A propos du nouvel euro-groupe mis en place par Mme Le Pen dans le cadre du « parlement » supranational européen
Fascinés à la fois par le FN et par la « construction » européenne, les médias dominants promeuvent à son de trompe le mariage de Marine Le Pen et de divers groupes étrangers d’ultra-droite en vue de constituer un euro-groupe au parlement européen. Si réellement les pseudo-« traqueurs de FN » des médias voulaient mettre en difficultés le FN, ils n’auraient pourtant que l’embarras du choix :
Tout d’abord, est-il conséquent, pour un parti soi-disant eurosceptique, de se présenter aux européennes et de constituer un groupe au « parlement » supranational de Strasbourg alors que Mme Le Pen prétend critiquer radicalement l’UE ? De manière combien plus conséquente, le PRCF appelle régulièrement à BOYCOTTER le « parlement » européen afin de délégitimer, à travers lui, l’Empire euro-atlantique en construction sur les ruines des nations d’Europe [lire ici : Decevez la Le Pen ! Avec le CNR-RUE, Boycottez l’euro-mascarade du 25 mai ! par Georges Gastaud]. Mais les visiteurs réguliers du site du PRCF et les lecteurs du mensuel Initiative communiste savent déjà depuis longtemps que la patronne du FN n’est pas réellement euro-critique. D’une part, elle subordonne la sortie française de l’euro au bon vouloir de la RFA puisque pour Mme Le Pen (cf son site national), cet acte élémentaire de souveraineté monétaire et budgétaire est impossible sans une « sortie concertée de l’euro » : bref, Marine Le Pen devenue présidente, la France NE sortirait PAS de l’euro puisqu’il lui faudrait pour cela l’accord préalable de… Berlin et des 18 pays de la zone euro. Bref, comme on dit, « c’est pas demain la veille ! ». En outre, bien évidemment, la patronne du FN n’évoque jamais la sortie de l’UE, cette vache sacrée du grand capital « français », MEDEF et CAC-40 confondus. En réalité, le bavardage « bleu marine » sur l’euro n’est rien de plus qu’une… monnaie d’échange politicienne entre la droite classique et le FN : gageons que si Mme Le Pen accédait au second tour des présidentielles, elle lâcherait immédiatement du lest sur l’euro pour obtenir l’adoubement d’une partie du patronat… et les suffrages des électeurs de la « droite forte ».
Mais il y a encore plus grave pour cette « patriote » à géométrie variable. En effet, au Parlement européen, elle va faire groupe commun avec le Vlaams Belang, c’est-à-dire avec l’extrême droite indépendantiste flamande. Non seulement le VB est l’héritier direct de la vision pangermaniste de l’Europe en termes « völkisch » (une Europe des regroupements ethniques dominée par Berlin), non seulement il revendique l’écartèlement de la Belgique, la relégation de la Wallonie francophone, l’annexion de Bruxelles (où les francophones sont majoritaires), non seulement ils participent au courant – que partage largement la NVA dominante à Anvers (droite dure flamande, très liée au patronat) – qui tend à persécuter la langue française et les francophones au nord de la Belgique, mais ce groupe fascisant est clairement anti-français puisqu’il réclame rien moins que le rattachement à la future Flandre indépendante d’extrême droite de la Flandre française de Dunkerque à Lille… Le double langage du FN se marque aussi au fait que l’euro-groupe parlementaire du FN comportera des députés européens de la Lega Nord, le groupe sécessionniste et violemment xénophobe italien (pardon, « padanien ») qui veut faire éclater la République italienne en détachant le Nord riche (Milan, Turin, Venise…) de « Rome la voleuse » et du Midi italien, considéré pratiquement comme « africain ». Or plusieurs groupes indépendantistes niçois ou « savoisiens » courtisent la Lega Nord car ils savent qu’un éclatement de l’Italie remettrait en cause le rattachement de la Savoie et du Pays niçois à la suite du Risorgimento italien. Bien entendu, le Vlaams Belang ne manque jamais une occasion pour encourager les séparatistes bretons et plus généralement, pour pousser au démembrement de la République une et indivisible créée par la Révolution française « jacobine ». C’est la marche à la balkanisation de l’Europe et de la France que choisit en réalité Mme Le Pen.
Il suffit donc d’un peu de conscience mathématique élémentaire (quel est le dénominateur commun objectif de l’euro-groupe lepéniste ?) pour prouver que le rassemblement européen fondé par Marine Le Pen n’est nullement construit sur des bases patriotiques françaises, fussent-elles réactionnaires, pas davantage sur la base de la défense de notre langue si menacée (tout-anglais « transatlantique », Charte européenne des langues régionales dont le Vlaams Belang et la Lega Nord, ces partis antinationaux et « ethniciseurs » sont des partisans déclarés), mais sur la base de la xénophobie blanche et de la nostalgie pour l’Europe germano-impériale (la Lega Nord regrette ouvertement la domination des Habsburg d’Autriche sur Milan et Venise). Et l’arrière-plan de ce mariage n’est nullement « l’Europe des nations » dont parle Mme Le Pen, mais l’Europe fédérale des régions, avec à l’arrière-plan, la domination accrue de Berlin qui a tout intérêt à ce qu’explosent les nations déjà constituées (France, Italie), ou les Etats multinationaux légués par l’histoire (Belgique, Espagne, après la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, dans l’éclatement desquelles Berlin a eu un rôle central).
