par Georges Gastaud[1],
Trois conceptions de la reconstruction communiste sont de fait en compétition en France. Les communistes qui veulent vraiment reconstruire ce parti de combat que fut le PCF et qu’ont tour à tour dénaturé, désorganisé et discrédité l’eurocommunisme des années 1970/80 et l’euro-mutation social-démocrate des années 90/2000, ne doivent ni se lamenter à propos de cette compétition, qui est somme toute inévitable et naturelle à l’issue de dizaines d’années de reniements, de dispersion et d’affaiblissement du prolétariat organisé, ni attendre passivement que les divergences existantes entre communistes se règlent par miracle, mais réfléchir à la valeur de chacune des méthodes de reconstruction qui leur sont proposées et arbitrer entre elles en tirant, par leur engagement personnel et par leur choix organisationnel, toutes les conclusions pratiques qui en résultent en termes d’engagement personnel.
I – Limites d’une lutte purement interne à une organisation réformiste
La première méthode est celle que proposent les camarades marxistes ou marxisants qui ont décidé de rester membres du PCF quoi que puissent dire et quoi que puissent faire l’appareil et les directions du PCF. Ces camarades considèrent implicitement que, indépendamment de ses agissements, le PCF est et sera toujours le PCF, comme si une sorte d’ « essence » ou de « nature » métaphysique insensible au devenir historique lui était intimement associée. Ces camarades font en somme comme si l’héritage du mot « PCF », de la dynamique organisation léniniste successivement dirigée par Cachin, Sémard, Thorez ou Waldeck Rochet, à l’organisation social-démocrate timorée successivement dirigée par Hue, Buffet, Laurent puis Roussel[2] ne posait aucun problème particulier, comme si l’affiliation pluri-décennale du PCF au « Parti de la Gauche européenne » subventionné et adoubé par Bruxelles n’était qu’une bricole politique, comme si le fait que le PCF ait – depuis 1976 (référence à la dictature du prolétariat), 1979 (références au marxisme-léninisme et à l’internationalisme prolétarien), 1994 (références au centralisme démocratique, à la classe ouvrière, au marxisme, au socialisme et à la socialisation des moyens de production) – renié tous ses fondamentaux, était une question accessoire ; ces mêmes camarades font aussi comme si le fait que, par deux fois, en 1981 (gouvernement pré-maastrichtien et ultra-atlantiste de Mauroy incluant les « communistes » Fiterman, Rigout, Ralite et Le Pors) puis en 1996 (gouvernement Jospin menant deux guerres impérialistes, préparant le passage à l’euro et privatisant le secteur public avec l’aide des « communistes » Buffet, Gayssot et Demessine) n’étaient au fond que des anicroches de l’histoire communiste contemporaine. Pas trop grave non plus à leurs yeux que le PCF de G. Marchais – dont le long et contradictoire interrègne joue un rôle-pivot dans le lancement de l’involution réformiste – ait applaudi à ce que les Russes appellent désormais la « catastroïka » gorbatchévienne et qu’il ait qualifié, à l’époque, de « bouleversements démocratiques »… la plus grande contre-révolution de l’histoire moderne. Pas rédhibitoire non plus aux yeux de ces camarades, décidément bien indulgents, que, depuis 1976, le PCF ait liquidé ses cellules d’usine, rompu ses liens privilégiés avec la CGT (qui a elle-même dérivé en quittant la FSM « rouge » pour rallier la jaunâtre CES), et… perdu les 9/10èmes de son électorat prolétarien et de sa militance ouvrière.
Après tout, le PCF ne s’appelle-t-il pas toujours « PCF » – même si sa direction a moult fois tenté de liquider ce nom et n’y a renoncé que par crainte d’abandonner ce sigle aux militants de la Renaissance communiste – et la dénomination d’un parti n’est-elle pas – en apparence ! – l’essentiel quand il s’agit de définir son identité[3] ? Du même coup, dès lors que le PCF se sera affirmé comme tel, et même si son chef de file actuel, M. Fabien Roussel, ne manque jamais une occasion de moquer lourdement le centralisme démocratique et l’héritage soviétique, voire de faire l’éloge de l’écrivain archi-réactionnaire Soljenitsyne, et quand bien même ledit Roussel piétinerait allègrement la langue d’Aragon et des Lettres françaises clandestines en déclarant niaisement à « Marianne » que « PCF is back ! », même s’il fait allégeance à Paris à la social-libérale Hidalgo et dans le Nord, bastion de F. Roussel, aux eurofédéralistes verts et autres maastrichtiens du PS, tout cela est d’avance déclaré secondaire : car au fond, voyez-vous, le parti sera toujours le parti, comme un sou sera toujours un sou et comme Paris sera toujours Paris[4] !
