
A PROPOS DU MOMENT ACTUEL – Entretien d’Initiative communiste avec Georges Gastaud, animateur du Secteur Etudes et Prospective du Pôle de Renaissance Communiste en France – le 11 mars 2025
Alors que se dessine un tournant gravissime des politiques internationale et nationale, Initiative Communiste publie cet entretien avec Georges Gastaud, responsable du Secteur Etudes et Prospective du PRCF, auteur de l’article récent intitulé « Sombres nuées et rouges lueurs ».
Initiative Communiste : Quelle signification de classe donner au trumpisme? S’agit-il d’un tournant « isolationniste » ou « pacifique » de la politique américaine comme le prétendent certains commentateurs ?
Georges Gastaud : Nullement. Sans parler de la politique génocidaire poursuivi par Trump à l’encontre de Gaza, ni de la tentative redoublée de Mario Rubio de stranguler Cuba, le slogan « M.A.G.A.! » propagé par Trump (« Rendez sa grandeur à l’Amérique! ») porte une orientation crûment impérialiste, hégémoniste et expansionniste comme l’ont caricaturalement confirmé, dès l’entrée de Trump
en fonction, ses revendications territoriales démesurées à l’encontre du Canada, du Groenland et du Panama. Ne parlons pas de la volonté cyniquement affichée par Donald (en réalité, par… Picsou !) de faire main basse sur les minerais dont regorgent le sol ukrainien, voire le sol russe (car les « terres rares » sont en partie dans le Donbass, dont la population russophone ne veut à aucun prix revenir sous la coupe d’une Ukraine bandériste qui a tué en masse les civils de Donetsk de 2014 à 2022).
Comme on le voit, le sanglant impérialisme américain n’a donc nullement changé de nature: pseudo-démocrates ou pseudo-républicains tour à tour au pouvoir à Washington demeurent l’expression belliqueuse des trusts américains (que les Américains appellent les « corporations »). Même si Trump s’appuie sur des milieux ouvriers et populaires désespérés qui espèrent le retour du « made in America », ce réactionnaire cynique reflète les intérêts d’une étroite caste de milliardaires dont Musk, et Trump lui-même, sont les expressions hideuses et fascisantes.
En politique intérieure, le trumpisme se traduit d’ailleurs par une offensive globale contre la science, notamment contre la Recherche fondamentale, contre l’esprit des Lumières et contre les bribes de sécurité sociale américaine (ce qui subsiste de l’ « obamacare »), une offensive qui n’en est qu’à ses débuts. Inutile d’épiloguer sur la politique grossièrement anti-écologique de l’obscurantiste Trump qui, en plein réchauffement climatique meurtrier, et dont les conséquences viennent de ravager Los Angeles, dénonce le très timide accord de Paris sur le climat et prend pour slogan « Drill, baby, drill! » que l’on pourrait traduire par l’expression: « fore, chéri, fore!… ta propre tombe! ». Plus que jamais se vérifie la prophétie scientifique proférée par Marx selon laquelle « le capitalisme ne crée la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur« .
Sur le plan économique, le protectionnisme trumpiste prouve, comme le PRCF l’a toujours dit, que l’euro-mondialisme néolibéral n’est pas l’essence du capitalisme-impérialisme-hégémonisme moderne, mais simplement l’une de ses expressions parfaitement révisables et jetables en fonction des intérêts fluctuants de l’oligarchie encore mondialement dominante, celle des USA. Quand cela n’arrange plus la partie dominante des trusts US, qui ont d’abord massivement délocalisé la grande industrie américaine en Chine ou au Mexique (en clochardisant des millions de prolétaires américains!), ils n’ont aucun scrupule « doctrinal » à passer du néolibéralisme mondialiste le plus échevelé à un protectionnisme unilatéral et non moins prédateur assorti de ces « lois extraterritoriales » que pratiquait déjà Biden contre Cuba ou contre le Venezuela (c’est beau le « libéralisme sous sanctions »). Dès lors, le mot d’ordre de « démondialisation », que certains progressistes bien intentionnés brandissent, ne se suffit pas à lui-même, même s’il a pu avoir son utilité tant que la mondialisation néolibérale servait de cadre général aux politiques capitalistes. En réalité, la « démondialisation » capitaliste n’est rien d’autre que la mondialisation capitaliste poursuivie par d’autres moyens.
