ENTRETIEN D’INITIATIVE COMMUNISTE AVEC GEORGES GASTAUD, PORTE-PAROLE NATIONAL DU PÔLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE – 17 novembre 2016
Initiative Communiste : Comment le PRCF apprécie-t-il l’élection de Donald Trump ?
Georges Gastaud : Drôle d’ « élection » soit dit en passant puisque pour la seconde fois (on a eu le même schéma avec Bush Junior, avec en sus des suspicions de fraudes massives !), c’est le candidat minoritaire en voix qui est « élu ».
Pour notre part nous sommes atterrés par le succès de ce fascisant personnage mais pas déçus de l’insuccès de la dynastie Clinton qui a fait tant de mal aux ouvriers américains en imposant un Maastricht panaméricain (l’ALENA), qui a multiplié les guerres impérialistes, notamment en Yougoslavie, et qui avait clairement en tête des projets bellicistes totalement irresponsables à l’encontre de la Russie.
Le fond des choses, c’est que, aux USA comme chez nous, le néolibéralisme débridé jette une partie du prolétariat et des couches moyennes déclassées dans les bras de la droite ultra tant qu’il n’existe pas une alternative populaire anticapitaliste. Cela dit, malgré les limites évidentes de cette candidature social-démocrate, la performance de Sanders montre qu’il ne faut pas désespérer de la jeunesse américaine ! Il faut également mesurer ce que signifie en termes de contradictions qu’un démagogue milliardaire comme Trump, qui fait centralement partie de l’Etablissement, en vienne à se déclarer « antisystème » pour faire des voix… Ou, dans le même ordre d’idées, le fait qu’en Europe, les commissaires européens quittent provisoirement leur costume de Père fouettards budgétaires tant ils ont peur de la révolte massive des peuples contre leur arrogante dictature !
Concernant la politique étrangère, ce serait une illusion grave que de croire, comme le font certains souverainistes français, que D. Trump sera plus pacifique que Clinton. Dans le cadre du capitalisme pourrissant, et en l’absence d’un puissant camp socialiste défenseur de la paix mondiale, il n’y a pas de garantie pour la paix mondiale. Le protectionnisme capitaliste conduira par d’autres voies que le libre-échangisme néolibéral à de terribles guerres d’agression.
Pour notre part, nous lions très fortement la question de la rupture avec l’UE mondialiste et libre-échangiste, ce que nous appelons le Frexit progressiste, à la question de la coopération internationale dans le cadre de la lutte révolutionnaire pour le socialisme. Il n’y a pas de « troisième voie » entre le capitalisme pourrissant et le socialisme de nouvelle génération, même si le rassemblement populaire pour la paix, la démocratie, la souveraineté nationale et le progrès social est la rampe de lancement obligée pour engager la transition révolutionnaire dans des conditions favorables aux exploités.
A l’échelle internationale, la droitisation générale que nous constatons, voire la fascisation du capitalisme pourrissant appellent une accélération de la reconstruction du Mouvement communiste international qu’a détruit l’opportunisme, et spécialement, le gorbatchévisme et l’eurocommunisme (aujourd’hui matérialisé par le Parti de la Gauche Européenne, que préside M. Pierre Laurent). Tous les courants réactionnaires sont organisés mondialement, sauf le courant communiste ! Le PRCF fait ce qu’il peut à sa très modeste échelle pour ces retrouvailles communistes et progressistes internationales. En témoignent récemment la rencontre entre KKE et PRCF, l’intervention sur notre stand de la fête de l’Huma de communistes et de révolutionnaires polonais, indonésiens, coréens, cubains, vénézuéliens, italiens, libanais, la prochaine présence du PRCF au congrès des communistes suédois et le récent communiqué commun avec le « Fronte popolare » italien. En témoigne aussi notre action contre la criminalisation du communisme en Pologne et dans les autres pays est-européens aux côtés notamment du Comité internationaliste pour la solidarité de classe, de la Fédération PCF du Pas-de-Calais, de la Coordination communiste-nord et des Amis d’Edward Gierek.
