par Georges Gastaud – Nous reproduisons ci-dessous l’analyse du camarade Roger Romain, vétéran communiste belge au sujet du Sommet des B.R.I.C.S. qui se déroule en Russie à Kazan.
On voudrait nous faire croire ici, alors que l’Empire kamalo-trumpiste tente d’affamer Cuba et le Venezuela, que la « grande démocratie américaine » (sic) arme jusqu’à la nausée l’Exterminateur Netanyahou massacreur de Gaza et du Liban, que Macron tente de masquer son discrédit intérieur en fomentant une guerre franco-russe suicidaire en Ukraine, que « la Russie est isolée », que « le moment est venu d’adopter le plan de victoire ukrainien » (l’armée de Kiev reculant sur tous les fronts!), que « la Corée du Nord est co-belligérante en Ukraine » (alors que des milliers de soldats occidentaux déguisés en « volontaires » se battent du côté de Kiev!), et tant d’autres menteries forgées sans discontinuer par nos médias d’État et notre presse aux mains des milliardaires.
La réalité est autre: au sommet des BRICS, des États représentant déjà plus de la moitié des êtres humains (à elles trois, la Chine, l’Inde et la Russie font plus du tiers des humains!) se tiennent par la main et portent une alternative « multilatérale » qui, certes, n’est pas encore un front anti-impérialiste, mais qui n’en crée par moins une énorme brèche dans le système étouffant de l’hégémonisme euro-atlantique.
Un système qui n’est pas seulement l’ennemi de la paix mondiale « en général », mais qui porte en lui l’euro-dissolution de la République française et de ses acquis sociaux et culturels, comme la nuée porte l’orage.
Lisez en particulier ci-dessous l’intelligente intervention du président togolais dont chaque mot cingle au visage la Françafrique et la « Françamérique » macroniste.
Sommet des BRICS à Kazan : un nouvel ordre mondial en marche
Par Romain de Courcelles le 25 octobre 2024
La Russie accueille le 16e sommet des BRICS à Kazan. Vladimir Poutine s’est entretenu avec Xi Jinping et Narendra Modi, abordant les relations bilatérales et les grands enjeux mondiaux. Les dirigeants ont souligné le rôle clé de la coopération sino-russe et russo-indienne dans la stabilité et l’ordre mondial.
La Russie accueille actuellement le 16e sommet annuel des BRICS, association interétatique de dix États, qui se tient du 22 au 24 octobre 2024 dans la ville de Kazan. Le groupe comprend le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ainsi que les nouveaux membres qui ont rejoint le groupe en janvier, à savoir l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Selon le conseiller présidentiel russe Iouri Ouchakov, des délégations de 36 pays, dont 22 chefs d’État, et de six organisations internationales, ainsi que le secrétaire général des Nations unies António Guterres, participeront au sommet des BRICS.
Parmi les participants au sommet figurent Xi Jinping, président chinois, Narendra Modi, Premier ministre indien, Massoud Pezechkian, président iranien et Cyril Ramaphosa, président de l’Afrique du Sud, ainsi que des personnalités extérieures au bloc, comme le président turc Recep Tayyip Erdogan. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva était attendu, mais il a annulé son voyage après s’être blessé. Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira, a pris sa place.
Ce mardi 22 octobre, Vladimir Poutine, président de la Russie, tient plusieurs réunions bilatérales, dont certaines ont déjà eu lieu, notamment avec ses homologues chinois et indien.
Les dirigeants chinois et russe se rencontrent en marge du sommet des BRICS
Vladimir Poutine a rencontré son homologue chinois Xi Jinping. Les deux dirigeants ont exprimé un profond respect l’un pour l’autre, se qualifiant d’amis.
Lors de cette rencontre, Vladimir Poutine a évoqué le rôle majeur des relations entre la Chine et la Russie : «La coopération russo-chinoise dans les affaires mondiales constitue l’un des principaux facteurs de stabilisation sur la scène internationale. Nous avons l’intention de continuer à renforcer la coordination sur toutes les plateformes multilatérales afin de garantir la sécurité globale et un ordre mondial juste».
De son côté, Xi Jinping a déclaré : «Dans un contexte de transformation tectonique inédite depuis des siècles, la situation internationale subit des changements et des bouleversements majeurs. Mais cela ne peut ébranler ma confiance dans le choix stratégique immuable des deux pays en faveur d’un soutien mutuel ferme, dans l’amitié séculaire, indéfectible et profonde entre nos pays et dans l’inaltérable sens du devoir de la Chine et de la Russie en tant que grandes puissances.»
