Par Georges Gastaud* – 15 mars 2018, anniversaire de la publication clandestine des « Jours heureux », le programme du CNR
Hégémonie culturelle et dictature de classe : des concepts indispensables pour réarmer nos résistances
Fondateur du PC italien, linguiste éminent et figure de l’opposition prolétarienne à Mussolini, Antonio Gramsci nous a appris que l’issue des combats politiques et sociaux, qu’il s’agisse de victoires ou de défaites, est toujours préparée en amont par les affrontements « culturels », voire civilisationnels que les classes sociales et autres « blocs historiques » se livrent sur le terrain, en apparence « spéculatif », du combat d’idées. Pas de Révolution française sans le travail souterrain de l’humanisme renaissant, de la Révolution galiléo-cartésienne, et surtout, sans l’émergence de la philosophie des Lumières avec, à ses deux pointes extrêmes, le matérialisme communiste d’un Meslier, et le républicanisme pré-jacobin d’un Rousseau. Pas de triomphe de la Révolution d’Octobre sans tout le travail théorico-organisationnel de Marx et d’Engels, puis sans l’effort colossal des Lénine, Luxemburg, Zetkin, Lafargue, etc., pour lier le prolétariat, via le marxisme, au meilleur de la pensée dialectique allemande, du socialisme français, de la critique progressiste russe et de l’économie politique anglaise : une évidence que résume la formule par laquelle Lénine définissait l’essence même du parti communiste : « pas de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire ! ».
De même, pas d’émergence du Front populaire en 36, par de victoire du CNR en France ni de triomphe de la coalition antihitlérienne mondiale en 45, sans le labeur idéologique aujourd’hui si méconnu de Thorez, de Dimitrov et autre Politzer pour placer le prolétariat communiste international au centre de larges Fronts antifascistes, patriotiques et populaires associant le drapeau rouge universel des ouvriers au drapeau national de chacun des peuples engagés dans la lutte antifasciste.
Pour autant, ces combats pour l’hégémonie culturelle n’infirment nullement le matérialisme historique, et il est ridicule d’opposer l’apport théorico-politique de Gramsci à celui de Friedrich Engels : car toujours, à la base des triomphes culturels, il y a l’évolution souterraine du rapport des forces entre les classes sociales, eux-mêmes préparés par les évolutions séculaires des modes de production et des forces productives : cette « vieille taupe » chère à Marx qui creuse en profondeur les invisibles galeries des bouleversements historiques émergents.
Peuple(s) pris en étau entre l’euro-mondialisme néolibéral et l’identitarisme d’extrême droite
Il faut prendre tout cela en considération si l’on veut comprendre pourquoi le mouvement prolétarien et populaire est en si grave difficulté mondialement, et encore plus sans doute, nationalement, dans notre République française en décomposition : « Marianne » est en effet littéralement malaxée entre les mâchoires de l’étau macronien, qui revêt d’une toge jupitérienne l’euro-fédéralisme atlantique et néolibéral, et le Tea Party bariolé de tricolore et de contre-réforme catholique que voudraient mettre en place, concurremment pour commencer, et en synergie ouverte si l’avenir le permet, le « républicain » (au sens américain du mot) Wauquiez, le FN mégrétisé, le groupe fillonniste Sens commun et la bien-nommée Marion Maréchal : ces deux courants, euro-mondialiste et euro-identitariste, acceptant parfaitement, notons-le d’emblée, l’euro, l’UE, l’OTAN et la domination capitaliste sans parler de leur commune détestation du communisme, des syndicats rouges, du jacobinisme, voire des travailleurs immigrés et des libertés démocratiques (Valls et Collomb n’ayant aucune leçon à recevoir des Le Pen père, fille et nièce, en matière de répression, de flicage de la Toile et de traque policière des migrants).
Re-mondialisation contre-révolutionnaire du capitalisme, « dé-communisation » et triomphe de l’hégémonie libéral-fascisante
Car à l’arrière-plan de cette atroce défaisance française, qui broie le « produire en France » industriel et agricole, la protection sociale et les services publics d’Etat issus du CNR, la République une et indivisible, la séparation laïque de l’Etat et des églises malmenée par le dialogue institutionnel de l’UE avec les religions, la langue française évincée par le tout-anglais « transatlantique », et bien entendu la souveraineté politique monétaire, budgétaire, militaire et culturelle de notre pays, il y a les énormes capitulations idéologiques, culturelles, philosophiques qu’a consenties la « gauche » officielle, y compris l’extrême gauche établie, que Mitterrand, puis Jospin, puis le Parti de la Gauche Européenne (PGE) et la Confédération Européenne des Syndicats ont respectivement obtenues, le plus souvent sans combat, des dirigeants successifs du Parti communiste français et de la direction confédérale de la CGT.
Cette tenaille sociopolitique, qui broie les forces progressistes entre, d’une part, l’euro-atlantisme libre-échangiste de l’Axe Clinton/Merkel/Macron/Prodi, et l’identitarisme réactionnaire, raciste et obscurantiste des Trump, Le Pen, Salviani, Orban, Kaczynski et Cie, comporte, comme toujours, un caractère transnational. L’actuel broyeur libéral-fascisant s’est formé en occupant l’espace dégagé par la décomposition contre-révolutionnaire du camp socialiste et du Mouvement communiste international ; s’alliant à l’impérialisme occidental sur la base de l’antisoviétisme, prenant appui sur les redéploiements impérialistes et capitalistes de tous ordres qui ont labouré le salariat durant des décennies, les tendances thermidoriennes, opportunistes et révisionnistes ont provisoirement abattu l’alternative révolutionnaire que représentaient, depuis 1917 et plus encore depuis 1945, la Révolution chinoise et les grandes luttes anti-impérialistes des années 60/70 (Viêtnam, Cuba, Afrique, etc.) l’alliance planétaire du Mouvement communiste international, du mouvement des femmes et des forces anti-impérialistes mondiales.
De l’eurocommunisme au triomphe de l’euro-atlantisme en passant par l’avancée de l’euro-syndicalisme jaune
Concernant la France, ces tendances au pourrissement interne du mouvement ouvrier de classe se sont affichées dès 1976, date de la répudiation ostentatoire de la dictature du prolétariat (22ème congrès) par le PCF alors dirigé par G. Marchais : en fait de « rénovation », de « refondation » puis de « mutation » du PCF (Hue ayant transformé le glissement révisionniste antérieur en déferlement droitier), ce ne fut qu’une interminable palinodie liquidatrice, qu’un indécent effeuillage idéologique suivi d’un désossage organisationnel et d’une très logique débandade électorale : abandon des références statutaires au marxisme-léninisme et à l’internationalisme prolétarien (79, 23ème congrès), au centralisme démocratique, à la socialisation des moyens de production et au rôle dirigeant de la classe ouvrière (94, 28ème congrès), à l’abrogation du traité de Maastricht comme préalable à toute participation communiste à un futur gouvernement Jospin (96, 29ème congrès), sans parler de la participation de Mme Buffet et de M. Gayssot à ce gouvernement de guerre impérialiste (bombardement de Belgrade !), d’euro-privatisations (Air-France, France-Télécom, etc.) et d’installation de la monnaie unique, que fut le gouvernement « socialiste » de l’époque, dont les innombrables trahison portèrent Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002.
Dans le même temps, sous couvert d’indépendance par rapport au PCF (un comble !), la confédération CGT a résilié son affiliation à la Fédération syndicale mondiale (FSM) pour se soumettre, sous conditions draconiennes (abandon de la référence statutaire à l’abolition du salariat), au carcan maastrichtien et pseudo-syndical qu’est la C.E.S. Et ne parlons pas de la manière dont, à l’international, les dirigeants en vue de l’ex- « France rouge » ont encensé Gorbatchev, le liquidateur en chef du camp socialiste, présentant comme un « bouleversement démocratique » la mortifère restauration mondiale (ou peu s’en faut) du mode de production capitaliste.