En ce 99ème anniversaire d’Octobre 1917, véritable veillée d’armes d’un centenaire dont les commémorations donneront certainement lieu à une intense empoignade idéologique entre les vrais communistes et les tenants de l’anticommunisme façon Courtois, n’oublions pas le mot d’ordre plus actuel que jamais de l’Internationale communiste, pour peu qu’on entende le mot prolétaires d’une oreille marxiste : « prolétaires de tous les pays, peuples opprimés du monde, unissez-vous ! ». A l’époque où le capitalisme, de plus en plus fascisant, égoïste, impérialiste, prédateur, porte un caractère ouvertement exterministe, c’est la survie même de l’humanité que se doit d’assumer la renaissance communiste internationale.
Au passage j’observe ceci : dans les années 1980, alors que Reagan et Cie lançaient leur irresponsable croisade nucléaire contre l’URSS, j’étais bien seul à affirmer que l’exterminisme est le stade suprême de l’impérialisme. Une croisade qui n’a pas abouti à la guerre mondiale, mais qui a eu d’intenses effets politiques en aidant le liquidateur pseudo-pacifiste Gorbatchev à parvenir au pouvoir et à liquider le socialisme. Aujourd’hui, sans vraiment comprendre la nature de classe de la tendance exterministe ni saisir bien sûr que le communisme, parce qu’il abolit la propriété capitaliste, est le seul anti-exterminisme conséquent et cohérent, des publicistes comme M. Jorion (cf son livre « Le dernier qui s’en va éteint la lumière ») parviennent à un constat analogue. C’est sous cet angle que le PRCF appelle pour sa part à comprendre les deux mots d’ordre favoris de Fidel Castro, qui résument pour ainsi dire les tâches des partis communistes à l’époque actuelle : « la patrie ou la mort, le socialisme ou mourir ! ». Outre l’appel à l’héroïsme révolutionnaire, ces formulations ont l’intelligence de lier la lutte pour le socialisme à la défense, à la fois patriotique et internationaliste, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; un droit qui est arasé par le néolibéralisme. En outre, ces formulations associent le combat de classe anticapitaliste à la sauvegarde de l’humanité et de la vie sur terre. La classe capitaliste détruit l’humanité et souille la planète, il revient à la classe exploitée, le prolétariat dans toute sa diversité, de prendre à temps la relève historique du capitalisme. Ce n’est pas pour rien, soit dit en passant, que, malgré les immenses difficultés (y compris climatiques !) qu’elle doit affronter, Cuba socialiste est un des endroits les plus écologiques de la planète, car les marxistes qui ont lu Marx (ce n’est pas là, hélas, un pléonasme !) gardent en mémoire l’avertissement de ce grand penseur, qui est le contraire d’un « productiviste » béat : « le capitalisme n’engendre la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur ».
IC : Le PRCF vient d’appeler à un soutien critique à la candidature de Mélenchon. Dans quel esprit ?
Georges Gastaud : Sans dramatiser quoi que ce soit, il faut constater que notre peuple, notre classe ouvrière, notre nation, nos libertés démocratiques, sont en grave danger à la veille de ces présidentielles. Le mouvement social, les bases CGT de classe qui ont vaillamment combattu la loi Travail au printemps, seraient lourdement menacées si, à l’issue du premier tour, on se trouvait avec Le Pen en n°1, un thatchérien de combat en n°2 (et les LR portent eux aussi la fascisation, il n’est que d’entendre la promesse de Sarkozy d’empêcher les futures manifs !), avec en prime le maintien de l’hégémonie sur la gauche de ce PS qui a pérennisé l’état d’urgence, multiplié les lois liberticides et « mis en cage » une manif nationale portée à la fois par la CGT, la FSU, FO, SUD et l’UNEF ! Imaginons qu’à l’issue du 1er tour, aucun candidat issu de la gauche de gauche (appelons-là autrement si l’on veut !) totalement émiettée et se livrant à une « concurrence libre et non faussée » effrénée, n’atteigne même pas un score à deux chiffres : que ceux qui font aujourd’hui la fine bouche se figurent alors la tête qu’ils feront à l’annonce des résultats un certain soir d’avril encore plus triste que celui d’un certain 21 avril 2002 ! Pensons à l’avenir cauchemardesque du mouvement social si, à l’issue des élections, il doit faire face sans aucun arrière politique de masse, soit au scénario de guerre civile « intercommunautaire » qui accompagnerait forcément l’arrivée de MLP, soit au scénario thatchéro-liberticide qui suivrait l’arrivée des LR au pouvoir, soit… aux deux scénarios à la fois (car pour « mater » notre peuple, l’U.M.’ Pen peut trouver des formes inédites d’alliance), avec en prime une gauche populaire et anti-PS marginalisée, un PS sauvant les meubles et l’ensemble des militants communistes, progressistes, syndicalistes de classe, accablés de découragement ! C’est à cette gauche militante, dont font partie les communistes, aux patriotes à la fois « eurosceptiques » et antiracistes, aux syndicalistes de classe qu’a pensé le PRCF quand il lui a fallu se positionner à partir de ce que nous estimons être les intérêts supérieurs de notre classe, de notre nation et de nos idéaux transformateurs.