Le président chinois a également donné des détails intéressants sur la coopération de longue date entre la Russie et la Chine : «Ce sommet revêt une grande importance. J’ai appris que la grande route du thé qui reliait nos pays, il y a 400 ans, passait également par Kazan. C’est par cette route que le thé chinois de Wuyishan était transporté en Russie.»
Le duo russo-indien au sommet des BRICS
Vladimir Poutine a également rencontré le Premier ministre indien, Narendra Modi, pour discuter des sujets d’actualité, tant sur le plan des relations bilatérales que des enjeux mondiaux.
Vladimir Poutine a affirmé : «Les relations russo-indiennes revêtent le caractère d’un partenariat stratégique particulièrement privilégié et continuent de se développer activement. Nous renforçons la coopération par l’intermédiaire des organes législatifs. Nos ministres des Affaires étrangères sont en contact permanent».
Le président russe s’est également réjoui de la nouvelle d’un rapprochement politique encore plus important entre les deux États : «De grands projets sont en cours de développement. Nous nous félicitons de votre décision d’ouvrir un consulat général à Kazan. L’élargissement de la présence diplomatique de l’Inde en Russie contribuera au développement des relations bilatérales.»
Pour sa part, le Premier ministre indien a une nouvelle fois déclaré qu’il était prêt à contribuer à l’instauration de la paix en Ukraine : «Votre Excellence, en ce qui concerne le conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine, nous sommes en contact permanent. Comme je l’ai déjà dit, nous pensons que les problèmes doivent être résolus par des moyens pacifiques. Nous soutenons pleinement l’établissement de la paix et de la stabilité dans les meilleurs délais. Dans tous nos efforts, nous donnons la priorité à l’humanité, et nous sommes prêts à apporter toute notre assistance à l’avenir.»
Selon le président russe, Moscou a déjà organisé environ 200 événements dans le cadre de la présidence des BRICS, remplissant plus de 80% du programme fixé.
BRICS : LA CONSTRUCTION D’UN NOUVEAU MONDE
par Manlio Dinucci
Le 16e Forum BRICS – qui s’est déroulé sous présidence russe à Kazan, capitale du Tatarstan – a vu la participation de 35 pays et 6 organisations internationales.
L’acronyme BRICS est formé des initiales des cinq membres fondateurs du groupe : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. En 2024, Égypte, Éthiopie, Iran, Arabie saoudite et Émirats srabes unis sont devenus membres des BRICS, qui deviennent BRICS+, “BRICS PLUS”. Au moment du 16e Forum, environ 30 pays – parmi, lesquels Algérie, Bangladesh, Bahreïn, Venezuela, Pakistan, Malaisie, Azerbaïdjan et Turquie – avaient présenté leur demande d’adhésion.
Les 10 pays des BRICS+ comprennent plus de 46% de la population mondiale, de fait environ la moitié étant donné l’important taux de croissance démographique. En comparaison, les pays du G7 (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, France, Italie et Japon) comprennent moins de 10% de la population mondiale.
En 1992, le PIB total du G7 constituait plus de 45% du PIB mondial, tandis que le PIB total des 5 pays qui allaient ensuite s’unir dans les BRICS (en 2009-2011) en constituait 16%. En 2023 la quote-part des BRICS a dépassé les 35%, tandis que celle du G7 est descendue à 29%. L’écart continuera à croître. D’ici fin 2024, on prévoit que les pays BRICS enregistreront une croissance moyenne de 4%, supérieure à celle d’1,7% pour le G7.
Les BRICS représentent environ un quart des exportations mondiales de marchandises et certaines d’entre elles dominent les marchés clés, comme celui des ressources énergétiques, des métaux et des produits alimentaires.
La Nouvelle Banque de développement est en train de devenir investisseur dans les plus grands projets technologiques et infrastructurels de la zone BRICS. À l’intérieur de cet espace, où avant dominaient dans les transactions internationales le dollar et l’euro, la quote-part des monnaies nationales est montée à 65%, alors que celle du dollar et de l’euro est descendue sous les 30%.
En même temps dans la zone BRICS est en construction un très vaste réseau d’infrastructures : la Voie maritime nordique et le Couloir de transport Nord-Sud ouverts par la Russie après que l’OTAN et l’UE ont bloqué les voies de transit à l’Ouest, le projet de Couloir économique routier et ferroviaire Russie-Mongolie-Chine, la Nouvelle Route de la Soie terrestre et maritime de la Chine à l’Europe et de nombreuses autres en Asie, Afrique et Amérique latine.