C’est la faute à Lénine, c’est la faute à Rousseau, à Descartes et à Thalès !
Cette déroute idéologique travestie en « innovation » était pourtant résistible, pour parler comme Brecht : dès le début des années 70, des voix, constamment censurées ou réprimées par la direction du PCF, avaient crié casse-cou à l’interne en expliquant qu’on ne s’élargit jamais en se reniant, qu’on ne magnifie pas son existence en répudiant son essence et que la dérive nationale et internationale du « rouge » au « rose » qu’ont signifiée tour à tour l’eurocommunisme à l’Ouest et la « perestroïka » à l’Est, ne pourrait que favoriser celle du rose au « blanc » avec à l’arrivée, la fascisation de la scène politico-idéologique nationale, européenne, voire mondiale (Trump) dans une sorte de « décalage vers le brun » qu’à leur insu, les dirigeants révisionnistes de grands partis communistes (PCUS, mais aussi PC italien) ont bel et bien initié. En effet, les deux plus grandes révolutions de l’histoire moderne, la Révolution démocratique-bourgeoise française (dite « jacobine ») et la Révolution soviétique ouvrière et paysanne, sont tellement liées historiquement, par l’entremise notamment de février-juin 1848 et de la Commune de Paris, que la destruction de la seconde, avec à la clé l’abominable équation qui place à égalité le pays de Stalingrad et le Troisième Reich génocidaire, ne pouvait qu’aboutir à la criminalisation du communisme, et à travers lui, de toutes les révolutions, tout en banalisant le fascisme, ce courant impérialiste ultraréactionnaire qui a toujours été le plus sanglant élève de la classe anticommuniste, obscurantiste et contre-révolutionnaire. Fer de lance de la reconquête hégémonique des années Reagan, chouchoutés et portés par tous les médias de la Mitterrandie, les prétendus « nouveaux philosophes » (principalement A. Glucksmann et B.-H. Lévy) auront joué un rôle central dans cette contre-révolution idéologique qui, sous le nom d’antitotalitarisme, associait les accents anticommunistes et antisoviétiques, ultra-atlantistes, européistes voire exterministes (« je préfère succomber avec mon enfant que j’aime plutôt que l’imaginer entraîner vers quelque Sibérie planétaire » – en clair : « plutôt la mort universelle que le communisme » – osait déclarer Glucksmann en 84 dans l’atrocité théorique intitulée La force du vertige !). Et pendant que le slavophile Soljenitsyne appelait les « Blancs » de tous les pays, des amis de la Chouannerie aux héritiers de Koltchak, à s’unir mondialement, Glucksmann, un ex-dirigeant maoïste proche de Kessler (cf ci-dessus) et de Serge July, pourfendait la lignée maléfique de Staline-Lénine-Marx-Robespierre-Rousseau-Descartes… Jusqu’à dénoncer Platon, le rationalisme grec, et tous les « maîtres-penseurs » dont l’attrait maladif pour le « pouvoir » de la raison ne pouvait que conduire au « goulag ». Dans le même temps prenait son essor un pseudo- « nietzschéisme de gauche » qui, remontant en-deçà des lumières françaises, des aspects égalitaristes du primo-christianisme et du rationalisme grec, tendait à réhabiliter une forme de néo-paganisme antihumaniste et pseudo-écolo…
N’était-il pas logique dans ces conditions que tôt ou tard, la contre-révolution soviétique dût se transformer en démontage idéologique de la Révolution française et, la réaction extrême de notre époque impérialiste aidant, qu’elle finît même par asservir à l’impérialisme allemand résurgent notre mère à tous, la Grèce ? Quitte à inverser à cette fin la grande révolution du 5ème siècle av. notre ère où l’on vit (qu’on médite cette expression !) les plébéiens athéniens établir la démocratie (« pouvoir populaire »), faire de la sage Athéna, personnification de la Pensée, la déesse suprême et abolir du même coup l’archaïque « esclavage pour dettes » ?
Dans ces conditions, il est grand temps d’engager la reconquête « culturelle » sur des bases justes, à la fois prolétariennes, progressistes et, ne craignons plus ces mots « ringards », rationalistes et néo-jacobines. Il ne s’agit nullement d’une utopie, si dégradé que soit l’actuel rapport des forces idéologiques entre, d’une part, le camp du travail et des forces progressistes, et, d’autre part, le camp du capitalisme-impérialisme, de l’obscurantisme résurgent et des forces de mort.
Une reconquête culturelle nécessaire et possible !
D’une part en effet, cette reconquête de l’hégémonie est possible.
Car mondialement, après un moment de sidération et d’absurdes illusions, les peuples de l’Est ont compris que la restauration du capitalisme ne pouvait apporter la richesse et la « liberté » qu’à une oligarchie compradore otage de l’Occident. La réalité vécue par des millions de gens, c’est celle de la perte des précieux acquis socialistes qu’étaient le plein emploi, la socialisation des moyens de production permettant un développement planifié de l’économie, l’accès gratuit aux soins médicaux et à l’éducation, le logement bon marché, l’existence d’une culture nationale s’exprimant dans la langue maternelle, l’absence d’insécurité dans les rues, la possibilité de partir en vacances aux frais de l’entreprise, un réseau étendu de crèches libérant l’emploi au féminin, et par-dessus tout, la possibilité de vivre et de travailler au pays au lieu d’être contraints de s’expatrier pour servir d’armée de réserve industrielle au capital ouest-européen avide de torpiller les acquis sociaux et les revenus salariaux.
Bien entendu, les gens de l’Est n’ont pas oublié les dysfonctionnements parfois ubuesques de cette première expérience socialiste de l’histoire réalisée dans le contexte d’une guerre froide épuisante imposée par l’ouest, et à partir de pays économiquement arriérés tels que l’étaient la Russie de 1917, la plupart des pays d’Europe de l’Est[1] en 1945, sans parler du Viêtnam, de Cuba, des pays africains, voire de l’Afghanistan, dans lesquels prirent brièvement pied des régimes censément marxistes à la faveur des luttes de décolonisation. Il ne s’agit donc ni d’idéaliser ni de diaboliser l’histoire du primo-socialisme, il faut seulement comme en toutes choses, lui appliquer la devise rationaliste de Spinoza : « ne pas rire, ni maudire, ni se lamenter ni haïr, mais comprendre ».
Le bilan du « bilan » des pays socialistes
A l’ouest de l’Europe, même si, anticommunisme aidant, la nature de classe de l’UE, c’est-à-dire de la Sainte-Alliance postcommuniste qui a succédé au bloc historique mondial issu de Stalingrad sur les ruines du premier socialisme allemand, n’est pas encore bien identifiée par nombre de citoyens, les classes populaires se détournent de plus en plus de la « construction » euro-atlantique qui détruit leurs acquis, leur culture, leur langue et leur souveraineté en soumettant le sous-continent à la domination revancharde peu discrète de l’impérialisme allemand sous la haute supervision de Washington. Au sein du mouvement ouvrier et communiste d’Europe, le PRCF – qui en 2004, lors de sa fondation, était quasi-seul à appeler aux « quatre sorties » (de l’euro-UE-OTAN et du capitalisme), a la satisfaction de voir un nombre grandissant de partis communistes et progressistes rompre chaque jour davantage avec le mensonge social-maastrichtien du PS européen, de la C.E.S. et du P.G.E. appelant à mettre en place l’introuvable « Europe sociale » au sein même de l’UE dictatoriale : une UE qui, par Tsipras interposé, liquide le droit de grève en Grèce, qui accueille sans états d’âme des gouvernements à participation, voire à direction fascistes (Vienne, Kiev, Vilnius, Zagreb…) et qui accorde sa bénédiction implicite à l’interdiction des PC est-européens…
Exterminisme ou socialisme, pas de troisième voie !