Simplement, Trump n’est pas dénué de réalisme géopolitique, c’est un loup opportuniste, ce que les idéologues du capital appellent un « pragmatique ». Tenant compte de l’effondrement inéluctable de l’armée kiévienne pourtant portée à bout de bras par l’UE-OTAN, Trump modifie (provisoirement?) les tactiques de l’impérialisme yanqui qui, sous Biden, tentait d’affronter globalement (donc stupidement!) l’ensemble des « ennemis stratégiques » ciblés par l’hégémonisme étatsunien : Fédération de Russie, Chine populaire, Corée populaire, Cuba socialiste, République islamique d’Iran, peuple palestinien martyrisé et Syrie souveraine, et plus largement encore toute cette « majorité mondiale » émergente, qui domine désormais l’ONU et qui tente de se regrouper autour des B.R.I.C.S. –Trump voudrait donc provisoirement scinder, voire « saucissonner » le front contre-hégémonique mondial. Son but est à la fois de percuter le concurrent euro-germanique (droits de douane, dépenses militaires ruineuses destinées à plomber l’UE…) tout en dissociant la Chine de la Russie; ainsi pense-t-il concentrer ses coups sur l’adversaire principal de l’hégémonie planétaire yanqui: la Chine populaire, porteuse du projet grandiose des « nouvelles routes de la soie » et toujours dirigée par un parti se réclamant de Marx, de la lutte anticoloniale et du communisme. Bref, Trump tente d’appliquer la vieille ruse qui permit censément à Horace de triompher des frères Curiaces plus nombreux en les tuant l’un après l’autre au lieu de les affronter simultanément… Sauf que, ce faisant, Trump fait monter en puissance le projet d’un Empire européen belliciste… sur fond de réarmement allemand. Du même coup, Trump fait du sous-continent européen l’épicentre du bellicisme impérialiste/hégémoniste, ce dont Macron voudrait s’emparer pour devenir une sorte d’Imperator européen… En effet, le capitalisme-exterminisme-hégémonisme porte un caractère systémique: les « sombres nuées » qui le caractérisent continuent ainsi d’obscurcir l’horizon même quand, très provisoirement, et sur un front géopolitique donné, l’ « Hégémon » du système capitaliste en crise, l’impérialisme étatsunien, semble fugitivement un peu moins agressif.
En outre, la Chine n’est pas un « Curiace » tombé de la dernière pluie; elle est au contraire plutôt… « coriace »: Xi Jinping vient en effet d’annoncer à bon entendeur que la Chine était prête à mener « toute espèce de guerre: politique, commerciale, voire militaire contre n’importe quel adversaire ». Avis aux amateurs de croisades contre le « nouveau péril jaune » (et rouge…) ! Il est peu probable en outre que Vladimir Poutine, qui n’a rien d’un enfant de choeur, et qui constate que le plan américain pour la « paix » est, au mieux, inconsistant et frivole, au pire, défavorable à la Russie (que desservirait un simple gel du conflit permettant à Kiev de souffler pour reprendre l’offensive) lâche durablement la « proie pour l’ombre » : la proie, c’est l’alliance stratégique de Moscou avec Pékin, Pyongyang, l’Iran et les BRICS, l’ombre, ce serait un accord bâclé avec Trump/Zelensky sur un prétendu cessez-le-feu aéronaval laissant au régime néo-bandériste le temps de se réarmer pour réattaquer dans deux mois les russophones du Donbass et de Crimée sous le premier prétexte venu, cette fois avec des soldats français et anglais disposés à Kiev… On voit du reste à Gaza comment l’Amérique trumpiste fait « respecter » les cessez-le-feu qu’elle prétend inspirer entre, d’une part, les combattants palestiniens défendant leur terre et, d’autre part, le boucher génocidaire Netanyahou: en réalité, l’ « arbitre » nord-américain joue grossièrement dans le camp du tueur de masse Netanyahou! D’autant plus que, comme chacun le voit, les méga-prédateurs étatsunien, israélien et européen passent leur temps à contourner l’ONU, à ignorer le droit international et à ridiculiser ses résolutions quand elles les dérangent !
