« Jamais, non jamais, un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves ».
Appel clandestin de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, 10 juillet 1940.Vous pouvez écouter cet article, grace au logiciel libre balabolka.
La prétention inouïe de Valls et de Hollande d’interdire une manifestation nationale décidée par sept syndicats, parmi lesquelles deux confédérations, la principale fédération de la fonction publique et les principaux syndicats lycéens et étudiants, marque un seuil qualitatif dans la fascisation du pays.
Alors que Valls et Cazeneuve n’objectent pas le « trouble à l’ordre public » quand il s’agit des sanglants débordements de hooligans (dont certains sont de francs nazis) accompagnant le sacro-saint « Euro », leur oukase antisyndical inique couronne les multiples lois liberticides qui se sont empilées ces dernières années (treize en douze ans !), l’état d’urgence à rallonge, l’étouffante « pensée unique » néolibérale des médias, sans parler du laisser-faire gouvernemental plus que douteux à l’égard des provocateurs, aux violences policières aveugles et aux jugements expéditifs à l’encontre des manifestants syndicaux.
La réalité, c’est que le gouvernement, dont le projet de loi, introuvable dans le programme présidentiel de Hollande et des députés PS, est minoritaire à l’Assemblée nationale et dans le salariat, veut bâillonner le mouvement déterminé et combatif de la classe ouvrière et de la jeunesse ; ce pouvoir liberticide veut aussi prouver son allégeance sans limite au MEDEF et aux sommations de l’UE dictatoriale qui est l’initiatrice véritable de la prétendue « Loi El Khomri » (ainsi que de la prétendue « Loi Peeters » en Belgique et du « Jobs Act » en Italie).
Le PRCF félicite les syndicalistes courageux et tous les travailleurs épris de dignité qui ne baissent pas la tête et qui refusent le diktat d’un pouvoir d’autant plus fascisant qu’il est politiquement aux abois. Non, Messire Cazeneuve, le droit de manifester n’est pas celui de se réunir « statiquement », aujourd’hui sur une place cadenassée par les CRS, demain dans une cave et après-demain en prison, alors que des sites prétendument « libéraux » promus par le MEDEF en appellent déjà à la dissolution de la CGT, qui a à elle seule trois ou quatre fois plus d’adhérents que le PS et les LR réunis.
Le but poursuivi par Valls-MEDEF est aussi de marginaliser et de mettre hors la loi la vraie gauche populaire pour pouvoir constituer un bloc social-réactionnaire (social en paroles, ultraréactionnaire en fait) et libéral-fascisant appliquant en France le plan d’ajustement structurel de type thatchérien qu’ont décidée de concert l’UE sous pilotage berlinois et le MEDEF, contempteur affiché de la France rebelle et grand zélateur des « Etats-Unis d’Europe » et de l’ « Union transatlantique » . Le Parti Maastrichtien Unique composé du PS et des LR, sans oublier les euro-fédéralistes gouvernementaux, affiche ainsi sa nature tout à la fois anti-ouvrière, antinationale, liberticide et fascisante. Honte à l’état-major jaune de la CFDT (C’est Fini le Droit du Travail ?) qui ne se contente plus de briser les grèves et qui n’a pas un mot pour condamner l’interdiction à des syndicats de manifester !
Car il ne faut plus hésiter désormais devant l’emploi du terme de fascisation si l’on comprend bien, comme l’ont clairement établi le PCF et l’Internationale communiste à l’époque du Front populaire antifasciste, que la fascisation de la démocratie bourgeoise, y compris de certains secteurs de la social-démocratie qu’il ne faut surtout pas confondre avec la masse des sympathisants socialistes, prépare toujours le fascisme proprement dit, qui est le terme du processus. Bien entendu, les formes de la fascisation et du fascisme peuvent varier selon les lieux et les époques, mais leur essence est une : pour faire face aux crises du capitalisme, à l’absence de consensus populaire, à la montée en puissance des affrontements de classes, les milieux les plus réactionnaires et anticommunistes du grand capital détruisent les formes démocratiques ou apparemment démocratiques et « républicaines » du pouvoir de la bourgeoise, c’est l’usage croissant de la violence de classe contre le mouvement ouvrier, syndical et démocratique, le viol cynique de la légalité constitutionnelle, la destruction des nations constituées – dissimulée sous le masque du nationalisme et de l’ « union sacrée », la recherche permanente de boucs émissaires (travailleurs immigrés, chômeurs, fonctionnaires…) – et à l’extérieur, ce sont les tendances au bellicisme, à l’interventionnisme militaire tous azimuts, en un mot, l’exacerbation de l’agressivité impérialiste (cf en ce moment, entre dix exemples possibles, le ralliement total de la France officielle à l’OTAN, organisatrice de manœuvres provocatrices aux frontières de la Russie).
