Déclaration du secrétariat national du Pôle de Renaissance Communiste en France – 24 mars 2021
En pleine semaine annuelle de la langue française et de la Francophonie, nous apprenons :
- d’une part, que les premiers certificats de naissance bilingues français et breton sont délivrés à Nantes et à Rennes – villes où, soit dit en passant, on n’a jamais historiquement parlé breton,
- bien plus gravement encore que, sans consultation aucune du Parlement, et en application d’une « directive européenne » scélérate, une nouvelle carte d’identité « française » est en cours de lancement avec des rubriques libellées en français et en anglais, le tout chapeauté par le drapeau européen figurant sur le document à égalité avec le drapeau français.
Dans les deux cas, il s’agit d’une marche précipitée vers le désétablissement du français en tant que « langue de la République » (article II de la Constitution) et que seule « langue de l’administration » (loi Toubon de 1994, votée à l’unanimité des groupes parlementaires d’alors, du RPR au PCF). Il s’agit même d’une remise en cause de fait de l’ensemble du droit linguistique administratif et juridique français tel qu’il a été établi puis systématiquement confirmé comme sous la Révolution française (notamment par Robespierre). Un droit qui date de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) édictée par François Ier à une époque où, de concert avec la bourgeoisie française alors encore progressiste, et de manière si injuste et inégalitaire que ce fût dans les conditions d’alors, le pouvoir de l’époque construisait cet Etat-nation français que la grande bourgeoisie, entretemps devenue réactionnaire, déconstruit aujourd’hui sur tous les plans : linguistique et culturel, mais aussi institutionnel, industriel, agricole, éducatif, administratif, sanitaire, etc.
L’arrière-plan de ces attaques illégales continues contre le français est l’offensive actuellement menée par la Commission européenne, sous l’égide de sa nouvelle présidente, Mme Ursula von der Leyen. Cette dernière ne fait pas mystère en effet de sa volonté de faire de l’anglais la « langue commune » officielle unique de l’Europe et de ses institutions. Déjà, le nouveau Parquet européen a déclaré, sans la moindre protestation de Macron, qu’il ne travaillerait qu’en anglais au mépris des traités européens qui font obligation à l’UE de « respecter la personnalité » culturelle des Etats-membres.
De plus en plus cyniquement, arrogamment, illégalement et anticonstitutionnellement s’agissant de la France, l’oligarchie européenne et ses commis hexagonaux veulent reléguer au second plan les langues nationales d’Europe pour promouvoir une langue unique, l’anglo-américain des affaires ou « globish ». Leur but stratégique est d’accompagner linguistiquement la mise en place d’un Etat fédéral européen soumis aux Etats-Unis, arrimé à l’OTAN et aux traités néolibéraux « transatlantiques » comme le CETA et le TAFTA. Procéder à l’arrachage du français, notamment dans la communication interne des grandes entreprises (Renault, PSA…), à l’Université et dans la Recherche, dans la publicité et la dénomination des enseignes (« Ma French Bank », « Pulse », « Everywhere available », « TGV Family »…), voire dans la communication des collectivités territoriales (« In Annecy Mountains », « O my Lot! », « Only Lyon », « Very Nice »…) ou de subventions publics (Happy habitat en Périgord-limousin) est également le vœu du grand patronat « français » et des PDG du CAC 40 qui, dès 2004, proclamaient par la bouche du Baron Seillière, alors président du MEDEF et du syndicat patronal européen BusinessEurope, vouloir faire de l’anglais « la langue des affaires et de l’entreprise ». Tout cela est d’autant plus scandaleux et discriminatoire que l’odieux privilège accordé à l’anglais – en réalité à l’anglo-américain des affaires aussi appelé globish – par l’UE se met en place en plein Brexit, au mépris du peuple anglais qui a dit non à l’UE, comme d’ailleurs l’a fait aussi à sa manière le peuple français le 29 mai 2005 sans que sa volonté soit alors respectée par le Parti Maastrichtien Unique formé par les Sarkozy, Hollande et autres Macron.
Rappelons en outre qu’à cette occasion, le peuple français avait enterré la constitution européenne qui faisait mention du drapeau et de l’hymne européens. Or ces symboles n’ont pas été rétablis par le Traité de Lisbonne qui, scandaleusement d’ailleurs, « fait fonction » de constitution européenne bis. Si Macron les a officialisés en 2017, lors de son arrivée à l’Elysée, c’est donc de manière grossièrement anticonstitutionnelle et au mépris de la volonté populaire ; si bien que l’imposition du drapeau européen sur la nouvelle carte d’identité, comme les libellés en anglais qui y figurent, constituent autant de FORFAITURES dont les gouvernants actuels devront tôt ou tard rendre compte.
Rappelons aussi que la mise en place doucereuse, anticonstitutionnelle et illégale elle aussi, de la « co-officialité » des langues régionales et du français dans les régions françaises s’inscrit dans le contexte de la « Charte européenne des langues régionales et minoritaires » que l’Allemagne et l’UE n’ont cessé de promouvoir depuis des décennies, dans le but d’ethniciser et de diviser les Etats européens dans le cadre de la marche à l’Europe fédérale des Länder.