Approche historique ou approche métaphysique de la « nature » du PCF
Le plus grave dans cette approche fixiste et quasi métaphysique de la reconstruction communiste est que, l’appartenance formelle au « parti » primant sur toute considération de contenu politico-idéologique, on refusera de construire – en s’y investissant vraiment et durablement – un regroupement communiste d’action visant à affronter concrètement, pratiquement, sans attendre un très improbable redressement du « Parti », l’Union européenne, cette broyeuse à court terme de notre pays, la zone euromark, cette arme de destruction massive de nos industries et de notre classe ouvrière, l’Alliance atlantique, cette machine à mondialiser les prédations étatsuniennes, et le capitalisme-impérialisme lui-même, ce mode de production devenu franchement exterministe dont le maintien de plus en plus réactionnaire menace de mort l’humanité et son environnement terrestre. C’en est au point que le fait de partager la même « carte » politique – sur laquelle, sans le moindre débat interne, une étoile ornée d’un e discret a remplacé l’emblème ouvrier et paysan – avec Pierre, Fabien ou Marie-George[5] –, semble compter davantage aux yeux de certains que le fait d’être tous ensemble dans l’action du même côté de la barricade sociale contre l’ennemi capitaliste, contre l’euro-dislocation maastrichtienne, contre le tout-anglais dissolvant (détails infimes que tout cela !), pour la nationalisation démocratique des monopoles capitalistes et contre la criminalisation paneuropéenne du communisme historique et de son emblème ouvrier et pays par le Parlement européen…
Entendons-nous bien : ce n’est pas le fait de maintenir ou pas, ici ou là, une appartenance formelle au PCF qui pose en soi problème : à chacun de juger si, localement, une telle appartenance peut ou non lui faciliter le travail de sensibilisation et de formation de certains membres du PCF, voire de certaines cellules, au marxisme-léninisme ; même si l’expérience montre que ces possibilités sont rares, voire de plus en plus rares tant la plupart des vrais marxistes ont quitté le PCF (ou en ont été exclus de fait), et tant cette organisation dérivante au long cours a été rejointe, au fil des décennies de « mutation » social-démocrate, par des petit-bourgeois… anticommunistes et violemment antisoviétiques, le PRCF n’a jamais imposé à personne de quitter le PCF, la réalité dominante étant cependant que nombre de communistes ont dû quitter le « nouveau PCF » tant le climat interne y devenait irrespirable pour eux. C’est si vrai que, sans s’être le moins du monde concertés, des dizaines de camarades « anciens », notamment de grands Résistants, qui ont rallié le PRCF au fil des années, de St-Brieuc à Marseille et de Menton à Boulogne-sur-Mer, ont tous tenu à déclarer en substance, et de manière émouvante, voire déchirante, quand ils ont rejoint le Pôle de Renaissance Communiste en France : « je n’ai pas quitté le Parti, c’est lui qui m’a quitté ». Non, ce qui est dangereux dans la posture attentiste et, hélas, accompagnatrice, que nous critiquons ici, c’est moins l’appartenance formelle au PCF-PGE, ici ou là, de tel ou tel camarade, que le fait constant que, pour valoriser avant tout l’intégration formelle dans « le Parti » et l’engagement dans ses instances internes, d’abord on se taira auprès des masses populaires sur les félonies de l’appareil à l’égard de la classe, notamment sur ses allégeances à répétition, aux moments politiques décisifs, envers le PS, voire, envers le PGE, voire envers… Hollande ou Macron[6]. Encore une fois, est-ce un détail politique si, à toutes les élections, législatives, municipales, sénatoriales, présidentielle, le PCF – qu’il soit dirigé par le sénateur ouvertement prosocialiste Pierre Laurent, qu’il soit représenté aux européennes par M. Ian Brossat ou qu’il ait pour secrétaire national le « communiste identitaire » (?) Roussel, s’allie systématiquement, ou essaie de s’allier, toujours en position subordonnée, au PS et aux Euro-Écologistes après toutes les horreurs que ces ennemis acharnés de la République souveraine, indivisible et sociale ont infligé à la France des travailleurs depuis, au minimum, le Traité de Maastricht ? Alors que le « minimum syndical », si l’on tient à toute force à rester dans « le Parti », c’est de souligner les contradictions, non de les minimiser, et de dénoncer en même temps et jour après jour les manquements criants du PCF officiel à la lutte des classes nationale et internationale[7]. Et c’est bien parce qu’il ne manquait pas de dénoncer publiquement ces manquements que l’auteur de ces lignes a été lui-même éjecté manu militari du Parti en 2004, ainsi que nombre de militants de Lens, Liévin et Boulogne-sur-Mer, qui plus est par une fédération qui se disait alors « opposante » mais qui ne voulait surtout par rompre, par gros temps électoral, avec la direction nationale du PCF et avec l’influent « baron » nordiste Alain Bocquet, l’ex-président du groupe parlementaire adepte de la mutation qui avait su maintenir les députés communistes, desquels il faut excepter l’autre député nordiste George Hage[8], dans l’orbe du gouvernement Jospin de 1997 à 2002[9]…
Bref, l’appartenance formelle à un parti ouvertement réformiste n’est concevable, d’un point de vue léniniste – Lénine explique cela en détail dans La maladie infantile du communisme – que si l’on se fait un devoir constant de dénoncer publiquement devant les masses les manquements de sa direction, de manière que les travailleurs ne confondent jamais les turpitudes d’un appareil réformiste qui les trahit avec les marxistes qui n’aspirent qu’à servir la cause populaire. On me dira qu’une telle opposition publique est intenable : mais si elle l’est en effet, comme nous l’avons durement expérimenté à nos dépens à Lens et ailleurs, il faut en tirer les conséquences pratiques et ne pas rester, muet ou presque, dans un tel parti au prix de sa liberté d’expression communiste. Et si elle ne l’est pas, il faut en profiter au maximum, sans frilosité, pour dénoncer l’euro-réformisme et appeler les travailleurs à ne pas confondre le communisme véritable avec sa déshonorante contrefaçon mutante. Sans quoi on se condamne soi-même à accompagner les dérives, à les minimiser, à les enjoliver et à farder de rouge les innombrables compromissions de l’appareil PCF-PGE avec la social-démocratie, avec l’antisoviétisme, avec l’anti-léninisme et avec les sociaux-maastrichtiens du Parti de la Gauche Européenne…
Mettre au premier plan les échéances internes au parti réformiste ou privilégier les seuils minimaux en deçà-desquels il n’y a ni parti communiste ni lutte sérieuse pour changer la société ?