Ne disons pas qu’ « en France, on peut dormir à l’abri » : la situation actuelle du pays, terriblement tendue à l’initiative de Valls-MEDEF, rappelle la justesse d’une remarque de Marx qui qualifiait la France de « pays classique des affrontements de classes menés jusqu’au bout ». Mais que les fauteurs de fascisation ne se réjouissent pas trop vite car la classe ouvrière de France, digne héritière des Sans Culottes, de la Commune de Paris et des insurrections de 1830 et 1848, initiatrice du Front populaire antifasciste et axe principal de la Résistance patriotique, la jeunesse de France qui ne renie pas mai 68 et les luttes anti-CPE, le peuple de notre pays qui a voté non à l’euro-constitution et dont le vote a été violé par Hollande et Sarkozy, ne se laissera pas faire : elle s’est fièrement dressée à l’instar des travailleurs d’Air France, de Goodyear, de Total, de la SNCF et de la RATP, des routiers salariés, des éboueurs parisiens, des dockers, et les débuts de l’été et la rentrée de septembre seront chauds, très chauds, pour le grand patronat, pour ce gouvernement de faussaires et pour tous ceux qui s’imaginent qu’on peut mettre au pas un peuple comme le nôtre ! Attention, Messieurs du gouvernement, vous êtes en train d’expliquer à des millions de travailleurs que des décennies de révisionnisme et de réformisme croyaient avoir définitivement endormis, que votre démocratie n’est qu’un leurre, qu’elle n’est que le cache-sexe du grand capital, que la collaboration des classes prônée par la CFDT et par la CES n’est qu’un accompagnement des régressions, que l’UE est entièrement tournée contre les peuples, que l’avenir appartient au syndicalisme de classe et de masse, que face au capitalisme pourrissant, il n’existe pas d’autre solution de fond pour sauver le progrès social et les libertés que la révolution socialiste, que le pouvoir des travailleurs, c’est-à-dire le pouvoir authentiquement démocratique de la majorité qui crée les richesses et qui en profite si peu. C’est d’ailleurs ce que dit le slogan mille fois entendu dans les manifestations ouvrières : « c’est pas au patronat de faire la loi / la vraie démocratie, elle est ICI ! »
La fascisation en France ne saurait pour autant se détacher de la fascisation continentale dont est porteuse la « construction » européenne qui détruit la souveraineté des peuples, les acquis sociaux et les libertés les plus élémentaires. En Pologne, le pouvoir clérical prétend ainsi interdire toute forme d’activité communiste et l’UE, présidée par le Polonais Donald Tusk, ferme les yeux. Dans plus d’un tiers des Etats membres de l’UE, les partis communistes sont interdits ou quasi-interdits sans que l’UE « libérale » objecte quoi que ce soit. En revanche, l’UE-OTAN porte à bout de bras le gouvernement putschiste ukrainien, notoirement pronazi, anticommuniste et belliqueusement russophobe. A plusieurs reprises, les eurocrates ont adopté des textes liberticides prétendant mettre à égalité communisme et nazisme pour, de facto, criminaliser les communistes, et réhabiliter en douceur les nostalgiques du Reich (pays baltes, Hongrie, etc.). En France même, l’agressivité anti-cégétiste sans limite du nouveau Jules Moch, Manuel Valls, ouvre un boulevard, non seulement aux dirigeants de plus en plus thatchéro-fascisants de la droite « républicaine », mais au FN qui profitera très certainement à l’arrivée de la débauche de pratiques antidémocratiques et anti-ouvrières inaugurées par le couple Hollande-Valls.
C’est donc pour balayer la loi dite El Khomri, mais aussi pour défendre les libertés, mais aussi pour développer l’action revendicative pour les salaires, les conditions de travail, l’emploi industriel, les services publics, la protection sociale et les retraites que les travailleurs répondront aux mots d’ordre syndicaux les 23 et 28 juin tout en repoussant fermement les provocateurs qui font le jeu du pouvoir.
Quant au PRCF, il renouvelle sa proposition stratégique de fond à tous ceux qui veulent s’affranchir à la fois du Parti « socialiste » désormais moins proche de Jaurès que de Clémenceau (qui se félicita de l’assassinat de Jaurès et qui est le « modèle » proclamé de Valls) et de la droite ultraréactionnaire flanquée des « bleus marine » : d’urgence, il faut construire un Front de Résistance Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologique (F.R.A.P.P.E.) pour briser la fascisation et la social-fascisation, combattre l’euro-désintégration de la France sans hésiter à combattre l’UE dictatoriale en son principe, relancer le progrès social, reconstruire l’indépendance nationale, reconstituer le peuple en développant une véritable démocratie populaire, développer les coopérations internationales tous azimuts et rouvrir ainsi, par un large rassemblement populaire majoritaire unissant le drapeau tricolore au drapeau rouge, la voie du socialisme pour la France.
Déclaration du PRCF – 19 juin 2016