Cependant, si fragile qu’il soit, et non sans cesser d’en dénoncer les ruses et faux-semblants permanents, les ennemis de la guerre exterministe doivent résolument prendre appui sur la reprise d’un dialogue direct, fût-il partiel et très circonstantiel, entre Washington et la Russie. Dans cet esprit, le PRCF ne versera pas une larme sur l’apparent lâchage américain du régime de Kiev avec, à la clé peut-être, le congédiement brutal de l’actuel personnel politique failli et corrompu qui a conduit l’Ukraine au désastre. Il ne s’agit pas de pousser des hauts cris à ce sujet comme le fait la lamentable « gauche » établie française en plaignant ce pauvre Zelensky: ce jusqu’au-boutiste corrompu et vendu à l’OTAN a fait alliance avec les néo-hitlériens ukrainiens, il a liquidé le code du travail et interdit la gauche russe, Parti et jeunesse communistes en tête, ainsi que les syndicats de classe que les néo-bandéristes ont même fait griller tout vifs dans la Bourse du travail d’Odessa. Ce faux patriote qu’est Zelensky est d’ailleurs en train d’apprendre à ses dépens qu’il n’a jamais été qu’un employé très précaire du Pentagone qui lui applique la vieille devise capitaliste « Qui paie le musicien choisit la musique!« … et qui change de style musical congédie le musicien… En réalité, un patriote ukrainien véritable eût fédéré ce peuple pluriel (où cohabitent difficilement des ukrainophones, des russophones, des magyarophones et des roumanophones, les juifs et les Polonais ukrainiens d’avant 1941 ayant été génocidés par l’ « héroïque » salopard Bandera encensé par Kiev…) au lieu de laisser tuer en masse les mineurs russophones du Donbass par des milices nazies revendiquées. Un patriote soucieux de développer l’Ukraine eût accordé l’autonomie au Donbass (accords de Minsk dénoncés par l’Ukraine!), respecté à égalité les langues russe et ukrainienne (voire les langues roumaine et magyare), et fait de l’Ukraine un pont entre l’Est et l’Ouest en refusant de faire de son territoire, ravagé et ruiné pour 100 ans dans une guerre ingagnable, une terre prospère, militairement neutre, alors que toute l’Ukraine occidentale est devenue de fait une néocolonie anglo-américaine. Un pont entre l’Est et l’Ouest, c’est ce qu’ont été durant 80 ans, pour leur plus grande prospérité, l’Autriche ou la Finlande alors neutres militairement et situées entre l’URSS et l’Occident: un jour, c’est certain, le nom du bouffon sanglant Zelensky héroïsé par nos « journalistes » en treillis sera aussi exécré par les Ukrainiens que l’est aujourd’hui, après une brève et très trompeuse popularité (de 1985 à 1989…), le nom de Gorbatchev dans l’actuelle Russie que ce veule personnage a jadis trahie comme il a rénié son Parti, la classe populaire dont il est issu… et le communisme international.
Tout ce qui vient d’être dit à l’encontre de Trump et de sa clique n’interdit nullement aux vrais patriotes français, qu’ils se réclament de Croizat, de Jaurès, de Jean Moulin ou de de Gaulle, de faire montre à leur tour de réalisme; oui il faut prendre acte positivement du fait que, quelles que soient les motivations de Trump, ses discussions directes avec Poutine et Lavrov constituent un point d’appui, du reste fugace, pour ceux qui veulent que le bain de sang en Ukraine n’embrase pas prochainement l’Europe et la France, voire la planète entière. Quelles qu’aient été les formes de ce spectacle typique des moeurs impérialistes (la fameuse « altercation du bureau ovale »), il est sain que, dans un moment de colère… et de fugitive sincérité, le chef de l’impérialisme étatsunien ait lancé à Zelensky, et à travers lui, à ses mentors européens et autres « Démocrates » à la Kamala Harris, qu’il « jouait avec la troisième guerre mondiale ». Trump a ainsi démoli à son corps défendant le « narratif » des médias occidentaux euro-bellicistes. Tout pas en avant vers la cessation raisonnée des hostilités et de l’escalade Ouest-Est au moyen de VRAIES négociations impliquant de discuter avec les deux belligérants est bon à prendre dans l’explosif contexte actuel, et c’est ce rôle de médiation entre les frères ennemis qu’eût depuis longtemps joué, pour l’honneur de notre pays, une diplomatie française non-alignée et vraiment indépendante. Il faut en effet stopper le compte à rebours angoissant vers la troisième guerre mondiale lancé (par le « gentil » Obama, puis par « Trump I », puis par Biden-Blinken) dès le coup d’Etat du Maidan et les accords de Minsk bafoués par Merkel et Hollande, et non jeter de l’huile sur le feu comme le fait le pyromane de l’Elysée qui se voit déjà en Imperator européen.. Car, pour notre honte et notre plus grand danger, le chef de file mondial du bellicisme le plus échevelé siège désormais à Paris !
