ENTRETIEN avec GEORGES GASTAUD, directeur politique d’INITIATIVE COMMUNISTE – FÉVRIER 2021
Initiative communiste : La très chaotique transition entre Trump et Biden annonce-t-elle un renouveau sensible de la politique internationale du principal État impérialiste ?
Georges Gastaud : Il ne faut ni sous-estimer ni surestimer la nouvelle donne étatsunienne. Il ne faut pas la sous-estimer car les affrontements du Capitole et le refus de Trump de passer la main en respectant les formes républicaines montrent aux plus aveugles que la société étatsunienne est gravement malade de ce capitalisme-impérialisme exacerbé qui n’engendre la richesse de quelques-uns qu’en provoquant le désespoir d’une majorité.
Nombre d’Américains laissés pour compte trouvent un exutoire fascisant, si ce n’est pire, dans le « trumpisme », son racisme à fleur de peau, sa misogynie grossière, son anticommunisme incandescent, son mépris des étrangers et de l’étranger, son climato-scepticisme et son viro-négativisme compacts; mais une bonne partie de la jeunesse se tourne vers les luttes antiracistes (mouvement « Les vies noires comptent ») et, fût-ce de manière confuse et naïvement réformiste, vers le « socialisme » flou et sentimental incarné par Sanders. Ce phénomène est néanmoins nouveau et porteur d’espérance.
Sur le plan géopolitique, l’impérialisme yanqui ne changera pas plus de nature avec Biden qu’il n’avait changé de nature sous Clinton ou sous Obama : il s’agit toujours et uniquement de dominer et d’exploiter la planète entière, y compris si possible les vassaux prétendument « alliés » à Washington au seul profit des monopoles capitalistes étasuniens. On peut cependant prévoir des différences d’accent. Face au recul objectif des États-Unis d’Amérique devant, notamment, la montée des « BRICS » et celle, en particulier, de la République populaire de Chine, la devise de Trump « l’Amérique d’abord ! » l’avait conduit à un certain repli (tout est relatif !) en Syrie, en Afghanistan, voire en Europe, la Chine étant brutalement désignée comme l’ « ennemi stratégique » des USA. Et en même temps, l’étau formé par l’Oncle Sam et par les oligarchies complices d’Amérique latine a conduit à une offensive sans précédent depuis Kissinger contre Cuba socialiste, contre la République bolivarienne du Venezuela et plus généralement, contre les Etats de l’Alternative bolivarienne des Amériques et de la CELAC. Avec en prime, au Proche-Orient, l’appui sans réserve accordé par Washington au boucher Netanyahou pour écraser le peuple palestinien et pour préparer une guerre impérialiste contre le peuple iranien. C’est ce qu’on appelle le « continentalisme », c’est-à-dire le choix fait par Trump de « tenailler » en priorité l’« arrière-cour » de l’Oncle Sam, les Amériques, ainsi que le Proche-Orient qui est économiquement, militairement et financièrement jugé stratégique. Le « mondialiste » Biden voudrait redéployer davantage l’impérialisme US à l’échelle de toute la planète et, sans relâcher la pression sur les forces patriotiques et progressistes arabes ou latino-américaines, le nouveau président compte revaloriser l’OTAN comme moyen de se confronter davantage encore avec la Russie, d’y susciter si possible une « révolution de couleur » (comme il s’y efforce en Biélorussie), de renforcer une forme de condominium germano-américain sur l’Europe. Tout cela reste gros de dérapage vers une guerre potentiellement nucléaire avec la Russie, ce qui comporterait d’énormes risques pour la survie même de l’humanité. Plus que jamais la solidarité anti-impérialiste reste donc à l’ordre du jour et avec elle, la nécessaire unité des forces progressistes de France et d’Europe pour virer l’OTAN ce qui, soit dit en passant, restera un vœu pieux si l’on n’ose pas proposer le Frexit progressiste vu que l’UE se définit constitutivement comme la « partenaire stratégique de l’OTAN ».
Par ailleurs, ne perdons pas de vue que les grands dispositifs géopolitiques de l’impérialisme demeurent. J’ai notamment en vue la méga-tenaille géopolitique que Washington et l’UE, prenant appui sur les monarchies arabes réactionnaires (des pétromonarchies du Golfe au Roi du Maroc) et sur le supeur-prédateur Erdogan, ouvertement nostalgique de l’Empire ottoman, ont mis en place pour enserrer la Méditerranée et ses pourtours, du Caucase au Sahel. Il s’agit pour cette nouvelle Sainte-Alliance enserrant la Méditerranée, le Proche-Orient (jusqu’au Caucase) et le Nord-Ouest africain, de régler définitivement leur compte aux Palestiniens et au Front Polisario (mouvement de libération progressiste du Sahara Occidental), de sanctuariser les féodalités arabes pseudo-musulmanes, de tenir sous leur botte les mouvements populaires progressistes (Algérie, Tunisie, Mali, luttes africaines contre la « Françafrique »), d’offrir un substitut non moins réactionnaire, voire carrément djihadiste à l’impérialisme français honni, lequel est en difficultés militaires et sur le déclin au cœur même de l’Hexagone. Il s’agit aussi de conforter la grossière politique israélienne d’apartheid anti-arabe, tout en se confrontant indirectement à la Chine et à la Russie sur l’ensemble des théâtres cités.
