La présente note n’a pas pour objet de faire une analyse exhaustive des méfaits du projet de réforme du système des retraites.
Elle n’a pas non plus pour objet d’analyser les conséquences catastrophiques de la réforme sur le niveau des pensions que toucheraient à l’avenir les fonctionnaires. Nous renvoyons aux sites et publications des confédérations syndicales ou syndicats (Fédération des services publics CGT, SNES, SNIUPP..), dont les travaux très précis et très argumentés le prouvent.
Elle a pour objet :
- 1 de souligner un aspect qui est celui de l’escroquerie intellectuelle qui consiste à poser un principe qui se veut égalitaire : 1€ cotisé égalitairement par tous et qui en est tout le contraire,
- 2 d’analyser, ce sur quoi la propagande gouvernementale reste très discrète, le passage à la carrière entière, au lieu des six derniers mois, pour le calcul de l’assiette de la pension des fonctionnaires.
Reprenons.
1 Les différences de salaires entre le privé et le public
Dans la chapitre 2 de son rapport qu’il a intitulé : « un système où un euro cotisé donne les mêmes droits » JP Delevoye propose notamment un alignement du régime des fonctionnaires sur celui des salariés du privé.
Notre propos n’est pas ici de démontrer en quoi le nouveau système par points est une rupture complète et absolue avec le principe de la répartition du programme du CNR : Les jours Heureux » et qu’on se dirige tout droit vers des jours de malheurs. Ceci a déjà été amplement démontré.
Nos nous attacherons à l’escroquerie intellectuelle que constitue vis-à-vis des fonctionnaires le raisonnement du 1 € cotisé pour tous.
Lorsqu’un montant résulte du produit d’un taux appliqué à une assiette, la moindre des choses est de s’intéresser à l’assiette.
Or, à qualification égale, c’est-à-dire à niveau de diplôme équivalent, et d’expérience comparable, le salaire d’un fonctionnaire est très inférieur à celui d’un salarié du privé.
Je prends la situation d’un couple existant réellement, et c’est cette situation qui m’a fait prendre conscience du cynisme du ‘rapporteur spécial’. La femme avec des diplômes supérieurs à celui de son mari -doctorat+ concours de recrutement difficiles (Capes puis Agrégation) – avait un salaire près de 2 fois inférieur à celui-ci. Et encore avait-il choisi des cabinets dédiés à l’assistance aux CE avec un salaire largement inférieur à ceux pratiqués dans les grands cabinets d’audit. Mais à la retraite, cette situation a été partiellement corrigée puisque les deux touchent des pensions exactement équivalentes.
On peut facilement généraliser. Les grilles de rémunérations de la fonction publique sont consultables là où règne la plus grande opacité sur les salaires les plus élevés du secteur privé.
Ainsi, dans la fonction publique hospitalière, le salaire de d’embauche d’un praticien hospitalier, un PH, est de 4.130,18€ brut. Au bout d’une carrière très difficile, marquée aujourd’hui notamment par un épuisement par les gardes de 24 heures dans de nombreuses disciplines (urgentiste, obstétricien, anesthésiste-réanimateur… etc. ), c’est-à-dire au bout de 13 ans (après quoi il y a blocage de la rémunération) le salaire est de 7.500,82€, soit une progression de 80%.
Rappelons le parcours d’un PH : 6 années d’étude de médecine avec dans la position d’externe pratiquement pas de rémunération ; 4 ou 5 années d’internat avec une rémunération de 1.393,06€ puis de 1.541,15€ et de 2.137,80€ ; passage d’un doctorat et d’un mémoire de spécialité ; 2 années de clinicat (ou d’assistanat) avec un salaire de 1.480,12€ puis de 1.723,62€. Passage d’un concours pour obtenir la qualification de PH. Donc après 17 années d’étude et /ou de pratique professionnelle un salaire brut de 4.000€ et une perspective de progression de pouvoir d’achat bien faible.