Il est du reste sidérant que, dès l’annonce des conversations prévues entre Trump et Poutine, le choeur des va-t-en-guerre d’Europe et d’Amérique ait manifesté sa panique, non pas devant le danger de guerre mondiale nucléaire, mais devant la perspective d’un cessez-le-feu émanant de discussions directes entre la Russie et le vrai commanditaire du régime vassal ukrainien, les USA. Derrière la fugace, et d’autant plus précieuse accalmie actuelle entre Washington et Moscou, notre présent restera terriblement éruptif tant que des prédateurs capitalistes resteront aux commandes du développement humain. J’invite donc les marxistes et les progressistes de notre pays à prendre la mesure de cette idée, que je défends depuis les sombres années Reagan et la crise trop méconnue des euromissiles (1984), que l’exterminisme, et avec lui son cortège de fascisation, d’obscurantisme, de fascisation, d’alliance impérialiste avec les pires salauds de la planète, des nazis baltes aux islamistes syriens en passant par le tueur Netanyahou, s’affirme comme la dimension suprême du capitalisme-impérialisme contemporain. De ce fanatisme en costume trois-pièces témoignent à chaque heure les « journalistes » du « service public » de l’information, voire ceux de la pateline « presse régionale » détenue en réalité par le grand capital. Par le canal de ces incendiaires du micro, un bellicisme déchaîné, sans égal depuis 1914, se déchaîne hargneusement à toute heure, entre deux bavardages pseudo écolos et pseudo féministes, avec l’aide des bourreurs de crâne de France-Inter, France-Info, voire France-Culture…
Plus que jamais donc, comme l’a dit cent fois Fidel Castro, la seule alternative pour l’humanité, du moins tant qu’elle demeurera sous le joug du grand capital, est celle, jadis dénoncée par Marx, d’une « fin pleine d’effroi ou d’un effroi sans fin« . La classe ouvrière, dont les luttes se sont multipliées ces dernières années, y compris aux USA, doit donc porter le contre-projet proprement vital d’un socialisme-communisme de nouvelle génération. S‘inscrivant fièrement dans la continuité de la Commune et d’Octobre 17, ce socialisme-communisme devra affirmer une orientation conséquemment anti-exterministe en clamant clairement ceci: l’existence, le bonheur et le développement de l’humanité, la souveraineté inaliénable des peuples, leur coopération organisée et la continuité du vivant sur Terre doivent passer en tous domaines, militaire, diplomatique, socioéconomique, socioculturel, avant la course insensée des oligarchies capitalistes vers le profit maximal et vers l’hégémonie planétaire !
Cela implique pour les organisations communistes grandes ou petites de militer pour une Nouvelle Internationale Communiste (I.C.O.!) permettant aux avant-gardes du prolétariat national et mondial de prendre une place centrale dans les luttes sociales et démocratiques : luttes contre le capitalisme, bien entendu, mais aussi contre l’impérialisme et l’hégémonisme, contre la fascisation, contre la destruction de l’environnement, contre le dévoiement militariste des sciences et des technologies modernes. Bref, plus que jamais, comme disait Fidel Castro « la (les) patrie(s) ou la mort, le socialisme ou mourir, nous vaincrons! », tel est l’axe des luttes de notre époque où de « rouges lueurs » pointeront de plus en plus sous les « noires nuées » de la possible guerre mondiale exterminatrice du capital, Macro, UE et OTAN en tête.
Initiative Communiste : Quelle signification donner au discours belliqueux de Macron prononcé le 4 mars?
