Pourquoi le FN est-il passé de 0,7% des voix en 1974 à 20 ou 30%, annonce-t-on, en 2015 ?
Parce qu’il s’est produit quatre changements majeurs dans la vie politique :
- la re-mondialisation du capitalisme consécutive à la contre-révolution à l’Est a brisé les anciens cadres de la vie politique, en particulier en sapant les États-nations au profit d’entités supranationales viscéralement antidémocratiques.
- le socialisme réel a subi une défaite historique, accompagnée de la mutation de nombre de partis communistes en mouvements réformistes ; libéré de la concurrence des Soviets et du contrepoids du Mouvement communiste international, s’enfonçant dans une nouvelle crise systémique de leur système, les forces du capital déchainées ont lancé une nouvelle formidable guerre contre les salaires. Rappelons le mot du milliardaire américain Warren Buffett : « il existe une guerre des classes, et c’est ma classe, celle des riches, qui est en passe de la gagner ».
- la social-démocratie privée du rapport de forces qui lui permettait d’apparaitre illusoirement comme la « troisième voie » entre capitalisme et socialisme, comme le garant de l’ainsi-nommé Etat-providence, se déporte à droite. Sa seule différence avec la droite étant sa base électorale de masse de la petite et moyenne bourgeoisie, ce qui la fragilise d’autant plus que les accents de gauche de son discours sont sans cesse discrédités par ses actes de droite et que cette contradiction insupportable entre les actes et les paroles entraîne une désertion (l’abstention) d’une partie de cette base de masse et donc crée les conditions de sa défaite.
- la droite déconsidérée, divisée, est prise en étau entre l’action gouvernementale du PS et l’extrême-droite qui regagne sa place de solution possible aux yeux du grand capital. En effet face aux réactions et aux résistances à sa politique, menée par ses « fondés de pouvoir » des gouvernements bourgeois, un processus de fascisation est à l’œuvre avec la mise en place de mesures de plus en plus antidémocratiques, anti-populaires et antinationales. Ce processus est le prodrome, à l’intérieur même du prétendu « État de droit » évoluant en État policier, d’une politique fasciste proprement dite qui passerait, le moment venu, par un saut qualitatif institutionnel et politique.
Grave est la responsabilité historique des PC « mutés », et notamment du PCF qui, depuis son 22ème congrès de 1976, n’a cessé de se délester de ses principes révolutionnaires. Quand un P.C. glisse à la social-démocratie, faut-il s’étonner que la social-démocratie puisse afficher des positions néolibérales et qu’à son tour, la droite classique puisse revenir à ses démons racistes, xénophobes et anti-syndicaux ? Faut-il s’étonner que l’extrême droite devienne le réceptacle final dans lequel viennent confluer tous les fleuves de la droitisation politique ?
Bien entendu la social-démocratie et la droite veulent éviter d’être évincées par l’extrême-droite. Aussi tentent ils de réagir.
Le PS agite la peur légitime du fascisme pour amener les citoyens à se mobiliser autour de lui : le PS ou le fascisme, alors même que Cazeneuve multiplie les lois liberticides. Valls annonce que M. Le Pen peut gagner les présidentielles et les élections « intermédiaires » vont servir à crédibiliser le danger. Mais ce que Valls ne peut, ni ne veut faire c’est mener une politique qui tourne le dos à la loi Macron, au pacte de responsabilité et donc à toute la politique que mène le PS depuis 2012 (en réalité, depuis Mitterrand et Delors) et qui est en droite ligne, en totale continuité avec celle de Sarkozy : et pour cause, le Parti Maastrichtien Unique, dont le PS est un des piliers avec l’UMP, ne fait que mettre en musique « nationalement » les directives de l’Empire euro-atlantique piloté par l’Axe Washington-Berlin. Le PS veut le beurre et l’argent du beurre : mener la politique du MEDEF et garder le vote des classes populaires : une équation insoluble et qui favorise le FN.