Bien entendu, ces réalités ne doivent pas nous faire reculer sur la nécessité de combattre « notre » propre impérialisme car ceux qui continuent de défendre l’odieuse « Françafrique » sont les mêmes que ceux qui, chez nous, démolissent les acquis sociaux, sacrifient la langue française au tout-anglais et démolissent l’idée même de nation française en privilégiant la « construction » euro-atlantique qui érode les bases élémentaires du vivre ensemble en France. Bref, ni Françafrique ni « Franceurope », ni « Françallemagne » (qu’organisent à bas bruit le Traité Merkel/Macron d’Aachen et la pré-sécession des euro-région et euro-département d’Alsace et de Moselle), ni remplaçant djihado-ottoman de ladite Françafrique, mais solidarité de lutte de la « France sans fric » avec les peuples en lutte d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et du Proche-Orient !
Plus globalement, et même s’il est inévitable que le démantèlement contre-révolutionnaire de l’URSS et l’éclipse consécutive du Mouvement communiste international et du camp anti-impérialiste mondial qui lui étaient alliés donnent aux fauteurs de guerres impérialistes une liberté de manœuvre qu’ils n’avaient pas avant 1989, il serait faux, antidialectique et démobilisateur de méconnaître que, si réactionnaire, si fascisant et « exterministe » qu’il soit, le capitalisme-impérialisme n’est pas tout-puissant. En Amérique latine, malgré des contradictions que nous ne minimisons pas, notamment au Venezuela où nous devons entendre les signaux d’alerte envoyés par le PCV, l’Alternative bolivarienne des Amériques a tenu bon, Cuba socialiste a donné au monde entier l’exemple d’une lutte internationaliste désintéressée contre la pandémie, le Chili populaire (avec le PC chilien en tête !) est à l’offensive, Morales revient triomphalement en Bolivie, les partisans de l’ex-président progressiste Corréa reprennent la main en Équateur et le trumpiste Joao Bolsonaro est sur le recul au Brésil. En Afrique, avec parfois l’appui de mouvements communistes et marxistes-léninistes (Sadi au Mali, PC du Bénin revendiquant l’affranchissement monétaire de l’Afrique), les mouvements de masse de la jeunesse populaire ne baissent pas la garde en Tunisie et en Algérie malgré la répression qui les frappe. Même chose au Liban avec l’appui de nos camarades communistes. L’opération occidentale de déstabilisation de la Biélorussie indépendante a échoué pour le moment et nous nous félicitons que M. l’Ambassadeur de Biélorussie ait choisi Initiative communiste pour toucher les progressistes de France. Enfin, comment oublier que, malgré le harcèlement et l’encerclement occidental dont elle est l’objet, la Russie postsoviétique est redevenue un acteur géopolitique majeur qui a réfréné sans trembler les menées impérialistes, djihadistes et néo-ottomanes en aidant l’Armée nationale syrienne à vaincre l’ingérence impérialiste, les égorgeurs de Daesch et les entreprises d’Erdogan en terre syrienne. Enfin, la République populaire de Chine est désormais une actrice économique et politique mondiale que ne suffiront pas à déstabiliser les campagnes de désinformation et de sécession néocoloniale incessantes au sujet de Hongkong et des Ouïghours : alors que les champions du néolibéralisme occidental, notamment les Trump et autres Johnson, affichaient des chiffres effarants de surmortalité épidémique dans leurs pays respectifs, alors que les négateurs néolibéraux de la pandémie, les Trump et autre Johnson tombaient eux-mêmes gravement malades faute d’avoir respecté les mesures barrières les plus élémentaires, la Chine a été le premier pays du monde à stopper l’épidémie en utilisant notamment ses puissants moyens industriels et scientifiques de pointe.