Georges Gastaud : Disons-le en pesant nos mots: pour toutes sortes de raisons, dont certaines découlent de l’ambition qui dévore Macron de devenir le « chef de guerre », le « mâle alpha » et le premier président de l’Etat impérial européen en gestation, la France macronienne (ou plutôt l’Anti-France macronienne, tant il est vrai que le Macronat dévaste notre pays sur tous les plans, économique, social, culturel, linguistique etc.) s’érige en danger principal pour la paix du monde et de l’Europe, et surtout et avant tout, pour la population et la jeunesse de notre pays. Hystérisé par la relative retenue tactique de Trump sur l’Ukraine, Macron a quasiment déclaré en notre nom la guerre à la Russie qu’il a définie, sans l’ombre d’une preuve, danger « existentiel » pour la France; pourtant, et sans sous-estimer sa vaillance, car elle a en réalité contre elle l’OTAN, les USA et l’UE, l’armée russe gagne en moyenne 300 mètres par jour en Ukraine et à ce rythme, elle attendrait Strasbourg au XXIIIème siècle ! En réalité, derrière le boutefeu Macron rongé d’ambition, il y a le complexe militaro-industriel français et toute la caste oligarchique européenne qui pousse à « l’Europe-Puissance »; avec à la clé la dévastation des acquis sociaux français et l’explosion des profits des vendeurs de missiles ! Bref, contrairement à ceux qui, comme les rédacteurs de l’Humanité (Une du 5 mars), titrent « la guerre, pas l’austérité »!), il est illusoire et superdangereux d’ « accompagner » à petits pas la croisade antirusse annoncée sous le mot d’ordre fallacieux : « l’économie de guerre, à la rigueur, mais s’il vous plait, sans toucher aux acquis sociaux! ». Car, soyons sérieux, il importera peu aux survivants d’une attaque nucléaire, s’il y en a, qu’ils puissent se faire rembourser le Doliprane par la Sécu, si Sécu il y a encore le jour d' »après », pour soulager leur mal de tête…
Bref, dans le discours de fou furieux qu’il a prononcé le 6 avril en habit noir et cravate de croque-mort, Macron, aussitôt relayé par des centaines d’éditorialistes « embarqués », a claironné trois orientations non moins suicidaires pour le peuple de France et la population européenne:
La première de ces orientations consiste à envoyer des troupes françaises en Ukraine, certes, pas sur le front… du moins, pas tout de suite. Mais qui ne voit que les troupes ukrainiennes dirigées par les ultranationalistes de Lvov ne seraient pas longues à rompre le cessez-le-feu en usant de n’importe quelle provocation pour qu’éclatent au plus vite des incidents entre la Russie et l’armée française? On imagine les conséquences démesurées que cela aurait aussitôt pour les soldats français d’abord, puis pour toute la population française, si les Russes finissent par utiliser contre nous les missiles Orechniks, qui sont hypersoniques et inarrêtables? Envoyer des troupes françaises en Ukraine, c’est donc littéralement jouer aux allumettes à proximité de barils de poudre !
Autre proposition aussi insensée qu’antinationale, Macron propose en fait de partager avec tous les Etats européens la force de frappe française en en faisant le « parapluie nucléaire » de toute l’UE. Bien entendu, pour rassurer la droite dite souverainiste, Macron ajoute que seul le président français resterait maître de la décision d’emploi si survenait un incident, par ex. entre les régimes baltes russophobes et notoirement provocateurs, et l’armée russe. Bref, s’il y a des escarmouches de frontière entre Moscou et Riga, Macron serait habilité à déclencher seul le feu nucléaire sur la Russie, laquelle ne manquerait évidemment pas en retour de raser le territoire français! Qui, sinon un insensé dévoré d’ambitions fédérale européennes, peut-il proposer une telle folie suicidaire ? Immédiatement après les annonces de Macron, le président polonais a d’ailleurs déclaré qu’il exigeait d’être formellement associé à la décision d’emploi de l’arme française tant il est clair que le projet macroniste signifierait un invraisemblable droit de vie ou de mort de la France sur la Pologne et sur toute la population européenne, un droit autoproclamé au nom duquel l’agité de l’Elysée serait habilité à déclencher la guerre mondiale au risque de « suicider » la France et l’Europe ? Ce n’est plus seulement l’incendiaire « Macro-Néron » auquel nous avons affaire, c’est carrément le retour du Docteur Folamour! Donc la proposition de Macron est, soit suicidaire, soit mensongère car ce chef de l’ETat quelque peu illuminé sait parfaitement ceci: si le prétendu « parapluie nucléaire français » était étendu à tout le territoire européen, la force de frappe initialement projetée par Mendès-France puis bâtie par de Gaulle et le général Ailleret serait de fait mise à la disposition des 27 Etats de l’UE, en réalité, vu les rapports de forces réels entre Etats européens, elle serait à la disposition de l’Allemagne… qui réclame déjà pour elle (sous couvert d’UE!) le siège français permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Ainsi Berlin devient-il pas en pas, et en laissant Macron jouer les Grands Leaders d’apparence, le grand meneur continental du nouveau Drang nach Osten* en cours vers les frontières russes (à quand un nouveau Plan Barbarossa pour ce que Fadi Kassem appelle le Quatrième Reich en marche?). C’est-à-dire vers la grande revanche mondiale SUICIDAIRE, NEGATIONNISTE et EXTERMINISTE sur l’insupportable victoire remportée par l’Armée rouge jadis, sur le précédent Reich, à Stalingrad et… à Koursk!
