A première vue, quoi de plus différents que les programmes de la gauche, de la droite et de l’extrême droite parlementaires ?
A seconde vue, quoi de plus justifié que la sommation faite aux partis politiques par les bonnes gens (relayant à leur insu la campagne des médias prêchant le consensus « au centre ») d’avoir à « surmonter les divergences » pour servir l' »intérêt supérieur du pays », si possible en imitant « nos voisins allemands » toujours si avisés, si admirables et si « consensuels » ?
A troisième vue, quoi de moins « responsable » que le conseil donné par le PRCF aux militants du mouvement populaire d’exploiter à fond la relative ingouvernabilité de la France pour passer à la contre-offensive sous son propre drapeau, celui du combat de classe, pour promouvoir ses propres revendications et son propre agenda social à base de retour à l’échelle mobile des prix et des salaires, de démontage de toutes les contre-réformes, privatisations et délocalisations en cours, de refus de voir notre pays envoyer à milliards des armes à l’Ukraine pour nourrir un conflit à la fois ruineux pour les travailleurs (sinon pour Dassault!) et hyper-dangereux pour la paix mondiale? Cela alors qu’un Français sur 3 ne mange pas à sa faim et que 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté !
Eh bien, c’est justement pour percer le brouillard des apparences entretenues par la classe dominante que s’adressent à vous les militants franchement communistes du PRCF en s’efforçant de jouer leur rôle d’éclaireur des luttes (leur « fonction d’avant-garde » disait Lénine). Ce qui signifie pour nous « avoir le courage de chercher la vérité et de la dire », comme y invitait Jean Jaurès.
D’une part, si divers que soient les programmes électoraux du NFP, du Macronat, des LR et du RN, ils ne pèseront rien face au véritable programme annoncé par l’oligarchie euro-atlantiste en général, par Ursula von der Leyen en particulier, et par ses relais « français », d’Attal en tête à Moscovici, l’ex-commissaire européen « socialiste » devenu président de la Cour des comptes : en effet, la France est d’ores et déjà placée par Bruxelles en « procédure de redressement pour déficit excessif ». D’ores et déjà, les émissaires de la « Troïka », le trio mortifère formé par la Commission européenne, par la BCE et par le FMI, fouinent dans les ministères français en quête d’économies massives ; leur unique but est de faire respecter à tout prix les 3% maximum de déficit autorisé par le Traité de Maastricht qui continue de « cadrer » la gestion continentale de ce superbe « cadeau » fait aux travailleurs qu’est la monnaie unique. D’ores et déjà, Le Maire – qui cherche une reconversion potentielle en… Suisse – « expédie les affaires courantes » en sommant les ministères de trouver sur le champ cinq milliards d’économies à faire sur les services publics, les retraites, les dépenses de santé, l’Education nationale et les autres dépenses sociales. Tout cela n’est du reste qu’une bénigne mise en jambes puisque l’UE somme très officiellement son protectorat français de faire 50 milliards d’euros d’économies d’ici 2027…
D’autre part, Ursula von der Leyen vient de haranguer le Parlement européen qui l’a reconduite dans ses fonctions avec l’accord de la droite européenne et de la social-démocratie, députés du PS et Verts compris. De manière très inquiétante, von der Leyen a prôné la mise en place d’une « économie de guerre » européenne sur fond de réarmement allemand et d’absorption de l’armée française dans l’armée européenne adossée à l’OTAN. Objectif assené à la fois par Trump et par Biden: augmenter le budget militaire européen de 2% par an… Bref, le cap est mis par le l’UE-OTAN sur la guerre continentale avec la Russie, et dans l’immédiat, sur le surarmement ruineux du sous-continent ouest-européen. Non seulement cela signifie un risque d’anéantissement des populations d’Europe si une guerre nucléaire survient avec la Russie (et dès lors, tous ceux qui promettent des améliorations sociales au monde du travail sont tous, dès aujourd’hui, de méprisables bonimenteurs !), mais il est clair que si l’on accroît énormément les budgets militaires pour plaire à l’OTAN tout en diminuant drastiquement les budgets sociaux pour faire plaisir à l’UE, les promesses des uns et des autres ne sont et ne seront à l’arrivée que des paroles jetées au vent. Nous défions qui que ce soit dans la belle euro-« gauche » modérée ou prétendument radicale, y compris anar ou euro-trotskiste, d’établir le contraire !