Plus globalement, le mouvement ouvrier, populaire, impérialiste du monde entier, constate chaque jour que le capitalisme, surtout quand il est délesté du contrepoids soviétique, qu’il est dominé par un impérialisme américain terriblement décadent et agressif et qu’il est plus financiarisé, parasitaire et prédateur que jamais, n’apporte plus partout que des régressions. Que ce soit sur le terrain politique, où la transformation des ex-démocraties bourgeoises en « démocraties de basse intensité », antichambres du libéral-fascisme, est « en marche » partout (Europe, Amérique du nord, Japon, Corée du sud…), sur le terrain militaire – où le déclinant Empire états-unien cherche la bagarre sur tous les terrains avec les BRICS, spécialement avec la Russie et avec la Chine, sur le terrain économique, où prévaut un mode de développement exclusivement tourné vers le profit maximal qui bride et détruit les productions utiles et condamne à terme des milliards d’hommes au chômage et à l’ « inemployabilité », sur le terrain culturel, où la barbarie high tech du « modèle » américain teinté de tout-anglais arase tout ce qui n’est pas elle, sur le terrain environnemental, où l’obsession du tout-profit et la privatisation mondiale irresponsable de l’énergie nous condamnent à d’épouvantables catastrophes, un nombre grandissant de gens sentent, voire comprennent clairement, cette thèse que les fondateurs du PRCF étaient bien seuls à avancer dans les années 1980/90 : l’exterminisme – c’est-à-dire l’ensemble des politiques qui résultent de l’incompatibilité à moyen, voire à court terme du mode de production capitaliste et de la vie humaine, ou du moins, d’une vie humaine de l’homme – est devenu le stade suprême du capitalisme.
Ce n’est donc pas utopie, mais suprême réalisme que de chercher à en finir avec le capitalisme, dont les défenseurs ne croient pas si bien dire quand, avec Fukuyama et ses commanditaires de la Trilatérale impérialiste, ils posent leur mode de production favori en « fin de l’histoire ». Commence même à germer l’idée que, sans rompre avec son histoire et avec ses objectifs antérieurs (l’émancipation sociale et nationale des peuples), le communisme de nouvelle génération doit se comporter en anti-exterminisme conséquent, et pour cela, placer la classe travailleuse au cœur de la lutte pour la survie et le développement de l’humanité, inséparable de l’éviction historique du capitalisme. C’est ce message anti-exterministe que porte, par-delà sa résonance héroïco-guévariste, la devise cubaine « socialismo o morir »…
Lutte des classes, dictature de classe : de leur actuelle dénégation perdante à leur future réaffirmation gagnante
Certains diront cependant que c’est devenu impossible parce que le prolétariat est passé de mode et que les nouvelles technologies rendent « obsolètes » les concepts marxistes de classe, d’exploitation capitaliste et de dictature du prolétariat : vision fort superficielle de l’évolution historique qui confond les transformations des rapports sociaux – leurs changements de forme – et le maintien, voire le durcissement en profondeur de l’exploitation capitaliste, de la prolétarisation massive de nouvelles activités, de la recherche effrénée en tous domaines de la plus-value la plus élevée dans des domaines qui furent longtemps préservés de l’exploitation directe : santé, éducation, transports, « services publics » en un mot. En réalité, en matière d’exploitation capitaliste comme en chimie, « rien ne se perd, rien ne se crée et tout change de forme ». Qui ne voit qu’en réalité, la classe ouvrière, cœur du prolétariat, s’étend à l’échelle mondiale avec l’industrialisation-ouvriérisation des BRICS, que le prolétariat – l’ensemble des individus qui sont « déliés de tout, sauf du besoin » (Marx) – est démultiplié, que la fameuse ubérisation, que l’ « auto-entreprenariat » lui-même, maquillent, sous des formes pseudo-patronales, une exploitation accrue de travailleurs paupérisés qui sont en réalité forcés de travailler sans limites horaires, sans aucune protection sociale, et dans une hyper-précarité tout-à-fait analogue à celle que connaissaient le prolétariat ouvrier du 19ème siècle ?
Quant au « déclin de la lutte des classes », quant à l’obsolescence proclamée de la révolution sociale et de la dictature du prolétariat, ce sont de douces plaisanteries. Souvenons-nous du mot du milliardaire US Warren Buffet (« il existe une guerre des classes et c’est ma classe, celle des riches qui est en passe de la gagner »). Ils savent bien, « eux » – eux, c’est-à-dire les capitalistes – qu’il y a une guerre de classe et même, car tout cela marche ensemble, une dictature du capital. Et face au capitalisme financiarisé, hyper-prédateur et ultra-revanchard actuel, un capitalisme qui reprend tous les acquis, qui tente de recoloniser le monde et qui prépare la guerre partout (Ukraine, Syrie, Corée, Iran, Syrie, Afrique de l’Ouest, etc.), un capitalisme qui ridiculise le réformisme et la social-démocratie traditionnels en les réduisant au rôle de soutiers jaunâtres des contre-réformes, ceux qui promettent qu’ils feront un socialisme gentillet, sans dictature du prolétariat, devraient méditer le mot de Saint-Just : « ceux qui font les révolutions à demi n’ont fait que se préparer un tombeau ».
Conditions minimales d’une analyse révolutionnaire de la contre-révolution
Bien entendu, pour organiser la contre-attaque « culturelle », il faut analyser les facteurs qui ont permis la contre-révolution en Russie et en Europe de l’est. C’est un travail que l’auteur a proposé dès 1997 dans son livre Mondialisation capitaliste et projet communiste, spécialement dans la Partie III intitulée Pour une analyse révolutionnaire de la contre-révolution. Sans qu’il soit ici possible de reprendre toute cette analyse, il faut insister sur deux aspects de la nécessaire autocritique communiste :
- Le refus de ce que Losurdo nomme l’ « auto-phobie communiste », c’est-à-dire la tendance parfaitement veule à la « repentance » et à l’auto-flagellation, dont le PCF n’est pas près de sortir hélas, qui consiste à accuser le marxisme-léninisme, le matérialisme dialectique, le parti d’avant-garde, le syndicalisme de classe, le socialisme réellement existant, la dictature du prolétariat – le prétexte permanent de la « déstalinisation » cachant mal la « désalinisation » réelle, l’édulcoration des positions. Comme si l’expérience historique de la contre-révolution n’avait pas dressé, non pas le « bilan négatif du socialisme » sur lequel s’acharnent tous les droitiers du mouvement ouvrier, mais le bilan catastrophique de sa DESTRUCTION et du grand bond en arrière que la restauration capitaliste a permise. Comme si c’était un excès de pouvoir populaire, de visée socialiste du communisme, d’internationalisme prolétarien, et non une remise en cause droitière, révisionniste, de ces objectifs qui avait favorisé la contre-offensive réactionnaire des années Thatcher-Reagan-Gorbatchev secondés par Mitterrand.