En réalité, une « Europe de la défense » serait avant tout un leurre dangereux. D’une part, toute une partie de l’Europe des 27, plus le régime ukrainien lui-même, est bien incapable de se détacher de l’OTAN et des USA qui seront en fait les premiers bénéficiaires, en termes de commandes militaires, des coups de clairon de Macron, d’Ursula von der Leyen et des autres faucons européens. Drôle d’Europe « indépendante » qui finance massivement l’industrie d’armement américaine en échange… du désengagement européen des USA: quel monde de fous! Déjà Christine Lagarde, la grande « patriote » française qui dirigeait jadis Bercy en anglais et qui préside désormais le FMI, vient d’appeler les Etats européens à acheter massivement… des armes américaines « pour éviter une guerre commerciale ». Manifestement donc, les appels de Macron à la « patrie » française et au « made in France » n’arrivent pas jusqu’aux oreilles de cette Dame d’uranium ! Donc une Europe militaire indépendante et coupée de l’OTAN n’a aucune chance d’exister. En réalité, ce qui peut parfaitement disparaître, en violation totale du Non français à la constitution européenne, c’est ce qui reste de l’indépendance française, et pour commencer, de la défense « nationale » française et de la relative retenue allemande en matière de réarmement. Dans la parfaite indifférence de la « gauche » établie française et de l’état-major des syndicats (qui combattent, croient-ils, le « nationalisme français » en soutenant… le supranationalisme européen!) se profile ainsi un Empire européen belliciste et en marche constante vers l’Est, cet empire s’édifiant sur le ciment idéologique de la russophobie et de la sinophobie, voire de l’Africano-phobie, sur la dissolution des nations européennes encore un peu libres, sur le baîllonnement fascisant, voire préfasciste, de toute forme de contestation de la Sainte-Alliance euro-atlantiste (opposants à la guerre, indépendantistes français véritables, militants anti-impérialistes, partisans de l’émancipation palestinienne, syndicalistes ne baissant pas pavillon devant l’union sacrée, etc.). Pour mesurer le caractère fascisant, voire préfasciste de l’UE-OTAN en marche vers l’Est, il n’est du reste que de voir la manière dont la « justice » roumaine vient, sur pression de Bruxelles et de l’OTAN, d’interdire à un candidat à l’élection présidentielle roumaine de s’y présenter, son principal « tort » étant de réclamer que la Roumanie, « ni russe ni ukrainienne », reste neutre dans le conflit russo-otanien: vive « la démocratie »!
Pour doubler, tripler, quadrupler le budget de l’armement, donc les énormes profits en vue des grands actionnaires de Thalès, Macron a du reste prévenu qu’il faudra mettre en oeuvre des « réformes courageuses »: les benêts du « syndicalisme rassemblé » qui participent au « conclave social » amorcé par Bayrou sur l’ « amélioration de la (contre-)réforme des retraites »: Messieurs-dames du « syndicalisme rassemblé » et euro-formaté, vous n’avez donc pas fini d’avaler vos chapeaux et vous serez bientôt forcés, au nom de la « patrie » euro-atlantique marchant au pas de l’oie, d’avaler bientôt les coupes énormes dans les services publics, la récession des salaires réels, la destruction de la Sécu, la retraite à 70 ans comme c’est déjà le cas dans certains pays européens, la fin du code du travail, comme en Ukraine…
En réalité, on ne peut plus désormais chanter sincèrement la mélopée de la « réorientation progressiste, pacifique, écologiste, féministe, que sais-je, de la construction européenne » alors que celle-ci se mue de jour en jour en un monstrueux Empire belliciste, fascisant (cf l’interdiction faite en Roumanie au FAVORI de l’élection de se présenter à la présidentielle, et cela sur pression directe des eurocrates qui, social-démocratie en tête, ont déjà piétiné le Non catégorique des Français et des Néerlandais à la constitution européenne ! Vous n’en vouliez pas, Français? Eh bien vous en boufferez quand même car en votre nom, travailleurs, vos directions sociopolitiques ont froidement décidé de ne pas AGIR contre l’euro-surarmement, contre l’ « armée européenne » et contre l’Europe fédérale refusée par les Français !
