Doit on avoir peur de l‘histoire de France ? Georges Gastaud philosophe et secrétaire national du PRCF propose une construction progressiste du récit national
Par Georges Gastaud [1]
Alors que la direction « eurocommuniste » du PCF-PGE a renié le drapeau rouge frappé des « outils » et qu’elle tient soigneusement le drapeau tricolore à l’écart des manifs populaires –, alors que le NPA n’a jamais remis en question le mythe trotskiste et supranationaliste des « Etats-Unis d’Europe » (que Lénine dénonçait déjà en 1916 comme une duperie social-impérialiste), la proposition de J.-L. Mélenchon d’affronter publiquement Sarkozy sur la question de l’histoire de France, a donné prétexte à MM. Laurent, Chassaigne et Dartigolles (PCF-PGE), ainsi qu’à M. Olivier Besancenot (NPA), tous unis dans un même élan mélencho-phobique, pour dénoncer un candidat « indépendantiste » trop attaché selon eux à la nation et au « récit national » français[2]. Mais de vrais progressistes, et a fortiori, des communistes, doivent-ils avoir peur de l’histoire de France ? Ne convient-il pas au contraire d’associer dialectiquement l’approche progressiste de l’histoire de la nation aux débats urgents sur les perspectives d’avenir du mouvement populaire ?
1. De l’arrière-plan politicien des polémiques euro-« communistes » sur la question nationale.
Le tir de barrage déclenché par les milieux eurocommunistes sur la question de l’histoire nationale est principalement nourri par ceux qui, à la direction du PCF-PGE, travaillent aux « retrouvailles des deux gauches », notamment à l’occasion des présidentielles. C’est ce que vient de rappeler André Chassaigne, le chef de file des députés PCF : du même mouvement, le député du Puy-de-Dôme a annoncé sa possible candidature au présidentielles et a vertement attaqué Mélenchon, érigé en principal diviseur de « la » gauche. Mais pour conforter la stratégie électorale « unitaire » du PCF-PGE, qui vise clairement à rabouter la gauche populaire (laquelle combat les directives européennes), à la « gauche » atlantico-maastrichtienne de Valls (laquelle exécute, voire aggrave les euro-diktats !), le PCF-PGE doit évidemment continuer de célébrer l’introuvable « Europe sociale, pacifique et démocratique » (un mot d’ordre qu’elle partage avec le PS), de vendre au bon peuple la dérisoire « réorientation progressiste de l’euro », et de promouvoir la non moins improbable « refondation démocratique de l’Europe » dans le cadre de l’UE : un exercice acrobatique au moment où l’UE assume agressivement son ancrage impérialiste en affichant, contre la Russie, son « partenariat stratégique avec l’OTAN ». Porteuse d’un tel paquet « euro-constructif »[3], la direction du PCF-PGE ne peut évidemment que refuser tout ce qui l’amènerait à lutter si peu que ce soit pour la reconquête plénière de notre souveraineté nationale (politique, monétaire, budgétaire, sociale, économique, militaire, diplomatique… et, plus largement, culturelle au sens gramscien du mot !). Impossible donc pour cette direction euro-compromise et socialo-dépendante de relever le gant pour combattre frontalement la relecture xénophobe que les Wauquier, Guaino et autres Sarkozy voudraient imposer de l’histoire de France avec plusieurs « buts de guerre » ultraréactionnaires : diviser les travailleurs, concurrencer le FN sur sa droite, et surtout, susciter une diversion pseudo-patriotique et pseudo-historique, voire pseudo-mémorielle, à la dissolution rapide de la République française dans l’Empire euro-atlantique du capital…
Pourtant, le caractère foncièrement inamendable de la « construction » euro-atlantique, au principe de laquelle adhèrent, PCF-PGE en tête, les dirigeants boboïsés d’une certaine gauche dite alternative, relève de l’évidence la plus textuelle : si l’on en doute, que l’on veuille bien nous expliquer comment une UE que ses traités constitutifs définissent comme une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée », pourrait tolérer la moindre évolution de l’ainsi-dite « Europe », ou simplement, de l’un de ses Etats-membres, vers le socialisme, voire vers une forme timide de néo-keynésianisme ou de nationalisation démocratique… Sauf pour MM. Laurent, Chassaigne et Dartigolles, il est clair que le dispositif supranational de l’UE est verrouillé de manière totalitaire[4] pour prohiber la marche au progrès social ; c’est d’ailleurs ce que reconnaissait naguère l’ultralibéral Alain Madelin quand il présentait cyniquement Maastricht comme une « assurance tous risques contre le socialisme ».
Dès lors, épouvanté(s) par la formule (en progrès mais pas encore dénuée d’équivoque…) de Jean-Luc Mélenchon selon laquelle « l’UE, on la change ou on la quitte ! », le PCF-PGE (et, plus anecdotiquement, le NPA) redoutent surtout que progresse si peu que ce soit dans les masses, à la faveur d’une candidature « indépendantiste de gauche » talonnant ou devançant le candidat PS, l’idée virtuellement révolutionnaire d’une sortie de l’UE-OTAN par la porte à gauche : car les vertueux « internationalistes » bleu-étoilés qui dirigent le PCF-PGE veulent à tout prix préserver les prébendes institutionnelles du Parti de la Gauche Européenne (PGE) que préside P. Laurent[5] ; les dirigeants euro« communistes » veulent en outre ménager leurs bonnes relations avec les gens bien de la petite gauche « alter-européiste », quand bien même celle-ci dispose actuellement d’une audience très voisine de zéro dans la classe ouvrière. Enfin, il leur faut collaborer (sous des prétextes ostensiblement « antinationalistes ») au démontage euro-libéral de l’Etat-nation français et des conquêtes qui lui sont historiquement attachées à la suite de plusieurs siècles de luttes humanistes, laïques, démocratiques et prolétariennes conclues notamment par les grandes avancées sociales que portèrent notamment le Front populaire, puis les ministres communistes de la Libération. Et comme un refus ostentatoire d’indépendance (nationale) à l’égard de l’UE peut cacher un refus (inavouable…) d’indépendance (politique !) à l’égard du PS maastrichtien, on ne peut comprendre ces polémiques d’apparence théoriques sur l’histoire de France sans les rattacher à la volonté acharnée de certains appareils prébendiers en perdition d’atomiser, non pas « la gauche », mais la gauche de gauche au premier tour des présidentielles, de refuser la salutaire rupture entre les « deux gauches » (la première, tendanciellement populaire, républicaine et patriotique, et en cela virtuellement capable d’unir les classes populaires aux couches moyennes contre le grand capital ; la seconde, qui inclut l’appareil d’Europe-Ecologie, incorrigiblement euro-fédéraliste, atlantique, voire va-t-en-guerre[6] !), de travailler à « unir toute la gauche »[7].
Dès lors, qui ne voit qu’au-delà des polémiques pseudo-théoriques sur l’histoire de France et sur la « question nationale », le but que poursuivent certains apparatchiks euro- et socialo-dépendants est de plomber toute forme de dynamique franchement patriotico- progressiste se déployant sur la gauche du PS ? Ainsi permettraient-ils à Hollande d’accéder in extremis au second tour et de gagner à l’arrache contre le FN avec le soutien d’un « front républicain » jetant ses derniers feux[8]. Dans un tel schéma, les leurres politiques conjoints d’une « identité communiste » dé-marxisée (autour d’une candidature Chassaigne), d’un « rassemblement de la gauche »… derrière le PS, d’une « refondation européenne » en barbe-à-papa et d’un « barrage antifasciste » hollando-juppéiste au second tour, permettraient in fine à ceux qui, dès longtemps, ont préféré au combat de classe la lutte des places et ses « donnant-donnant », de quémander auprès du PS, pour juste prix de leurs efforts « unitaires », de salvatrices « candidatures uniques de la gauche ». Lesquelles sont censées préserver de l’élimination définitive (du moins certains le croient-ils !) les ultimes députés du PCF : comme disait Bachelard, l’expérience ne peut rien contre le rêve…
Bref, derrière le baratin pseudo-internationaliste et « antinationaliste » des dirigeants du PCF-PGE, les communistes et les progressistes doivent apprendre à décrypter les manigances d’appareils cherchant à sauver leur part de marché politico-idéologique sans le moindre souci de la classe ouvrière, de la nation et de l’urgente reconstruction d’un vrai parti communiste !