- Le dépassement des analyses unilatérales; certaines mettent l’accent seulement sur les facteurs internes du prétendu « échec » du socialisme, ce qui aboutit régulièrement à disculper l’impérialisme et à mettre en accusation… Lénine de la destruction de ce qu’il a en réalité construit. D’autres symétriquement ne voient que complots et agressions impérialistes (bien réels au demeurant) alors que c’est l’enchevêtrement incessant des déformations internes et des pressions externes qui a catalysé l’offensive thermidorienne de Gorbatchev couronnée par le coup d’Etat franchement réactionnaire d’Eltsine ;
Facteurs objectifs et facteurs subjectifs de la contre-révolution politique et culturelle
Il faut aussi analyser les bases matérielles de la victoire du révisionnisme, cet appendice de la social-eurocratie maastrichtienne, dans le mouvement communiste occidental, notamment sous la forme de l’eurocommunisme des années 70, puis sous la forme carrément suicidaire de la « mutation » chère à Hue et Gayssot (aujourd’hui supporteur officiels de Macron !) ; non seulement il faut analyser le virage de plus en plus parasitaire des économies impérialistes dominantes qui, des USA à la France, ont massivement supprimé et délocalisé l’industrie, base matérielle de la classe ouvrière usinière, un virage que Lénine avait prévu dans L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme. Impossible aussi d’oublier qu’en France, ce tournant parasitaire vers la casse industrielle et agricole, est aussi un choix politique consécutif à Mai 68 : la grande frousse bourgeoise qui a suivi la plus grande grève de l’histoire mondiale, s’est traduite par un accord inter-impérialiste par lequel la France bourgeoise (Giscard, puis Mitterrand) a sacrifié l’industrie nationale – mines, machine-outil, sidérurgie… – et aussi, en grande partie, la petite et moyenne agriculture, liquidant du même coup les bases sociales ouvrières et paysannes du parti de la faucille et du marteau. Ce qui n’exonère en rien les responsabilités des dirigeants communistes des années 70/90 qui ont accompagné cette attaque contre leur classe d’appui en détruisant la boussole marxiste-léniniste du parti, en distendant les liens entre parti de classe et syndicalisme de combat, en se subordonnant de plus en plus au PS (ministérialisme des années 80/84 et des années 97/2002) et en abandonnant le combat pour l’indépendance nationale incarné par Jacques Duclos au profit, d’abord de l’eurocommunisme, puis de l’adhésion au principe de la « construction » européenne agrémentée du slogan mensonger de l’Europe sociale.
Etudier la stratégie antinationale de l’ennemi de classe : Besoin d’aire ou la mondialisation euro-libérale comme nouvel « espace vital »
Enfin, il faut analyser point par point la stratégie de l’ennemi de classe. Elle est admirablement résumée dans deux textes majeurs. D’abord, l’édito de la revue Challenge (novembre 2007) où Denis Kessler, alors n°2 du MEDEF, appelait cyniquement le nouveau président, Nicolas Sarkozy, à « démanteler le programme du Conseil national de la Résistance ». Ensuite, le manifeste Besoin d’aire, publié par le MEDEF en décembre 2011, qui appelle de manière à peine voilée à liquider la France en accentuant les délocalisations, en substituant le tout-anglais au français, en « reconfigurant les territoires » (régionalisation, voire fédéralisation de l’ex-République une et indivisible « jacobine », liquidation des communes et des départements au profit des « métropoles », des euro-régions court-circuitant Paris pour dialoguer directement avec Bruxelles) et en dissolvant la République dans les futurs « Etats-Unis d’Europe » arrimés à l’OTAN et à « l’Union transatlantique » : le CETA, l’Accord de l’UE avec le Mercosur, et dès que le gouvernement CDU/SPD aura été formé à Berlin, le retour en force, à n’en pas douter, du funeste TAFTA.
Si bien qu’il faut être du dernier aveuglement, ou pire, être financièrement chevillé à l’UE par l’entremise de la C.E.S., du PGE et autres « fils à la patte » berlino-bruxellois, pour ne pas saisir ceci : pour mondialiser ses profits et obtenir (qu’elle croit !) une place mondiale de brillant second de l’Axe germano-atlantique (telle est l’ambition absurde de Macron), et surtout, pour écraser définitivement le mouvement ouvrier français (pour « sortir de 36, de 45 et de 68 »… voire de 1905 et de 1789-94 !), la classe dominante s’active à liquider la France en tant qu’Etat-nation indépendant, francophone, laïque, territorialement uni et doté de services publics et d’acquis sociaux performants. Bref casse nationale, démontage démocratique et casse sociale ne font qu’un si bien qu’une contre-offensive de classe conséquente ne peut éternellement continuer de se désintéresser de l’avenir de la NATION comme telle. L’« extrême gauche » anticommuniste qui crache sur la Marseillaise et sur le drapeau tricolore ne porte en réalité qu’un accompagnement « de gauche » de la casse réactionnaire de la nation[2].
Sur le plan des dispositifs politiques, le passage à l’euro-broyeur de la France du CNR se fait par la mise en place de l’étau partisan que nous évoquions ci-dessus sur un plan idéologique : d’un côté, un Parti Maastrichtien Unique au centre duquel se trouve actuellement le parti présidentiel LREM (la Loi des Riches Et de Maastricht ?), flanqué du PS, du groupe de B. Hamon (non moins fédéraliste que l’actuel président), Europe-Ecologie les Verts, sans oublier l’appareil euro-formaté et socialo-dépendant du PCF-PGE (dont la posture « oppositionnelle » ne peut faire oublier qu’il défend mordicus l’euro et l’UE), voire ceux qui, dans la « France insoumise », à l’instar de Clémentine Autain, n’entendent que la première partie de la formule mélenchonienne : « l’UE, on la change ou on la quitte ! ». Bref un bloc euro-libéral flanqué de satellites alter-européistes roses, rouge pâle ou verts qui ne demandent qu’à virer au social-atlantisme comme le montre leur manière d’attaquer Maduro en proie à la contre-révolution orchestrée par Trump. Fermant la tenaille politique, le bloc nationalitaire et même pas patriotique (aucun de ces personnages ne veut sortir de l’euro ni tenter le Frexit) des Wauquiez, Le Pen (père, fille et nièce), et de tous les faux souverainistes à la Dupont-Aignan qui vendent « l’Europe des nations » comme la fausse gauche tente encore, avec de moins en moins de succès, de débiter à la sauvette son introuvable « Europe sociale ». Drapeau bleu marial européen d’un côté, avec un zeste de drapeau tricolore et de drapeau rouge expurgé des « outils » léninistes, flamme tricolore de l’autre, avec un zeste de drapeau bleu, de drapeaux régionaux identitaires, et une haine incandescente contre le drapeau rouge. La seule issue pour les progressistes est alors d’unir les deux drapeaux, rouge et tricolore, et à travers eux, la nation libre et le monde du travail, à la fois contre le Parti maastrichtien unique (aucune voix ouvrière pour Macron, Hamon et Cie !), contre le bloc bleu-bleu marine-brun en formation, ce que le PRCF appelait justement, avant que tout ce marigot répugnant ne changeât de nom, l’ « U.M.’ Pen », et bien entendu, contre l’euro-UE-OTAN, en proposant le seul Frexit qui soit possible en France, le Frexit PROGRESSISTE affrontant le grand capital, promouvant l’Europe des luttes contre l’UE, tendant la main aux peuples de tous les continents, et permettant à notre pays de poser de nouveau dans la pratique la question du socialisme pour la France.
