Quelles perspectives pour les travailleurs ? vers la grande explication ! - entretien avec Fadi Kassem partie 5

Eté brûlant, rentrée bouillante : Face au capitalisme menant la Terre et les travailleurs à l’apocalypse, amplifier le combat salutaire pour l’Alternative Rouge et tricolore ! Fadi Kassem secrétaire national du PRCF répond cette semaine aux questions d’Initiative Communiste pour préparer la rentrée sociale et politique.

partie 1 : « La question environnementale est centrale pour l’avenir de la Terre et des travailleurs »
partie 2 : Guerre en Ukraine : l’ordre euro-atlantique ou le danger planétaire d’une apocalypse nucléaire
partie 3 : Réagir face à l’accélération de la fascisation et son anticommunisme décomplexé
partie 4 : Après la séquence électorale sans issue, construire la victoire des luttes sociales.
partie 5 : Quelles perspectives pour les travailleurs ? vers la grande explication !

INITIATIVE COMMUNISTE– Justement, comment se présentent les perspectives pour le camp des travailleurs ? Et quel rôle le PRCF peut-il jouer dans cette « grande explication » à laquelle tu faisais référence ?

FADI KASSEM – Aussi sombre soit le tableau dressé au cours de cet entretien, le paradoxe veut qu’il se dégage une réelle perspective politique et sociale pour les travailleurs, mais à condition d’œuvrer à un projet de réelle émancipation vis-à-vis de l’ordre capitaliste. Je l’ai dit et le répète : les oligarchies en place dans le monde craignent une « tempête sociale et politique » prête à se déchaîner et qui a produit déjà ses effets comme en Colombie. A l’heure où nous échangeons, « le peuple macédonien manifeste massivement contre l’adhésion à l’UE et à l’OTAN imposée par la classe dominante et ses avatars politiques. Comme pour la France, l’élite locale foule au pied le rejet populaire par l’abstention massive dans les urnes lors du référendum pour l’adhésion à l’UE. »[1] Au Liban, « sous le slogan « Prenons la rue pour empêcher la chute du pays et la mort du peuple », ce jeudi 21 juillet était une journée de lutte pour « La Rencontre syndicale et populaire au Liban » qui avait appelé à des sit-in dans presque toutes les grandes villes libanaises, à commencer par la capitale Beyrouth, durant lesquels les manifestants ont brandi des slogans relevant du droit au travail, à l’instruction et à la santé, sans oublier ceux parlant de la défense du pays et de ses ressources gazières contre les agressions israéliennes et du secteur public face à l’offensive virulente que le fond Monétaire International (FMI) a lancée afin de mettre la main sur les institutions productives de ce secteur. »[2]

Il faut également suivre ce qui se passe dans trois pays-clés pour un potentiel grand basculement géopolitique. Tout d’abord, une élection présidentielle a lieu en fin d’année au Brésil et pourrait marquer une nouvelle défaite pour les forces réactionnaires et fascisantes en cas d’échec (possible) de Bolsonaro. Plus encore, l’Inde constitue un pivot stratégique : nous peinons encore à le réaliser mais depuis plus d’un an et demi se déroulent les plus grandes grèves de l’histoire de l’humanité avec près de 250 millions de grévistes et des manifestations monstres au sein desquelles les communistes jouent un rôle majeur dans la mobilisation des travailleurs, aux côtés des syndicats combatifs[3]. Enfin, on aurait tort de détourner le regard de ce qui se passe aux Etats-Unis, où les grèves ont débouché sur un « Striketober » en 2021[4], où la « Grande démission » concerne de plus en plus de travailleurs épuisés (avec un record de 4,5 millions de démissions en mars dernier !)[5] et où le mot « socialisme » est désormais plus populaire que le terme de « capitalisme » chez les jeunes générations[6] : ainsi, l’incendie pour l’ordre capitaliste pourrait partir du pays temple du capitalisme !

En France, la Macronie affaiblie et illégitime prépare d’ores et déjà la rentrée et les potentiels affrontements avec le mouvement populaire qu’elle craint : à ce sujet, « Macron a décidé d’acheter 90 véhicules blindés de nouvelle génération pour la gendarmerie nationale », pour un montant total de 57 millions d’euros – l’argent ne manque jamais quand il s’agit de réprimer brutalement le mouvement populaire[7]. Et elle a bien raison de prendre ses précautions tant la colère populaire, immense, ne cesse de grossir, quand bien même elle ne parvient pas à s’agréger dans un grand mouvement de masse – pour le moment. Mais cette colère populaire a déjà des répercussions, y compris dans les instances syndicales puisque la montée des « bases rouges » inquiète la direction euro-confédérale de la CGT qui a décidé de repousser d’une année son prochain congrès confédéral (initialement prévu cette année, il se tiendra finalement en 2023) et qui, tout en ayant jeté son dévolu sur Marie Buisson, secrétaire générale de la Ferc-CGT et parfaitement euro-compatible pour succéder à Philippe Martinez[8], réprime déjà tous les syndicalistes de classe refusant la mortifère ligne euro-(contre-)« réformiste » du « dialogue social », du « syndicalisme d’accompagnement » et autres fadaises du même type[9]. Et ce, alors que le vrai danger, « bleu-brun » voire « rose-bleu-brun » (les « sociaux-démocrates » ont suffisamment démontré leurs talents de « trahison » et de répression envers le mouvement populaire, comme lors de la funeste « loi Travail »), monte en puissance !