“ À Kazan, a dit le président Poutine dans la conférence de presse au terme du Forum – nous avons réaffirmé que les BRICS ne sont pas un format clos, mais qu’il est ouvert à tous ceux qui en partagent les valeurs. Les membres du groupe sont disposés à travailler pour déterminer des solutions communes sans impositions externes ou tentatives d’imposer des approches restreintes à qui que ce soit. Les BRICS doivent répondre à la croissante demande de coopération dans le monde. En conséquence, nous avons dédié une attention particulière à la question de l’expansion potentielle des BRICS à travers la création d’une nouvelle catégorie, celle des États partenaires.”
Diamétralement opposée à la vision de l’Occident. Emblématique est l’alarme lancée par le Foreign Policy Research Institute, un influent think-tank étasunien : “Si les États-Unis n’agissent pas, il est probable que les BRICS croissent en force, qu’ils alignent leurs politiques extérieures contre les intérêts des États-Unis et qu’ils aient le potentiel pour bouleverser l’ordre mondial qui a jusqu’à présent évité d’importants conflits.”
«Le monde d’aujourd’hui ne peut pas se construire sans les BRICS, sans la Russie» Innocent Kagbara, président du parti démocratique panafricain du Togo
À l’approche du sommet des BRICS qui se tient à Kazan, en Russie, entre les 22 et 24 octobre, un entretien avec Innocent Kagbara, président national du Parti démocratique panafricain du Togo. Il a souligné le rôle clé de l’organisation pour le monde multipolaire. Selon lui, les BRICS vont redéfinir une nouvelle organisation du monde.
Question : Un des événements internationaux phares de cet automne est le sommet des BRICS à Kazan. Pour l’organisation, c’est une année de présidence russe qui s’achève et qui aura été rythmée par de nombreux rendez-vous entre ses membres. Quel est votre sentiment à la veille de ce sommet peut-être historique ?
Innocent Kagbara, président national du Parti démocratique panafricain : Je pense que c’est un sentiment de fierté. Je crois que l’organisation des BRICS vient à point nommé pour redéfinir une nouvelle organisation du monde. Un système qui est basé sur le multilatéralisme, où le système américain est un système parmi tant d’autres, où les relations seront basées sur une confiance mutuelle et l’entraide familiale, entre le Sud global qui est défini par les pays qui sont au sud, contre le Nord global qui est dorénavant peut-être le terme qu’il faut employer pour parler de l’Occident. C’est un sentiment de fierté pour les pays africains qui ont adhéré à cette organisation qui pèse plus du tiers du PIB mondial.
Question : Une des questions majeures qui subsiste avant ce sommet de Kazan, c’est un nouvel élargissement des futurs BRICS. Que pourriez-vous dire sur le profil des nouveaux candidats ?
Innocent Kagbara : Le profil des nouveaux candidats, c’est toujours des pays émergents, des pays dynamiques où il y a une population, où il y a une volonté d’aller de l’avant, où il y a des leaders qui veulent développer leur pays. Donc c’est retrouver une organisation qui est dynamique pour permettre à ces pays également de se faire une place dans le concert des nations. Ce sont des pays un peu comme le Nigeria, un peu comme l’Algérie. Il y a d’autres pays qui ont été intégrés lors du sommet de l’Afrique du Sud, tels que l’Éthiopie et l’Égypte. Une quarantaine de pays sont en attente. Ça veut dire que c’est une organisation qui attire, c’est une organisation qui est en train de redéfinir un nouvel ordre mondial, un nouvel ordre mondial géopolitique, un nouvel ordre mondial financier parce qu’il y a la Banque de développement des BRICS. Il y a également le système BRICS Pay qui pourra concurrencer demain le système Swift.
Question : Afin que cette coopération, y compris avec les nouveaux membres, puisse être fructueuse, il y a beaucoup d’instruments. Vous venez de les citer. Il y a donc la NDP, la Nouvelle Banque de développement. Il y a le système Brics Pay. Quelle est l’importance de ces systèmes ? Est-ce qu’ils pourront être efficaces dans un avenir proche ? Est-ce qu’ils pourront se substituer aux anciens, comme le FMI ou d’autres ?
Innocent Kagbara : Non, pas forcément se substituer. Nous sommes dans un monde de collaboration mutuelle où tous les systèmes ont leur place. Ce système va sérieusement les mettre au défi. Substituer, je ne sais pas encore où on en est, quel sera le positionnement de ce système, mais c’est une nouvelle alternative. Beaucoup de pays pour se faire financer et beaucoup de pays africains doivent bondir sur cette occasion pour pouvoir financer notre développement, puisque nous avons besoin des fonds pour nous développer. Nous ne voulons plus une coopération en termes de soumission, mais nous voulons une coopération en terme de partenariat où nous pouvons bénéficier de toutes les possibilités.