Bases d’une contre-offensive culturelle, politique et organisationnelle
Tout cela suppose une vaste contre-offensive idéologique, programmatique et organisationnelle qui oppose à la tenaille libéral-fasciste et à sa cohérence réactionnaire une contre-cohérence prolétarienne, démocratique, patriotique et anti-impérialiste. Cela implique une série de contre-attaques :
D’ordre idéologique : il faut d’abord :
- Se réapproprier le grand héritage du rousseauisme théorico-politique, la pointe avancée des Lumières sur le plan social et politique, l’inspirateur théorique de la Révolution jacobine. Osons nous affirmer jacobins, osons dénoncer le « pacte girondin » de Macron qui ouvre la voie à la balkanisation de la France, au déchirement potentiellement violent du territoire national ;
- Se réinscrire de manière inventive dans la grande tradition française du rationalisme critique. Cela suffit de laisser l’intelligentsia pseudo-progressiste traiter Descartes, fondateur de la géométrie analytique, de la mécanique, de l’optique, du doute méthodique, de la philosophie moderne du sujet… et du français scientifique, comme une sorte de demeuré théorique. Déjà le jeune PCF de Thorez, de Jacques Solomon, d’Henri Wallon et de Politzer avait commémoré de manière combative, en 1937, le tricentenaire du Discours de la méthode. En alliance étroite avec les sciences, que démolit la contre-réforme Blanquer du lycée, relançons un rationalisme moderne et critique et montrons que son déploiement conséquent à notre époque passe par une rationalité expérimentale: ce que dit implicitement l’expression « matérialisme dialectique ». Dans notre livre Lumières communes, traité de philosophie générale à la lumière du matérialisme dialectique, nous avons montré que la forclusion universitaire du matérialisme dialectique sape les bases du mouvement pour les Lumières ; à l’inverse, leur relance implique une renaissance du matérialisme dialectique en lien étroit avec le mouvement des sciences et avec les luttes pour l’émancipation de la société ;
- Combattre la criminalisation du communisme, assumer le marxisme-léninisme (pour développer un héritage, il faut d’abord l’assumer) ; concernant le « stalinisme », il faut passer de la défensive frileuse – ou de son symétrique, le fidéisme crispé – à une défense critique, sur des bases léninistes, de l’histoire de l’URSS ; et pour cela, il faut se démarquer de la criminalisation khrouchtchévienne, en user du passé soviétique, ou de celui du PCF, comme Marx en usa avec la Commune qu’il défendit mieux que personne, mais dont il critiqua durement, les manquements et les imperfections (cf La Guerre civile en France). Si « les barricades n’ont que deux côtés» – selon un mot fameux d’Elsa Triolet -, notre lecture de l’histoire soviétique se doit d’assumer une position de classe (« il y a la démocratie des riches et la démocratie des pauvres », disait Fidel Castro) ; mais pour que triomphe la cause des exploités, il ne faut pas craindre de critiquer à fond nos propres erreurs et déviations. Bref, il est urgent de retrouver la culture de l’Internationale communiste qui voyait Lénine et Luxemburg combattre ensemble l’impérialisme sans renoncer à critiquer – publiquement au besoin, mais toujours fraternellement et du point de vue du combat pour le socialisme – ce qu’ils considéraient comme les erreurs de l’autre.
- faire vivre le français et toutes les langues du monde, refuser le tout-anglais transatlantique, saisir par là-même que l’internationalisme prolétarien de nouvelle génération ne sera pas une uniformisation plate de la planète, fût-elle parée du mot de « communisme », ou de l’expression néolibérale et américano-formatée de No borders, mais un universel concret riche de mille diversités. Méditons le mot hautement dialectique de l’écrivain italien Umberto Eco selon lequel « la langue de l’Europe est la traduction». Quelle révolution copernicienne si les communistes du 21ème siècle, poussant à son terme la critique marxienne du « socialisme de caserne » proposée par le Manifeste du Parti Communiste de 1848, assument toutes les diversités humaines contre le totalitarisme, voire contre le « globalitarisme » néolibéral qui démolit la biodiversité et veut imposer partout la langue unique, la pensée unique, l’économie et la politique uniques !
- il ne s’agit pas de rejeter les questions dites sociétales que trop souvent, l’idéologie néolibérale récupère et dévoie afin d’occulter les questions sociales et nationales au risque de rejeter les classes populaires exaspérées vers le « populisme » d’extrême droite. Qu’il s’agisse du féminisme, où Engels et Zetkin nous ont munis depuis plus d’un siècle des éléments théoriques permettant d’articuler l’affranchissement des femmes à l’émancipation sociale générale, ou de l’écologie, où la dialectique de la nature engelsienne est un outil exceptionnel pour situer précisément la lutte pour le communisme dans l’interaction millénaire entre nature et culture, il faut éviter deux écueils symétriques : l’ouvriérisme, qui méprise l’écologie, pactise souvent avec la niaiserie climato-sceptique et livre de fait un secteur majeur de la lutte anticapitaliste – la défense des conditions de vie environnementales de l’humanité – à la petite bourgeoisie « écolo », voire au « capitalisme vert » ; mais aussi le boboïsme qui refuse la révolution prolétarienne pour SUIVRE le féminisme bourgeois ou l’écologisme néolibéral ;
- Plus fondamentalement, il faut affirmer la dimension centralement anti-exterministe du communisme présent et futur. Cette dimension a toujours existé dans le communisme, mais elle devient centrale quand le capitalisme, devenu maximalement parasitaire et prédateur, met en cause l’existence de l’humanité, voire de la biosphère ; pour être honnête, il faut reconnaître que Gorbatchev avait saisi cette dimension anti-exterministe et que même, il en avait conclu que sa politique, dite « nouvelle pensée politique », devait porter comme jamais la question du sens de l’histoire : c’est même cette capacité à prendre en compte cette question face aux exterministes flamboyants qu’étaient Reagan et Bush qui assura au début la popularité mondiale du « gorbatchévisme ». En effet, quand l’exterminisme impérialiste en est à poser à tous les hommes la question « être ou ne pas être ? », quand il pose centralement la question des raisons de vivre ou de mourir (« plutôt morts que rouges » !), c’est bel et bien des questions géopolitiques que surgit la question du sens, du « pour quoi vivre » ? Seulement, Gorbatchev dépolitisait sciemment cette question, il l’émondait de sa dimension de classe sans vouloir voir que pour vaincre l’impérialisme et fédérer les peuples contre lui, le communisme doit porter le sens de la vie ; il doit rattacher cette question à la lutte révolutionnaire pour le socialisme puisque c’est le capitalisme-impérialisme qui menace de mort l’humanité. Par la dialectique de la nature, le communisme doit aussi rattacher la question du sens de la vie à toute l’extraordinaire aventure de la nature construisant par elle-même, sans transcendance rectrice, des complexités de plus en plus élevées « dont l’humanité pensante est la suprême floraison » (Engels). Tout en montrant que le capitalisme-impérialisme porte en lui les jumeaux ennemis du nihilisme, cette négation du sens (de la vie, de l’histoire, de l’évolution naturelle…) qui mène au « Viva la Muerte !» franquiste, et du spiritualisme fanatique, intégriste ou puritain (qui place les raisons de vivre hors de la vie et de l’histoire et qui, en conséquence, exalte les individus à tuer et à mourir… pour « les valeurs occidentales », pour « le parti de Dieu », en réalité, pour… le capital financier !).
C’est pourquoi, fusionnant le patriotisme anti-impérialiste, l’internationalisme populaire, l’héroïsme révolutionnaire et l’anti-exterminisme conséquent, Fidel résumait magistralement le sens de notre combat en concluant son grand discours de Camagüey[3] par le mot d’ordre « Patria o muerte, socialismo o morir, venceremos ! ». Ce faisant il s’opposait à la fois à l’exterminisme reaganien (« plutôt morts que rouges ») et à la « nouvelle pensée » social-capitularde de Gorbatchev qui opposait alors les « valeurs universelles de l’humanité » à « l’intérêt de classe du prolétariat »… pour préparer l’autodestruction de l’URSS[4]. Car de même que la classe ouvrière, conduite par ses PC nationaux, doit diriger les fronts patriotiques et antimonopolistes jusqu’à la révolution socialiste, de même le prolétariat international devrait-il travailler à diriger le Front anti-exterministe mondial – ce que Youri Andropov nommait le « Front de la raison » – jusqu’à la victoire finale du communisme sur les multiples dangers d’avilissement et d’anéantissement dont le capitalisme-impérialisme obsolète menace l’humanité.
D’ordre stratégique et programmatique :
La reconstruction idéologique ne saurait suffire et d’ailleurs, c’est en lien avec la construction de cet « intellectuel organique » qu’est le parti communiste – le « Prince moderne » pour user du vocabulaire machiavélien de Gramsci – qu’il faut concevoir la conquête de l’hégémonie culturelle progressiste. Sur ce plan nous nous permettrons d’être plus rapides car les propositions portées par le PRCF depuis plus d’une décennie commencent à être bien connues.