2. A propos des reproches contradictoires adressés à J.-L. Mélenchon par les dirigeants du PCF-PGE
Concernant l’acte d’accusation dressé contre J.-L. Mélenchon par les étoiles de l’euro-trotskisme et de l’euro-« communisme » rose vif, notons d’abord leur formulation syntaxiquement douteuse (M. Dartigolles « préfère un débat entre historiens qu’un débat instrumentalisé », M. Besancenot cultive un faux « parler-peuple », comme si les ouvriers auxquels il s’adresse méprisaient la langue française autant que lui ! – Cf document reproduit ci-dessous). Remarquons en outre que ces accusations sont pétries de mauvaise foi. Débattre avec Sarkozy a-t-il jamais signifié le cautionner ? Aborder une question signifie-t-il écarter les autres ? Et l’ex-député communiste André Lajoinie n’a-t-il pas débattu jadis avec Le Pen dans le but de le démasquer ? Du reste, l’éloquent André Chassaigne se déroberait-il au devoir d’affronter Sarkozy si ce dernier lui faisait l’improbable « fleur » politique de lui accorder un face-à-face télévisé ?
Quant au reproche dartigollien adressé à J.-L. M. de mettre au centre du débat politique le faux problème de l’identité nationale (sous-entendu, aux dépens du débat social), il contredit tout l’héritage du PCF patriote et internationaliste de Pierre Sémard, de Jacques Duclos, de Danielle Casanova et de Missak Manouchian, lesquels n’eurent de cesse d’associer la défense de l’indépendance nationale à celle du prolétariat mondial. Que l’on consulte l’article lumineux Race, peuple et nation de Georges Politzer, qui sera par la suite fusillé par les nazis ; que l’on relise les écrits tout à la fois scientifiques et vibrants de patriotisme qu’écrivit l’historien-résistant Marc Bloch, et l’on verra si Politzer – qui était issu de l’immigration – , ou si M. Bloch, qui était d’origine juive et que persécutèrent les pseudo-patriotes de Vichy, refusaient d’évoquer haut et fort la question de l’histoire nationale, de la lier sans simplification ni caricature à l’histoire socio-économique de notre pays, de rappeler que « la nation, c’est le peuple » (Politzer) ou de citer le mot de Jaurès « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène ». Qu’on se souvienne aussi que Maurice Thorez fut ovationné par le VIIème congrès de l’Internationale communiste (1935) pour avoir, avec ses camarades Cachin, Duclos et Frachon, disputé aux faux patriotes fascistes le drapeau tricolore, en assumant dans sa totalité contradictoire l’histoire de la nation. C’est sans le moindre complexe que le jeune secrétaire du PC-SFIC, arborait alors le drapeau bleu-blanc-rouge de Valmy et en associant la Marseillaise à l’Internationale, comme le firent si souvent par la suite les résistants communistes que les nazis conduisaient au poteaux d’exécution de Châteaubriant, du Mont Valérien ou de la Citadelle d’Arras…
En réalité, de même que les Communards de 1871 défendirent Paris assiégé contre Bismarck et contre ce Kollabo avant la lettre qu’était le bien prénommé Adolphe Thiers, de même les Francs-Tireurs et Partisans de France et leurs frères immigrés des FTP-MOI furent-ils le fer de lance de la Résistance patriotique armée contre l’Occupant ; comme l’a écrit l’écrivain gaulliste Mauriac, « seule la classe ouvrière est alors restée fidèle, dans sa masse, à la France profanée » ; ce furent bien pour l’essentiel les ouvriers communistes qui « montaient de la mine » et les paysans rouges qui « descendaient des collines » qui, à l’avant-garde des Forces Françaises de l’Intérieur, menèrent l’insurrection parisienne de 1944 en bousculant certains faiseurs de « trêve » qu’effrayait plus que tout l’appel du PCF clandestin aux « armes citoyennes »… Relisons, ou plutôt, redécouvrons – comme devraient le faire ces Jeunes Communistes auxquels la direction du PCF-PGE cèle leur grandiose héritage patriotique – le rapport historique prononcé par Georges Dimitrov devant le Congrès de l’Internationale communiste en 1935 : en écho au Front populaire, antifasciste et patriotique qui se dessinait alors en France sur la proposition politique du PCF, cette figure de proue de l’antinazisme[9] qu’était Dimitrov adjura les partis communistes de chaque pays européen de disputer aux fascistes les figures héroïques qui, aux yeux de chaque peuple, ont historiquement incarné le devenir-nation de leurs pays respectifs[10].
Bref, attelons-nous de nouveau au grand chantier politico-culturel qu’a délaissé l’euro-« gauche » établie : reconstituons du point de vue de la classe ouvrière et des forces progressistes en lutte, sans rien gommer ni idéaliser, sans forcer les continuités et sans durcir les inéluctables ruptures, un récit national non falsifié par les classes dominantes. A partir d’une étude scientifique du devenir des modes de production et des hégémonies culturelles, redécouvrons l’ensemble des figures et des évènements nationaux qui ont pu porter et scander les luttes de libération dans notre pays, qu’il s’agisse de l’émancipation nationale stricto sensu (car comme le disait Jaurès, « l’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale »), de l’émancipation politique – ce fut l’œuvre, encore inachevée aujourd’hui, des Sans Culotte et de Robespierre – ou de l’émancipation sociale[11], sans omettre l’émancipation anticoloniale : car les anticolonialistes communistes Henri Martin et Henri Alleg n’eurent jamais la sottise d’opposer l’émancipation de « nos » colonies à l’honneur de notre pays, que déshonoraient alors les profiteurs des guerres coloniales et autres « trafics de piastre »…
3. Histoire de France : « Notre » histoire nationale et la « leur ».
C’est pourquoi, quand Olivier Dartigolles prétend que « nous sommes les filles et les fils de ce qui émancipe et libère » et qu’en conséquence il faudrait boycotter tout débat portant sur la nation, donc abandonner ce chantier incontournable à la fascisante idéologie sarko-lepéniste, le porte-parole officiel du PCF-PGE profère un sophisme grossier. Et puisqu’il est question des Gaulois ces temps-ci, rappelons ceci au nanti Sarkozy de Nagy-Bocsa : lorsque Vercingétorix souleva et unifia une majorité de peuples gaulois contre César, quand – selon son historien Camille Jullian – ce noble arverne longtemps isolé dans son milieu social reçut surtout le soutien de la campagne et des petites gens (ce que César signale avec mépris dans ses Commentaires), quand la résistance celtique à l’occupant romain affronta, non seulement les légions de César, mais une partie de l’aristocratie gauloise (qui apprenait le latin et rêvait d’intégrer le Sénat…), quand, lors de la reddition d’Alésia, Vercingétorix eut l’élégance, pour tenter de sauver la vie des Gaulois assiégés, de se livrer aux Romains en renonçant aux facilités d’un suicide[12], il n’incarnait pas seulement les promesses d’unification et d’indépendance des tribus celtes asservies, mais l’honneur de tous ceux qui, en tout temps, préfèreront toujours s’exclamer « patria o muerte ! », plutôt que le navrant « j’aime mieux être un Allemand vivant qu’un Français mort » que proférera Jean Giono à la veille de l’invasion hitlérienne.
