N’en déplaise aux médiacrates « bobos » qui se réjouissent un peu vite de la mini- « vague rose » constatée, le bilan du 1er tour des législatives interpelle durement tous les progressistes.
Tout d’abord, le niveau record de l’abstention.
Il atteste d’une part que le couplage quinquennal des présidentielles et des législatives « tue » à petit feu le parlement français : les électeurs comprennent de plus en plus que la signification objective de ce parlement d’apparat est d’être une chambre d’enregistrement coincée entre un président surpuissant et une Commission européenne qui se mue en euro-dictature ; en effet, non seulement 80% des lois « françaises » ne font que traduire en français les directives européennes, mais c’est Bruxelles (et en réalité, Berlin !) qui contrôlera désormais en amont le budget « français » en humiliant, avec leur accord implicite, l’ensemble des futurs élus.
Plus en profondeur, cette abstention record, surtout en milieu populaire, montre que toute une partie de la population « décroche » du système politique, ce qu’avait quelque peu fait oublier la mobilisation à grand spectacle et la personnalisation extrême des présidentielles. Toute la question sera de savoir si ce décrochage populaire se fera dans le sens d’une américanisation du peuple français (aux Etats-Unis, la population ouvrière vote très peu et le régime est de fait de nature « censitaire ») ou dans celui d’une rupture révolutionnaire exigeant la rupture avec l’Europe atlantique et la Constitution d’une République sociale, indépendante et démocratique : la réponse à cette question appartient aux forces d’avant-garde communistes, syndicalistes et républicaines-patriotiques, dont les divisions deviennent un luxe, voire une faute irresponsable eu égard à l’état du pays. C’est cette force d’avant-garde qu’il faut construire à tous les niveaux et avec le sentiment aigu de l’urgence démocratique !
Globalement, la droite UMP tient bon malgré son bilan catastrophique. Compte tenu du mode d’élection qui lui est très défavorable, le FN fait mieux que stabiliser sa percée présidentielle, notamment à Hénin-Beaumont où Marine Le Pen aspire les voix UMP et est en position d’éligibilité (ce qui appelle évidemment que tout démocrate devra lui faire barrage sans états d’âme au second tour) ; à l’inverse, malgré la focalisation des médias sur le FDG au détriment de tous les candidats de gauche hors FDG et PS, Mélenchon est devancé par le terne candidat PS.
Nationalement, à l’intérieur de la gauche établie, le PS rafle largement la mise, il se permet à nouveau d’humilier le PCF dans ses bastions ; en réalité, le Front de gauche, dans lequel le PCF se dilue à vitesse grand V, n’opère aucune percée ; il a surtout pour effet d’écraser la gauche radicale sans mordre réellement, ni sur le PS ni sur le FN ; au surplus, – et cela n’a rien de réjouissant -, son groupe parlementaire est gravement menacé en pleine percée de la « gauche » social-démocrate !
Cette contre-performance du FDG tient selon nous à plusieurs manques politiques très graves:
* D’une part, le FDG ne fait montre d’aucune clarté sur la question-clé du moment, qui est le rapport entre l’Europe et la nation. Quand on déclare à tout bout de champ, comme Mélenchon ou Pierre Laurent (président du Parti de la gauche européenne et secrétaire du PCF) que « l’Europe est à nous ! » (sic), ou que « l’euro est notre monnaie ! » re-sic), on peut encore séduire les couches moyennes et l’électorat traditionnel du PCF, mais la masse des ouvriers, des chômeurs, des travailleurs indépendants qui rejettent massivement l’euro et l’Europe et qui n’en peuvent plus de voir démanteler la France de 1789 et du CNR, ne peuvent pas se reconnaître dans cette orientation superficiellement révolutionnaire ;
* D’autre part, le FDG, et plus encore la direction du PC-PGE, n’offrent aucune perspective politique identifiée et clairement démarquée du PS dont ils sont objectivement les satellites : comment tolérer que le PCF ait refusé d’annoncer avant le premier tour s’il irait ou pas au gouvernement et que Mélenchon ait déclaré à mots couverts que faute d’aller au gouvernement, il serait fidèle à la majorité présidentielle durant cinq années à venir (étant donné que le FDG n’aura pas les moyens de déposer une motion de censure, annoncer d’avance que jamais on ne votera une motion émise par la droite signifie de fait assurer le PS qu’il peut faire ce qu’il veut pendant cinq ans). Or chacun sait que l’électeur préfère toujours le modèle à la copie et le PS à ses forces d’appoint rouge-pâle.