Stratégiquement, il faut d’abord éviter les écueils symétriques :
- celui de l’opportunisme de droite, qui n’a plus rien d’autre à proposer que la sempiternelle union des euro-gauches, tantôt derrière le PS maastrichtien, tantôt derrière les « mouvements antilibéraux », tantôt derrière le Parti de la Gauche Européenne, tantôt carrément derrière Macron (« pour barrer la route de l’Elysée à Le Pen», sic),
- mais aussi celui du sectarisme gauchiste, qui subordonne le rassemblement antimonopoliste au préalable de la révolution socialiste, et qui, ce faisant, stérilise ce rassemblement, voire le rabat sur l’anticapitalisme incantatoire et totalement impuissant des mouvements euro-trotskistes. Cela signifie se démarquer, à droite, du souverainisme bourgeois qui n’évoque le Frexit que pour le couper de l’objectif socialiste et des mesures progressistes qui l’ancreraient dans le monde du travail, à gauche, de la phraséologie révolutionnaire qui, de fait, dévalue les batailles immédiatement gagnables relatives au Frexit (55% des Français ont voté contre la constitution européenne et Macron vient d’expliquer à la BBC qu’un référendum français sur l’UE donnerait la victoire au Frexit !), et qui – sous couvert d’impatience révolutionnaire – reporte la sortie de l’UE par la gauche à une prochaine – et ô combien improbable à ce jour – insurrection prolétarienne en France, voire en Europe. Les premiers sont pareils à des lanceurs de fusée qui omettraient de placer à son faîte le spoutnik révolutionnaire et qui diraient : « que la fusée décolle, qu’importe qu’elle aille au nord ou au sud »! Chose d’autant plus absurde que, dans les conditions actuelles, le Frexit ne peut avoir lieu que par et vers la gauche, sous la direction des forces populaires, on a bien vu récemment que pour d’évidentes raisons de classe qui les poussent à ménager cette UE si chère au MEDEF, le FN, N. Dupont-Aignan, etc. ne VOULAIENT NI POUVAIENT extraire la France de l’euro, de l’UE et de l’OTAN[5]. Quant aux seconds, ils sont pareils à des Shadoks qui refuseraient de construire une fusée à étages successifs, chacun allumant le suivant jusqu’à mettre en orbite le spoutnik révolutionnaire, en sautant sur place comme des cabris tout en clamant ridiculement : « le socialisme tout de suite, sinon rien ! » (donc… rien !). En réalité, comme l’explique depuis toujours le CNR, le Frexit progressiste n’est ni une étape interminable, une troisième voie entre capitalisme et socialisme, un moyen opportuniste d’ajourner la révolution prolétarienne, ni une bricole politique dont on pourrait s’occuper a posteriori quand la classe ouvrière – sans qu’on dise comment il y parviendra – aura conquis le pouvoir politique. Elle est un tremplin vers le socialisme tant il est vrai qu’à notre époque, qui n’est plus celle des compromis inévitables de 1945, la lutte pour l’indépendance nationale, pour la coopération internationale, pour la démocratie, la paix et le progrès social, est de plus en plus soudée à la lutte pour le socialisme, lequel à l’inverse est impossible si l’on n’ébranle pas la Sainte-Alliance euro-atlantique dont le but ultime est de sanctuariser le capitalisme-impérialisme.
Dans les faits, cela oblige à concevoir la classe ouvrière – donc, ses représentants politiques, syndicaux, culturels, etc. – comme la force rectrice du Frexit progressiste. Donc, à reconstituer ses outils sociopolitiques saccagés et dénaturés par le révisionnisme, parti d’avant-garde, jeunesse communiste combative, syndicalisme de classe, pour les mettre au cœur d’un nouveau Front Antifasciste, Patriotique, Populaire, Pacifique et Ecologiste (FRAPPE !), porteur d’un « nouveau CNR ». Allant nécessairement plus loin que le CNR de 1943, où le PCF dut nécessairement composer avec l’aile patriotique de la grande bourgeoisie (le « gaullisme », dont les bases en tant que courant hégémonique ont aujourd’hui largement disparu), ce bloc historique progressiste serait programmatiquement tourné vers la (re)constitution de :
- la souveraineté nationale (politique, économique, monétaire, budgétaire et financière, militaire et diplomatique),
- du produire en France (donc du secteur public industriel et bancaire, dont la relance est inséparable de la reconstitution du secteur bancaire et industriel d’Etat en vue de la mise en place d’une planification démocratique et nationale),
- de l’autonomie culturelle de notre pays (halte au tout-anglais et à l’américanisation forcenée des modes de vie, relance des « lumières », d’une Education nationale de qualité pour tous, d’une recherche publique digne de ce nom, d’une laïcité conquérante, tournée vers l’essor de l’esprit critique, de la création artistique, de l’enseignement des sciences, des humanités, des arts, de la culture physique et sportive, etc.),
- de la coopération internationale avec les pays de tous les continents (halte au tête-à-tête mortifère de la France avec l’Axe Berlin-Washington, main tendue aux BRICS, à l’ALBA, aux pays frères de la Francophonie, etc.),
- de la démocratie politique et économique la plus large sans crainte d’affronter les hommes et les mécanismes oligarchiques
- de la lutte contre toutes les discriminations et contre tous les communautarismes réactionnaires,
- d’une transition écologique associée à la relocalisation démocratiquement planifiée des productions,
- de la défense de la paix mondiale,
… tout cela dans la perspective d’un socialisme tenant compte à la fois des lois universelles du passage du capitalisme au socialisme, et des spécificités de notre pays, comme Lénine l’a toujours conseillé. Ce socialisme portera forcément les traces de l’itinéraire politique qui y aura mené : plus large sera, socialement, idéologiquement, culturellement, le front qui l’aura construit, plus vaste sera l’assise politique du futur pouvoir populaire qui, cependant, ne pourra faire l’économie, ni de la conquête du pouvoir d’Etat, ni de la socialisation des grands moyens de production et d’échange, ni d’un pouvoir de classe démocratiquement centré sur l’écrasante majorité de la population : la classe des travailleurs salariés, ni, bien entendu, de la défense résolue des conquêtes populaires contre la réaction intérieure et contre l’impérialisme extérieur. Parler de « socialisme du 21ème siècle » en contournant ces fondamentaux ne serait qu’imposture, l’expérience récente du Venezuela bolivarien, contraint par la contre-offensive oligarchique de choisir entre le fascisme et la mise en œuvre d’une véritable option socialiste, est là pour rappeler que le marxisme-léninisme n’est pas un dogme mais l’étude rigoureuse des conditions de la révolution communiste.
D’ordre organisationnel
Bien entendu, toutes ces orientations culturelles et stratégiques resteraient lettre morte si n’étaient pas reconstitués au plus tôt les outils politiques, syndicaux, associatifs, éditoriaux, internationaux, indispensables à leur mise en œuvre. Dans les conditions présentes, cela signifie :
- Accélérer la marche à la (re-)construction d’un Parti franchement communiste. Le PCF-PGE actuel n’en est plus qu’une contrefaçon dont le rôle principal est d’occuper et de stériliser le terrain de la renaissance communiste tout en « fixant » les travailleurs, et spécialement, les appareils syndicaux qu’influence encore le PCF/PGE au mensonge paralysant de l’ « Europe sociale » : sans cet ancrage capitaliste, le PCF-PGE serait-il encore subventionné par l’Etat et par l’UE via le PGE (l’UE n’acceptant de subventionner et d’enregistrer des « partis européens » qu’à la condition qu’ils acceptent la « construction européenne » et l’euro) ?
