade Sébastien Ménesplier, énergéticien et membre du bureau confédéral de la CGT, est convoqué à la gendarmerie pour des faits relevant de la lutte sociale du printemps. Pendant que la loi de programmation militaire exigée par l’OTAN atteindra 413 milliards d’euros sur cinq ans, l’euro-proconsul Macron qui a supprimé l’impôt sur la fortune, nous fait les poches (pour tenir les critères de Maëstricht et maintenir à flot le néfaste euro): celles des chômeurs, celles des travailleurs pauvres et précaires, dont certains sont littéralement incapables de se nourrir correctement du fait du retard organisé des salaires sur les prix, notamment ceux de l’essence, de l’énergie, du logement et des aliments. Les malfaisants députés macronistes n’excluent pas du reste, comme l’exige indécemment le MEDEF, d’aggraver le dispositif des « jours de carence » qui frappe odieusement les salariés malades. Plus structurellement, continuent à bas bruit l’euro-privatisation de la SNCF, de la Poste, d’EDF (avec l’onéreux et scandaleux « marché unique européen » de l’énergie !) et le dépeçage de l’industrie mécanique française placée sous pilotage direct du grand capital transnational, de Nissan (Renault) à Chrysler en passant par Fiat (Peugeot-Stellantis). Le grand capital international ne recule devant aucune économie de bouts de chandelle puisque, très symboliquement, il vient même de couper les vivres au FC Sochaux, le club de foot historique des ouvriers de Peugeot !
- la casse nationale est moins visible mais non moins grave pour le moyen et pour le court terme. Par ex. le Conseil régional de Bretagne vient de se prononcer pour l’ « autonomie de la Bretagne », pour le rattachement de Nantes à cette nouvelle super-euro-région (en marche, à terme, vers l’indépendance à l’égard de Paris… et la super-dépendance envers Bruxelles?), et le gouvernement – qui promeut son « Pacte girondin » synonyme de désossage de la République une, laïque et indivisible issue de la Révolution jacobine, applaudit des deux mains comme il avait déjà parrainé la mise en place de l’euro-département de Moselle et de la « Communauté européenne d’Alsace » assortie de la suppression des deux départements alsaciens (que pourtant les Alsaciens avaient refusée par référendum!). Ceux qui, à gauche, sourient de pitié à l’évocation de ces réalités (car ils n’ont que faire de la France, qu’ils abandonnent au RN), ne viendront pas odieusement « s’indigner » demain quand, dans une sous-France écartelée entre l’ « Etat fédéral européen » berlinois d’une part, et des provinces quasi-indépendantes d’Ancien Régime reconstituées d’autre part (Corse, « Catalogne-Nord », etc.), le Code national du travail, les statuts nationaux, les services publics d’Etat, les conventions collectives nationales, les qualifs universitaires nationales, l’Education nationale, le SMIG national, seront liquidés au bénéfice des grands capitalistes qui commanditent cette casse géante du pays pour redéployer leur chasse au profit dans le cadre, juteux pour eux seuls, des « Etats-Unis d’Europe » en marche, de l’Europe des régions et de l’ « Union transatlantique » tous trois formellement exigés par le MEDEF…
- la casse linguistique n’est pas moins impressionnante et il faut vraiment mettre solennellement en garde la jeunesse de France qui, gavée de globish bas de gamme dès la maternelle, bardée de séries U.S., de « games » et de chansons en anglo-américain (à l’exclusion de toute autre langue étrangère, ignorée par les médias!), et conditionnée par ailleurs par des programmes scolaires déformant ou contournant gravement l’histoire révolutionnaire française et mondiale, mesure mal la nocivité de l’anti-modèle sociétal « made in U.S.A. » qu’on lui impose pour implanter dans les jeunes têtes les normes terriblement brutales d’un pays aussi violent à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. Or le premier instigateur de la casse linguistique qui frappe notre pays siège à l’Elysée puisque, très symboliquement, c’est Macron qui organise en France même des « évènements » qu’il intitule systématiquement en anglais comme le « Choose France! » ou le « One Planet Summit« . A l’intérieur même de la Francophonie internationale, Macron s’acoquine avec Trudeau, le Premier canadien, pour placer à la tête de l’OIF de francs ennemis du français qui sont aussi, pour faire bon poids, de francs opposants à la souveraineté québécoise. Certes, l’ami de la langue française que je suis ne peut qu’être navré de voir les Etats marocain, ruandais, algérien, etc. basculer l’un après l’autre au tout-anglais scolaire au risque de renforcer l’impérialisme étatsunien cent fois plus dangereux encore que l’impérialisme français à bout de souffle. Mais, outre le fait que les Etats africains sont pleinement légitimes à revaloriser les langues africaines, le fait patent est que l’ennemi principal du français et de la Francophonie n’est nullement à Bamako ou à Niamey, mais bien à Parissi bien que la phrase de Liebknecht « L’ennemi principal est dans ton propre pays » est vraie aussi de nos jours sur les plans linguistique et culturel. Je ferai simplement observer à ceux qui seraient tentés par le nihilisme et le masochisme national propres au gauchisme que Karl Liebknecht n’a jamais dit « l’ennemi principal est ton propre pays », mais bien « l’ennemi principal est DANS ton propre pays » : il ciblait ainsi, non pas son Allemagne natale, encore moins sa propre langue, celle de Goethe, de Marx et d’Anna Seghers soit dit en passant, mais bien l’oligarchie et l’impérialisme allemands !