* Dans les faits, même si la candidature Mélenchon a eu des effets stimulants que le PRCF a loyalement reconnus sans sectarisme (rassemblements de foule porteurs, à l’initiative de Mélenchon, des drapeaux rouge et tricolore, langage à la fois « républicain » et « lutte de classe » du candidat), elle est restée entièrement sur le terrain de l’électoralisme et ne s’est en rien liée aux luttes sociales. Tout au contraire, comme on l’a notamment vu dans le Pas-de-Calais, une partie des syndicalistes qui s’étaient le plus distingués dans les luttes de l’automne 2010, a quasi-abandonné le terrain revendicatif pendant des mois pour se mettre au service exclusif de la propagande de Mélenchon, oubliant le mot de l’Internationale « Il n’y a pas de sauveur suprême » ; dans le même temps, la direction confédérale de la CGT, trop occupée à régler ses comptes internes et à faire voter Hollande, n’a rien fait pour fédérer dans l’action de classe les 45 000 personnes menacées de licenciements ! Sans se refuser, au cas par cas, à participer à telle ou telle élection, le mouvement ouvrier doit s’affranchir de l’électoralisme ; sans cela, toutes les constructions progressistes résultant des luttes sociales seront régulièrement balayées par l’approche des élections !
* Le refus total de dialogue du FDG avec ceux qui, à gauche et dans le mouvement républicain progressiste, portent l’idée d’une sortie de l’UE et de l’euro par la porte à gauche, a pavé la voie du lepénisme en le laissant maître (en apparence !) du terrain « national » tout en limitant la dynamique progressiste à l’espace étroit de la « gauche de la gauche » ; sur le fond, ce n’est pas d’un « Front de gauche » qu’ont besoin le monde du travail et le peuple, c’est d’un large Front de Résistance et d’Alternative, Populaire, Progressiste et Patriotique, fédérant autour de la classe ouvrière en lutte l’ensemble des couches populaires et moyennes opposées à l’oligarchie capitaliste et maastrichtienne ;
* Dans le Pas-de-Calais tout particulièrement, signalons la douloureuse volte-face de la Fédération du PCF : au départ, cette Fédération affichait un rejet ostentatoire du FDG et son arrimage électoral à l’identité PCF : pour finir, elle a accepté de se subordonner ostensiblement à Mélenchon et à Pierre Laurent (PGE) au risque de prendre à contrepied l’opposition interne au PCF ; au regard de ce tournant, du retrait électoral d’André Gerin, de Maxime Gremetz, et de l’éviction de J.-C. Danglot dans le Pas-de-Calais, l’opposition interne au PCF a de moins en moins de prétextes pour refuser l’action commune avec les communistes organisés hors du PCF tant les orientations liquidatrices vont bon train dans ce parti. Que feront nos camarades de l’opposition interne si, par-dessus le marché, A. Chassaigne et N. Borvo-Cohenséat entrent au gouvernement Ayrault comme on l’annonce partout ? Plus que jamais l’heure est à l’unité d’action des communistes, et non à leur isolement dans le PCF ou à leur dilution comme « aile révolutionnaire » impuissante au sein du Front de gauche ; en décidant enfin de construire une Convergence d’Action Communiste allant unie aux entreprises, les organisations franchement communistes, qu’elles se situent encore dans le PCF ou qu’elles se construisent à l’extérieur, donneraient le signal pour construire l’opposition populaire au gouvernement, la résistance à la fascisation et la campagne nationale pour sortir la France de l’UE du capital !
* Au final la question est de savoir si l’opération « FDG » sera autre chose à l’arrivée qu’un moyen pour la social-eurocratie de « passer la serpillère » sur l’ensemble des oppositions communistes, patriotiques et syndicalistes à la « construction européenne » ; et cela à l’heure où le MEDEF met à l’ordre du jour la liquidation à court terme de la République française (cf le Manifeste de Laurence Parisot intitulé « besoin d’airE ») et où, face à un gouvernement d’ « ayrault-austérité juste », l’opposition risque d’être accaparée par l’UM’Pen en formation autour de la droite UMP et du « rassemblement bleu marine », axe fascisant de la recomposition d’un « Tea Party » ultraréactionnaire usurpant le drapeau tricolore.
Le PRCF, qui a présenté une candidature franchement communiste en Val-de-Marne et qui a courageusement soutenu ou accompagné les candidatures anti-UE du M’PEP à Hénin-Beaumont, dans le Var et l’Hérault, est fier d’avoir porté dans cette élection le drapeau rouge frappé des « outils » de l’indépendance communiste, de l’avoir constamment associé au drapeau tricolore de Valmy, de ne pas s’ « être écrasé » malgré les pressions odieuses dont il a été l’objet ici ou là, même si, comme toutes les petites formations sans grands moyens, il a été victime de la monopolisation de ce scrutin par les partis de la « tenaille » UMPS et UM’Pen qui menacent comme jamais de broyer le peuple français à l’issue de ces élections faussement « progressistes ».
Plus que jamais, face au méga-plan d’euro- et d’Ayrault-austérité qui attend notre peuple une fois l’élection passée, le rôle des militants franchement communistes du PRCF et des autres militants d’organisations véritablement communistes est irremplaçable pour construire l’unité des vrais communistes indépendamment des dirigeants européistes du « front de gauche » et du PC-PGE, pour rassembler les syndicalistes de classe, pour fédérer les patriotes progressistes et antifascistes dans un large Front pour l’Indépendance, l’Emancipation et la République sociale exigeant la sortie de la France de l’UE et la reconstitution des acquis du CNR sans craindre pour cela un affrontement décisif avec le capitalisme en crise permanente et avec son Union européenne de malheur.