De même y avait-il bien de l’émancipation nationale dans l’air (même si on peut discuter l’épithète étant donné l’époque) voire, en puissance, de l’émancipation sociopolitique quand, à Bouvines (1214), le Capétien Philippe-Auguste qui, pour l’occasion, avait déserté la Croisade, s’allia aux milices communales antiféodales pour battre la coalition formée par Jean Sans Terre, l’Empereur romano-germanique, le Comte de Flandres et plusieurs grands feudataires révoltés contre le roi de France. C’est en effet à Bouvines que les milices communales picardes alliées à Philippe contre les prédateurs impériaux et seigneuriaux jetèrent les bases populaires du sentiment national français, qualitativement très différent bien sûr du patriotisme républicain qui triomphera bien plus tard à Valmy aux cris de « vive la Nation ! ». De même, des progressistes actuels peuvent-ils être sensibles aux efforts convergents de François 1er et du poète Joachim du Bellay pour « défendre et illustrer » la langue française et pour l’établir aux dépens du latin d’Eglise qui n’était compris que des clercs. Et comment ne pas savoir gré à l’effort salvateur d’Henri IV et du « Parti des politiques » que fréquenta Montaigne, pour sortir la France des Guerres de Religion, reconstruire le pays ruiné et distinguer enfin (Edit de Nantes) le statut de sujet du roi de France de celui de membre de l’Eglise romaine ? Oui, Colbert créant l’industrie française d’Etat, oui, Vauban fixant et fortifiant le territoire national tout en proposant un système fiscal injuste, oui, le Dunkerquois Jean Bart brisant le blocus anglo-hollandais et sauvant la France de la famine, ou encore, pour nous tourner vers les classes dominées de l’Ancien Régime, les Croquants du Limousin, les Jacques du Nord, les Parisiens insurgés d’Etienne Marcel (1358), les Bonnets rouges bretons (dont le symbole est aujourd’hui dévoyé par le MEDEF breton), les Va-Nus-Pied normands, les Camisards cévenols, sans oublier cette Fronde du peuple parisien qui inventa les barricades, méritent bien l’estime des républicains éclairés et même des communistes, que Lénine invitait à pratiquer l’ « assimilation critique » de leur héritage national et international.
Car évidemment, la réalité objective de la France et le sentiment national qu’elle a suscité à la longue n’ont pas surgi du néant à Valmy, même si ce sont bien les combats de l’An II inspirés par le Contrat social de Rousseau qui ont accouché de la nation moderne[13]. C’est pourquoi la nation s’identifie désormais à la République, et plus encore à l’aspiration communarde à la République sociale : au point que lorsque la République sociale est démontée par les euro-régressions du type Loi Travail, quand de surcroît les représentants du « communisme » officiel s’alignent sur l’idéologie dominante et qu’en conséquence, le monde du travail délaissé peine à s’organiser politiquement pour stopper l’offensive euro-patronale, c’est toute la France républicaine qui est menacée de déchéance nationale !
Tout cela ne nous incline nullement à donner tête baissée, non pas dans le récit national, mais dans un infantile roman national sarko-lepéniste qui, tel un conte de fées pour banlieues assagies, estomperait les contradictions de classes, enterrerait les séquelles du colonialisme et la réalité du néocolonialisme, ignorerait que nombre de rois furent aussi de féroces oppresseurs, ou méconnaîtrait le fait que la bourgeoisie révolutionnaire de 1789 ne tarda pas à accoucher d’une oligarchie impérialiste avide de piller les peuples africains que l’odieux discours de Dakar prononcé par Sarkozy osait sommer de « rentrer dans l’histoire »… dont la traite négrière et le colonialisme avaient voulu les sortir ! Non, il n’y a en soi rien de scandaleux à ce que, cum grano salis s’il le faut, nos compatriotes d’origine maghrébine ou subsaharienne acceptent de se reconnaître dans le malicieux anti-impérialisme d’Astérix : si et seulement si par ailleurs, leurs condisciples blondinets apprennent aussi à honorer l’Antillais Toussaint Louverture, figure mondiale de l’antiesclavagisme noir ou s’ils apprennent dans des manuels d’histoire enfin respectueux de la Commune, que cette insurrection à la fois patriotique et internationaliste compta parmi ses chefs de file le Hongrois Frankel, le Polonais Dombrowski ou la Bulgare Dmitrieva… A l’inverse, ne tombons pas symétriquement dans le mépris anachronique et faussement « progressiste » pour ce « prophétisme féminin », que partagèrent Jeanne d’Arc et d’autres jeunes patriotes du Moyen Âge finissant, sous prétexte que ce dispositif politico-religieux[14], archaïque à nos yeux postrévolutionnaires, s’inscrivait dans une culture fort différente de celles qui verront germer l’humanisme d’un Rabelais, le rationalisme d’un Descartes… ou l’athéisme communisant que diffusa clandestinement l’étonnant curé de campagne Jean Meslier à l’orée du Siècle des Lumières !
Ajoutons que MM. Laurent et Dartigolles, qui font la fine bouche à l’idée de reconstruire une forme (pourquoi pas critique et progressiste ?) de récit national (et international)[15], travaillent sans cesse eux-mêmes à recomposer de tels récits… sur les bases politiquement lisses que délimitent désormais le néo-communisme décaféiné dont ils se réclament. Par exemple, accompagnant le processus de dé-bolchévisation, de dé-communisation et d’euro-rangement du PCF qui s’est successivement nommé « mutation » puis « métamorphose », les dirigeants successifs du PCF-PGE dé-marxisé ont peu à peu purgé la nomenclature des allées de la fête de l’Huma, cet itinéraire fléché de l’histoire nationale et mondiale, de toute une série de noms malsonnants : exit Lénine, exit Stalingrad, ou, pour rester en France, au Purgatoire Marat, en enfer Thorez et tous ces communistes français trop rugueux que l’histoire officielle, qui criminalise l’URSS et ses amis français, les Duclos, Frachon, Tillon, Martha Desrumeaux et autres héros nationaux incontestables, a à jamais proscrits du Panthéon national[16]. De même la manchette de la nouvelle Huma a-t-elle été purgée de toute référence aux anciens dirigeants du journal que furent Cachin, Vaillant-Couturier, Péri ou Fajon (dont les noms voisinaient naguère avec l’emblème ouvrier et paysan), pour ne conserver qu’un seul nom, jugé consensuel parce que « reconnu »… par la gauche non communiste, celui du grand Jean Jaurès[17].
Il faut donc en finir avec l’hypocrisie à propos du « récit national » : toute nation, en tant qu’elle résulte d’un choix politique collectif ancré sur un ensemble de données objectives de nature historique, socio-économique, linguistico-culturelle, voire psychique, mais aussi tout citoyen d’un pays donné, participent nécessairement, voire inconsciemment – y compris quand ils prétendent le refuser ! – d’un récit national… ou à l’inverse, d’un récit antinational, d’un récit infranational[18], voire d’un récit supranational (le plus souvent euro-atlantique et/ou « françallemand ») relevant de cet autodénigrement maladif que nos médias anglo-complexés nomment le « French Bashing »[19].
En effet cette même bourgeoisie française qui enseignait jadis, dans les manuels d’Ernest Lavisse d’histoire de France, que « nos ancêtres (blonds, de préférence…) s’appelaient les Gaulois » (tant il est vrai que l’impérialisme français prenait alors appui sur l’Etat-nation et sur ses prolongements impériaux), ce dont se gaussèrent fort justement Boris Vian et… Henri Salvador !, se reconnaît aujourd’hui pleinement dans le honteux Manifeste qu’a publié le MEDEF en décembre 2011 ; dans ce texte lourdement antinational, le grand patronat appelle sans détour à construire « les Etats-Unis d’Europe », à précipiter à leur avantage un maximum de « transferts de souveraineté », à projeter la nouvelle Franceurope dans l’ « Union transatlantique » préfigurée par l’OTAN et par le TAFTA, à sacrifier notre langue si ringarde au tout-anglais érigé en « langue de l’entreprise et des affaires » (selon les fortes paroles du baron Seillière, 2004), à « reconfigurer » le territoire national en supprimant les communes et les départements (dixit Pierre Gattaz) et à substituer à la République une et indivisible et à ses services publics d’Etat les nouvelles « euro-métropoles » assorties de grandes régions à l’allemande, si possible transfrontalières » (Grande Catalogne, Grande Flandre, Alsace-Rhénanie, etc. ?). Mais le mot France évoquera-il alors autre chose que ce « couteau sans manche dont on a perdu la lame » que raillait jadis Lichtenberg ? Cette même grande bourgeoisie objectivement nostalgique de Vichy en appelle même désormais, toute honte bue, à « démanteler le programme du CNR » (Denis Kessler, Challenges, nov. 2007) et sans attendre, elle privatise, délocalise et brade à l’étranger les derniers fleurons industriels nationaux (Alstom, France-Télécom, Renault, EDF…) ; et avec l’aide du Parti Maastrichtien Unique au pouvoir, ce « PMU » malfaisant composé du PS, de l’UDI et des LR, elle dépiaute l’Education « nationale », les conventions collectives, le Code du travail et la Sécu et contourne de plus en plus la loi de 1905 séparant l’Etat des Eglises. Bref, à la faveur d’un rapport des forces mondialement et nationalement contre-révolutionnaire, où le monde du travail s’est vu réduire à la défensive, elle tente d’araser tout ce qui a permis aux couches populaires d’apposer leur marque indélébile sur cette nation française incorrigible dans laquelle continue de résister, selon le mot de Marcel Paul, « un noyau révolutionnaire irréductible »…
4. Briser l’étau de la xénophobie et de l’auto-phobie nationale, réarticuler la dialectique universaliste au récit national, dialectiser histoire-récit et histoire-science
Dans des conditions délétères, faut-il s’étonner si se met en place une savante division du travail historico-idéologique entre divers secteurs de l’oligarchie « française » ?