En clair, quel que soit le nom du futur premier ministre, ou celui du prochain président de la Chambre, le vrai programme implicitementpartagé par les diverses branches du Parti Maastrichtien Unique (ce « PMU » toujours perdant pour les peuples et toujours gagnant pour les capitalistes !) est par avance fixé comme il l’était d’avance hier pour Alexis Tsipras, le chef de file de la « gauche radicale » grecque, et comme il l’est aujourd’hui pour Giorgia Meloni, la première ministre italienne admiratrice du « Duce » : de moins en moins de « beurre » pour les travailleurs, de plus en plus de « canons » pour les fauteurs de guerre pilotés par Washington !
Cela signifie-t-il qu’il faille totalement se désintéresser de la bataille parlementaire portant sur la désignation du futur premier ministre? Nullement. D’une part, si Macron et sa clique parviennent à magouiller suffisamment pour tirer de l’Assemblée un « nouveau » gouvernement à sa main avec quelques députés PS sans honneur (ça ne doit pas être trop dur à trouver) et un premier ministre LR, type X. Bertrand, cela écœurera suffisamment d’électeurs pour rendre inévitable l’arrivée au pouvoir de Le Pen associée à Ciotti, c’est-à-dire d’un gouvernement combinant tout ce qu’il y a de pire dans notre pays : racisme d’Etat, thatchérisme économique, Etat policier, etc.
Si c’est un gouvernement de la « gauche raisonnable » qui sort du chapeau macronien, un gouvernement associé, au moins en douce, avec les macronistes, et porté sur les fonds baptismaux par le tripatouilleur « communiste » Roussel, le résultat sera le même : boulevard vers l’Elysée pour le RN associé au thatchérien Ciotti. Si c’est en revanche un gouvernement dominé par LFI, dont la base et peut-être certains élus sont attachés au mouvement populaire et, partiellement (Palestine) au camp anti-impérialiste, la contradiction éclatera aux yeux de tous les travailleurs : soit ce gouvernement voudra tenir ses promesses, si timorées et biaisées soient-elles (rêvons un peu !), et il devra alors rompre avec l’euro, l’UE et l’OTAN, c’est-à-dire s’orienter vers un Frexit progressiste, voire révolutionnaire – auquel cas le PRCF dit d’avance « chiche ! ». Soit, comme l’a fait Tsipras en Grèce, ce gouvernement capitulera très vite devant l’UE et il sera de plus en plus difficile, même aux « léninistes » d’opérette qui, ici et là, soutiennent LFI quoi qu’elle fasse, de continuer à ajourner la construction d’un vrai parti communiste, c’est-à-dire d’un parti marxiste-léniniste régi par le centralisme démocratique, de se dérober à la tâche de reconstruire le syndicalisme de classe 100% affranchi des appareils euro-alignés, et d’ignorer la nécessité de faire enfin concrètement, campagne pour un Frexit progressiste orienté vers le socialisme. Chiche aussi !
Mais laissons de côté ces supputations. Quelle que soit la solution qui sortira des manigances en cours (dont l’élection de Braun-Pivet à la Chambre vient de donner le pitoyable spectacle), les vrais communistes, les syndicalistes de classe, les militants franchement insoumis ne se tromperont pas si, dès aujourd’hui, ils appellent le camp populaire, non pas à soutenir passivement le NFP comme étant « la » solution – comme le fait, hélas, la très réformiste et ancienne membre du PS Sophie Binet -, mais à se préparer dès aujourd’hui à combattre le vrai programme commun de guerre, de fascisation et d’austérité du Parti Maastrichtien Unique, toutes tendances confondues. Ce qui signifie appeler les travailleurs et les syndicalistes à préparer ensemble une contre-offensive pleinement indépendante. Les « méga-prédateurs » de la grande bourgeoisie se disputent les places, les ours savants de la social-démocratie rose, verte ou rouge clair sont tous à la manoeuvre pour parler du changement sans combattre l’UE-OTAN ? Eh bien que les travailleurs se souviennent du mot de Lénine : « quand ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant, quand ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant, alors s’ouvre une période de révolution« .
D’autant que si nous, travailleurs, hésitions à sortir de la tranchée sous nos propres bannières rouge et tricolore, les rats fascistes ne tarderaient pas, eux, à occuper violemment l’espace que nous leurs aurions abandonné par loyalisme indu envers ceux qui ne cessent de trahir à la fois leur classe et leur pays !
Floreal 19 juillet 2024