Surtout, cette manière de privilégier « la lutte interne » et les répétitives batailles de congrès à congrès ne permet pas de porter au premier plan les enjeux de classes brûlants, et pas davantage les enjeux nationaux et géopolitiques qui, concrètement, configurent les contours réels des affrontements de classes bien plus que ne le font les motions A, B et C d’un congrès (et les inévitables « synthèses » de type social-démocrate et autres arrangements entre dirigeants qui suivent lesdites synthèses) : en toute logique, il reviendrait plutôt aux initiateurs desdites motions A, B ou C, de partir des enjeux de classes et de masse concrets afin que les travailleurs eux-mêmes deviennent artisans de la reconstruction communiste : c’est ainsi que procédèrent au Congrès de Tours de 1920 les signataires de la motion Cachin-Frossard fortement conseillés par Lénine et Zetkin : pour ou contre la guerre impérialiste et l’union sacrée social-chauvine ? Pour ou contre l’adhésion à l’Internationale communiste ou pour le maintien dans l’Internationale social-démocrate jaune ? Pour ou contre le soutien résolu à la Révolution prolétarienne en Russie et en Allemagne ? Et de nos jours, pour prendre une question décisive : « pour ou contre » le maintien de la France dans l’euro, l’UE et l’Alliance atlantique ? Pour ou contre la campagne européenne de criminalisation de l’URSS et du communisme historique ? Pour ou contre le maintien des troupes françaises en Afrique ? Pour ou contre l’euro-démantèlement de la République une et indivisible partiellement héritée de 1793 au profit de l’Europe des régions dont les Euro-Ecologistes verts et leur grand inspirateur Cohn-Bendit sont les plus ardents promoteurs ? Sans cela on est condamné à un archi-confus débat de congrès sur une candidature communiste « identitaire » à la présidentielle ; avec, en même temps, des alliances municipales et régionales avec les Verts et le PS, avec aussi à la clé un appel à voter Macron ou Xavier Bertrand au second tour de la présidentielle, ce qui dès aujourd’hui ne peut que nourrir, par haine de ces combines politicardes, le dangereux vote lepéniste…
Comme on le voit, les choses ont leur logique : le primat, voire, en réalité, l’exclusivité apportés à l’appartenance formelle au PCF-PGE et à la « lutte interne », empêche de trancher dans le vif sur les questions relatives à la lutte de classes. En privilégiant cette appartenance formelle, en cristallisant la discussion politique sur la présentation ou pas d’une « candidature communiste » formelle à la présidentielle – quel qu’en soit le contenu programmatique et quelles que soit les alliances électorales d’ « union de la gauche » avec le PS et les Verts à toutes les autres élections – on se soumet aussi implicitement de bas en haut à l’ensemble du dispositif euro-réformiste dont le PCF mutant est un élément subalterne, la social-démocratie et l’écolo-eurocratie étant les pièces maîtresses de ce dispositif qui incarcère la classe laborieuse et prive ses luttes de débouché politique tant soit peu offensif…
Et aujourd’hui, alors que notre pays se désagrège dans l’acide de l’ « intégration européenne », du tout-anglais transatlantique, de la marche à l’armée européenne, du « pacte girondin », de l’euro-séparatisme (Alsace, Corse, Bretagne, « Catalogne-Nord », etc.) accompagné par LAREM et EELV, de la fascisation et de l’Etat policier impulsés tour à tour par Le Pen et par Macron[10], de l’arasement des avancées dues aux ministres communistes et marxistes-léninistes de 1945, qu’est-ce qui est capital pour un communiste, pour un patriote, pour un internationaliste et aussi pour la classe ouvrière ? C’est de se positionner d’abord sur tous ces grands sujets, en unissant sur chaque question les communistes encore cartés au PCF à ceux qui ont eu l’audace de s’organiser de manière indépendante, au lieu de dire : « d’abord une candidature du PCF, pour son contenu, on verra petit à petit ! »… Et pendant que de congrès mutant en congrès muté on s’efforce de grappiller quelque pourcents pour sa tendance et pour son « texte alternatif », la France, l’emploi ouvrier et les services publics s’évaporent à vitesse grand V au nom de la sacro-sainte « construction » européenne, le peuple n’a toujours pas de parti de combat à sa disposition et des seuils irréversibles de décomposition sociale, institutionnelle et linguistique sont en passe d’être franchis sans que les marxistes, artificiellement séparés par la muraille de Chine immatérielle d’une carte fétichisée, puissent sans attendre agir ensemble, aller aux entreprises avec des tracts communs, puissent ensemble dénoncer Le Pen en démasquant cette fausse patriote ralliée à l’UE, puissent ensemble reconstituer une organisation disciplinée, claire sur les contenus dont la classe ouvrière et le monde du travail, dont la défense de la PAIX et de l’environnement ont un urgent besoin vital !
Bref, au-dessous d’un certain seuil idéologique et stratégique, non seulement une organisation donnée n’est pas, n’est plus communiste et n’a même aucune chance sérieuse de le (re-)devenir, mais ce qu’elle propose sous le nom de « changement » ne peut en rien changer la société ni satisfaire si peu que ce soit la classe laborieuse. Imaginons par ex. (c’est une hypothèse d’école vu les rapports de forces électoraux) que F. Roussel devienne président et qu’il soit chargé de conduire la politique du pays. Sans, donc, sortir de l’UE et de l’euro, en « renégociant » les traités européens dans le cadre de l’UE[11], sans nationaliser les banques et le CAC 40[12], en demandant bien poliment à la BCE de négocier un « tournant social » ; sans avoir non plus la moindre idée claire, faute d’avoir compris le concept de dictature du prolétariat, sur ce qu’est un appareil d’Etat aux mains du capital ; sans sortir de l’Alliance atlantique (sinon, que diraient les « alliés » socialistes et « verts » ?) et sans chercher activement à nouer de vastes alliances défensives avec la Chine et avec la Russie pour briser l’étau germano-étatsunien qui menacerait de nous broyer ; eh bien, un tel programme totalement au-dessous des seuils minimaux permettant de récupérer les leviers du pouvoir de classe n’aurait aucune chance d’amorcer un vrai changement. Il n’apporterait, à la manière de Syriza en Grèce, que la capitulation en rase campagne devant le capital, que le retour rapide dans le giron européen ou que la débandade économique avec tous les dangers d’ultra-fascisation que précipite en général une défaite en rase campagne des forces progressistes.
II – La fausse bonne idée du « plus grand commun dénominateur »
La deuxième méthodologie proposée pour reconstruire le parti communiste est celle qui consisterait à partir de l’émiettement existant (et, il se peut, en voie de dépassement…), à dire en gros ceci : mettons autour d’une seule table tous les groupes qui refusent peu ou prou (certains plus « peu » que « prou » tant on se ménage mutuellement…) le réformisme du PCF et qui se réfèrent plus ou moins encore symboliquement à la faucille et au marteau, rejetons tout ce qui les divise et ne gardons comme « programme commun » que ce qui les rassemble. Telle est la méthode du « plus grand commun dénominateur » possible que, sans vouloir en rien injurier qui que ce soit (il peut arriver que sur un point donné des bolchéviks raisonnent en mencheviks…), on appellera la méthode menchévique. Ce fut en effet celle qui, telle quelle, prévalut en France en 1905 pour unifier le Parti socialiste SFIO en France en y mêlant les réformistes, les anarchistes et les révolutionnaires… et en aboutissant au reniement total du socialisme internationaliste, hors Jaurès, lors de l’épreuve de vérité de 1914. Ce fut aussi cette méthode que prônaient les mencheviks russes au début du siècle et que Lénine refusait catégoriquement parce qu’elle ne pouvait conduire qu’à des synthèses impuissantes, qu’à masquer les divisions tout en les aggravant, qu’à empêcher toute délimitation claire, que ce soit en termes de composition du parti, de définition organisationnelle, de références idéologiques, d’objectifs programmatiques, de méthodes de lutte, ne parlons même pas de la discipline absolument indispensable si l’on veut réellement mener une révolution ou de résister à une contre-révolution. Une telle méthode, acceptable dans certaines limites quand on construit un front large sur des objectifs limités (paix, indépendance nationale, libertés…), ne peut mener qu’à l’échec cuisant quand il s’agit de construire un parti communiste, c’est-à-dire un parti d’avant-garde du prolétariat qui a pour tâche d’orienter la classe et de lui permettre de diriger la vaste alliance de classes indispensable pour battre le grand capital et pour ensuite tenir bon face à l’inévitable contre-révolution nationale et internationale qui ne manquerait pas de se dresser, y compris violemment, contre le nouveau pouvoir.