Les enjeux de classes et proprement dé-civilisateurs de ce désétablissement accéléré de la langue française sur le sol national sont d’une portée incalculable. Enjeux idéologiques et politiques, car l’imposition du tout-globish totalitaire accompagne et accélère linguistiquement la casse des Etats nationaux et multinationaux historiquement constitués d’Europe (France, mais aussi Belgique, Italie, Espagne…) pour promouvoir ce qui n’hésite plus à se surnommer « l’Empire européen » (selon l’expression de Bruno Le Maire et de Dominique Strauss-Kahn), et renforcer ainsi les tendances totalitaires préexistantes à l’euro-politique et à l’euro-économie uniques. Surtout, l’oligarchie européenne et « française » cherche à installer un marché du travail euro-atlantique totalement dé-segmenté sur le plan linguistique, qui lui permettrait d’accroître comme jamais le moins-disant social et salarial en aggravant toujours plus la concurrence entre salariés et en éliminant du marché euro-mondialisé quantité de petits et de moyens entrepreneurs incapables de parler l' »English Mother Tongue » (l' »anglais langue maternelle ») partagé par les élites globalisées.
Bien entendu, il ne s’agit pas de combattre les langues régionales comme telles, en tant qu’elles font partie du patrimoine culturel et indivis de toute la nation, ni l’anglais ou quelque autre langue étrangère que ce soit. Il faut au contraire exiger du gouvernement qu’il donne à l’Education nationale les moyens d’enseigner toutes les Langues vivantes dans leur diversité (allemand, espagnol, italien, russe, arabe…), sans oublier les langues régionales là où une demande significative existe ; mais bien évidemment, cela ne peut pas se faire au détriment du français dont l’enseignement doit être renforcé et requalifié à tous les niveaux. Il s’agit de combattre le tout-globish en tant que facteur de pensée unique néolibérale et managériale, de politique unique euro-atlantique et d’économie unique « ouverte sur le monde et où la concurrence est libre et non faussée », car tout ce dispositif politico-culturel vise tout bonnement à imposer le capitalisme-impérialisme comme seul système mondial en proscrivant à tout jamais le droit des peuples à décider de leur sort et à construire le socialisme s’ils en décident ainsi.
Ces humiliations à répétition infligées à la langue française et aux francophones ne sont pas seulement une insulte faite à la France, à son histoire, à sa culture et à sa littérature. Elles ne sont pas seulement un dévoiement de l’attachement légitime que nombre de nos compatriotes portent aux langues régionales : il s’agit aussi d’un camouflet permanent infligé par « notre » oligarchie antinationale à l’ensemble des Francophones du monde, que ces derniers vivent en Afrique, au Québec, en Belgique, en Suisse et dans nombre d’autres pays où le français reste la langue la plus enseignée après l’anglais, les pays francophones d’Afrique étant globalement les plus dynamiques du continent. Spécialiste du monde francophone, M. Ilyes Zouari estimait récemment sur Sud-Radio à près de 900 millions le nombre de personnes capables d’entendre et d’utiliser peu ou prou notre langue commune de part le monde : il est donc criminel, y compris du point de vue des intérêts commerciaux (intérêts commerciaux égalitaires, hors intérêts néo-colonialistes) d’avenir de la France, de négliger un tel atout en se sacrifiant de manière hyper-conformiste au tout-anglais cher à l’oligarchie.
De manière solennelle, le secrétariat national du PRCF adjure l’ensemble des forces politiques, syndicales et associatives du mouvement ouvrier, populaire et démocratique, y compris le mouvement syndical, à s’emparer de la question linguistique et culturelle avant qu’il soit trop tard. Mettre la résistance linguistique au coeur des luttes pour la République une et indivisible – et contre le « pacte girondin » et le « saut fédéral européen » macronistes –, pour l’unité nationale des services publics d’Etat, pour le produire en France, pour la souveraineté nationale, pour la défense des conquêtes sociales, laïques et démocratiques, pour la sauvegarde des statuts nationaux, des conventions collectives nationales et du Code du travail national, n’est pas seulement pour le mouvement ouvrier une question d’honneur : c’est plus que jamais une question de classe majeure pour arracher des mains indignes de l’oligarchie maastrichtienne et capitaliste le drapeau de la nation et le grand héritage de notre langue nationale dont la grande bourgeoisie capitaliste se montre chaque jour plus indigne.
Dans cet esprit, qui fut aussi celui d’Aragon et des Lettres françaises clandestines éditées par le PCF sous l’Occupation, le PRCF décide de soutenir méthodiquement, tout en respectant sa spécificité et son indépendance, les efforts permanents de l’Association COURRIEL pour appeler le mouvement populaire à SE défendre LUI-MEME en défendant la langue française.