C’est quand même des systèmes, il faut le reconnaître, qui sont basés sur beaucoup plus de valeurs et beaucoup plus d’équité. Quand vous prenez le fonctionnement du FMI de la Banque mondiale, les pays qui siègent là-bas et qui décident pour tous nos pays, ils sont combien ? Alors que quand vous prenez le système de fonctionnement de la Nouvelle Banque de développement, c’est un pays, une voix. Là, on est dans un système de redistribution plus juste. Ou même, en tant que pays, même si vous n’avez qu’une population de 10 millions d’habitants, avec peut-être en face du Brésil ou d’autres pays qui ont un milliard, c’est un pays, une voix. Et nous trouvons ce système beaucoup plus équitable parce que le système tel qu’il a été conçu après la Seconde Guerre mondiale, c’est quand même un système de domination. Il faut que nous puissions mettre beaucoup plus d’équilibre si nous voulons la paix, si nous voulons prévenir les conflits. Je pense que même au niveau des instruments financiers, il faut qu’on puisse trouver un équilibre. Et je félicite d’abord les dirigeants des BRICS parce qu’ils ont trouvé un système beaucoup plus équitable, un système qui va éviter les conflits, un système où les gens vont se sentir respectés. Parce que le problème que nous posons aussi, dans ce qui ne fonctionnait pas bien avant, c’est un problème de respect.
Question : Vous venez de dire le mot conflit. Le président russe Vladimir Poutine, lors de sa rencontre avec les médias il y a deux jours, est revenu sur la question des relations internationales en parlant des BRICS et en espérant que le conflit en Ukraine et les conflits au Proche-Orient pourraient être résolus grâce à ce système des BRICS, grâce à ces nouvelles rencontres. Est-ce qu’avec l’élargissement des BRICS, notamment l’entrée de l’Iran, l’entrée de l’Arabie saoudite, l’entrée des Émirats arabes unis, vous croyez à cette avancée, à ce nouveau pas vers la paix, grâce à cette coopération nouvelle ?
Innocent Kagbara : Oui, je pense que toutes les initiatives allant dans ce sens doivent être soutenues par les BRICS, et le monde ne peut pas se construire sans les BRICS. Le monde d’aujourd’hui ne pourra pas se construire sans la Russie. Ça, c’est un fait. Qu’on le veuille ou pas, c’est une réalité. Donc je pense qu’il faut saluer le leadership des présidents qui constituent actuellement les BRICS, dont le président Vladimir Poutine, pour arriver à éviter les conflits, non seulement les éviter, mais résoudre le conflit du Proche-Orient et même le second conflit ici. Qu’apportent les conflits ? C’est quand voyez de l’injustice flagrante, parce que vous prenez une résolution des Nations unies qui n’est jamais respectée par un pays, et ce pays se permet de faire souvent des guerres préventives. Le pays n’est pas souvent attaqué, mais il se permet de faire des guerres préventives. Il ne respecte pas les résolutions des Nations unies, mais personne n’en parle. Mais on défend également à d’autres pays qui se sentent attaqués de pouvoir mener des guerres préventives. Voilà un peu le système de deux poids, deux mesures que nous dénonçons. Et le nouvel ordre mondial que nous voulons sans conflit n’est contre personne. Ce n’est pas que nous voulons un monde contre quelqu’un. C’est un monde beaucoup plus équitable qui peut prévenir les conflits où l’ensemble des pays des BRICS, dont la Russie, a sa place.
Question : Aujourd’hui, les pays au sein de l’Union européenne, par exemple, pour la prise des décisions vis-à-vis des conflits majeurs, n’ont plus de souveraineté, n’ont plus leur mot personnel à dire. La plupart des décisions sont collégiales, collectives et ça patine, beaucoup de bureaucratie. Alors les BRICS, est-ce que c’est une solution ? Est-ce que c’est un format qui préserve les souverainetés, selon vous ?
Innocent Kagbara : Tout à fait. Vous savez, quand vous êtes dans des modèles comme ça, c’est une dictature d’une certaine minorité sur la majorité. Dès que deux ou trois pays qui pèsent dans le PIB de ces organisations disent oui, vous êtes obligés de suivre. Quoi qu’on dise, c’est une question, même si on taxe beaucoup de pays des BRICS de ne pas avoir de libertés, mais c’est beaucoup plus ces pays-là qui appliquent la démocratie en leur sein. Donc il faut saluer ce nouveau système qui permettra de pouvoir prendre des décisions. On peut ne pas être d’accord sur tout. Mais il n’y aura pas de dictature, peut-être de deux ou trois pays, parce que ce sont des puissances nucléaires, parce que ce sont des puissances militaires. Donc voilà un peu, quoi qu’on dise, c’est paradoxal, mais au niveau des BRICS, il y aura beaucoup plus de démocratie.
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