Le contre-exemple de Rifondazione comunista (Italie)
On a encore mesuré l’inanité de cette méthodologie menchévique ces dernières années en Italie : en effet, lors de l’autoliquidation du PCI à l’appel des renégats Achille Occhetto, Massimo D’Alema et Cie, toutes sortes de courants s’affirmant peu ou prou communistes se sont additionnés pour former le « Parti de la Refondation Communiste » (« Rifondazione » en abrégé), les communistes italiens théoriquement issus de la Troisième Internationale consentant à se dissoudre dans ce magma pseudo-« unitaire » où prédominaient les trotskistes et les « mouvementistes », au premier rang desquels le chef du nouveau parti, Bertinotti : bref, à un parti auto-liquidé, l’ex-PCI, a succédé un parti d’emblée voué à l’auto-liquéfaction, Rifondazione. Expérience très négative au final puisque cette manière de faire a logiquement conduit à la paralysie et à l’implosion de Rifondazione et que cette seconde dissolution a terriblement amplifié le découragement dans la mouvance communiste transalpine : c’en est venu au point que, à la suite du mouvement communiste italien organisé, c’est la gauche italienne elle-même, y compris la social-démocratie classique en tant qu’elle était encore vaguement liée au mouvement ouvrier, qui s’est volatilisée au point qu’il n’y a plus au parlement italien ni député communiste ni député socialiste, si « rosé » soit-il ! Bref, en matière de reconstruction communiste comme dans le domaine amoureux, « qui trop embrasse mal étreint » au point que, à l’arrivée, la confusion entre parti et front est destructive à la fois pour le parti, qu’elle construit comme un front, de manière trop floue et exagérément « accueillante », et pour le front populaire lui-même, qu’elle tend à absorber de manière étriquée au sein du parti. De cet aspect, nos camarades vénézuéliens auraient sans doute beaucoup de choses à dire à partir de leur expérience sur ces constructions qui tendent à confondre le front et le parti d’avant-garde…
La méthode du « plus grand commun dénominateur » méconnaît les seuils minimaux en-deçà desquels il n’y a ni parti communiste ni même amorce d’une lutte pour le changement de société
Mais surtout, dans les conditions présentes, la seconde méthodologie menchévisante que nous analysons ici présente le même vice de forme rédhibitoire que celui que nous avons signalé à propos de la première méthodologie, celle qui privilégie la lutte de tendances à l’intérieur du PCF : la seconde perspective n’ignore pas moins que la première cette évidence, pourtant sans cesse rappelée par Lénine à l’encontre des menchéviks et de leurs amis trotskistes, que, au-dessous d’un certain seuil idéologique, organisationnel et stratégique, non seulement un parti donné n’est pas un parti communiste et ne peut pas le devenir, non seulement il ne peut pas réellement, à supposer qu’il le veuille, changer la société – une impuissance que la classe ouvrière repère du premier coup d’œil (elle se dit: ces gaillards nous envoient dans le mur, eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils veulent, or pour nous ouvriers, la vie est déjà assez dure comme ça sans se livrer à ces amusement potentiellement mortels !) –, mais un tel parti ne peut en rien intéresser la classe laborieuse : d’instinct, celle-ci a tôt fait de repérer que l’esprit politicien et ses petits arrangements à base de lutte des places paralyseront d’avance ces constructions « communistes » dépourvues de cap, de ciment organisationnel et de programme clair.
III – La tierce méthode : s’organiser, aller aux masses pour porter une alternative contre-cohérence patriotique, populaire et communiste à la cohérence politique réactionnaire de la bourgeoisie
La tierce méthode – qui n’a rien, faut-il le dire, d’une « troisième voie » entre capitalisme et socialisme ! – est la méthode franchement communiste qu’essaie de mettre en place le PRCF avec les moyens dont il dispose. Sans négliger de peser à l’occasion sur les congrès du PCF, en soutenant fraternellement quand il y a lieu les mairies du PCF disposées au dialogue inter-communiste, sans cesser de tendre la main à la minorité marxisante du PCF, sans négliger d’agir avec d’autres groupes communistes sur des questions d’intérêt commun, le PRCF part avant tout d’une analyse du capitalisme et des explosives contradictions de classes de la formation sociale française.