Bref, l’oligarchie hexagonale, on ne peut même plus dire « française », engage résolument, pour des raisons de classe aisées à saisir, les travaux pratiques de l’ « évaporation » finale de la République française.Méprisant à la fois la Constitution française, qui dispose que « la souveraineté réside essentiellement dans la Nation », piétinant sans relâche le Non français à la Constitution européenne (mai 2005), nos pseudo-élites politiques, économiques, militaires et médiatiques exécutent à marche forcée l’agenda impérial d’Olaf Scholz: comme Ursula von der Leyen, le chancelier social-démocrate allemand rêve en effet d’un empire européen qu’il sait d’avance dominé par Berlin sous l’étroite supervision de Washington. Il est lamentable que la gauche parlementaire française fasse silence sur ces enjeux patriotiques élémentaires et que la NUPES rêve de son côté d’une liste européenne unique dirigée par EELV: non seulement ce mouvement s’acharne-t-il sur le nucléaire civil français (c’est-à-dire sur EDF nationalisé !), non seulement il applaudit aux surenchères euro-atlantistes en Ukraine qui dévastent ce pays et qui peuvent mener à un Hiroshima global, mais la cheffe de file d’EELV Marine Tondelier vient de déclarer sans ambages qu’il fallait « dépasser l’Etat-Nation français »: et sans doute les euro-bobos qui la suivent croient-ils en toute bonne conscience que de telles propositions germano- et atlantico-alignées sont « contestataires »! Qu’en pensent du reste MM. Mélenchon et Fabien Roussel ?
Rien de surprenant non plus côté PS où il est de sinistre tradition depuis Blum, Mollet, Mitterrand, Jospin et Hollande d’applaudir aux pires agissements des Etats-Unis et de les suivre aveuglément dans toutes leurs aventures impérialistes.
C’est plus triste du côté du PCF chapeauté par le « Parti de la Gauche Européenne » ; un PCF le premier responsable, pourtant héritier juridique, sinon politique et idéologique, du grand parti patriote des Pierre Sémard, Jacques Duclos, Louis Aragon et Paul Eluard, n’a jamais un mot contre le tout-anglais (au contraire, Roussel trouve finaud de déclarer que « PCF is back!« ), continue de prétendre, en prenant les membres de son parti pour des idiots, qu’il faut demander à la BCE de financer le progrès social en France (!) ; F. Roussel ne vient-il pas du reste de proposer à Macron un plan de « paix » en Ukraine dont le premier mot serait, ben voyons, que la Russie se retirât unilatéralement du Donbass et de Crimée… Ce qui reviendrait criminellement à abandonner les russophones du Donbass (martyrisé depuis 2014 par les bombardements aveugles des milices néonazies ukrainiennes !) à la vengeance de masse, voire au franc ethnocide dont les menacent les centaines de milliers d’admirateurs de Bandera, Hitler et Mussolini qui foisonnent dans l’Ukraine fascisée de Zelensky ! Quant aux députés de la France « insoumise », où sont donc passées leur campagnes anti-OTAN d’avant 2017, qu’est devenu leur mot d’ordre insuffisant certes, mais « en dynamique », proclamant alors « l’UE, on la change ou on la quitte ! » ? Et que font-ils dans la pratique de l’engagement à défendre la langue française contre le tout-anglais que comportait la fiche « francophonie » insérée dans le programme la France en commun ?