D’un côté, on trouve les ultra-réacs Sarkozy et Wauquier qui rabattent vers une version figée, métaphysique, mystique ou naturaliste de la France éternelle (alors que l’identité est dialectique, « négation de la négation », intégration et refonte permanente) dont le but revendiqué est de concurrencer le FN sur sa droite, de stigmatiser les enfants d’immigrés, de les contraindre au déracinement et non au pluri-racinement, de diviser la classe ouvrière sur des bases ethniques (et de renforcer, par contrecoup, les communautarismes religieux et les séparatismes régionaux !) au lieu de « mettre le monde du travail au centre de la vie nationale ainsi qu’y invitait le programme du CNR intitulé Les Jours heureux. Symétriquement, toute une partie de l’historiographie contemporaine travaille très politiquement et de manière fort peu « scientifique », à dénationaliser l’histoire et la géographie enseignées en classe, non pas en relativisant et en complexifiant le simpliste « nos ancêtres les Gaulois », non pas en montrant, comme le faisait Thorez avec les mots de son temps que « vingt races ont fait la France », mais en promouvant le grotesque « Nos ancêtres les Européens » qui – au nom même de l’esprit critique ! – devient peu à peu la nouvelle doxa « post-nationale ». Sans oublier d’exalter un Empereur fanatiquement catholique, ce Charlemagne qui extermina des milliers de « païens » pour convertir la Saxe ; c’est ainsi que beaucoup d’« historiens » bien en cours mériteraient de recevoir le Prix Charlemagne, annuellement décerné par l’UE, tant ils préfèrent au trop local Vercingétorix, à la Pucelle « illuminée » et au « monstre froid » Robespierre, le précurseur de la Nouvelle Carolingie à laquelle l’oligarchie rêve d’intégrer les contrées les mieux nanties de l’Europe occidentale : Benelux, RFA-Autriche, Axe Lille/Paris/Lyon/PACA, Suisse, Savoies et Italie du nord (« Padanie ») détachée de la Péninsule… En avant donc, Brexit oblige, pour une fraternelle Europe à plusieurs vitesses, vivent les « coopérations renforcées » et tant pis pour l’Europe du sud essorée, pour l’Europe de l’Est recolonisée, voire pour les parties périphériques, appauvries et potentiellement « inutiles » de l’Hexagone qui n’auraient pas intégré à marche forcée l’identité nationale et la mondialisation « heureuses » chères à MM. Alain Juppé et Alain Minc !
Car de cette nouvelle historiographie là, qui s’impose pas à pas dans les manuels, la gauche « euro-bobo » ne pipe mot. C’est pourtant avec l’argent des contribuables allemands et français et sur la commande politique expresse de MM. Kohl et Chirac que s’écrit et se répand un « manuel d’histoire » franco-allemand officiel qui – la « paix » a bon dos ! – vise clairement à pré-formater l’« histoire » enseignée aux futurs petits « Françallemands ». Qu’y faire ? A « communauté de destin » européen, reformatage mythique d’un passé commun où le 11 novembre et le 8 mai deviennent subrepticement de grandes dates de l’amitié franco-allemande ! Tout cela ne vérifie que trop hélas l’adage ironique qui affirme qu’ « en histoire on ne sait jamais de quoi hier sera fait »… Comme si la « distanciation » propre à l’historien devait se fixer pour tâche unique la « déconstruction du récit national » tout en fermant les yeux sur le nouveau roman supranational européen qu’une myriade de cercles idéologiques mettent en place avec l’appui des d’institutions !
Car quitte à dépasser « scientifiquement » (ce qui ne signifie pas liquider, mais insérer, situer et recadrer) le « récit national », autant ne pas s’enfermer par avance dans une visée « européenne » étriquée : autant voir large, partir de loin et viser haut. Ce pour quoi il faut assumer à la fois le patriotisme français, l’universaliste humaniste, la déconstruction des idéologies coloniales et sexistes et, pourquoi pas, le souci environnemental devenu incontournable en situant notre histoire nationale, non seulement dans celle de l’humanité, « préhistoire » incluse (le peuplement de l’Hexagone n’a commencé ni avec les Celtes, ni même avec les Ibères ancêtres des Basques !), mais, pourquoi pas, dans celle du devenir général de la nature sur lequel la zoologie de l’évolution, la botanique, la géologie et le climatologie, l’astrophysique et la cosmogonie ont accumulé les connaissances les plus solides[20]…
5. User du doute méthodique à l’encontre de l’idéologie contre-révolutionnaire et anti-progressiste
Enfin il est impossible de négliger le fait massif qu’à notre époque, où « le vent d’Ouest » (celui de l’euro-atlantisme néolibéral) l’a provisoirement emporté sur le « vent d’Est » (celui que soufflèrent successivement Octobre 17, Stalingrad et les luttes révolutionnaires des peuples chinois et vietnamien, sans parler des révolutions cubaines et africaines), tout est fait pour désigner la « passion révolutionnaire » comme l’ennemie principale de l’impartialité historique. On occulte ainsi le fait que désormais, les préjugés anticommunistes, l’acharnement anti-« jacobin » et la fureur contre-révolutionnaire que nourrissent cent officines idéologiques et mille fabriques pseudo-historiques menacent davantage l’objectivité historique que ne l’a jamais fait le progressisme naïf de jadis lequel, malgré ses limites de classe et d’époque, restait historiquement lié aux Lumières et à leur optimisme historique. Comment par ex. ne pas voir qu’aujourd’hui, déchaînées par la défaite… historique du camp socialiste et par la montée concomitante des Empires transatlantique et « trans-pacifique » (USA, Japon, Corée du sud…) centrés sur Washington, des forces mondialement porteuses d’un négationnisme historique généralisé s’acharnent à extirper des mémoires, non seulement cette Russie rouge qui ébranla le capitalisme mondial et qui vainquit Hitler, non seulement cette France jacobine qui défit l’Europe monarchique, non seulement cette Italie du Risorgimento qu’usurpent et bafouent les Monti et autre Berlusconi, mais cette civilisation hellénique qui, de Milet à Alexandrie en passant par Athènes, engendra les premières Lumières (Thalès, Démocrite, Euclide…), et dont les soldats-citoyens firent échec à l’ « invincible » Empire achéménide ?