Il constate que la stratégie fondamentale de l’ennemi de classe – dont l’état-major se confond avec la direction du MEDEF, et plus précisément encore, avec le CAC 40 déjà hautement américanisé – a été exposée de la manière la plus nette dans le manifeste patronal intitulé Besoin d’aire (2012) ; s’y affiche sans vergogne la volonté cynique d’en finir avec l’Etat-nation français partiellement hérité de la Révolution jacobine et de ce que l’idéologue patronal Denis Kessler appelle le « compromis de 1945 entre communistes et gaullistes», celui que résument le sigle « CNR » et son programme Les Jours heureux. En toutes lettres, et à l’issue d’un vote unanime de ses instances, le MEDEF explique dans Besoin d’aire que, pour mener la chasse au profit maximal à l’échelle continentale et transcontinentale, pour conjurer aussi les insurrections ou pré-insurrections populaires dont le peuple français reste coutumier en vertu de ses traditions frondeuses (de Mai 68 aux Gilets jaunes en passant par le refus de la constitution européenne, la révolte des jeunes contre le CPE ou les grandes grèves de 1995, 2003, 2010 et 2016), les monopoles capitalistes à base française doivent rapidement « changer d’aire »: cela signifie désactiver et déborder l’Etat-nation à la fois par le bas et par le haut ; par le bas, en « reconfigurant les territoires » et en liquidant les communes et les département au profit des euro-métropoles et des Grandes régions à l’allemande (Macron appellera cela le « Pacte girondin »); par le haut, en transférant la souveraineté française à l’échelon européen (en novlangue macroniste, cela donne la « souveraineté européenne » et le « saut fédéral européen »), voire en construisant ce que Bruno Le Maire et D. Strauss-Kahn n’hésitent pas à appeler un Empire. Et ça ne gêne en rien le MEDEF que d’expliquer que pour reconfigurer et redimensionner le capitalisme « français », il faut marginaliser à bas bruit la langue française elle-même, piétiner ce qui reste de la Francophonie internationale et instituer l’anglais comme seule « langue des affaires et de l’entreprise », ainsi que l’a ouvertement exigé au nom de Businesseurope (le syndicat patronal européen) le Baron Seillière, ex-président du patronat « français ». Il est vrai que l’ex-président « français » de la BCE, le bien-nommé Jean-Claude Trichet, avait déjà cru devoir inaugurer sa présidence en déclarant devant le parterre des décideurs européens : « I am not a Frenchman » ! Enfin, le MEDEF projette d’insérer les futurs États-Unis d’Europe (exit aussi la « souveraineté européenne ») au sein d’une nouvelle « Union transatlantique » bien évidemment centrée sur Washington. Et d’implorer Berlin, maître de l’euro, et Washington, grand-maître du dollar et de l’OTAN, de co-assumer la supervision de l’Empire euro-atlantique dans lequel la France anglicisée, divisée, et si j’ose dire, « éparpillée façon puzzle », aurait tôt fait de se réduire à une simple expression géographique, le grand capital redéployant son capitalisme monopoliste d’État[13] euro-régionalisé, continentalisé et transcontinentalisé, dans les structures néo-étatiques et culturelle (anglicisation du droit notamment) des Länder à la française et du nouveau Reich euro-atlantique.
Dénoncer et affronter la cohérence réactionnaire du bloc Union européenne/MEDEF/Parti Maastrichtien Unique
Or ce programme du MEDEF n’a rien d’une glaçante rêverie : articulé à la pluie de directives européennes qui assaillent notre pays, il fournit concrètement la feuille de route concrète des attaques, apparemment disparates mais en réalité étroitement planifiées et coordonnées qui, par l’entremise de ces petits commis du Parti Maastrichtien Unique que sont tour à tour Sarkozy, Hollande ou Macron (et demain Le Pen[14] ?), désossent jour après jour – quitte à contourner l’un après l’autre tous les référendums populaires nationaux ou régionaux[15] – toute espèce de vestige de République souveraine, sociale, laïque, démocratique et indivisible. Dans ces conditions, que faut-il revendiquer haut et fort pour, ne serait-ce que commencer à changer la société, remettre le monde du travail à l’offensive, lui permettre de diriger un large rassemblement populaire majoritaire et d’aller à l’affrontement de classes sur des bases dynamiques ? Quoi d’autre, si l’on balaie les pudeurs d’appareils et les remugles électoralistes, si ce n’est la sortie franche de la France de l’UE atlantique dans la perspective affichée du socialisme pour notre pays ? En deçà de ce seuil minimal – de ce que le PRCF appelle les « quatre sorties » -, de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme – qu’obtiendra-t-on dans le meilleur des cas sinon des mois ou des années de tractation paralysante avec l’UE sans pouvoir entretemps nationaliser franchement les monopoles capitalistes, sans pouvoir d’emblée instituer un contrôle national des capitaux, sans pouvoir réellement renverser les alliances internationales de la France, sans être à même de construire un pouvoir populaire capable de se confronter au pouvoir multiforme du capital, sans pouvoir frapper au cœur la spéculation des milliardaires et « mettre le monde du travail au cœur de la vie nationale », comme y invitait le PCF en 1944 ?
Cohérence de classe contre cohérence de classe
C’est pourquoi le PRCF construit pour notre pays, cohérence de classe contre cohérence de classe, une stratégie qui est l’exact opposé de celle du MEDEF et qui, sous le nom d’Alternative rouge et tricolore, conjugue défense du progrès social, reconquête de l’indépendance nationale, recherche de coopérations transcontinentales, programme de transition révolutionnaire ciblant clairement le socialisme pour notre pays ? Une stratégie à la fois frontale, car elle suppose la construction d’un large Front Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologiste (Fr.A.P.P.E.), la centralité du monde du travail à l’intérieur de ce front et dans ce but, la reconstitution d’un PC de combat associé à l’action d’un large front syndical de classe et de lutte. Au-dessous de ce seuil minimal, on n’aura aucun changement, seulement du Mitterrand-bis, du Jospin-bis ou du Hollande bis, avec la fascisation surplombant nos têtes comme une épée de Damoclès. Au-dessous de ce même seuil stratégique, on n’entrera même pas dans la temporalité politique que nous impose objectivement l’agenda capitaliste endiablé de déconstruction de la nation et, sur le plan international, de marche à la guerre mondiale impérialiste sous l’égide du pas si « endormi » que ça Joe Biden. Au-dessous de ce seuil stratégique – qui n’est nullement un diktat arbitraire et « hégémonique » du PRCF mais le minimum raisonnable qu’on puisse attendre d’un communiste –, on ne reconstruira pas un parti de combat mais un petit ectoplasme rouge pâle ou rose vif qui n’intéressera absolument pas les travailleurs : il n’est que de voir combien de fois déjà la classe ouvrière, du Nord-Pas-de-Calais aux banlieues populaires des grandes villes, a déjà x fois répudié et humilié électoralement à la fois le PS et le PCF « mutant », ou de voir à quel point la notion de gauche, y compris de « gauche unie », semble aujourd’hui boudée par les milieux populaires tant cette noble idée a été salie et dévoyée depuis Mai 1981.
Privilégier les luttes d’appareil ou de micro-appareils ou partir du peuple et des conditions objectives du changement ?