À leur échelle, le PRCF et la JRCF font tout ce qu’ils peuvent à l’international pour raviver la solidarité de classe internationale en dénonçant l’euro-maccarthysme (riposte du PRCF aux calomnies antisoviétiques du « journaliste » de France-Culture Antoine Marette, pétition contre l’euro-maccarthysme, soutien au PC de Pologne…[1]), pour soutenir Cuba socialiste (rencontre récente du PRCF avec le nouvel ambassadeur, participation à l’action unitaire contre le blocus), pour soutenir nos camarades allemands de la FDJ, de l’ABW-KPD ou du Comité Thälmann. Nous participerons de même au meeting franco-africain pour la fin des actions néocoloniales de Paris en Afrique et nous continuerons d’apporter notre aide au Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe.
Initiative Communiste : face à la pandémie, comment les communistes doivent-ils selon toi mener la bataille d’idées ?
Georges Gastaud : Certains progressistes pensent que la « radicalité » politique consisterait à mettre en doute la gravité du virus et à dénoncer une sorte de « bateau » mondial, de paravent médiatique des milieux dirigeants visant à museler les peuples sous couvert de mesures-barrières… Naturellement, cette volonté de museler les peuples existe en permanence chez les dirigeants du monde capitaliste, – c’est ce que le PRCF a longtemps dénoncé seul sous le nom de « fascisation » – ; naturellement les gouvernants exploitent l’épidémie pour promouvoir leurs mesures liberticides et leurs contre-réformes ; naturellement, toutes les mesures qu’ils prennent sur le plan sanitaire sont biaisées par leur volonté d’aggraver l’exploitation capitaliste tout en favorisant les trusts aux dépens des salariés et des petits entrepreneurs. En ce sens, la « grande réinitialisation » que préparait le grand capital, dont les éléments de crise aiguë s’aggravaient à vue d’œil bien avant que n’éclatât l’épidémie, est une triste réalité qu’a encore confirmée par le Forum de Davos.
Ce serait cependant une faute politique sérieuse, que n’ont commise ni les communistes cubains, ni les Chinois, ni les Grecs, ni les Finlandais, ni les Portugais… etc., que de confondre l’exploitation éhontée qui est faite de l’épidémie par l’oligarchie avec l’existence, hélas avérée, de cette première pandémie liée à l’euro-mondialisation capitaliste. Nier l’existence du virus ou en minimiser la gravité, c’eût été, non seulement laisser les capitalistes – qui ne demandent pas mieux ! – envoyer les ouvriers d’usine, employés de commerce, agents hospitaliers, conducteurs de bus, enseignants, etc. – au casse-pipe sans mesures de protection (ce que Blanquer a longtemps fait au détriment des élèves et des profs pour que l’école joue son rôle de garderie et que continue l’extorsion de la plus-value capitaliste, impossible sans le maintien de la production), mais de dédouaner les gouvernements maastrichtiens dont la gestion de l’épidémie a été catastrophique tant ils ont tardé, Macron en tête, à prendre la mesure de la menace. Et tant ils ont, notamment en France et en Europe, démoli les systèmes sanitaires, cassé la recherche biomédicale et, s’agissant de la France, désossé nos forces productives.
La réalité, c’est que l’UE a montré à cette occasion sa nature, non pas « protectrice » par rapport à la mondialisation, mais déprotectrice… à l’égard de la nation (le PRCF a été quasiment seul à gauche à rappeler les 62 sommations adressées à la France par l’UE pour la sommer de « réduire ses dépenses de santé » !). Le PRCF a donc bien fait, au printemps dernier, d’appeler à « virer l’euro-mondialisation virale ». Car l’émergence de nouveaux virus, SARS, Ebola, H1N1, sans parler du coup de semonce que fut déjà l’émergence et la diffusion mondiale du Sida dans les années 1980, ou celle des épizooties à répétition, souvent susceptibles de passer à l’homme, que favorise l’élevage et l’abattage industriel mondialisés, sont structurellement liées aux prédations de la mondialisation capitaliste (tous les dix ans, la déforestation ravage l’équivalent du Maroc !) et à la dé-segmentation sauvage des économies qu’elle provoque. Et que, hélas, elle provoquera encore si l’on ne traite pas sérieusement, outre le coronavirus, ce « virus » plus grave encore qu’est « l’économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » qui définit l’UE.