Initiative Communiste : Comment apprécier le positionnement de la gauche établie et des états-majors syndicaux sur la guerre et sur le gouvernement Macron-Bayrou-Retailleau ?
Georges Gastaud : Disons-le tout net aux chefs de file de la gauche établie qui ont applaudi, à quelques nuances rhétoriques près, le ténébreux discours guerrier de Macron (par ex. le sénateur « communiste » Ouzoulias jugeant le discours de Macron « à la hauteur des enjeux »!), clamons-le aussi à l’adresse des syndicalistes euro-apprivoisés qui cautionnent le « conclave » bayrouiste sur les retraites et qui aident ce gouvernement malfaisant à se relégitimer, c’est maintenant que tout militant progressiste, que tout militant de la classe laborieuse doit opter, soit pour une nouvelle union sacrée suicidaire et déshonorante, soit pour un nouveau Chemin de l’honneur analogue à celui que parcoururent ces vrais héros de la classe ouvrière que furent Marcel Paul, Ambroise Croizat, Etienne Fajon et autre Waldeck Rochet, sans parler de Jaurès en 1914 (ou de Liebknecht et de Rosa Luxemburg en Allemagne). A la « respectabilité » bourgeoise des assassins de la paix, nos éminents camarades préfèrèrent en effet l’accomplissement de leur devoir de classe assorti de patriotisme humaniste et républicain. Ils osèrent donc marcher à contre-courant du troupeau de moutons se précipitant vers la tuerie de masse sous les fifres des bellicistes. La réalité pourtant, c’est qu’il n’y aura pas de troisième voie entre ces deux options. Il faut donc comprendre maintenant que l’Europe fédérale du capital et l’OTAN ne sont pas « réorientables » à merci, il s’agit d’institutions intrinsèquement bellicistes, antisociales, antinationales et fascisantes qui sont devenues l’aile marchante de l’hégémonisme capitaliste en marche vers la guerre mondiale. Or, on ne pactise pas avec des fauteurs de guerre mondiale, on n’essaie pas d’ajuster à la marge un carcan euro-atlantique construit de A à Z pour museler les peuples, on ne dit pas, en résumé: « la guerre mondiale, du moment qu’on ne touche pas au remboursement du Doliprane »! On combat à la fois, parce que c’est la même sale politique de classe, la régression sociale et le détorunement vers le capital militarisé des centaines de milliards d’euros indispensables à la santé, à l’école, au pouvoir d’achat populaire pour lesquelles personne n’a encore bizarrement demandé que ces dépenses de vie soient enfin sorties des « critères de Maastricht »!
On peut certes avoir gré à la France insoumise d’avoir censuré les divers gouvernements Barnier et Bayrou, d’exiger la destitution de Macron, de rejeter l’européanisation de la force de frappe française, de recommencer (timidement) à exiger que la France sorte de l’OTAN et de refuser l’envoi de troupes françaises en Ukraine. Combien plus parlante pour les travailleurs et pour les amis de la paix serait cependant le message de ce mouvement politique si, devenant enfin une « France Franchement Insoumise » (FFI!), LFI ne continuait pas à s’inscrire, l’eurodéputée LFI Manon Aubry en tête, dans le narratif otanien d’une Russie agressant gratuitement l’Ukraine (alors que c’est le martyre infligé au Donbass russophone par le régime pronazi de Kiev et la tentative euro-atlantique d’avancer les missiles de l’OTAN jusqu’aux frontières russes qui a provoqué la tardive intervention russe: le Donbass était en effet martyrisé depuis 2014). LFI continue par ex. de demander des armes pour le régime de Kiev (tant pis si Zelensky a dès 2022 interdit tous les partis de gauche et supprimé le code du Travail?), à fermer les yeux sur la marche pseudo-internationaliste à l’Europe fédérale, à accepter en principe la course macroniste au surarmement. Et, comble de la naïveté, c’est LFI qui a proposé ce Nouveau Front Populaire euro- et OTAN-compatible dont le seul héritage tangible aura été de recycler le PS arrimé au va-t-en-guerre Raphaël Glucksmann en cautionnant le retour de ces pros de la social-trahison que sont les dirigeants « socialistes » de Holande à Vals en passant par Valaud ! En réalité, tant que LFI n’aura pas rompu irréversiblement avec