Bref, pour réunir les communistes et réorganiser un parti communiste digne de ce nom, il ne faut pas partir, en tout cas, pas principalement, des affrontements florentins à fleurets mouchetés auxquels donnent lieu, dans l’indifférence absolue des travailleurs, les congrès du PCF pendant que la « France des travailleurs » chantée par Jean Ferrat part littéralement en boulettes, que les travailleurs étouffent sous le management patronat, que les Lumières s’éteignent peu à peu sous l’avancée de nouveaux obscurantismes, que l’anglais patronal devient de fait, bien qu’illégalement, la langue de travail des grandes entreprises et que la jeunesse populaire, exproprié de toute perspective d’avenir, n’a plus envie que de hurler son désarroi. Il ne faut pas davantage absolutiser le regroupement de micro-organisations dénuées d’ancrage militant réel, même s’il peut être utile ponctuellement de dialoguer sur des questions théoriques et de fédérer un maximum de militants sur des combats précis. Il faut partir au contraire de la problématique géopolitique et politique effective. De la défense de la paix et des souverainetés nationales. De la lutte contre tous les impérialismes, le « nôtre » inclus. Des besoins objectifs des travailleurs, dont le premier est que notre pays recouvre sa capacité de mener une politique autonome de développement économique et culturel. De la souffrance de masse qui monte du pays. Il faut se dire que l’« explosion sociale » craintivement annoncée par l’ex-Premier Ministre Édouard Philippe peut venir à tout moment, comme l’a montré la crise inachevée des Gilets jaunes, et qu’il faut être en capacité, quand cette explosion se produira sans crier gare, de lui offrir au moins les bases d’un programme de transition révolutionnaire et au moins l’embryon d’une organisation dynamique et disciplinée. Car sans cela, la désorientation idéologique générée par des décennies de carence du parti d’avant-garde est désormais si grave que le soulèvement populaire peut aussi être récupéré par l’extrême droite, nourrir de suicidaires appels à l’intervention politique de l’armée[16], voire vers des formes de guerre civile inter-« communautaires » pilotées par la, ou par les, extrêmes droites.
On peut bien sûr nous objecter que les moyens du PRCF sont trop modestes pour donner corps à cette voie exigeante. Mais, outre le fait que le PRCF attire de plus en plus de jeunes et que ses liens avec le Mouvement communiste international et avec les syndicalistes de classe de France ne cessent de s’étoffer, la modestie des forces n’est pas un argument sérieux pour des communistes. Mieux a toujours valu, pour des léninistes des forces modestes mais bien orientées, que des forces plus grandes paralysées par des alliances compromettantes avec des appareils enlisés dans des alliances électoralistes totalement discréditées. En outre, si notre orientation est juste – et c’est ce qu’il faut voir en premier quand on n’est pas un opportuniste – il ne faut pas faire de la faiblesse des effectifs une objection, au contraire, il faut se demander comment aider le PRCF à accroître sa force et son impact militants. Car n’oublions pas qu’aucun individu n’est extérieur aux rapports de forces sociaux et que l’indifférence organisationnelle d’un trop grand nombre de communistes qui « comptent les points » et ne s’engagent pas est aussi un élément du rapport des forces.
Conclusion
C’est cette voie populaire et révolutionnaire, patriotique et internationaliste à la fois, qu’a choisi de privilégier le PRCF, sans pour autant, répétons-le, s’interdire de tendre la main aux camarades qui luttent à l’intérieur du PCF ni de dialoguer fraternellement avec ceux qui croient juste de privilégier les regroupements d’organisation. Si nous avons tort de procéder de la sorte, qu’on nous le démontre sans invectives. Si nous avons raison, que l’on cesse de compter les points et d’espérer passivement l’avènement de « jours meilleurs ». Et que l’on vienne plutôt nous aider et que l’on « retrousse les manches » en faisant ce que doit faire tout communiste désireux de mettre en accord ses idées et ses actes : non pas pantoufler sans fin dans une organisation discréditée et sans ressort, qui n’a plus guère à « vendre » qu’un passé qu’elle a déjà cent fois renié, ne pas ménager la chèvre et le chou en naviguant éternellement entre les organisations soi-disant « antilibérales » de la gauche établie, PCF-PGE inclus, mais accomplir le premier devoir du communiste : celui de s’organiser, de s’engager pour du bon, avec discipline et abnégation dans une organisation marxiste-léniniste prolongeant au présent le grand passé du grand PCF, donc porteuse d’une alternative rouge et tricolore pour le temps présent.
Georges Gastaud, le 23.4.2021
[1] Auteur notamment de Mondialisation capitaliste et projet communiste (1997) et du Nouveau défi léniniste (2017).
[2] J’excepte Georges Marchais de cette liste: c’est sous son autorité que les plus graves dérives ont pris corps au 22, 23, 24, 28èmes congrès, que la rupture avec le Mouvement communiste international a été consommée, que le PCF a adhéré au bloc fractionnel « eurocommuniste » emmené par Berlinguer (PC italien) et Carrillo (PC d’Espagne), que le PCF est entré – à reculons certes – dans le gouvernement pré-maastrichtien et social-atlantiste de Mauroy (1981), tout cela sous l’influence d’intellectuels antisoviétiques et anti-léninistes de choc comme Ellenstein, Damette, Juquin, Martelli, etc. Cependant, il faut reconnaître que Marchais était tout de même, de par ses origines de classe ouvrière et son ancrage dans ce que j’appellerai l’ « ancien Parti », capable de résister épisodiquement et de manière brouillonne et inconséquente à ces dérives destructives. Il se méfiait viscéralement de Mitterrand et de la social-démocratie et a toujours tenté d’associer la défense de la classe ouvrière à celle de la nation (par ex. lors de la belle bataille du Non à Maastricht que mena le PCF en 1992, avant, très vite, de se rallier sous l’égide de Francis Wurtz à la funeste théorie de la « réorientation progressiste de l’UE »). La longue et très contrastée mandature de Marchais à la tête du PCF a donc été marquée par une série de zigzags politiques, des tentatives de raidissements, voire de re-communisation partielle, succédant de manière inconséquente et abruptes à des phases irrémédiables de honteux déferlement révisionniste, antisoviétique et droitier. Mais globalement, c’est la pente droitière qui a triomphé jusqu’à emporter Marchais : après avoir parrainé l’hyper-opportuniste Robert Hue, alors chef de file des élus du PCF, G. Marchais n’aura guère tardé à se faire humilier inhumainement par la clique renégate de Hue que l’ex-député du Val-de-Marne avait imprudemment placé à la tête du PCF.