Sur le plan politico-idéologique, le PRCF n’a pas pris le risque grave de se laisser satelliser par l’ultradroite « libertarienne » – qui, dans la foulée de Trump et de Bolsonaro, nie ou minimise la pandémie et refuse comme « totalitaire » et « communiste » toute forme de contrainte collective. Notre organisation a su recadrer politiquement le débat sur l’enjeu de classes de la crise sanitaire et de ses conséquences sociales : ou bien gestion capitaliste, maastrichtienne et liberticide de l’épidémie, avec le risque planétaire que le désintérêt pour le soin et que la course au profit des firmes pharmaceutiques conduisent à perdre la course de vitesse engagée par l’humanité soignante avec les mutations d’un virus d’extension planétaire, ou bien gestion socialiste-communiste centrée sur le soin, sur la production d’un vaccin soustrait aux exigences du profit et délié de la course aux « brevets », sur la nationalisation franche de l’industrie pharmaceutique, sur le primat absolu de la vie humaine sur le profit capitaliste, sur la nécessaire coopération internationale visant à protéger l’ensemble de la population mondiale : car en matière virale, l’individualisme et le nationalisme sanitaires peuvent vite devenir suicidaires ; et bien entendu, refus absolu de laisser hiérarchiser les vies humaines ce qui implique de refuser tout compromis avec la montée d’un discours anti-« vieux » insidieusement fascisant (en réalité, contre les vieux pauvres !) qui, bien que parfois repeint sous de fraiches couleurs « festives », ne serait pas long à nous ramener le pire !
Nous n’en dénonçons que davantage la navigation à vue du pouvoir macroniste, ses choix de classe en matière de confinement (nous parlions déjà de « confinement de classe » dans notre motion de juin 2021), sa volonté de dévoyer la notion de mesure-barrière pour museler le droit de réunion (politique, syndicale) et de manifestation. En ce qui concerne le PRCF et ses dirigeants, ils n’ont jamais confondu l’appel à la prudence, qui s’impose à toute organisation tant soit peu responsable, y compris par rapport à la protection de ses membres, et la lâcheté : nous allons aux manifs, tout en respectant les mesures barrières réclamées par les soignants, nous tractons, nous affichons, nous « autocollons » et nous appelons à revendiquer des moyens massifs pour les hôpitaux, des embauches dans l’Éducation nationale ; nous rappelons que la protection de la santé doit primer sur le profit mais non servir de prétexte à la réduction des libertés civiques. Nous appelons à nationaliser SANOFI, à cesser de faire barrage pour des motifs sordides aux vaccins cubain, russe et chinois, à reconstituer l’appareil de recherche et de production français en matière de médicaments, à laisser les médecins soigner conformément au Serment d’Hippocrate au lieu de tracasser ceux qui tentent de soigner. Plus globalement, notre commission Santé travaille à dessiner une politique socialiste de la Santé dont notre programme national a fixé les axes structurants.
Initiative Communiste– Aux dires de la Commission luttes et des militants du PRCF présents sur le terrain, la mobilisation intersyndicale du 5 février a été décevante. Comment relancer l’idée du « tous ensemble en même temps » ? Comment rouvrir la perspective politique alors que la gauche établie est plus divisée et discréditée que jamais ?
Georges Gastaud : Ce n’est pas l’exaspération sociale qui manque aujourd’hui, mais une stratégie syndicale claire appuyée par une perspective politique tant soit peu « carrée ».
En réalité, le pouvoir lui-même – Édouard Philippe n’en a pas fait mystère ! – redoute l’ « explosion sociale » ! –, mais comment les travailleurs pourraient-ils s’enthousiasmer pour des mobilisations dispersées, dénuées de toute plateforme syndicale unificatrice et de tout appel franc à la grève, sans plan d’action fédérateur, sans contacts inter-pros systématiques à la base, ponctués par des compromissions avec une CFDT percluse de trahisons et de félonies ? La direction confédérale de la CGT elle-même ne cesse de tergiverser et, alors que Philippe Martinez semblait initialement vouloir s’ancrer dans le syndicalisme de classe – il n’a cessé depuis 2017 de donner des gages à sa tendance réformiste interne ainsi qu’aux pseudo syndicalistes de la Confédération Européenne des Syndicats. De cette manière, on laisse les syndicalistes de terrain s’épuiser dans les luttes sectorielles tandis qu’au sommet des confédérations, on signe des textes communs proprement honteux avec la DGB, l’UNSA et avec la CFDT pour soutenir le « grand emprunt » européen de Macron-Merkel : ce qui revient, sans oser le dire, à soutenir le « saut fédéral européen » et le basculement en cours vers une Europe supranationale du grand capital que la CGT de classe a toujours combattue, y compris en 1992 (Maastricht) et en 2005 (constitution européenne)…
C’est pourquoi le PRCF propose aux forces politiques progressistes et des syndicalistes de lutte la proposition suivante : autour du 15 mars, date anniversaire du Programme du CNR (« Les Jours heureux »), organisons ensemble à Paris et/ou de manière décentralisée des rassemblements de rue avec prises de parole plurielles sur le fond commun suivant :
« Macron, MEDEF, Commission de Bruxelles, désormais…
- Assez d’argent public distribué en masse et sans contrôle au grand patronat, l’argent pour les services publics (hôpital, écoles…) et pour les travailleurs et citoyens massivement précarisés et paupérisés, dont plusieurs millions ne peuvent même plus faire trois repas par jour ! Augmentation générale des petits et moyens salaires !