Or, pour que la gauche populaire, que les vrais républicain et que le syndicalisme de lutte puissent relever la tête à l’automne, parer les coups, et pourquoi pas, passer à la contre-offensive, il faut d’urgence que s’amplifie une dynamique politique susceptible de talonner, voire de battre le PS au 1er tour, d’inverser le rapport des forces désastreux qui résulta de la victoire de Mitterrand sur Marchais en 1981, en un mot, d’offrir au syndicalisme de lutte durement attaqué (Goodyear, Air France, etc.) un espace politique suffisant qui permette à la gauche militante de respirer un bon coup et de trouver son « second souffle ». Sinon, le découragement sera terrible « en bas » et l’offensive thatchéro-fascisante n’aura pas de limite ; quant aux camarades qui estiment qu’il faut tout bonnement déserter le terrain électoral et qu’il faut tout parier sur un « troisième tour social », ils ne comprennent pas que le mouvement social lui-même est « hors-sol » si, politiquement parlant, toute la société tire à droite, et cela sans la moindre « contre-tendance » dans la partie la plus progressiste de la société !
En outre, on ne peut pas absolument exclure que si le candidat de la France insoumise, avec les limites de classe que comporte ce mouvement respectable mais composite, parvenait à supplanter le PS au 1er tour, et si par ailleurs, comme cela peut devenir le cas, l’offre social-démocrate et l’offre « libérale » elles-mêmes (candidature Macron ? Candidature Bayrou si Sarkozy gagne la primaire ?) sont complètement éclatées, une bonne surprise puisse survenir au second tour… même s’il faut reconnaître qu’en l’état actuel des choses, c’est hautement improbable. Bien sûr cette hypothèse est très improbable aujourd’hui, elle relève carrément du « trou de souris », mais pour des militants, il est toujours de mauvaise politique de partir battus, voire écrasés ! Car on ne « sauve pas l’honneur » militant, on ne « témoigne » même pas véritablement, quand on n’a pas tout fait pour résister, endiguer, contre-attaquer et, si possible, gagner !
Bien entendu, nous PRCF, avons de sérieuses divergences avec JLM. Des éléments de son programme nous questionnent fortement, par ex. son projet de sortie rapide du nucléaire énergétique ; car si la France sortait de l’UE comme nous le réclamons et comme tout progressiste sérieux serait forcé de le faire tôt ou tard, la reconstitution du « produire en France » ne pourrait pas s’effectuer avec à l’arrière-plan, le projet de démonter ce fleuron industriel mondial que demeure EDF (malgré ses désastreux dirigeants successifs !) : un fleuron qu’il faut sécuriser au maximum, et non pas affaiblir, en renationalisant l’énergie à 100%, sans s’interdire une réflexion approfondie sur la diversification des sources énergétiques de la France. Par ailleurs nous ne sommes absolument pas séduits par le discours, « mouvementiste » et antiparti que tiennent, bien imprudemment, nombre de partisans de JLM. En réalité, nous n’en posons que plus fortement la question du Parti communiste, du parti de classe et de combat. Certes, ce parti a été bien moins dénaturé et détruit par JLM qu’il ne l’a été par ses propres dirigeants « mutants » et « euro-constructifs » (cf R. Hue !). Il n’en reste pas moins que ce parti, il nous faut le reconstruire en unissant les communistes « de l’intérieur » du PCF à ceux qui, comme nous, sont organisés indépendamment du PCF. Car à travers la question de la renaissance du vrai parti communiste, c’est toute la question du contenu de classe du changement progressiste qui est posée. En effet, plus que toute autre classe, la classe ouvrière a besoin de s’organiser en parti, voire en parti démocratiquement centralisé – et c’est encore plus vrai à l’époque où toute l’évolution du capitalisme pousse à l’individualisme pour diviser les gens ! Sans un vrai parti A EUX, impossible aux travailleurs, et d’abord à la classe ouvrière, de peser sur la vie politique et de pousser jusqu’au bout, jusqu’au