[3] C’est évidemment faux. Même si le nom d’un parti est une question très importante, on a vu d’authentiques Partis marxistes-léninistes comme le SED est-allemand rester le « parti des communistes » même en changeant de nom (SED signifie Parti Socialiste Unitaire d’Allemagne) alors qu’on a vu à l’inverse des « PC » en titre se décommuniser totalement, par ex. le PC d’Espagne de Santiago Carrillo (qui a fini sa triste carrière de renégat en éditorialiste du principal journal bourgeois espagnol…). Pour prendre un exemple plus direct encore, cela fait maintenant… 107 ans que le Parti « socialiste » français s’appelle ainsi alors que depuis 1914 cette organisation n’a cessé d’être, selon le mot de Léon Blum, non par le constructeur du socialisme (bien que le PS, alias SFIO, ait plusieurs fois dirigé le gouvernement) le « gérant loyal du capitalisme ».
[4] Y compris si cette ville… qui a déjà changé de nom, soit dit en passant, parachève son anglicisation galopante et qu’elle cesse d’être principalement la capitale française pour devenir le centre de l’euro-pôle francilien ? Car c’est ce que voulait très explicitement l’ancien président « socialiste » de la Région francilienne, le sinistre Jean-Paul Huchon (cf son Livre « De battre ma gauche s’est arrêtée »), alors uni aux « communistes » en son Conseil régional ?
[5] Le destructif et politiquement indécent Robert Hue s’étant entretemps fait élire sénateur sur une liste PS avant d’appeler à voter Macron au 1er tour de la présidentielle, à l’instar de l’ancien ministre « communiste » Gayssot…
[6] Par ex. le vote par les députés du PCF de la loi Molac (avril 2021) qui pousse à l’euro-régionalisation linguistique de la France, ou par ex. le vote de l’état d’urgence par le groupe « communiste » en 2015, sachant que cet état d’urgence ne pouvait manquer d’être utilisé contre la classe ouvrière, comme on l’a très vite vu à l’époque où Valls était ministre de l’Intérieur, puis Premier Ministre… Il faut évidemment combattre le terrorisme islamiste, mais pas sous la houlette des gouvernements bourgeois dont toute la politique, tant étrangère qu’intérieure, alimente le terrorisme. Pas plus qu’il ne faut combattre l’intégrisme salafiste de la manière dont a procédé l’ex-député PCF André Gerin quand il flirtait avec Sarkozy sur ce terrain pseudo-républicain.
[7] C’est ce que l’auteur de ces lignes s’honore d’avoir fait quand il était secrétaire de la section de Lens du PCF, notamment à l’époque du gouvernement Jospin-Buffet : pas un numéro de L’Incorruptible, le journal de la section lensoise du PCF, n’est alors sorti des presses sans que ce gouvernement social-impérialiste (guerre de Yougoslavie notamment) et social-maastrichtien (préparation du passage à l’euro, privatisation de France-Télécom, d’Air-France, etc.), ministres « communistes » inclus, ne soit clairement dénoncé auprès des travailleurs lensois. À une tout autre échelle historique, eût-on imaginé Rosa Luxemburg ou Karl Liebknecht demeurer membre du SPD (encore formellement marxiste) sans dénoncer sa ligne impérialiste durant la guerre de 1914/18 ? Rosa elle-même n’envoyait pas dire, du fond de sa prison d’Empire, et alors qu’elle était encore membre, formellement, du SPD, que « la social-démocratie n’est plus qu’un cadavre puant ». Le tort tactique de Rosa aux yeux de Lénine aura été d’être demeurée trop longtemps au sein du SPD, d’avoir trop différé la création du PC d’Allemagne (le KPD). Au point que, lorsque l’insurrection prolétarienne aura pris son élan en Allemagne, le prolétariat de ce pays n’aura pas pu disposer pleinement d’un parti de combat discipliné et apte à diriger l’offensive. De la Commune de Paris à l’insurrection spartakiste, toutes deux sauvagement réprimées, la question majeure demeure et elle reste une vraie croix pour tous les éléments centristes qui veulent éternellement cultiver le marxisme dans un cadre social-démocrate : celle de la séparation organisationnelle entre révolutionnaire et réformiste. Bref, la question du Congrès de Tours qui n’est pas derrière, mais DEVANT nous !
[8] …alors président d’honneur de la FNARC, l’organisation qui précéda le PRCF.
[9] On ne sache pas qu’à l’époque, Fabien Roussel se soit signalé par une quelconque opposition au gouvernement social-privatiseur Jospin auquel participait sans états d’âme exagérés la sénatrice « communiste » nordiste Michèle Demessine…
[10] Un vote Macron de second tour que la direction du PCF a osé présenter comme un barrage possible à l’extrême droite en mai 2017… Comme les fédérations Nord et Pas-de-Calais du PCF n’ont pas craint, toute honte bue, de soutenir Xavier Bertrand en le présentant, au second tour, comme un « barrage » au FN aux précédentes régionales…
[11] Propos qui, au mieux, ne signifie rien et veut dire qu’on reste tout en sortant, qui n’a aucune espèce de crédibilité (pour renégocier les traités, il faut l’accord des 27 gouvernements européens, tous plus à droite les uns que les autres, voire d’extrême droite : Pologne, Hongrie, Pays baltes, etc.) et qui, quand bien même il prendrait forme, ne pourrait mener qu’à la ruine rapide de la France puisque, pendant qu’auraient lieu les négociations, notre pays subirait d’énormes saignées spéculatives et serait dans l’incapacité de se défendre, n’ayant pas rétabli sa souveraineté monétaire…
[12] Contournant la question toujours décisive des nationalisations (le mot « nation » étant devenu quasiment tabou), le programme actuel du PCF est non seulement inférieur au programme commun PS/PCF de 1972, non seulement très inférieur à celui du PCF seul de 1971 (intitulé « Changer de cap »), mais il est même très en deçà de celui du PS mitterrandien des années 1970… J’entends bien que le PS n’avait aucune intention réelle d’appliquer son programme. Mais que dire d’un parti « communiste » qui, avant même d’être au pied du mur, commence par raboter ses intentions elles-mêmes ? Rappelons qu’en 1976, le programme commun PC/PS a éclaté sur la question des nationalisations, G. Marchais jugeant à juste titre que, en deça d’un certain seuil de nationalisations démocratiques, le futur gouvernement d’union populaire n’aurait certainement pas en main les leviers économiques minimaux nécessaires à sa politique. Mais cette notion de « seuil minimal » de nationalisation semble être totalement sortie de la tête de nombre de communistes actuels…