- Plus une seule contre-réforme (retraites, indemnités chômage, lycée, Université, recherche…), plus une seule euro-privatisation (ADP, EDF, SNCF…),plus une seule fusion capitaliste nationale ou transnationale (PSA, Renault, Altstom, GDF/Véolia, etc.), plus une seule délocalisation, plus un seul plan de licenciements (Grandpuits, cristallerie de Baccarat, Brigestone, etc.), plus une seule mesure liberticide (« Sécurité globale », états d’urgence sous toutes leurs formes…) !
- A l’action tous ensemble en même temps pour une République sociale, souveraine et fraternelle coopérant à égalité avec tous les pays d’Europe et du monde !
… chaque organisation étant libre par ailleurs de porter son propre discours sur les sujets de son choix ! »
Sur le plan politique proprement dit, le PRCF continue sa pré-campagne autour de son jeune porte-drapeau et co-secrétaire national, notre camarade Fadi Kassem, de notre programme, de nos trente mesures d’urgence, de notre intervention militante dans un maximum de manifs et de luttes populaires. Tracts, autocollants, affiches sont mis à la disposition des organisations et des adhérents. Pour éviter à tout prix le duel/duo Macron-Le Pen que nous programme à nouveau l’oligarchie, il faut qu’émerge toujours plus l’idée que la France a besoin d’un parti communiste de combat, d’un renouveau du syndicalisme de lutte, d’une Convergence Nationale des Résistances, d’une lutte pour le Frexit progressiste, antifasciste et internationaliste avec la perspective du socialisme pour notre pays. Tout le monde voit mieux désormais que la perspective rebattue d’une union ( ???) des euro-gauches incluant le PS et EELV indiffère profondément les couches populaires qui ont déjà « payé pour voir » en 1981/88 et en 1996/2002, sans parler du désastreux quinquennat de Hollande. Un grand nombre de gens comprend aussi qu’une « France insoumise » ne peut mériter ce nom qu’en devenant FRANCHEMENT insoumise à l’UE et qu’en refusant l’idée d’une interminable négociation avec l’UE qui ne ferait qu’enliser d’emblée le changement de société. Enfin, chacun voit mieux que dans la configuration de classes qui est celle de la France actuelle, un vrai Frexit ne peut être qu’un Frexit progressiste et tourné vers le socialisme : il n’est que de voir le bide politique qu’on fait récemment en s’associant Dupont-Aignan (ex-premier ministre pressenti de Marine Le Pen…), Philippot (ex-bras droit de cette dernière) et l’UPR (Union populaire républicaine), pour comprendre qu’à notre époque plus que jamais, l’émancipation de la France est indissociable de l’émancipation sociale du monde du travail. Marine Le Pen nous aide involontairement à le comprendre puisque cette pseudo « souverainiste », qui avait déjà officiellement renoncé en 2017 à sortir de l’euro, de l’UE et de l’OTAN, vient d’annoncer qu’elle ne sortirait pas non plus la France de l’espace Schengen. Qu’on le veuille ou non, on ne peut sortir du capitalisme sans rompre franchement avec l’UE, et ce constat montre l’inanité des discours anticapitalistes des trotskistes et autres anars dont l’antinationalisme de façade cache mal le ralliement secret au supranationalisme euro-atlantique. Symétriquement, on ne peut sortir la France du broyeur euro-atlantique si l’on n’est pas prêt à affronter l’oligarchie capitaliste : c’est-à-dire à poser la question du socialisme pour notre pays. Voilà pourquoi, si modestes que soient encore les forces – en dynamique ! – du PRCF et des JRCF, la seule alternative objective au duo-duel Macron/Le Pen est l’alternative rouge/tricolore portée par les militants franchement communistes et 100% anti-Maastricht. Voilà pourquoi, malgré la censure qui nous frappe, un nombre de plus en plus significatif de jeunes rallie le PRCF et le ralliera davantage encore pour peu que notre organisation se centre bien sur les priorités définies par son CC de janvier : construction de l’organisation franchement communiste, soutien au syndicalisme de classe, bataille d’idées permanente contre la criminalisation du communisme, construction du tous ensemble, Convergence nationale des résistances, solidarité avec les partis communistes et les organisations progressistes qui combattent l’impérialisme.
Initiative Communiste – Concernant le PRCF, tout en animant le PRCF-62, tu mets tous tes soins à favoriser la transition générationnelle et la mise en place de commissions nationales de travail au sein du PRCF. Comment les choses se présentent-elles de ce point de vue ? Alors qu’une nouvelle génération de dirigeants est appelée, avec l’aide des anciens, à prendre toute sa place dans la direction du Pôle, quel regard rétrospectif portes-tu sur les presque 16 ans que tu as passés au secrétariat national du Pôle ?