socialisme, les changements progressistes. Impossible de résister à la contre-attaque réactionnaire devant laquelle les classes moyennes sont structurellement enclines à transiger. Dans l’immédiat, impossible de transformer le noble projet de l’« insoumission » patriotique en une FRANCHE insoumission (le retour à l’indépendance nationale, qui est « inaliénable » comme l’a montré Rousseau n’a pas à être négocié avec Merkel), impossible de faire en sorte que la « révolution citoyenne et pacifique » chère à JLM, se mue en révolution sociale authentique, impossible que le Front Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologique formé par les couches populaires et moyennes « F.R.A.P.P.E. » durement l’oligarchie capitaliste et ouvre ainsi la voie au socialisme dans notre pays. Cette proposition de Front antimonopoliste n’est nullement hors-sol : où en serait la France si, dotée d’un PC de masse anti-UE et anticapitaliste, la classe ouvrière qui a clairement dirigé le mouvement social du printemps dernier, était mise en capacité de fédérer sur un programme d’euro-rupture progressiste l’exaspération des infirmières, des profs, mais aussi des paysans travailleurs, des artisans, etc., en orientant ce mécontentement contre le grand capital et son U.E. de malheur ?
Mais rappeler ces évidences ne signifie en rien « charger la barque » de la dynamique « insoumise » ; il s’agit au contraire de rappeler au combat de classe des millions d’ouvriers aujourd’hui désabusés et qui se sentent à juste titre abandonnés par leur parti « historique » rallié, depuis 1993, à la « construction » européenne. Bien au contraire, la France insoumise a objectivement besoin, pour atteindre ses objectifs, que se reconstitue une force communiste totalement indépendante, associant la Marseillaise à l’Internationale, un parti d’avant-garde, marchant « un pas devant les masses et un pas seulement » (Lénine), pour exiger notamment ce « choc de franchise » que serait l’adoption par la gauche de gauche du « frexit progressiste », de la rupture franche avec l’UE : car alors, au lieu d’attirer surtout des éléments – fort honorables, la question n’est pas là ! – des couches intermédiaires salariées en rupture de PS, ce qui est très insuffisant pour gagner et insuffler ce « chavisme à la française » qu’évoque JLM, la France insoumise interpellerait alors des millions d’ouvriers actifs, retraités ou chômeurs, qui s’apprêtent à s’abstenir, voire à voter FN. Car la classe ouvrière qu’a massivement précarisée l’euro-mondialisation néolibérale répugne aux demi-mesures : très légitimement, après avoir vécu une masse d’euro-privatisations et d’euro-désindustrialisation, la classe ouvrière aspire à une franche rupture avec l’UE. Depuis longtemps, la masse des ouvriers, non seulement de France, mais d’Europe, a compris que l’UE n’est nullement un espace institutionnel flou et plus ou moins « internationaliste » que l’on pourrait changer du dedans à l’issue d’un bras de fer gagnant (?) avec Berlin, mais une fascisante dictature supranationale du capital, un dispositif sournoisement totalitaire destiné à verrouiller toute forme de progrès social, d’indépendance nationale et de marche au socialisme.
C’est donc dans cet esprit constructif, non pour « plomber » le mouvement « insoumis » aujourd’hui plus antilibéral qu’anticapitaliste, que le PRCF soutient la candidature JLM. Il le fait avec esprit critique mais d’une manière constructive et fraternelle et sans aliéner une seconde son indépendance idéologique, politique et organisationnelle. Dans cet esprit libre, égalitaire et fraternel, tout en appelant à agir et à débattre fraternellement avec les militants « insoumis », le PRCF a commencé de diffuser en masse à la porte des entreprises son programme COMMUNISTE de rupture radicale avec l’UE/OTAN, de nationalisation du CAC-40, de nouvelle République démocratique et populaire, de coopération internationale dans la perspective clairement affiché du socialisme pour notre pays.