[13] Il est temps que les marxistes cessent d’être dupes des analyses néokeynésiennes critiquant le prétendu « ultralibéralisme », la « déconstruction de l’État » et autres sornettes qui rabattent les communistes vers les fadaises de l’« antilibéralisme » tout en les éloignant à la fois de la lutte pour le socialisme et de la confrontation pure et dure avec l’UE. Le capitalisme monopoliste d’État, ce concept d’origine léniniste que le PCF savait parfaitement analyser à l’époque du gaullisme et du pompidolisme triomphants, reste bien ce « mécanisme unique de l’État bourgeois et des monopoles capitalistes » que critiquait, une foison de faits à l’appui, le livre éponyme paru en 1972 aux Editions sociales. Ce « CME » n’a nullement disparu : il a avant tout migré et changé d’échelle – changé d’ « aire » dirait le MEDEF – si bien que la déconstruction de l’État bourgeois NATIONAL au profit, d’une part, des Grandes Régions à l’allemande, d’autre part de l’Europe fédérale (« saut fédéral européen ») co-pilotée par Berlin et par Washington a déplacé et radicalisé le CME bien plus qu’elle ne l’a aboli. Même la fameuse « concurrence libre et non faussée » inhérente au traité de Maastricht n’est qu’une ruse de la raison dialectique : en instaurant une concurrence débridée à l’échelle continentale et transcontinentale, on dé-segmente et on détruit les marchés local et national, on fait place nette pour les trusts continentaux et transcontinentaux, on arase à la fois les monopoles publics (pour construire des monopoles privés, par ex. SUEZ-GDF aux dépens d’EDF-GDF) et l’indépendance des PME, et l’on fait monter en puissance un maxi-État continental (doté de sa monnaie, de son armée, de sa gendarmerie, de son Parquet, voire de sa langue unique : le globish), à savoir l’Empire européen producteur de « normes » tatillonnes. Un Empire si peu « libéral » qu’il dispense sans fin d’énormes subventions publiques directes (cf le « grand emprunt européen », garanti par le contribuable européen et déversé sans contrôle sur les monopoles capitalistes) ou indirectes (milliards d’euro GRATUITS injectés à jet continu par la BCE vers les banques et vers les monopoles industriels) tout en détruisant au passage, non pas « le CME » mais les services publics et la protection sociale gagnés par les travailleurs dans le cadre des luttes de classe menées à l’échelle des États-nations. Bref, de moins en moins d’ « Etat (nation) -Providence » pour les travailleurs, les artisans et les petits paysans, et de plus en plus d’États (européens) – Providence… pour le grand capital.
[14] Le mensuel du PRCF, « Initiative communiste » a déjà moult fois dénoncé le faux duel et vrai duo que constitue le couple mortifère Macron/Le Pen, le premier ne cessant de « prendre de droite » la seconde à coups de lois sécuritaires et de stigmatisation « des » musulmans, la second cherchant à déborder Macron sur le terrain de l’euro-atlantisme en validant sans la moindre pudeur « nationaliste » l’euro, l’UE, Schengen et, bien entendu, l’OTAN. Si bien que le « bloc bourgeois » personnifié par Macron ne s’inscrit pas moins dans le processus de fascisation dont le lepénisme est l’aile marchante que symétriquement le Rassemblement lepéniste s’inscrit de plus en plus dans le Parti Maastrichtien Unique héritier de feu l’ « UMPS ». La base commune permanente des blocs bourgeois européen – type Merkel, Macron, Draghi-Renzi, etc. – et des blocs euro-identitaires (type Le Pen, Kaczynski, Orban, etc.) est l’amalgame « antitotalitaire » que pratique désormais le Parlement européen lui-même entre communistes et nazi pour mieux criminaliser les premiers et, de moins en moins insidieusement, banaliser et réhabiliter l’extrême droite déjà au pouvoir ou aux portes du pouvoir dans un bon tiers des pays européens. N’est-il pas évident d’ailleurs que si Le Pen devient présidente en 2022, elle ne rompra pas plus avec l’UE que l’UE ne rompra avec elle. Tout ce beau monde convergera dans l’anticommunisme, l’atlantisme, l’antisyndicalisme primaire et la marche aux guerres néocoloniales, le tout supervisé par Berlin et « super-supervisé » par Washington.
[15] Non seulement le référendum sur la constitution européenne de 2005, mais aussi les référendums corse et alsacien des années 2000 qui, tous deux, avaient refusé la constitution d’une « collectivité territoriale unique » corse ou alsacienne abolissant les départements républicains. Là aussi, dans les deux cas, les grandes bourgeoisies hexagonale et régionales ont froidement violé la volonté populaire. Dans ces conditions de viol permanent de Marianne et de la Constitution, continuer comme si de rien n’était, comme le fait le PCF, à ne s’interroger en rien sur la participation aux élections européennes et régionales (sans préjuger du résultat de cette réflexion, ne serait-ce qu’en étudiant démocratiquement la question !), alors que ces élections sont bâties elles-mêmes sur d’éclatants dénis de démocratie (quand les populations concernées ont-elles eu à valider la mise en place des treize Grandes Régions créées par F. Hollande ?), montre à quel point d’abaissement est tombé l’esprit critique dans notre pays.
[16] Nous avons eu l’occasion de dénoncer sur www.initiative-communiste.fr l’appel irresponsable du chanteur en gilet jaune Francis Lalanne à une intervention de l’armée pour « rétablir la démocratie ». Comme quoi le spontanéisme et le rejet démagogique des partis en général et du PC en particulier peut conduire aux pires naïvetés. La lettre ouverte à Macron datée du 22 avril 2021 qu’ont publiée un certain nombre de généraux retraités menaçant à demi-mots Macron d’un putsch s’il ne peut rétablir à temps l’ « ordre » et la « civilisation », est un symptôme de ce qui nous menace si les communistes, au lieu de se perdre en jeux florentins d’appareil et de micro-appareils, ne s’attachent pas à construire ensemble, en se tournant de manière privilégiée vers les travailleurs (entrées des entreprises, manifs populaires, quartiers défavorisés, LP et LT, soutien public au syndicalisme de classe…) une alternative patriotique et populaire tourné vers le Frexit progressiste dans la perspective du socialisme pour notre pays.