Cher citoyen Mélenchon,
Le Pôle de Renaissance Communiste en France a, à plusieurs reprises, sollicité une rencontre avec vous, y compris par l’intermédiaire de militants et de cadres du Parti de Gauche. Aucune réponse, fût-elle négative, ne nous a été donnée et nous ne comprenons pas cette attitude. Nous souhaitons pouvoir échanger nos analyses pour définir nos divergences et surtout nos convergences. Cela n’a pu se réaliser jusqu’à présent mais nous sommes évidement prêts à une telle rencontre, si vous la jugez également utile.
Toujours est-il que les élections présidentielles s’approchant, la situation politique étant ce qu’elle est, nous souhaitons vous adresser ce courrier afin de clarifier un point qui nous parait fondamental.
Nous avons apprécié, et nous l’avons dit publiquement, un certain nombre de vos positions: sur Cuba socialiste, sur l’Amérique Latine, sur Stalingrad, sur le Tibet, sur le patriotisme, sur la République, sur la laïcité….
Cependant vous n’êtes pas sans savoir que subsiste entre nous une divergence politique importante sur l’analyse que nous faisons respectivement de l’Union Européenne. Vous et le Front de Gauche affirmez la possibilité d’une « Europe sociale ». Pierre Laurent, président du Parti de la Gauche Européenne, ne cesse d’intervenir en défense de l’euro, au nom duquel tous les acquis sociaux et toutes les souverainetés nationales sont ravagés, et d’affirmer qu’on peut transformer ce poison violent qu’est la monnaie unique en un outil au service du progrès.
Comme d’autres forces politiques progressistes, nous pensons au contraire que l’UE est intrinsèquement une construction du capital, que l’Euro est l’axe structurant de cette politique de guerre au monde du travail et aux nations constituées. Nous jugeons donc impossible une orientation progressiste de l’UE : on ne transforme pas un crocodile en doux végétarien. Rappelons que 80% de la classe ouvrière, selon les derniers sondages, partage notre constat et plus largement les couches populaires de façon majoritaire.
Bien entendu il ne s’agit pas simplement de constater la divergence mais d’étudier la manière de la surmonter de façon dynamique, dans une perspective qui nous serait éventuellement commune, et cela dans une situation où notre pays vit sa crise existentielle la plus grave depuis 1940, ce qui appelle à des efforts unitaires de tous les patriotes progressistes. Et cela d’autant plus qu’il serait gravissime d’abandonner au FN le combat contre l’euro : ce combat, à la fois national et social, fut en effet au cœur de la campagne du PCF de G. Marchais et de la CGT d’Henri Krasucki pour le « non » à Maastricht, qui impliquait le « non » à la monnaie unique.
C’est pourquoi nous souhaitons vous interpeller sur une question cruciale.
Si une fois élu président, vous constatiez, – ce qui nous parait inéluctable au vu des rapports des forces en Europe et en Allemagne -, que vos propositions pour transformer l’UE se heurtent au refus des autres gouvernements de l’UE (menaces et sanctions financières à l’appui),
quelle serait votre attitude ?
Vous soumettre en attendant des jours meilleurs comme l’a fait Jospin en 1997 ? Ou bien vous battre frontalement pour dégager notre pays de l’étau qui paralyse toute alternative progressiste, y compris jusqu’à la sortie unilatérale de l’euro et à la rupture totale avec l’Europe supranationale du grand capital ? Le vote de millions de citoyens dépend en réalité de la levée de toute ambiguïté sur cette question.
Ce point est en effet fondamental non seulement en termes stratégiques mais en termes tactiques et électoraux, en particulier vis-à-vis de notre combat commun et radical contre le Front dit National dont la montée en puissance repose largement sur l’exploitation de l’aspiration très légitime de la classe ouvrière à « produire en France » et à rompre avec le libre-échangisme mondial, qui n’est que le masque de la domination planétaire des monopoles capitalistes. C’est d’ailleurs dans le fait que le FN feint de récupérer le combat de G. Marchais pour produire en France (avec des Français et des immigrés, faut-il le dire !) et pour défendre la souveraineté de notre pays et son droit à coopérer avec tous les pays du monde que prend naissance l’écho ouvrier et populaire très alarmant suscité par Marine Le Pen.
L’affirmation, par un candidat progressiste, de cette double dimension idéologique: le combat pour l’indépendance nationale et l’engagement pour la solidarité internationale des peuples (une solidarité qui dépasse et de loin le cadre européen), nous parait une condition nécessaire pour rassembler l’électorat ouvrier et populaire car, comme le disait Jean Jaurès, « la souveraineté politique du peuple est le socle de l’émancipation sociale » et aussi : « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène ».
Enfin, et parce que notre pays est entraîné vers des chemins très dangereux par l’oligarchie capitaliste, nous voudrions que vous affirmiez avec clarté qu’une République présidée par Jean-Luc Mélenchon ne se trouvera mêlée, ni de près ni de loin, à une intervention impérialiste en Iran ou en Syrie, comme elle le fut tout récemment en Libye.
Voilà, cher citoyen Mélenchon, ce que nous tenions à vous dire dans l’attente d’une réponse à notre interrogation qui n’a cure de l’esprit de chapelle et relève exclusivement de ce qui est notre responsabilité à tous : permettre à une dynamique progressiste et à une perspective révolutionnaire de s’affirmer à un moment où se décident l’avenir, et même la survie au 21ème siècle, d’une France républicaine et sociale.
Salut et fraternité !
Pour le PRCF,
* Léon Landini, président du PRCF, a. officier FTP-MOI, Grand Mutilé de Guerre, Médaille de la Résistance et officier de la Légion d’honneur
*Pierre Pranchère, vice-président du PRCF, a. député, ancien FTPF, Combattant volontaire de la Résistance
* Jean-Pierre Hemmen, vice-président du PRCF
* Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF
* Antoine Manessis, secrétaire à l’action unitaire
*Jany Sanfelieu, secrétaire à l’orga.
* Annette Mateu Casado, trésorière nationale du PRCF