C’est pour cela aussi que le PRCF ne cesse pas de tendre la main aux camarades communistes hautement respectables qui, dans le PCF, rêvent encore d’une « candidature communiste » émanant du PCF. Le PRCF a montré mille fois qu’il n’était pas sectaire et qu’il pourrait parfaitement soutenir, si l’occasion se présentait ailleurs qu’en rêve, un candidat issu du PCF, disposant d’un minimum d’implantation nationale, et surtout, appelant à SORTIR de l’U.E. et à lutter pour le socialisme : un candidat résolu à ne pas s’effacer devant Montebourg et refusant par avance toute idée de candidatures uniques de la gauche au 1er tour des législatives. Car n’est-ce pas cela qu’espèrent en fait les hiérarques du PS : qu’une candidature du PCF-PGE dénuée de clarté politique vienne plomber la dynamique sur la gauche du PS, qu’elle ménage au moins la 3ème place pour le PS au 1er tour, qu’elle lui évite l’implosion assurée que signifierait pour lui la 4ème place… Après quoi le PS toujours en état de marche pourrait ménager quelques places de députés à ceux qui auraient rendu un si fier service aux faillis de Solferino en acceptant partout ou au détail des candidatures uniques de la gauche au 1er tour des législatives ? Jolie sortie, si tel était le cas, pour ceux qui espéraient de la candidature PCF aux présidentielle un retour à l’identité communiste proprement dite ! Disant cela, nous ne faisons aucun procès d’intention, nous constatons les faits : depuis près d’un an, la direction du PCF n’a cessé d’appeler au « rassemblement de la gauche », P. Laurent a d’abord flirté avec l’idée de participer aux primaires du PS, puis il a « vendu » d’introuvables primaires de la « gauche de la gauche », et quand dernièrement A. Chassaigne a fait acte de candidature à la candidature PCF, il a franchement expliqué que pour lui cette candidature n’aurait pas une signification « identitaire » (au sens communiste du mot), qu’elle serait tout au contraire destinée à rassembler ces deux gauches (la vraie et la fausse, celle des travailleurs en lutte et celle qui les défère en justice !) que JLM a le tort (aux yeux d’A. Chassaigne) de « diviser », c’est-à-dire, de notre point de vue franchement communiste, de délimiter salutairement !
Regardons les choses en face : dans les conditions actuelles, une candidature issue de la DIRECTION du PCF a peu de chances d’être une candidature FRANCHEMENT communiste, voire une candidature communiste tout court, ou bien qu’on nous prouve le contraire avec des faits, et pas seulement avec des espérances. Car, c’est triste à dire, la direction actuelle du PCF est… plus à droite que JLM sur les guerres en Syrie, en Ukraine, etc., plus à droite que JLM sur les rapports avec le PS, sans parler de la question des questions : la rupture progressiste avec l’UE, où MM. Dartigolle et Laurent en sont à traiter d’ « identitaire » la simple QUESTION qu’ose poser JLM en brisant le tabou euro-constructif cher aux gauches « bobos » : « l’UE, on la change ou on la quitte ! ». Ce n’est pas AVEC la direction du PCF comme porte-drapeau que l’on fera revivre l’ « identité communiste », c’est SANS ELLE, voire CONTRE elle, comme l’avait deviné le regretté résistant communiste André Tollet, figure de proue de l’insurrection parisienne de 1944. On se souvient de sa formule prémonitoire à l’adresse des dirigeants mutants du PCF : « il y aura un parti communiste en France, avec vous, sans vous ou CONTRE VOUS ! »…
Enfin, il est contre-productif de prétendre ménager l’espace communiste, confondu illusoirement avec celui du PCF-PGE, en l’opposant au mouvement populaire et en faisant gaîment une croix sur la seule candidature qui, que cela plaise ou non (pourquoi le PCF actuel est-il hors d’état de nous ressortir un Duclos, voire un Marchais ?), puisse sérieusement bousculer le PS. D’ailleurs, dans le Manifeste du Parti communiste, Marx et Engels ont lumineusement expliqué que les communistes « ne se distinguent des autres prolétaires » qu’en ceci qu’à tout moment, ils portent « les intérêts d’ensemble de tout le mouvement ». C’est à partir de cet intérêt global du mouvement populaire qu’il faut penser les intérêts (respectables, la question n’est pas là !) des orgas communistes existantes, et non l’inverse. Disant cela, je n’exprime aucune position nihiliste par rapport aux députés PCF, tout au moins par rapport à ceux qui maintiendront totalement leur indépendance vis-à-vis du PS lors des législatives, et qui déjà, acceptent ou qui accepteront sans sectarisme de débattre avec les communistes incontestables que nous sommes.