Georges Gastaud : Il faut d’abord remercier chaleureusement les anciens, notamment nos trois membres de la présidence, Léon, Pierre et Jean-Pierre, ces passeurs d’histoire qui, à l’instar des grands camarades disparus de notre comité de parrainage, les Georges Hage, Simone Nicolo-Vachon, Jacques Coignard, Jeanne Colette, Henriette Dubois, Etorix de Angelis, Eugène Kerbaul, Henri Alleg, René Lefort, Désiré Marles et autres figures de proue de la Renaissance communiste, continuent de batailler avec flamme à des âges avancés pour transmettre aux jeunes les deux drapeaux associés de l’indépendance nationale et de la révolution sociale. Cela dit, et c’est une grande satisfaction pour un militant de ma génération – qui a encaissé pas mal de défaites et de trahisons mais qui a inlassablement montré le chemin de la résistance sociale et de la renaissance communiste – que de voir affluer vers le PRCF et les JRCF des forces neuves, des militants jeunes pas seulement férus d’identité communiste abstraite mais désireux d’être utiles au peuple, d’aller au-devant des luttes et de reconstruire la perspective révolutionnaire.
Gramsci – que certains donneurs de leçons ne citent que pour dévoyer son puissant message vers les marécages du révisionnisme – disait que la construction du « Prince moderne », c’est-à-dire celle du parti communiste d’avant-garde, impose concrètement la construction d’un « groupe dirigeant » cohérent, fraternel dans ses relations, uni aux luttes sociales et fédéré par une théorie et une perspective révolutionnaire. Sans se détacher, bien au contraire, des anciens qui lui passent peu à peu le relais et qui continuent à « tenir la boutique » avec dévouement, ce jeune groupe dirigeant au sens gramscien du mot prend forme dans le PRCF de même que s’y déploie une intense réflexion générale dans les commissions nationales de travail du PRCF, luttes, santé, éducation, femmes, écologie, économie, philosophie, histoire, International, organisation, propagande, sans parler des camarades qui animent notre communication, ÉtincelleS, site informatique, réseaux sociaux et au premier chef, Initiative communiste.
La bataille d’idées et d’élaboration programmatique que le CC du PRCF unanime a chargé Fadi Kassem de mener est aussi un moyen de consolider la montée en puissance de ces jeunes militants dévoués, intelligents et combatifs que sont Rachida, Gilliatt, Damien, Thomas, Clément, Pauline, Manon, Tristan, Jérémie, Rémi, Yannick, Baptiste, Léo, pardon pour celles et ceux que j’oublie bien involontairement. Tous les anciens doivent mettre et mettent « le paquet » pour leur faciliter la tâche et considérer que, dans une course de relais, les porteurs de témoin doivent, si fatigués qu’ils soient, « tout donner dans la dernière ligne droite » pour passer le relais dans les meilleures conditions et en pleine vitesse à leurs successeurs. Cette transition générationnelle s’annonce bien et elle apporte sa pierre, non seulement au PRCF mais à l’avenir du mouvement communiste et progressiste en France. Quant au camarade Fadi, sa modestie bien connue ne souffrira pas outre mesure si je lui dis ici notre gratitude pour l’énorme boulot qu’il abat quotidiennement, pour le sang-froid imperturbable, pour l’esprit fraternel et la finesse politique qu’il montre au quotidien sans jamais décoller du terrain de l’acte militant et des luttes populaires.