Quel beau rêve c’est déjà, pour l’oligarchie mondiale, qu’une Europe devenue « historiquement correcte », qui perd ou renie la mémoire du Grec Solon abolissant l’esclavage pour dettes, des Gracques luttant pour la loi agraire, de Spartacus baladant les légions de Crassus, des Soldats de l’An II dispersant la Coalition monarchique et ses relais chouans, de Toussaint Louverture affrontant Bonaparte, de Garibaldi fusionnant en sa personne le patriotisme italien et le cosmopolitisme progressiste, des Soviets repoussant dix-huit armées impérialistes, de Clara Zetkin unissant pour l’Egalité le combat des femmes à celui du prolétariat, de toutes ces histoires nationales si diversement porteuses d’émancipation générale que l’on somme aujourd’hui de se dissoudre dans l’acide de la « mondialisation heureuse » chère aux idéologues de la « fin de l’histoire »[21]. Mais à l’inverse, quel cauchemar pour les classes exploitées et pour les peuples dominés, tous gavés dès l’enfance de l’idée nihiliste que l’émancipation sociale et l’affranchissement national mènent au pire… alors que la « bonne gouvernance » reposerait à jamais sur une totale abdication de soi : auto-phobie des « communistes », hier huïstes et aujourd’hui laurentins, reniant l’« illusion » bolchévique, auto-phobie nationale de nos élites s’acharnant sur l’« exception française » (toujours « franchouillarde », « franco-française » et « hexagonale »…), et plus généralement, mauvaise conscience achevée des « damnés de la Terre » promis à la servitude volontaire éternelle par la croyance que toute lutte progressiste n’enfantera jamais que des lendemains qui déchantent… Le tout mâtiné de xénophobie et de diabolisation de l’Autre, le Russe au Poutine entre les dents, le Nord-Coréen au missile entre les dents[22], le Mollah irano-libanais, l’Envahisseur islamo-prolétarien, sans oublier le Chinois plus rusé et sournois que jamais…
Tant il est vrai que, comme l’a montré Sartre, la haine d’autrui est inséparable du mépris de soi et que la xénophobie et l’auto-phobie nationales se nourrissent aux mêmes racines de classe antipopulaires…
Résumons-nous :
En matière historique, la position progressiste ne consiste ni à mythifier le passé national ni à l’ignorer ; pas plus qu’elle ne mène à le nier, à le dénigrer ou à le diaboliser en dissimulant ses contradictions objectives, ses complexités, ses racines diverses et ses dynamiques contradictoires.
Il ne peut s’agir davantage de nier a priori, au nom d’un marxisme primitif, que les classes dominantes aient pu, dans des conditions toujours relatives et transitoires qui semblent avoir fait leur temps en France, jouer un rôle progressif partiel même si, sur la longue durée, ce sont bien les peuples opprimés, les classes exploité(e)s et, ne l’oublions jamais, le sexe si longtemps dominé, qui portent structurellement ce que Hegel appelait superbement la « patience du négatif ».
L’attitude progressiste ne peut non plus consister à substituer une mémoire orientée, ni a fortiori une hagiographie, fût-elle révolutionnaire – convenons qu’aujourd’hui, ce n’est pas, et de loin s’en faut, le risque méthodologique principal ! – à l’approche en droit objective de l’historien exerçant méticuleusement son métier. C’est-à-dire à une approche matérialiste partant des faits[23] et s’efforçant de dégager de grandes tendances socio-historiques, voire, quand cela s’y prête et sans forcer le trait, des constantes et pourquoi pas, des lois du devenir social. Le grand PCF du Front populaire et de la Résistance antifasciste avait entrepris ce travail de reconquête éclairée de l’histoire nationale, avec de grands historiens comme Albert Soboul ou avec des philosophes comme Politzer ou Lucien Sève[24]. Qui reprendra aujourd’hui cette tâche où l’intérêt national, le service du peuple travailleur et celui de la recherche objective, sont en droit solidaires ?
Georges Gastaud, philosophe marxiste, est notamment l’auteur de
- Marxisme et Universalisme, Classes, Nations,Humanité paru aux Editions Delga en 2015,
- et de Lumières Communes, cours laïque de philosophie à la lumière du matérialisme dialectique, à paraître en 2016 aux Editions Delga
[1] Professeur agrégé de philosophie, militant du PRCF. Dernier livre paru, Marxisme et universalisme, Delga 2015. A paraître incessamment sur souscription chez le même éditeur Lumières communes, Traité de philosophie générale à la lumière du matérialisme dialectique.
[2]Et pourtant l’organisation unitaire de combat mise en place par le PCF clandestin sous l’Occupation se nommait bien Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France… Dans le célèbre film de Jean Renoir intitulé « La vie est à nous » et commandé par le PCF en 1936, on voit à tout instant l’élan patriotique voisiner avec le souffle internationaliste, le drapeau rouge voisiner avec le drapeau tricolore et l’Internationale prolonger subtilement la Marseillaise… Mais avant de se prononcer sur l’histoire de France, les actuels dirigeants du PCF devraient faire se réapproprier l’histoire qui fut celle de leur parti avant que ce dernier n’ait « muter » pour devenir l’antenne hexagonale du Parti de la Gauche Européenne…
[3] Voire « atlantico-réceptif ? A ce propos, le PC de Grèce, KKE, vient de dénoncer un début de collusion du PCF-PGE avec l’OTAN dans le cadre de cette auberge espagnole qu’est devenue la Fête de l’Huma.
[4]Ce mot suscite de légitimes suspicions méthodologiques. Nous l’employons tout de même ici pour renvoyer à leurs contradictions les anticommunistes qui dirigent l’UE « libérale » : étrange « antitotalitarisme » qui a gravé dans le marbre des Traités la prohibition définitive de toute espèce d’alternative sociale et de pluralisme politique effectifs.
[5] … qui figurait sur la liste commune PS/PC aux municipales parisiennes, et dont le siège de sénateur francilien dépend d’ailleurs objectivement du futur bon vouloir du PS…
[6] Combien de ces « écolos » qui ne disent mot contre le nucléaire militaire quand ils sont au pouvoir et qui « engueulent » ouvertement les « lâches » dirigeants « munichois » de l’Occident, coupables de ne pas intervenir à tous propos manu militari, et de préférence, au sol dans les Etats du Sud… et avec les jolis résultats que cela a donné du Mali à l’Irak en passant par la Syrie, par l’Afghanistan et par la Libye !
[7] M. Chassaigne s’est apitoyé sur ces « élus socialistes ou écolos » qui « souffrent » tant de la politique élyséenne… Il nous permettra de plaindre davantage les ouvriers, employés, chômeurs, profs de collège, paysans, etc., qui souffrent durement de la politique de Hollande que soutiennent ces « malheureux » élus PS et écolos bourrés d’états d’âme !
[8] Cette recette a déjà maintes fois servi pour grimer en « antifascistes » les politiciens pro-Maastricht dont les reniements (du gaullisme, du jauressisme, du communisme…) ont tour à tour gonflé les voiles du FN. On l’a encore vu lors des Régionales où le PS et le PCF-PGE ont appelé à voter pour les « antifascistes » C. Estrosi et X. Bertrand…
[9] Accusé mensongèrement au procès des incendiaires du Reichstag, Dimitrov ridiculisa Göring et le procureur nazi !
[10] A l’adresse du PC français, Dimitrov citait Jeanne d’Arc, l’héroïne populaire à laquelle les dramaturges allemands B. Brecht et A. Seghers consacreront par la suite, en vrais marxistes, la pièce intitulée Le procès de Jeanne d’Arc)
[11]C’est en France que la Conspiration pour l’Egalité de Babeuf et de Buonarotti accoucha du premier mouvement politique au monde, précurseur des partis marxistes, qui appelât à la lutte révolutionnaire pour une société sans classes…)
[12] Il paya ce geste de sept ans de détention et d’un humiliant « triomphe » dans les rues de Rome, aussitôt suivi par une strangulation.
[13] Comme l’avait signalé Engels quand il montra comment la Révolution a su favoriser la fusion dans un unique creuset citoyen de composantes régionales marquées par une grande diversité linguistique, culturelle et juridique
[14] C’est en effet le « prophétisme féminin » qui, selon la médiéviste Colette Beaune, structure largement la geste patriotique, populaire et messianique de Jeanne. Ce dispositif politico-charismatique était alors la seule « entrée en politique possible pour une femme du peuple… Par ailleurs, il semble que la famille de Jeanne, qui n’était pas noble, se nommait Darc, et non d’Arc, ce qui signifie… du Pont dans le patois de la marche lorraine.
[15] Selon eux, l’incontournable débat civique sur l’histoire de France doit être courageusement abandonné aux « historiens » : comme s’ils étaient tous des scientifiques impeccables et comme si certains d’entre eux n’étaient pas passionnément engagés dans la révision contre-révolutionnaire et euro-formatée de l’histoire nationale et mondiale… Ils sont scientifiques, voyons, et la preuve, c’est qu’ils le disent !