Bref, Mme Le Pen ne nous ferait – en apparence – sortir de l’Europe de Maastricht que pour nous renvoyer à celle de… Metternich, l’instigateur principal du Traité de Vienne qui résulta de la victoire de l’Europe contre-révolutionnaire et de la Restauration monarchique ultraréactionnaire. Bref, rassemblement bleu marine ou rassemblement bleu tsarine ?
Les patriotes républicains véritables (rien à voir avec la contrefaçon sarkozyste !) ne doivent donc pas seulement, même si c’est indispensable, dénoncer le caractère ultra-droitier, raciste et brunâtre du nouvel euro-groupe, ils doivent AUSSI démasquer le « patriotisme » de la Le Pen et de ses acolytes. Répétons-le, pour des communistes, pour des progressistes, c’est une faute politique suicidaire que d’abandonner à l’ultra-droite le drapeau de la nation et l’opposition… frontale à l’UE atlantique.
Face au front ANTInational des Le Pen père et fille, retrouvons les vertus du véritable Front National pour la Liberté et pour l’Indépendance de la France que mit en place, avec d’autres patriotes et résistants démocrates, le Parti communiste français clandestin durant l’Occupation. Non pour enterrer l’objectif stratégique du socialisme pour la France, mais pour le rendre à nouveau possible en mettant la classe ouvrière au cœur de la reconquête de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Georges Gastaud, fils de Résistant,
le 17 juin 2015, 75ème anniversaire de l’Appel à la Résistance anti-hitlérienne lancé par Charles Tillon (membre du B.P. du P.C.F. clandestin) depuis le Territoire national.
Les paradoxes des liens du FN français avec le Vlaams Belang
Le partenaire belge officiel du parti d’extrême droite français présidé par Marine Le Pen est le Vlaams Belang. Qui préconise cependant une réduction du territoire national français. Les principaux dirigeants du VB sont aussi directement liés aux dissidents du FN lepéniste et aux indépendantistes bretons. Cela fait désordre.
De droite à gauche : en 1989 au Parlement européen, les eurodéputés Karel Dillen (Vlaams Blok/Belang), Jean-Marie Le Pen (Front national français) et Franz Schönhuber (Die Republikaner, un parti d’extrême droite allemand) – Photo publiée sur www.forumpatriote.org.
Fin décembre, dans le Knack, Marine Le Pen a fait savoir que désormais son partenaire belge officiel est le Vlaams Belang (VB). Ce parti a été fondé en 1978 sous le nom de Vlaams Blok, autour de Karel Dillen, un vieux nostalgique de l’Europe ethnique allemande. La présidente du Front national français a défendu dans les colonnes de l’hebdomadaire flamand le « nationalisme völkisch » du VB. Cette nouvelle alliance franco-flamande est cependant paradoxale. A deux niveaux.
- Premier niveau
Le FN d’outre-Quiévrain est un parti nationaliste de type « jacobin ». C’est le « nationalisme d’Etat » qui constitue la base de son programme géostratégique. Le Front national préconise l’unité de la France et combat toutes les revendications régionalistes. Pour lui, les Corses, les Bretons, les Basques… et les Flamands du nord de la France sont des Français. Le parti frontiste reste adepte de la « loi du sol ».Pour sa part, son partenaire belge flamand défend un « nationalisme pan-néerlandais » sur une base ethnique s’arc-boutant sur la « loi du sang ». Pour le Vlaams Belang, la Flandre belge doit gagner son autonomie en créant un Etat indépendant avec les Pays-Bas, mais également avec la Flandre… française. Soit en réduisant l’« espace vital » de la France. Un scénario combattu totalement par le Front national de Marine Le Pen.
- Second niveau
Il y a près de trente ans, le FN français et le parti d’extrême droite flamand collaboraient déjà ensemble, notamment au Parlement européen. Depuis, les nouveaux dirigeants de ce dernier se sont rapprochés des micro-partis et mouvements dissidents de la formation de Marine Le Pen. En 2008 et en 2010, Filip Dewinter et Frank Vanhecke, deux des principaux chefs historiques du VB, iront ainsi soutenir la Nouvelle Droite Populaire (NDP) et le Parti de la France (PdF) Dewinter maintiendra encore des relations privilégièrent avec le Bloc identitaire, le parti le plus concurrentiel à l’extrême droite pour le FN.Historiquement, des contacts existaient déjà entre les purs et durs du Vlaams Belang, alors menés par Roeland Raes, son idéologue et vice-président et des mouvements régionaux indépendantistes en France. En 2004, les nationalistes radicaux bretons de l’Adsav tenaient un stand au congrès des Vlaams Belang Jongeren. Et recevront la visite cordiale de Filip Dewinter. L’Adsav se présente comme étant le Parti du peuple breton (PPB).
Filip Dewinter lors de sa visite du stand d’Adsav, un mouvement revendiquant une Bretagne indépendante – Photo : RIDAFL’alliance opportuniste FN-VB actuelle pourra-t-elle avoir un développement durable ou sera-t-elle pour finir vouée, comme jadis, à la séparation de ces deux entités nationalistes antagonistes ? A suivre sur RésistanceS.be.
MANUEL ABRAMOWICZ
Rédaction de RésistanceS.be
Note de la rédaction
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