Concernant le regard rétrospectif, je dirai que le chemin a été long et souvent pénible depuis la fondation de la Coordination communiste du PCF à l’initiative des signataires d’une Lettre ouverte au CC du PCF rédigée en 1991 par la cellule Eloi Machoro de Lens. Nous avons dû, sans expérience aucune de la direction politique nationale pour nombre d’entre nous, trouver notre chemin politique dans une période dominée par les trahisons, les dérives révisionnistes, les contre-révolutions, et sans cesse compliquée par les mouches du coche du gauchisme et du sectarisme. Dire qu’aucune erreur n’a été commise par nous serait bien prétentieux mais globalement, nous avons veillé à ce que ne soit jamais rompu le « fil rouge », si ténu qu’il soit, qui nous rattachait au passé révolutionnaire de la France et à l’avenir socialiste-communiste de l’humanité. Cette « Longue Marche » encore inachevée réclame de tous cette vertu révolutionnaire sous-estimée qu’est la patience. Mais toute longue marche a pour finalité un sprint final, et à l’heure où Macron-MEDEF et l’UE font flèche de tout bois pour accélérer l’euro-dissolution et la fascisation de notre pays, il faut moins regarder dans le rétroviseur qu’aller de l’avant et qu’accélérer par tous les moyens la reconstruction du Parti, du syndicalisme de classe et du front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste. Car s’il ne se dote pas à temps et à nouveau d’un parti communiste de plein exercice, notre pays se dissoudra dans ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste »… si, pis encore, il ne finit pas son histoire de manière déshonorante, dans l’aventure mortifère d’un pouvoir ouvertement raciste. A l’inverse, si trop de communistes tardent encore à choisir solidement la voie que porte le PRCF, celle des deux drapeaux, rouge et tricolore, de la dialectique émancipation sociale/émancipation nationale, ils ne seront pas à temps au rendez-vous de l’histoire qui, comme on sait, « ne repasse pas les plats » alors qu’approche sans doute une période d’affrontements sociopolitiques sans égal. Il y a donc urgence à rejoindre le PRCF au lieu de cultiver sans fin des illusions sur l’on ne sait quel retour à la normale d’organisations blanchies et rosies dans les harnais de l’ « union de la gauche » et des illusions euroconstructives. La leçon toujours actuelle du Congrès de Tours, ce n’est pas, en tout cas, qu’il faudrait attendre encore et encore qu’une tendance de la SFIO moins réformiste que les autres « remette sur rails » la « vieille maison » encroutée dans les compromissions, sachant que les sigles d’hier ne correspondent plus tout-à-fait aux réalités d’aujourd’hui…
Initiative Communiste : Qui dit transition, dit repositionnements personnels. Peux-tu nous en dire plus sur tes activités extérieures au PRCF proprement dit, sur les plans philosophique, linguistique et internationaliste ?
Georges Gastaud : La reconstruction d’une hégémonie culturelle progressiste est impossible sans la reconstitution d’un socle théorique solide dont l’élément central ne peut être que le matérialisme dialectique dans toutes ses dimensions. Comme j’ai tenté de le démontrer dans Lumières communes (traité de philosophie générale en cinq tomes), il ne s’agit pas seulement de défendre et d’illustrer le matérialisme dialectique passé, ce qu’on appelait le « diamat », mais de prendre appui sur lui et sur les fulgurantes avancées des maths, des sciences cosmo-physiques et chimiques, de la biologie générale, de l’anthropologie dans toutes ses dimensions, pour qu’émerge un matérialisme dialectique de nouvelle génération qui évitera à la fois le ressassement dogmatique et les palinodies révisionnistes de certains pseudo novateurs. C’est à quoi s’emploie avec les moyens du bord mon site philo www.georges-gastaud.com qui édite régulièrement articles de fond et vidéos pédagogiques.
Sur le plan linguistique, je suis heureux de constater la récente relance de l’Association CO.U.R.R.I.E.L. que je co-préside avec mon ami Léon Landini. A l’initiative de la Commission européenne, et à la veille sans doute d’un retour en force du TAFTA dont Biden est partisan, nous sommes aux portes d’un basculement, peut-être irréversible, vers l’officialisation de l’anglais comme langue unique de travail des institutions européennes : ce qui ne ferait qu’accélérer la politique d’arrachage linguistique et de substitution méthodique des langues nationales d’Europe au profit, non pas tant de l’anglais, que du « tout-globish », cette novlangue que l’oligarchie veut mondialiser pour mieux uniformiser les marchés de la culture, de la communication des entreprises, et surtout, de la main-d’œuvre ou pour mieux dire, de la force de travail. Il suffit d’imaginer l’énorme avantage concurrentiel que donnerait aux capitalistes, et surtout aux plus gros d’entre eux, en termes d’offres et de demandes, l’uniformisation linguistique européenne et « transatlantique » du marché du travail ! Non seulement les travailleurs de chaque pays seraient gravement divisés, toute une part d’entre eux devenant subitement « inemployables », mais dans le même temps, la concurrence pour chaque poste de travail – qui est en quelque sorte segmentée aujourd’hui par les langues nationales – serait brutalement « dé-segmentée » à la sauvage : ce ne serait plus dix ou vingt, mais cent, mais mille offres prolétariennes concurrentes qui afflueraient alors vers l’offreur capitaliste pour un seul emploi, – pardon, pour un seul « job » – ; et cela serait d’autant plus vrai que se profile inhumainement à l’arrière-plan de tout cela la numérisation systématique du travail avec tout ce que cela comporte de menaces pour les « collectifs de travail » eux-mêmes. La « concurrence libre et non faussée » actuelle n’est rien en comparaison de ce que permettrait le couplage « tout-numérique / tout-anglais ». Que la plupart des organisations politiques progressistes (en dehors du PRCF et de quelques autres courageux qui ont entendu ses appels, longtemps isolés) et que les grandes confédérations de salariés ne disent pas un traître mot contre le tout-anglais montre l’ampleur, soit de leur trahison (nationale et sociale), soit de leur accablante irréflexion. C’est pourquoi j’invite les personnes qui liront cet entretien à visiter le site du CO.U.R.R.I.E.L. et à lui prêter concrètement mainforte. Là encore, c’est le fatalisme résigné, la soumission au « capitalisme de la séduction » dénoncé par Michel Clouscard, qu’il faut vertement secouer. Car si un peu de passion francophone éloigne du combat de classe, beaucoup de passion pour la biodiversité linguistique y ramène !