[16] Panthéon dans lequel ne figure même pas Croizat, le fondateur communiste de la Sécu, ni Marcel Paul, déporté-résistant, organisateur d’un réseau militant à l’intérieur d’un camp allemand, secrétaire de la Fédération CGT de l’Energie, créateur d’EDF et du statut des électriciens-gaziers…
[17] Lénine voyait plus large : dans la liste des noms qui lui était soumise et qui devait figurer sur un monument dédié aux précurseurs du socialisme, Lénine avait conservé les noms de Proudhon, de Jaurès ou de dirigeants anarchistes français, et il n’en avait retiré qu’un : le sien.
[18] C’est le cas des différents séparatismes régionalistes et des divers communautarismes religieux, pour n’évoquer que deux facteurs actuels de décomposition nationale, sans parler du négationnisme fasciste…
[19] Ajoutons qu’un certain antipatriotisme anarchisant qui, de manière parfois bien sympathique, brocarde l’armée, la police, l’école, l’ « autorité » et la nation elle-même (Prévert, Brassens, Renaud, voire, au début de leur carrière, les futurs patriotes Aragon ou Eluard…) appartient typiquement, quoiqu’à son insu, à l’héritage de la gauche française alors que, dans tant de pays, même la gauche est terriblement patriote…
[20] Comme l’a noté Michel Serres, et bien avant lui Friedrich Engels, les sciences modernes, y compris les « sciences dures », se font de plus en plus « historiennes ». Loin d’invalider à jamais les « grands récits » (le théorie de l’Atome primitif et de l’expansion de l’univers, dont le cosmogoniste belge Georges Lemaître dessina de manière fulgurante les grandes lignes ne date pas d’hier, sans parler des hypothèses de Kant et de Laplace sur la formation du système solaire !), c’est sur des bases vérifiables que les sciences cosmo-physiques, planétologiques, géologiques, biologiques, anthropologiques, reconstituent pas à pas la chronologie de l’univers, du système solaire, de la Terre, de l’évolution biologique, sans oublier l’hominisation, n’en déplaise aux idéologues postmodernes et anti-progressistes qui dévaluent toute idée de sens ou qui l’abandonnent aux religions. Et dire que dans certains milieux historiques et philosophiques, on se croit encore d’avant-garde quand on prétend, contre le marxisme qui n’a d’ailleurs jamais réduit l’histoire à du récitatif, que le « temps des grands récits » est forclos !)
[21] … qui, pour peu que l’on parle, non de l’historicité humaine mais de la discipline historique, ne croient hélas pas si bien dire !
[22] Et puisqu’il est question de guerre atomique, rappelons que jusqu’à nouvel ordre, ce n’est pas le « dictateur fou de Pyongyang » qui a ordonné d’atomiser Hiroshima et Nagasaki… Mais une fois encore, sait-on jamais de quoi hier sera fait ? L’Obs ne fait-il pas sa Une, d’une brûlante actualité, sur « Mao le plus grand criminel de l’histoire » pendant qu’à Tokyo, le gouvernement ultra-droitier minimise les menées génocidaires antichinoises du Japon militariste et entreprend d’en finir avec la constitution pacifiste imposée au Japon après 1945…
[23] La recherche historique doit certes reconstruire rationnellement les faits et se méfier des fausses évidences de l’empirisme, comme c’est le cas dans toute science, mais la vérité historique n’est jamais seulement une « construction », ni une « fabrique de l’histoire » : sans cela, nul n’aurait rien à objecter au révisionnisme historique !) et d’une démarche dialectique prenant en compte toutes les contradictions et toutes les bifurcations du devenir humain. Mais hélas, nous décrivons là l’historien idéal plus que la triste réalité qui domine aujourd’hui, où, comme ledit l’historienne Annie Lacroix-Riz, l’histoire, spécialement l’histoire contemporaine, est « sous influence » et suit majoritairement le sillon contre-révolutionnaire lourdement partial tracé par Courtois et par feu François Furet.
[24]Cf, malgré quelques simplifications reconnues ultérieurement par l’auteur, son grand livre des années soixante sur L’histoire de la philosophie en France de 1789 à nos jours.
DOCUMENTS :
Mélenchon attaqué sur l’identité nationale par le PCF et par le NPA
- Par Marc de Boni 28/09/2016 à 20:14 / LE SCAN POLITIQUE – Le candidat de la «France insoumise» souhaiterait débattre face à Nicolas Sarkozy des questions d’identité nationale, une perspective qui révolte au sein du parti communiste.
«Un débat solide sur l’identité nationale» face à Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon ne dit pas non. «À partir du moment où l’on est Français, on adopte le récit national», fait valoir le candidat de la «France insoumise», cité dans nos colonnes ce mercredi, en réponse au débat sur «nos ancêtres les gaulois» lancé par le candidat Républicain. De quoi alimenter à nouveau le conflit croissant qui l’oppose au parti communiste mais aussi à d’autres composantes de l’extrême gauche. Dans une note de blog publiée sur Mediapart, le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, accuse le fondateur du parti de gauche de participer à «rendre centrale la question de l’identité dans le débat politique français».
«Si nous sommes les filles et les fils de ce qui émancipe et libère, un débat sur l’identité avec l’homme du ministère de l’immigration, de l’intégration, et de l’identité nationale, (…) celui des “gauloiseries”, est une erreur» déplore l’élu de Pau. «La surenchère identitaire d’une partie de la droite est un danger pour notre démocratie. Le rappel historique de ce qui s’est déjà produit dans les années 30 devrait davantage être réfléchi, discuté et débattu de manière “solide”», plaide Olivier Dartigolles. «Je préfère un débat entre historiens qu’un débat instrumentalisé avec, comme toile de fond, un présidentialisme exacerbé qui ne permet pas de faire entendre les exigences populaires».
Ce «présidentialisme exacerbé» est actuellement mis en avant place du colonel Fabien pour refuser l’arrimage à une campagne jugée trop centrée autour de la personne de Mélenchon. «L’enjeu est aujourd’hui d’agréger toutes les mémoires, y compris les mémoires blessées, dans un nouveau récit républicain en ne laissant pas la plume à une droite qui attaque si durement les valeurs républicaines dans son projet politique pour 2017», écrit encore le proche de Pierre Laurent.
Une prise de distance face à l’évolution du discours mélenchoniste qui hérisse le poil de la tête de proue du NPA, Olivier Besancenot. Dans une interview sur Hors Série publiée le 24 septembre, le postier parisien s’insurge: «Aujourd’hui, une partie de la gauche radicale aime à se réconforter dans les idées du souverainisme, de la frontière, de la nation. Tout en expliquant que “sur le reste on tiendra bon“». «Jean-Luc Mélenchon nous a fait des grandes sorties au début sur le souverainisme économique –et promis, juré, craché, c’était que ça- au nom de la lutte, nécessaire par ailleurs, contre les institutions européennes», rappelle l’ancien candidat à la présidentielle de la LCR. «À la fin, t’en viens à bafouiller sur la liberté de circulation et d’installation. Et puis, à la fin, t’en viens à dire que t’es pas pour la liberté d’installation», déroule le trotskiste, qui ne voit pas cette dérive d’un bon oeil: «Tout ça, je l’analyse comme des grands sujets de régression politique pour la gauche radicale», conclut-il.
André Chassaigne s’imagine en candidat PCF
Dans l’entourage de Jean-Luc Mélenchon, l’idée s’installe qu’il faudra faire campagne sans le PCF. Si certaines figures comme Marie-Georges Buffet le soutiennent, la direction du parti pourrait lui préférer Arnaud Montebourg ou même un candidat issu de ses rangs. «Dans les conditions actuelles, il n’est pas possible de soutenir Jean-Luc Mélenchon», a estimé le député communiste André Chassaigne, interrogé par le site Regards.fr. «Il subsiste un désaccord stratégique qui a son importance. Je ne crois pas aux deux gauches irréconciliables (…) Nous, on se bat pour rassembler la gauche, parler aux militants et aux élus socialistes en souffrance, aux écologistes», explique l’élu du Puy-de-Dôme. Fustigeant «la dérive égocentrique» de Mélenchon, le député juge que, «dans les conditions actuelles», «il n’est pas possible de le soutenir: exiger la soumission comme il le fait est contre-productif. Ça ne marchera pas», prévient-il. L’auvergnat mise pour le moment sur «une candidature présentée par le PCF» qui pourrait «bousculer cette campagne présidentielle». Lui-même serait volontaire, comme il l’avait déjà été -en vain- en 2012. Les communistes trancheront cette question cruciale pour l’année à venir le 5 novembre prochain.