Certes, il existe minoritairement de vrais communistes au sein du PCF, et surtout, au sein des JC. Néanmoins, quels que soient les aléas de la lutte interne au PCF-PGE, nul ne peut se dérober aux lois objectives qui président à la construction des partis ouvriers de classe. Dans leur essence, ces partis se définissent comme la fusion organisationnelle, à travers le principe du centralisme démocratique (qui nous vient du jacobinisme à travers la Révolution soviétique), de la théorie marxiste et du mouvement ouvrier de classe. Toute l’histoire du Congrès de Tours et de l’Internationale communiste démontre que les partis communistes ne sont pas des tendances révolutionnaires se mouvant ad vitam aeternam au sein de partis social-démocratisés, contrairement à ce qu’a longtemps cru Luxemburg et qu’avait par avance réfuté Lénine. Tout au plus de telles tendances peuvent-elles servir de rampe de lancement, pour peu qu’elles annoncent la couleur, qu’elles dénoncent systématiquement devant les masses les orientations réformistes et qu’elles se lient prioritairement aux communistes organisés hors du parti réformiste, à la « séparation organisationnelle » entre direction euro-réformiste et les éléments révolutionnaires, ces derniers étant tenus de saisir la « main tendue » des révolutionnaires organisés à l’extérieur. C’est ainsi qu’a pu réussir le Congrès de Tours où les éléments révolutionnaires internes au PS-SFIO, et conduits par Cachin et Vaillant-Couturier, se sont SEPARES des réformistes de Blum, y compris des centristes conciliateurs comme Jean Longuet, et qu’ils ont fusionné avec le Comité pour l’adhésion à l’IC tout en se rapprochant des syndicalistes révolutionnaires comme Montmousseau ou Midol.
- L’effort pour reconstruire le syndicalisme de classe doit lui aussi être accéléré en prenant en compte le fait accablant que, plus la stratégie d’accompagnement européen des directions syndicales conduit les salariés et les jeunes à la défaite (cf les billevesées sur le « socle social européen », le « service public européen » et les autres euro-inepties qui promettent demain tout en bradant hier et aujourd’hui), et plus les états-majors affiliés à la C.E.S. et arrimés à la CFDT (c’est l’ainsi-dit « syndicalisme rassemblé ») s’entêtent dans les journées d’ « action » sans perspective, militent CONTRE l’idée même d’une grève générale (qui bien entendu, ne se décrète pas mais qui se construit !) et mènent la classe travailleuse à une défaite historique et potentiellement rédhibitoire. Cela suffit de « faire pression » sur les directions pour exiger qu’elles construisent aimablement le « tous-ensemble-en-même-temps » qu’elles combattent. Inversons les tactiques : impossible de construire les convergences de lutte, le « tous ensemble en même temps » des salariés sans rompre avec le tabou bureaucratique et corporatiste qui veut que chaque syndicaliste de classe s’enferme dans son syndicat et dans sa branche professionnelle au lieu de construire à l’inter-pro un large front syndical de lutte avec les syndicalistes de tous secteurs et de tous syndicats[6], pourvu qu’ils n’aient pas peur d’aller au bras de fer avec ce gouvernement thatchérien et qu’ils ne craignent pas de dénoncer frontalement à la fois Macron, le MEDEF, et la hideuse « construction » européenne qui charge Macron d’araser jusqu’au dernier conquis de 1945-47. Là aussi, l’urgence commande, car à quoi servirait d’avoir reconstruit le syndicalisme rouge une fois que la France, en tant que nation indépendante, et les acquis sociaux de 1905, 1936, 45, 68, auront tous été éradiqués par l’Attila qui siège à l’Elysée ? Comment le syndicaliste qui craint d’affronter la bureaucratie dans son propre appareil syndical pourrait-il avoir le courage d’affronter Macron-MEDEF en occupant les entreprises et en allant dans la rue ?
Assez de confusion aussi entre la nécessaire Europe des luttes et l’idée fumeuse que l’on pourrait « réformer du dedans » l’UE supra-nationale et atlantique du grand capital ? C’est contre l’UE, et non via l’UE et sa courroie de transmission, la C.E.S., que se construira l’Europe des luttes. Et ce n’est pas en sautant l’échelon de la nationalisation des luttes et les objectifs proprement patriotiques tendant à restaurer le produire en France et les services publics d’Etat, que l’on précipitera et coagulera les luttes européennes. Que la France sorte donc de l’UE par la porte à gauche serait un piquant stimulus pour l’ensemble des luttes sociales en Europe (et ailleurs !), alors qu’il n’y a que des flops à répétition à attendre de « journées d’action » éparpillées dont le seul but est de rabattre périodiquement, vainement et ridiculement les permanents syndicaux devant une commission de Bruxelles qui rit sous cape de telles « démonstrations »… d’allégeance !
- Le travail de reconstruction du front progressiste anti-UE doit à la fois être clair sur les « lignes rouges » infranchissables et sur la « main tendue » qui doit, autour des luttes ouvrières et populaires, souder les « classes moyennes » précarisées aux classes populaires pour isoler et battre le grand capital. En aucun cas on ne doit soumettre ce front à l’alter-européisme impénitent que portent à la fois le PS, la direction du PCF-PGE, ce meilleur rempart de l’euro, Ensemble, ATTAC, les directions confédérales euro-formatées, les forces euro-trotskistes comme « Lutte ouvrière » ou, non moins gravement, la fausse gauche atlantique et néocoloniale toujours prête à envoyer « humanitairement » la Légion étrangère sauter sur Caracas, sur le Donbass, sur Tripoli ou sur Damas.
Symétriquement, aucun compagnonnage politique n’est possible avec les « souverainistes » qui, sans combattre réellement l’UE, courtisent le FN et l’extrême droite, flirtent avec le racisme, ou gardent des positions complaisantes à propos de la « Françafrique ».
Ces digues politico-idéologiques étant posées, le front doit être le plus large possible, associant tous ceux qui, à défaut d’associer pour eux-mêmes les drapeaux rouge et tricolore, ne rejettent pas ceux qui marient les deux symboliques prolétarienne et patriotique : communistes et syndicalistes combatifs bien sûr, mais aussi socialistes attachés aux idéaux jaurésiens, laïques défendant fermement la loi de séparation de 1905, croyants acceptant la laïcité et refusant de préférer « fillonnesquement » les privilèges de la fortune à la fraternité, patriotes – y compris « bourgeois » – préférant l’esprit du 18 juin 40 au néo-pétainisme lepéniste, féministes n’opposant pas l’engagement « sociétal » au combat social, antifascites ne confondant pas le racisme avec le patriotisme républicain, antifascistes n’amalgamant pas l’internationalisme à la haine auto-phobe de la France, écolos acceptant d’unir la défense des Lumières à la protection de l’environnement, etc.
Le « Frexit progressiste » peut nous fédérer et c’est pourquoi il ne serait pas juste d’exiger que toutes les mouvances désireuses d’intégrer ce front en construction se déclarent par avance favorables à la révolution socialiste. Cela reviendrait à nier l’idée de front en feignant de s’en approcher car, sauf à édulcorer le contenu du socialisme, seuls les communistes (et encore : seuls les militants franchement communistes, les marxistes-léninistes !), seule l’avant-garde prolétarienne peuvent être sincèrement favorables, comme c’est le cas des militants du PRCF, aux « quatre sorties », y compris à la sortie du capitalisme par la révolution socialiste. Cela ne signifie évidemment pas que les communistes devraient en rabattre en tant que communistes, par rapport à l’objectif stratégique du socialisme, et ce d’autant moins que, comme nous l’avons vu, la dynamique des « quatre sorties » forme objectivement une unique dynamique. Mais la conscience de cette dynamique unique n’est pas un préalable à l’entrée dans le front patriotique et populaire pour sortir de l’UE. C’est chemin faisant, en constatant que l’UE, l’OTAN et le grand capital seront vent debout contre la moindre mesure patriotique et progressiste prise par le nouveau pouvoir, que les éléments sincèrement patriotes dudit front devront se convaincre, par leur propre expérience et par les arguments apportés par les communistes, de cette idée juste : dans les conditions présentes, on ne peut avancer sérieusement vers l’indépendance de la patrie, reconstituer les acquis sociaux, restaurer les libertés démocratiques, sans combattre jusqu’au bout le capitalisme. C’est d’ailleurs très exactement les conclusions auxquelles arrivent par leurs propre expérience nombre de militants vénézuéliens du Parti de Maduro et les communistes vénézuéliens ont bien fait, au long des dernières années, d’accompagner le processus bolivarien tout en critiquant les reculs et tout en avançant l’idée qu’à terme, il n’y a d’autre choix dans quelque pays que ce soit (et c’était déjà vrai de la Révolution russe) qu’entre le socialisme et la dictature blanche.