toutes les composantes du Parti Maastrichtien Unique dont les Verts, Glucksmann et le PS sont des composantes motrices, et quoi qu’il en soit par ailleurs de la position courageuse de LFI sur la souveraineté de la Palestine ou sur le non-envoi de troupes françaises en Ukraine, LFI ne convaincra pas la masse des travailleurs français. Au contraire, ces hésitations constantes à condamner frontalement l’UE-OTAN et à exproprier le grand capital risque d’ouvrir grand la route de l’Elysée à Le Pen/Bardella tout en masquant les antagonismes de classes derrière le prétendu choc entre super-bellicistes macronistes et super-xénophobes lepénistes. Pour créer la dynamique populaire à gauche, il faut au contraire rejeter sur le principe même le dispositif euro-atlantiste et oser mettre en débat, comme le faisait encore Mélenchon en 2017, la sacro-sainte « construction européenne » (quand JLM disait encore « l’UE, on la change ou on la quitte »). C’est pourquoi le PRCF soutient présentement, avec les citoyens du PARDEM, de FIERS, de la Dynamique constituante, une initiative unitaire visant à imposer un référendum sur l’appartenance de la France au carcan européen, le but étant de permettre à la France des travailleurs de renouer avec le progrès social, la démocratie, la recherche de la paix mondiale et la restauration de l’indépendance nationale.
Ce propos s’adresse aussi aux syndicalistes de classe qui, en 2022 et 2023, avaient pris l’initiative d’un rassemblement des syndicalistes rouges à Gardanne sans crainte de heurter la direction CFDT-compatible de la confédération CGT: comptons d’abord sur nous-mêmes, camarades, retrouvons-nous « en bas » en tissant des liens interprofs et nationaux, soutenons publiquement la FSM anticapitaliste, antifasciste et anti-impérialiste. Soyons confiants en nos forces, celles du prolétariat dans lequel se trouvent les principales réserves du combat pour la paix. Ainsi, tout récemment, en Corée du Sud, la classe laborieuse et la jeunesse ont brisé les reins d’une présidence fasciste et belliciste. En Grèce, le peuple s’est massivement mobilisé et la grève s’est généralisée dans ce pays martyrisé par l’UE où, à l’initiative d’un vrai parti de classe, le KKE, les dockers refusent de charger le matériel militaire destiné au régime pronazi de Kiev ou aux génocideurs de Gaza. Bien que dirigée par des confédérations euro-formatées, la classe ouvrière italienne a elle aussi mis le pays à l’arrêt. Oui l’avenir appartient à la classe laborieuse pour peu qu’elle mette en oeuvre le mot d’ordre de la Première Internationale « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes! » ainsi que la percutante conclusion de Dimitrov au VIIème congrès de l’Internationale communiste: « les contre-révolutions sont des parenthèses de l’histoire, l’avenir est aux révolutionnaires« .
Initiative Communiste : Quelles initiatives communistes et citoyennes convient-ils d’engager ?
Georges Gastaud : Outre la campagne pour un référendum portant sur l’UE dont nous venons de parler, le PRCF est engagé dans la préparation d’un commémoration plurielle du 29 mai 2005 qui vit 55% des Français, dont 80% des ouvriers, voter Non à la constitution européenne, c’est-à-dire à une Europe supranationale et néolibérale.
En outre, étant donné les dangers actuels encourus par la paix mondiale, le PRCF propose que les forces progressistes 100% opposées à l’euro-bellicisme de Macron se retrouvent le 8 mai 2025, date du 80ème anniversaire de la défaite du précédent Reich européen (principalement grâce à l’Armée rouge), pour un rassemblement pluriel sur le lieu parisien où fut tué Jaurès, apôtre des Lumières et de la paix mondiale.
Dans cet esprit, méditons quelques citations du fondateur de L’Humanité, alors journal du prolétariat et de la paix, Jean Jaurès :
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».
« Le trust tourné vers l’extermination, le voici le dernier mot du capitalisme « moderne » »!
« L’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale ».
« Le courage, ce n’est pas d’adhérer au mensonge qui passe, LE COURAGE, C’EST DE CHERCHER LA VERITE ET DE LA DIRE ».