L’enquête, codirigée par cette professeure des sciences de l’éducation, prend à rebours les discours inquiets de nombre d’hommes politiques. L’histoire de France telle que racontée par la jeunesse hexagonale est un récit optimiste, laïc et emprunt de fierté. La guerre est la trame du roman national, l’égalité son épilogue.
«Chez les jeunes, un roman national existe, beaucoup plus fort que ce qu’on imaginait»
Ils avaient peur que leur enquête, lancée en 2011, soit du «réchauffé». A l’époque, Nicolas Sarkozy est candidat à sa réélection, il y a eu les débats sur l’identité nationale, un ministère lui a été consacré et le projet de musée de l’histoire de France n’a pas encore capoté. Mais les travaux des chercheurs demeurent d’une brûlante actualité. Election approchant, la droite en remet traditionnellement une couche sur l’identité et le roman national, prenant pour cible l’enseignement de l’histoire qui tuerait dans l’œuf tout élan patriotique des élèves. Ces cours seraient le lieu d’apprentissage de l’autoflagellation où l’on formerait des citoyens honteux et paumés. Eh bien non. Ce n’est qu’un marronnier de campagne qui ne se vérifie pas sur le terrain.
C’est ce que prouve l’équipe internationale et pluridisciplinaire emmenée par Françoise Lantheaume, historienne, spécialiste des sciences de l’éducation et sociologue, dans le Récit du commun, présenté au stand des Presses universitaires de Lyon à l’occasion des Rendez-Vous de l’histoire, à Blois, ce week-end. Les chercheurs se sont fait conter l’histoire nationale par 6 600 jeunes de 11 à 19 ans. Cette étude, d’une ampleur inédite, coordonnée par le laboratoire Education, Cultures, Politiques (ECP) de l’université Lyon-II, montre que le roman national existe bel et bien. Et il est aussi vivace, que progressiste. Les valeurs républicaines en constituent la trame narrative. L’enquête a été menée en métropole mais aussi à la Réunion, puis en Suisse, en Allemagne et en Catalogne.
L’énoncé de votre enquête était très simple : «Raconte l’histoire de France…»
«… telle que tu la connais, telle que tu t’en souviens», sans aucune autre contrainte. Il ne s’agit pas d’une évaluation, la consigne se démarque des énoncés scolaires habituels : elle pousse au récit. Raconter induit une implication personnelle. La question suivante portait sur les sources de leurs connaissances, ils devaient choisir cinq possibilités parmi une vingtaine et hiérarchiser les cinq premiers.
Existe-t-il un récit commun ?
A vrai dire, nous doutions de son existence, non pas au niveau de l’enseignement transmis mais des élèves. La mondialisation ayant tendance à produire un éclatement mémoriel réduisant la part laissée à l’histoire proprement nationale, nous voulions comprendre s’il y avait construction d’un récit commun par le bas, par les élèves eux-mêmes et vérifier de quoi il était constitué. Or, il ressort de notre enquête qu’un roman national très fort, beaucoup plus fort que ce qu’on imaginait, demeure. Et ce, quel que soit l’âge, l’origine sociale ou géographique des élèves. Finalement, c’est le récit de l’histoire de France du personnel politique qu’il faudrait étudier. Le décalage se situe peut-être là !
Avez-vous retrouvé l’«apartheid territorial» décrit par Manuel Valls ?
En banlieue ou dans les ZEP, on trouve les mêmes constituants avec trois ingrédients incontournables : les rois, la guerre, la Révolution. Et les élèves sont du côté du peuple, même dans les établissements privés. La seule sous-population à se distinguer, ce sont les élèves de lycées professionnels. Le nombre de non-réponse ou de réponses farfelues, avec des textes qui associent par exemple Zidane et la Révolution, y est significatif. Le récit est probablement une forme qui ne convient pas aux sections professionnelles où la maîtrise de l’écrit est plus problématique. Si nous menions des entretiens avec ces élèves, peut-être raconteraient-ils l’histoire de France différemment, dégagés de l’angoisse de la page blanche.
L’école n’est pas la seule source, quel est ce «bain historique» dans lequel les élèves baignent ?
C’est la «mythistoire», pour reprendre le concept de Jocelyn Létourneau qui codirige avec moi l’ouvrage collectif. Il s’agit d’un mélange de savoirs et de mythologie diffusé dans la société par différents canaux – les familles, la télé… – et dont les jeunes s’imprègnent en se socialisant. Cette mythistoire construit la conscience historique, celle d’appartenir à un temps et d’en être le produit. Quand un élève dit que les Français ont «toujours été rebelles», il est dans la représentation, la croyance. Sont mêlées la vision qu’ils ont d’eux-mêmes et l’histoire, avec ses révoltes successives.
Le passé est aussi ce que l’on réécrit en permanence…
Les élèves ont une vision très «présentiste» de l’histoire. Ils pensent vivre son aboutissement, sa fin et considèrent qu’il n’y a pas mieux. Une chose m’a frappée, en lisant et relisant les textes : pour eux, l’histoire de France est un progrès permanent. Les récits ne sont pas du tout déclinistes, la France a surmonté beaucoup d’épreuves, parfois avec l’aide des Alliés, comme les Américains, et s’est grandie.
Ils ont une approche assez morale de l’histoire ?
Oui, au sens où c’est la justice qui gagne. Les principes de liberté et d’égalité construisent les récits. Leurs jugements se fondent sur ces deux critères : est-ce que tel événement a permis plus de liberté, plus d’égalité ? Si oui, c’est bien. Sinon, c’est mal. Il transparaît que les élèves sont porteurs d’un principe politique profondément ancré : l’aspiration à l’égalité. Paradoxalement, la dimension sociale et économique est très faible. Idem pour la religion. Elle suscite la méfiance des élèves, associée au danger de l’éclatement du corps social. En fait, c’est le politique qui structure profondément le récit commun dont le début est associé à un fait politique : le baptême de Clovis qui institue la royauté, la Révolution française qui instaure la République ou la Seconde Guerre mondiale qui permet le retour à la démocratie. Ce qui fait la dynamique, c’est la conflictualité politique. Les élèves ne sont absolument pas sensibles à ce qui est de l’ordre du compromis ou du consensus. Le sens de l’histoire est ainsi, le politique permet au peuple, aux dominés, grâce à des conflits, d’acquérir de nouveaux droits. La guerre est l’épreuve à travers laquelle on voit la résilience et la résistance de ce collectif. Et le happy end, c’est la démocratie, le droit de vote et l’égalité, même si ce n’est pas parfait. Ils font de la conflictualité une sorte d’habitus national, elle fait partie de la vie sociale, et politique et permet d’expliquer le présent.
Et la France a dans leurs esprits toujours le beau rôle, elle n’envahit jamais, elle conquiert…
C’est le travers des récits : ils sont centrés sur la dimension nationale… La fierté s’exprime clairement, les emblèmes nationaux sont très présents. Les mentions de la guerre d’Algérie ou des guerres coloniales sont faibles.
Vous soulignez aussi un «imaginaire guerrier et vainqueur»…
Même si la guerre est décrite comme source de douleur infinie et de souffrances atroces, c’est grâce à elle que la France est devenue grande, démocratique, moderne. Elle est fondamentale dans leur discours, à la fois optimiste et humaniste. Mais tout n’est pas rose. Certains estiment que l’histoire aurait pu être mieux, déplorent des moments moches, comme la collaboration avec les nazis ou l’exploitation de paysans par des rois. Curieusement, le territoire n’est pas historicisé : la France a toujours été là, comme ça, telle quelle !
Et quand commence l’histoire de France ?