Par conséquent, contrairement à ceux qui rêvent de dissoudre l’avenir du parti communiste dans un mouvement charismatique (c’est le cas de certains néo-supporteurs « communistes » de JLM qui voudraient « muter » et droitiser la France insoumise comme ils ont déjà « muté »… et détruit le PCF), le PRCF n’oppose pas l’essor du mouvement populaire, notamment le tous ensemble des travailleurs et de la jeunesse, la construction du Front antifasciste, patriotique et populaire, et la reconstruction de urgente d’un parti communiste de combat, le PCF-PGE actuel étant hélas devenu une caricature à cet égard. Bien entendu, nous aurions préféré pouvoir soutenir aux présidentielles un candidat franchement communiste unissant tous les courants hostiles à la « mutation euro-constructive » du PCF et combattant clairement, sous les drapeaux rouge et tricolore issus de notre histoire révolutionnaire, pour ce que nous appelons les « quatre sorties » (de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme). Ce n’est pas la faute du PRCF si, à force de suivisme à l’égard du PS (souvenons-nous des dernières municipales parisiennes !) ou à l’égard du Parti de la Gauche Européenne (que préside P. Laurent et dont les statuts interdisent de contester la « construction » européenne dans son principe), ce n’est pas un candidat « rouge » issu du PCF, et non pas JLM, qui est aujourd’hui en position de supplanter le PS discrédité ! Rappelons que le PRCF n’a jamais adhéré au Front de gauche, qu’il ne ralliera pas le dispositif de campagne de JLM… et que c’est le PCF lui-même qui a adoubé JLM en 2012 (après quoi le même PCF a demandé au candidat investi par le PCF-62 à Hénin-Beaumont de devenir le suppléant de JLM face à Marine Le Pen…) !
Je termine par un rappel : dans les décisions qu’ont prises à la quasi-unanimité les responsables nationaux du PRCF, la question du soutien, à la fois critique et constructif à JLM, n’est qu’un élément de notre offensive militante. Même si nous répudions le slogan anar « élections piège à cons ! », nous n’avons jamais privilégié le terrain électoral et il est même de notoriété publique que le PRCF a joué un rôle pionnier dans le boycott des deux dernières élections européennes. Mais comment une organisation politique responsable pourrait-elle regarder en comptant les points, ou en « témoignant », une élection qui peut tout bonnement ancrer pour des décennies la fascisation et la thatchérisation de notre pays ? Par ex., nous menons actuellement sous diverses formes (revue, livres…) une grande bataille d’idées sur le matérialisme dialectique, dont l’effacement révisionniste n’aura pas été pour rien dans le recul des Lumières dans notre pays et dans la montée concomitante de la réaction idéologique. Par ex. nous avons été actifs dans la dernière période dans les manifs anti-TAFTA, à la porte de plusieurs hôpitaux en lutte, pour soutenir les Goodyear à Amiens et nous ne cessons de soutenir le syndicalisme de classe, dont l’éviction pluri-décennale n’a apporté que des défaites. Et surtout, nous faisons et ferons le nécessaire, avec notre site, désormais placé parmi les 30 premiers sites politiques de France, avec la nouvelle formule de notre mensuel papier « IC », avec notre proposition toujours sur la table de construire un large front de type « CNR » pour le frexit progressiste, avec notre combat stratégique et proprement « gramscien » pour refuser le tout-anglais qui sape les bases même de notre existence nationale, avec notre tract 4-pages présentant aux travailleurs des entreprises nos principales propositions programmatiques, pour servir à notre échelle à la fois le mouvement populaire et la cause, spécifique, incontournable, de moins en moins ajournable, de la reconstruction urgente du vrai parti communiste en France.
Le nouveau livre de de Georges Gastaud – Lumières Commune traité de philosophie à la lumière du matérialisme dialectique – vient de paraître aux Editions Delga
Vive les soviets et la dictature du prolétariat.