La droite est tiraillée entre deux voies: affirmer qu’elle refuse l’alliance compromettante avec le FN mais faire une surenchère programmatique où les thèmes du MEDEF et du FN sont repris et synthétisés. Sarkozy espère ainsi refaire le coup de 2007 : faire le plein à droite et siphonner les voix FN. C’est la raison des déclarations hystériques sur le FNPS de Sarkozy; il lui faut se démarquer du PS qui mène la même politique que l’UMP et dénoncer le FN dont il défend les idées ….pas simple ! Un avantage sur le PS, la base de masse de la droite applaudira le passage de la retraite à 63 ou 65 ans, contrairement à la base du PS qui – c’est la principale différence socio-politique entre la droite et la social-démocratie – se cabre contre la politique de Valls-MEDEF (c’est la base objective des « frondeurs » socialistes qui, pas plus que Syriza en Grèce, ne remettent cependant en question la sacro-sainte « construction européenne »)
Une autre tendance qui s’exprime fortement à la base de l’UMP (50% disent les sondages) veut l’alliance avec le FN. Ne doutons pas que comme toujours dans l’histoire, droite et extrême-droite trouveront dans le service de leur maître, le grand capital, un terrain d’entente. Déjà on voit que la seule divergence relevée par les ténors de l’UMP contre le FN touche à l’euro et à l’UE. Ne doutons pas non plus que M.Le Pen supprimera les virgules anti-euro de ses discours à la poubelle pour sceller une alliance qui lui permette d’accéder au pouvoir. Pour elle l’opposition rhétorique à l’euro n’est, c’est le cas de le dire, qu’une « monnaie d’échange » avec la droite pour conquérir le pouvoir dans le cadre d’une « UM’ Pen » en formation dont le « rassemblement bleu marine » est l’aile marchante. Son programme y est tout près tout comme sa stratégie : on peut le vérifier en visitant son site, la sortie de l’UE n’est pas au programme du FHaine, qui ne fait que mention d’une fumeuse négociation et d’une « sortie concertée avec les 18 pays » si le FN arrive au pouvoir. Or l’Allemagne et ses vassaux refuseront et qui doute d’avance que le FN s’inclinera alors pour gagner l’appui de tout le grand patronat « français » ? Au demeurant, Mme Le Pen n’a elle même jamais pris l’engagement de sortir de l’UE et de la monnaie unique qui est le cœur de la « construction européenne »…
Droite et PS sont coresponsables de la situation crépusculaire où se trouvent les travailleurs, le peuple et le pays. Ils ont démoli les conquêtes sociales, l’indépendance nationale et les services publics. Ils ont multiplié les guerres impérialistes et néocoloniales en semant la misère et le chaos (en Libye), en combattant ici (au Mali) ceux qu’ils soutiennent là (en Syrie) mais toujours au profit des grands groupes capitalistes. Leur politique étrangère impérialiste est le prolongement direct de leur politique intérieure de guerre au monde du travail et à l’État-nation héritier de 1789 et de 1945.
Face à cette situation périlleuse, que dit le Front de Gauche aux travailleurs et au peuple ? Rien. En tous les cas rien de ce qui pourrait favoriser une véritable alternance progressiste comme placer au centre de la vie politique, économique, sociale et culturelle la classe ouvrière et les classes populaires et donc sortir, pour pouvoir le faire, de l’euro, de l’UE et de l’OTAN. Permettre à notre peuple et à notre pays de retrouver sa pleine souveraineté. Bref constituer un large Front Anti-fasciste, Populaire et Patriotique comme le propose le PRCF.
Et qu’ont fait jusqu’ici les directions syndicales confédérales hormis des travaux de rénovation ? Pas grand-chose, assujetties qu’elles sont aux super-bureaucrates de la Confédération Européenne des Syndicats, courroie de transmission de l’UE dans le mouvement syndical. Alors qu’il faudrait renouer comme le demande le Front Syndical de Classe en France et la FSM (Fédération Syndicale Mondiale) dans le monde, avec le syndicalisme de classe et de masse pour raviver l’aspiration au « Tous ensemble en même temps ! ».
AM pour www.initiative-communiste.fr – @PRCF_