Cela dit, pour autant que cela dépendra de moi, je resterai encore un certain temps membre de la direction nationale du PRCF. Non pour y jouer les vieux sages, mais pour aider concrètement et pratiquement à ce que la transition générationnelle, le rajeunissement et la prolétarisation de nos directions s’y opèrent dans les meilleures conditions.
Initiative Communiste – On t’entends souvent reprendre à ton compte la devise que Gramsci attribue à Romain Rolland, « pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté ». Sera-ce ta conclusion ?
Georges Gastaud – Cette expression rollando-gramscienne est stimulante, mais comme me le faisait remarquer naguère mon vieux camarade nord-américain Joe Kaye, elle a aussi ses limites. Elle risque de faire croire que par elles-mêmes, les situations objectives n’apporteraient rien d’autre que le pessimisme inhérent à la « force des choses » alors que l’optimisme ne serait affaire que de volontarisme et de subjectivisme. S’il n’existait rien, du côté du réel, sur quoi étayer l’optimisme, alors ce dernier ne serait que méthode Coué. Le marxisme et le matérialisme dialectique nous indiquent au contraire que chaque situation, y compris la plus réactionnaire, porte son contraire en elle-même de même que l’exploitation porte en elle la lutte des classes et que celle-ci ne peut prendre fin vraiment qu’avec la société sans classes, c’est-à-dire avec le communisme en tant qu’il met fin à toute exploitation, mieux à toute possibilité d’exploitation et de restauration de l’exploitation. Marquée par ce que nous appelons l’exterminisme, la situation actuelle est certes très sombre mais sa contrepartie est que, le capitalisme pourrissant portant en lui le risque d’auto-extermination de l’humanité comme le cumulonimbus porte en lui l’orage, les communistes ont plus de raisons que jamais de fédérer tous ceux, largement majoritaires, qui préfèrent la vie et la raison à la pan-destruction et à la déshumanisation générale que porte le capitalisme-impérialisme actuel. De même que, la « construction » européenne portant en elle la mise à mort de la France, de sa langue et de ses acquis sociaux, il existe potentiellement – si et seulement si nous savons l’occuper, nous organiser, nous unir sur l’essentiel – un énorme espace pour bâtir un rassemblement populaire majoritaire porteur de résistance sociale et de reconstruction nationale. En ce sens, à l’expression que vous citez, je préfère celle, bien plus précise politiquement, du Che et de Fidel « la (les) patrie(s) ou la mort, le socialisme ou mourir, nous vaincrons ! ». Alors, à défaut d’être marxistes, soyons au moins pascaliens : tout bien pesé, il n’y a pas d’autre pari rationnel que la révolution. On peut certes mourir en la faisant, mais l’humanité tout entière est assurée de mourir si elle ne la fait pas vu que, Marx nous en avait avertis, « le capitalisme n’engendre la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur ». Bref, les travailleurs n’ont plus seulement, selon la formule consacrée, « que leurs chaînes à perdre et un monde à gagner », ils ont aussi un monde – le monde – à perdre s’ils renoncent à « gagner le monde »…
La formule chère à Gramsci est cependant stimulante sur le plan pratique en ce sens qu’elle invite à ne jamais en rester à des constats plats, figés, statiques et intrinsèquement démobilisateurs. Dialecticiens, nous devons toujours analyser les choses sous l’angle du changement, du renouveau, du « potentiel », et saisir que, comme disait Hegel, « la contradiction est la racine de toute vie et de tout mouvement ». En ce sens, les constats décourageants sont systématiquement, non seulement destructifs, mais erronés car ils ratent alors ce qui finit toujours par percer, que ce soit à l’échelle du cosmos, du vivant ou de la société : la tendance des contradictions à se dépasser elles-mêmes et à produire à des niveaux de plus en plus riches qualitativement et quantitativement : de l’organisation. En un mot, et plus que jamais, communistes de France, progressistes, syndicalistes, organisons-nous !