Les élèves ne sont pas d’accord entre eux. C’est une particularité française, ce rapport très subjectif au début de l’histoire. Beaucoup la font démarrer aux Lumières, à la Révolution. D’autres choisissent la Première Guerre mondiale ou la Seconde. Ceci dit, pour la majorité, cela commence avec les Gaulois qu’ils voient comme une assemblée de petits groupes. Il y a une idée de diversité, de brassage, qu’ils jugent positivement. Selon eux, la France est le résultat de cette constitution progressive par agrégation et mélanges.
C’est en quelque sorte l’affirmation du droit du sol…
Oui, même s’ils ne le formulent pas ainsi. Pour eux, l’important, c’est la géographie, ce territoire sans histoire, sur lequel vivent des peuples différents mais s’entendent autour du politique. C’est cela être français.
Et ses «racines chrétiennes» ?
Les élèves racontent une histoire très sécularisée, voire laïcisée. L’Eglise apparaît davantage comme institution que spiritualité, c’est le clergé, un lieu de pouvoir.
Qui sont les héros de leur panthéon ?
Les élèves évoquent de façon lapidaire un tiercé gagnant : Louis XIV, Charlemagne, Napoléon. Comme prévu, il y a très peu de personnages de femmes, mais elles sont présentes en tant que groupe. En revanche, des personnages ont presque disparu, comme Richelieu. Même Jeanne d’Arc est peu citée…
Vous relevez d’autres absences comme l’histoire locale ?
Nous avions formulé l’hypothèse d’une différenciation géographique, liée par exemple à l’insularité. Dans les îles, la moitié des élèves avaient un questionnaire différent, demandant de raconter «l’histoire du pays» et non «de France», libre à eux de choisir la région, ou un autre pays dont ils seraient originaires… Finalement, les différences sont marginales, avec des récits feuilletés, alternance d’une petite couche d’histoire corse essentiellement mythique, avec une autre, nationale, davantage étayée par des savoirs. Les récits de la Réunion sont très «géographiques» et accordent plus de place à l’esclavage. Mais, il y a une nationalisation forte de l’histoire. Autres absences : les institutions intermédiaires effacées par le face-à-face du pouvoir et du peuple.
Il y a le fond mais aussi la forme, comment racontent-ils ?
Le récit est un mode d’appropriation du monde, une façon de le mettre à sa mesure. Un grand nombre de textes sont des énumérations, des listes ou des nuages de mots. Peut-être est-ce lié à des pratiques juvéniles ou à l’enseignement de l’histoire qui s’est longtemps méfié du récit, réservé à la fiction, préférant des exercices avec des réponses à items. Autre hypothèse : le stade des listes est une étape de l’apprentissage. D’ailleurs, le phénomène se retrouve surtout chez les plus jeunes et dans les lycées professionnels. Enfin, le contexte de l’enquête joue : ils s’adressent à des gens qui savent, il est donc inutile d’expliquer.
Etonnamment, dans les récits suisses, c’est comme s’il n’y avait jamais eu de guerre !
La vraie île, c’est la Suisse ! Les élèves du canton de Genève sont dans le localisme, ils en racontent l’histoire mythologique, connue essentiellement à travers une pratique sociale, la fête de l’Escalade et sa chanson commémorant la victoire en 1602 sur les assaillants savoyards, se contentant parfois d’écrire les paroles… Ils évoquent très rarement la Seconde Guerre mondiale et beaucoup la neutralité.
Les récits allemands aussi sont surprenants.
Quand les jeunes Français s’impliquent dans les récits, emploient souvent le «je», le «nous», parlent de leurs grands-parents, les Allemands la racontent avec distance. Pourtant, la pédagogie de l’implication, incluant émotionnellement les jeunes Allemands pour développer l’empathie à l’égard des victimes du nazisme, est mise en œuvre. Mais ce qui transparaît, c’est au contraire un refus de s’impliquer, une manière d’affirmer que cette histoire, ce n’est pas celle de leur génération. Hitler occupe l’essentiel de leurs récits, celui qui porte seul tout le mal.
Un article probablement très intéressant, mais dissuasif.
J’estime le temps de lecture à environ 35 mn, si on s’abstient de trop réfléchir…
Quand on sait que la durée passée sur une page Internet est de l’ordre de 3 mn, on peut estimer le pourcentage d’internautes qui prendront le temps de le lire in extenso à 10% de ceux qui consulteront la page.
Comme le dit Michel Serre, si l’on veut que l’information perdure longtemps, il faut que le message soit le moins long possible.
Tyrannie de l’instantané… clip de pub et image choc. Qui détruisent le processus même de réflexion.
Selon les normes de lecture, il faut une vingtaine de minutes pour lire cet article. C’est à la fois très long, et à la fois très court. Très long s’il s’agit simplement d’imprimer un message façon pub coca cola dans un cerveau reptilien de passage, mais très court s’il s’agit de susciter interpellation, explication, analyse et réflexion.
mais qu’est ce que 20 minutes ? ce n’est que la moitié d’un épisode de série télé, ou la durée d’un journal telévisé. Tout est question de choix.
En la matière, il faut aussi faire le pari de l’intelligence. Car sans intelligences, sans réflexion et à coup de discours de 3 minutes, qu’est ce que nous sommes capable de faire, tous ensemble ?
Pour une fois qu’on peut consacrer du temps, non pas à éradiquer la pensée, mais à la faire vivre
saviez vous que l’on passe de plus en plus de temps sur des choses futiles et immédiates pour… s’empêcher de penser? pas étonnant qu’on en soit ou nous en sommes.
C’est vrai que c’est douloureux, pas toujours gratifiant mais c’est en construisant et en faisant vivre une pensée propre, grace aux lectures, aux rencontres, etc que l’on sortira peut être un jour de la situation pitoyable dans laquelle nous sommes.
Georges, une fois de plus soulève avec justesse les limites assez vite atteintes des dirigeants du pge(f), qui ne sont plus là pour aider la classe ouvrière à avancer et à réfléchir par elle même, mais pour la persuader qu’il faut, à tout prix, qu’il y ait des élus, quitte à ce qu’ils démontrent au quotidien leur impuissance dans des institutions vidées de leur sens et de leur contenu démocratique, et qu’en plus cela soit au prix de reniements et donc de renouements avec les « amis » du PS, sans qui, n’est ce pas, on est si peu de choses.
Ce diktat « antinationaliste » envoyé à tous ceux qui parlent de souveraineté, fut elle populaire est le signe d’une conversion massive au récit « européen », qui va quand meme jusqu’à nous raconter l’histoire d’une paix continentale achetée avec nos renoncements à la lutte de classe.
ces rigolos n’ont jamais du entendre parler de la guerre en ex Yougoslavie, de ce qui se passe en Ukraine, ou pire, des interventions « made in Otan », dont nous sommes désormais les spectateurs impuissants
Une analyse marxiste vraiment magnifique et un grand effort bien apprécié des lecteurs qui ont besoin de ce type d’articles au milieu de propagande anti-communiste, anti-marxiste-léniniste! Merci camarade Georges Gastaud! Vive le PRCF! Bon courage et en avant pour ce site révolutionnaire franchement communiste et meilleures salutations aux bénévoles qui mettent ce grand effort.
Article très intéressant, détaillé et précis, mais il faut avoir certaines références politiques et historiques pour en apprécier l’analyse. Dommage qu’il ne soit pas plus accessible pour que le plus grand nombre puisse en profiter.
Cela change cependant des articles sans analyse, sans source historique et avec un point de vue issu de « l’Ecole de la République » ( les programmes d’histoire-géo étant conçus sous le prisme du capitalisme et dirigés pour nous faire intégrer une vision conservatrice afin de maintenir un intérêt de classes)
Aussi cette analyse a le mérite de donner une autre histoire du récit national sachant qu’un même événement est rédigé différemment suivant le bord et le pays où l’on se trouve et que ce sont souvent les gagnants qui écrivent l’Histoire.Ce qui fait que le récit national peut être faussé , d’autant qu’on ne laisse pas aux historiens progressistes la possibilité de s’exprimer librement.
Aussi, il est vrai que depuis des dizaines d’années, le récit national perd au dépend d’un récit supranational à coup de formatage pro UE.
Encore merci pour ce travail et cette analyse