S’agissant de la « France insoumise », les choses doivent être vues en mouvement, dynamiquement, en évitant deux erreurs symétriques : la première, qui relève de ce que Lénine eût impitoyablement dénommé « la morgue communiste », consisterait à prédire, sans lever un doigt pour qu’il n’en soit rien, que Mélenchon et la F.I. ne pourront que trahir. Aucun bénéfice pour le peuple, ni pour les communistes, y compris pour les membres « identitaires » du PCF, si cela se produit, si ce n’est la satisfaction masochiste de s’exclamer alors : « on vous l’avait bien dit ! ». La position de la France insoumise sur la question stratégique centrale, le Frexit, est en effet marquée par l’instabilité : « l’UE, on la change ou on la quitte ! », et en attendant J.-L. M. jure que s’il parvenait au pouvoir, il commencerait par désobéir à l’UE tout en sortant unilatéralement des traités supranationaux.
Combien plus efficace que les imprécations serait alors la position de militants communistes totalement affranchis de la tutelle du PCF-PGE et qui refusant de jouer les Pythonisses, iraient ensemble, avec un tract commun tiré à un million d’exemplaires, à l’entrée des usines, des campus et dans les manifs anti-Macron, pour dénoncer l’UE, prouver que « l’UE, on ne peut pas la changer du dedans », que des insoumis conséquents devraient boycotter et non cautionner les élections supranationales… et que par conséquent le « plan B » de Jean-Luc Mélenchon devrait au plus tôt devenir le Plan alpha et oméga ! Des communistes fraternels qui, loin de s’accoutumer à cotiser indirectement pour le PGE, loin de s’aveugler sur la triste réalité du PCF-PGE (à la droite de Mélenchon sur 80% des sujets : Cuba, Venezuela, Syrie, Russie, UE, Europe allemande, laïcité, langue française…), loin de renoncer à l’objectif de reconstruire leur parti indépendamment de la F.I., agiraient fraternellement aux côtés des « insoumis » sur des sujets majeurs (sortie de l’OTAN, laïcité, résistance au pouvoir médiatique, refus de la casse sociale, agricole et scolaire, par ex.), aidant ainsi à la démarcation de classes qui s’opèrera tôt ou tard dans la F.I. entre les indépendantistes prolétariens et les bobos alter-européistes.
Cette intervention communiste unie serait en effet bien nécessaire pour que naquît en France une F.F.I., une France Franchement Insoumise à l’UE du capital qui, à n’en pas douter, capterait alors les MILLIONS de suffrages populaires qui attendent une offre « carrée » sur la sortie de l’UE par la gauche : cet espace étant potentiellement d’autant plus grand que, depuis le débat de second tour avec Macron, le FN euro-recentré a tombé son masque « souverainiste » en ralliant le camp des bateleurs de l’« autre » UE et de l’« autre » euro…
Conclusion
Le mouvement populaire est aujourd’hui (mars 2018) aux portes de la dépression… et de la répression. Mais la politique de Macron-MEDEF est si brutale, le capitalisme-impérialisme prenant le visage grimaçant de Trump se montre si prédateur à l’échelle mondiale, l’UE est si discréditée auprès des couches populaires du sous-continent européen, la partie saine de la jeunesse est tellement rebelle au nouvel esclavage néolibéral auquel on la promet, le gouvernement Philippe attaque si durement les couches populaires « toutes ensemble » et… « en même temps », que les choses pourraient vite s’inverser. Si et seulement si les militants franchement communistes, les syndicalistes de lutte, les progressistes anti-UE s’unissent en privilégiant l’action et le dialogue avec le peuple, par ex. au moyen d’une grande campagne commune, menée dans la durée et indépendamment des échéances électorales, contre l’UE-euro-OTAN, pour le Frexit progressiste, sur la base d’un programme d’indépendance nationale, de progrès social, de démocratie authentiquement populaire, associant économie productive et transition écologique, défense de la paix et coopération internationale avec tous les continents.
Si les militants de la gauche populaire et patriotique ne faisaient pas à temps le nécessaire, sur les terrains politique, social et culturel, non seulement ils laisseraient détruire à jamais l’espoir bi-séculaire d’une République française sociale, indépendante, démocratique et fraternelle, non seulement ils laisseraient le pays de Louise Michel et de Martha Desrumeaux plonger dans le délabrement social et l’indignité xénophobe, mais ils permettraient aux Wauquiez et autre rassemblement bleu Marion de préparer leur alternance de mort pour mettre un point final déshonorant à l’histoire de France.
Si bien que la question est posée aux actuelles générations militantes : feront-elles mentir, ou bien feront-elles revivre, la magnifique péroraison de l’Appel aux Français lancé le 10 juillet 40 par Maurice Thorez et par Jacques Duclos au nom du PCF clandestin :
« Jamais, non jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves ! »…
A chacun de s’engager à temps car, répétons-le avec Marx, « l’histoire ne repasse pas les plats ».
*Auteur de Patriotisme et internationalisme, de Marxisme et Universalisme, de Lumières communes et du Nouveau défi léniniste (Delga).
Secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF)
[1] Presque partout, les communistes n’ont pas « étranglé » la démocratie bourgeoise préexistante : ils ont pris la succession de régimes fascistes, de pouvoirs cléricaux (Pologne), antisémites et rétrogrades, voire de francs collabos des nazis : Horthy, Antonescu, Mgr Tiszo, etc. En Tchécoslovaquie, le prétendu « coup de Prague » fut conduit en réalité par un Parti communiste soutenu par 40% des électeurs dans le cadre d’un Front patriotique très majoritaire. C’est plutôt la tentative d’évincer anti-démocratiquement ce front qui a reçu une juste riposte communiste en 1948. Comment les « démocraties occidentales » qui avaient livré Prague à Hitler lors des Accords de Munich dix ans plus tôt, peuvent-elles avoir l’indécence de « condamner » les évènements révolutionnaires de 1948 ?
[2] … tout autre chose que son futur dépassement par la reconstruction des nations, par leur coopération planifiée et par leur fusion ultérieure à égalité, et par enrichissement mutuel, au sein d’une Humanité conjuguant égalité des peuples et diversification culturelle.
[3] Juillet 1989, 40ème anniversaire de la Révolution cubaine.
[4] Sans pour autant obtenir l’impossible « pacification » de l’impérialisme US. Aujourd’hui, le socialisme a disparu en Russie et l’OTAN n’en prépare que davantage la guerre contre la Russie « postcommuniste ». Les dirigeants thermidoriens russes avaient le choix entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur (la destruction du camp socialiste), et ils n’ont obtenu « en échange » que l’encerclement de l’OTAN qui les presse sur toutes leurs frontières.
[5] La situation de la bourgeoisie anglaise, traditionnellement plus tournée vers l’Atlantique que vers la Manche, est toute différente ; en outre rien n’indique que la dite bourgeoisie ira jusqu’au bout du Brexit, fût-il de droite…
[6] Même si la CGT reste la principale héritière du syndicalisme de classe, il faut prendre acte du fait qu’il y a de nombreux syndicalistes de lutte hors de la CGT et qu’à l’inverse, le « haut » de la confédération CGT est bel et bien aux mains des héritiers de Thibault et Le Paon.