Pour sa part, le PRCF est dans la droite ligne de la vraie gauche populaire française, celle de Robespierre qui fut à la fois le fondateur de la République indivisible, le vainqueur de la coalition européenne des rois et le fondateur de principe de la République sociale, celle à laquelle donnèrent vie les Communards alliant patriotisme républicain et internationalisme prolétarien, celle de Jaurès déclarant « l’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale« , et celle du PCF de Thorez, Duclos et Tillon qui pouvait à la fois combattre de front les guerres coloniales et défendre haut et fort, contre la « petite Europe » et l’OTAN, la souveraineté, la langue et la dignité nationales de notre pays. En particulier j’interpelle ceux des syndicalistes de lutte qui hésitent encore à dénoncer franchement la « construction » européenne si chère à Berger, à Sophie Binet et à Sophie Vénétitay : camarades, quelles que soit la puissance nos luttes sociales à venir, il ne restera finalement rien de rien de l’ « ordre public social » mis en place chez nous depuis 1906, 1936, 46 et 68 si nous ne refusons de « remettre le monde du travail au centre de la vie nationale », comme y invitait le PCF clandestin de 1943; ce qui signifie aussi symétriquement… remettre la défense sociale et républicaine de la Nation au cœur du combat populaire. Sans cela, impossible, comme le demandait pourtant le Manifeste de Marx et d’Engels, de faire de la classe prolétarienne, celle des ouvriers, des employés, des travailleurs précaires des services, des techniciens, des petits et moyens fonctionnaires vivant de plus en plus mal d’un travail de plus en plus méprisé, voire de nombre d’auto-entrepreneurs qui ne sont que des prolétaires qui s’ignorent, la nouvelle classe dirigeante de la nation: autrement dit, impossible de construire le socialisme dans notre pays, ne serait-ce que… parce qu’il n’y aura alors même plus de « pays » mais un magma transnational plus morcelé, déstructuré et divisé que jamais pour le seul avantage du grand capital !
En réalité, reconquête de l’indépendance nationale et perspective révolutionnaire d’un socialisme-communisme de nouvelle génération pour la France sont indissociables. Sans le socialisme, la France est littéralement fichue à terme en tant que pays souverain, voire en tant que pays tout court. Mais inversement, un mouvement ouvrier qui n’aurait pas su, sur des bases sociales, antifascistes, progressistes, antiracistes, internationalistes, prendrela tête, de manière nullement frileuse, de la lutte pour l’émancipation nationale de leur pays, ne sera pas écouté par les masses quand ses dirigeants prétendront conduire au socialisme une nation qu’ils auront abandonnée au moment où l’oligarchie la liquidait, la violait et la déshonorait jour après jour sous les bâillements d’indifférence de l’extrême gauche petite-bourgeoise. Souvenons-nous que c’est en prenant la tête du « Front national pour l’indépendance et la liberté de la France » (un nom usurpé ultérieurement par Le Pen), que le PCF est devenu en 1945 le premier parti dans la Nation et que la CGT, qui mena durant la guerre la Grande Grève Patriotique Minière de mai-juin 1940, a pu compter jusqu’à cinq millions d’adhérents à la Libération !
Autres temps ? Qui le nie ? Mais ce sont les formes du combat qui varient et non son contenu de classe et de principe et l’on pourrait même avancer l’idée que notre pays est plus encore qu’à l’époque menacé de liquidation par l’oligarchie capitaliste qui le « vend à la découpe » pour mieux prendre pied mondialement dans la course au tout-profit débridé !
Les mêmes ténors ou sopranos de la gauche et d’une bonne partie de l’ « extrême gauche » (?) établie, du type NPA, ne devront pas davantage pousser des hauts cris si Marine Le Pen, flanquée de Zemmour et du non moins haineux Eric Ciotti, arrive au pouvoir comme la mussolinienne Giorgia Meloni vient de le faire à Rome dans le cadre de cette belle UE facho-compatible. Tel serait alors le prix déshonorant à payer par les « progressistes » de parade qui auront abandonné au RN pseudo-patriotique le monopole apparent de la France au lieu de disputer aux lepénistes le drapeau tricolore sur des bases anti-oligarchiques, tout en l’associant au drapeau rouge comme le faisaient les communistes et les socialistes à l’époque du Front populaire, puis au sein des maquis FTP et FTP-MOI ! Ces remarques dessinent clairement ce qui reste à faire aux vrais communistes, syndicalistes de classe, patriotes et véritables antifascistes pour préserver notre pays de la quadruple peine de mort que constituent pour lui la dé-protection sociale complète en cours, la fascisation galopante, l’euro-dissolution nationale et la marche atlantique au conflit global. S’y opposer efficacement est encore tout-à-fait possible : en effet, si les maîtres du CAC-40 ne veulent plus de la France, c’est parce que, de manière certes inconséquente en l’absence d’un Parti d’avant-garde éclairant sa route, le peuple travailleur de France dont l’ADN moderne reste façonné par 1793 (Robespierre…), par la Commune et par le Front populaire, ne veut plus du grand capital qui déclasse massivement les travailleurs et les couches moyennes. C’est ce qu’ont montré à des degrés divers le soulèvement des Gilets jaunes, puis la lutte de masse, hélas torpillée par les bons bergers de l’UE, du peuple travailleur défendant l’héritage d’Ambroise Croizat et l’avenir de nos retraites.