Et c’est pourquoi il est indispensable de tout faire pour que la colère populaire s’oriente non pas vers la contre-« révolution » fascisante incarnée par Le Pen et ses affidés (Zemmour en tête), mais vers une rupture franche avec l’ordre capitaliste euro-atlantique comme le propose le PRCF dans le cadre de l’Alternative Rouge et Tricolore. Et de ce point de vue, il faut noter que le PRCF connaît un dynamisme croissant à tous les niveaux : sur le plan international, le PRCF a renforcé ses contacts avec les camarades de dizaines de pays dans le monde, à l’image des liens noués avec le Parti communiste brésilien (PCB) à qui j’ai accordé un long entretien dans le cadre de la présidentielle[10], tandis que le PRCF sera présent à la Fête de l’Avante organisée par le Parti communiste portugais (PCP) début septembre 2022 et que les JRCF participent à la fin du mois à un camp d’été conjointement organisé avec les jeunes camarades allemands de la FDJ en Alsace ; en outre, nous sommes toujours à l’avant-garde du combat aux côtés des camarades cubains, vénézuéliens ou palestiniens. Au niveau des luttes, le PRCF ne cesse de répondre présent à travers de nombreux entretiens et un soutien auprès des travailleurs, aussi bien moral et politique que financier, à l’image du combat mené par le syndicaliste CGT-Paris Montparnasse Jimmy Duclos, menacé de licenciement par la direction qui n’a finalement pas obtenu gain de cause, auquel le PRCF a apporté son soutien comme il le fait depuis des années auprès des cheminots de la CGT-Versailles[11]. Il faut également souligner la forte mobilisation auprès des personnels soignants, des travailleurs sans-papiers en Île-de-France[12] ou encore des travailleurs du secteur énergie[13] – au-delà de notre camarade Cédric Liechti, secrétaire de la CGT-énergie de Paris. Enfin, sur le plan politique, nous préparons une série d’initiatives et d’offensives, notamment dans le cadre du 230^e anniversaire de la victoire de Valmy et du 30^e anniversaire de la quasi-victoire de Maastricht (les deux dates correspondant au même jour, à savoir un 20 septembre), tout en constatant que certaines positions de Lutte ouvrière (sur l’Ukraine, la fascisation, la nécessité même de reconstruire un grand parti ouvrier) ou de François Ruffin, qui se différencie (voire se distancie ?) de la direction euro-compatible et refuse que le NUPES devienne « la gauche des métropoles » en délaissant les « territoires périphériques » (ruraux, communes populaires, etc.) au RN[14], se rapprochent de celles du Pôle.

Des signes ne trompent pas sur l’influence croissante du PRCF : le succès de la revue théorique EtincelleS, pleinement engagée dans la bataille idéologique – et du site Internet Initiative communiste (tandis que le journal retrouve une progressive dynamique, interrompue notamment par l’effet confinement), où les nombreuses analyses (dont plusieurs agrémentent le présent entretien) permettent d’offrir une vision claire, cohérente et radicale du monde tel qu’il est et tel que nous proposons de le transformer. Les contacts internationaux et syndicaux sont démultipliés, au point d’ailleurs que les directions euro-compatibles des syndicats fustigent la résurrection du léninisme et mènent la bataille contre les syndicalistes de classe refusant de se soumettre à la mortifère Confédération européenne des syndicats – et son parangon qu’est la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Enfin, et surtout, le PRCF voit arriver une nouvelle génération, en attestent les adhésions croissantes de jeunes camarades – lycéens, étudiants, apprentis ou travailleurs – ayant un fort potentiel militant et intellectuel et qui sont très investis dans les luttes locales et nationales, de l’Alsace à la Bretagne, du Sud-Ouest au Nord, de la Région parisienne à Lyon et dans le Forez, etc. C’est d’ailleurs peut-être l’un des meilleurs succès des fondateurs et militants les plus anciens du PRCF : celui d’avoir réussi à constituer un outil de résistance franchement communiste qui, dorénavant, ne demande qu’à poursuivre sa croissance et jouer pleinement son rôle de noyau pour la reconstruction d’un vrai parti communiste de combat, clairement marxiste-léniniste et en rupture avec l’ordre établi.

A ce sujet, une importante conférence nationale se tiendra en cette fin d’année, visant à renforcer la bolchevisation en cours du Pôle et à confirmer la ligne (affinée) politique qui, jusqu’à présent, assure au PRCF son influence politique. Mais en attendant, et comme toujours, les militants du PRCF mènent le combat auprès des travailleurs (étudiants, chômeurs et retraités compris), des syndicalistes, des gilets jaunes, des camarades internationalistes, des militants communistes, républicains et patriotiques en lutte pour en finir avec l’ordre établi. Et plus que jamais avec une perspective claire et la seule émancipatrice pour les travailleurs et le pays : le Frexit progressiste et la construction du socialisme en France !