Dans la fonction publique d’Etat, la situation d’un enseignant professeur agrégé est semblable. Après des études supérieures d’au moins 5 ans et le passage de concours des plus sélectifs et difficiles, son salaire brut d’embauche (professeur agrégé de classe normale) à l’échelon 448 est de 2.099,34€. Au bout de 39 ans, ayant gravi 11 échelons, son salaire – indice 830 est de 3.889,40€ une progression de 3.889,40€, soit une progression maximale de 85%.
On pourrait ainsi multiplier les exemples avec d’autres métiers de la fonction publique d’Etat ou Territoriale.
D’après une étude de l’Insee (Insee Première n° 1738 février 2019), en 2016 seulement 1% des agents fonctionnaires ou non de la fonction publique gagnait plus de 6.410€ nets par mois. En 2015, les 1% des salariés les mieux rémunérés du secteur privé perçoivent plus de 8.280€ nets par mois mais, comme le note l’Insee, avec une dispersion beaucoup plus grande que dans le secteur public. Autrement dit, la moyenne cache l’existence de très hauts revenus dans le secteur privé.
Si on compare avec les hauts salaires du privé la différence est immense, tant en ce qui concerne les niveaux de rémunérations que les perspectives de progression salariale. La situation faite aux fonctionnaires est d’autant plus rageante que bien des très hauts salaires vont à des professions qui n’ont aucune utilité sociale.
Cette situation d’injustice sociale concerne 3,8 millions de fonctionnaires civils actifs. Les fonctionnaires pensionnés (directs et dérivés) sont 3 millions. En 2016, selon un rapport de la Cour des Comptes, le montant des pensions versées s’est élevé à 58 milliards € dont 41,3 milliards au titre de la fonction publique d’Etat et 16,9 milliards au titre des fonctions publiques territoriales et hospitalière. Ainsi les fonctionnaires pensionnés ont touché en moyenne 19.333 bruts € annuellement soit 1611€ par mois.
La contrepartie d’une telle ‘modération salariale’ était précisément, grâce au statut, une forte continuité entre le salaire et la pension. Es c’est ainsi que les fonctionnaires pouvaient ‘accepter’ cette injustice sociale.
Le nouveau système mine cet équilibre et condamne les futurs pensionnés des fonctions publiques à la pauvreté. A l’injustice salariale s’ajoutera sous couvert d’une justice dans la retraite la ruine de leur situation.
Il faut souligner que les différences de salaires cumulées tout au long d’une vie professionnelle entraîne des différences de niveau de vie très importantes : 229 K€ pour un professeur et 60K€ pour un praticien.
La différence entre un cadre du privé et un praticien hospitalier est largement minorée dans notre exemple car elle ne porte que sur les années de praticien à l’exclusion des premières années (internat, clinicat) largement sous-payées.
Par ses revenus nettement plus importants un cadre du privé pourra aisément se constituer un patrimoine immobilier et mobilier qui lui générera un complément de revenu au moment de la retraite.
Cette différence peut et doit surtout se mesurer en différence de points acquis car c’est la le nœud du problème, le fond de la manipulation.
Les écarts sont de l’ordre du gouffre et le mensonge de l’égalité de traitement au nom du 1€ cotisé, éclatant.
Dans la mesure où le salaire des professeurs est très bas l’écart avec la situation d’un cadre du privé est de l’ordre du gouffre. La situation du praticien est un peu meilleure mais l’écart reste très significatif.
2 La modification de l’assiette
La propagande autour de la réforme du système des retraites omet quelques éléments très importants dont la modification de l’assiette. Dans le système actuel l’assiette est constituée de la moyenne des 6 derniers mois. Dans le système futur l’assiette sera calculée sur la carrière entière. Pour un professeur agrégé la baisse –donc la perte de revenu – est de 24%. Pour un praticien hospitalier la baisse est de 26%.
Certes nous dit le rapporteur les primes seront incluses dans le calcul de l’assiette. Outre le fait qu’elles l’étaient déjà en partie prise en compte via la RAFP (retraite additionnelle de la fonction publique) cette inclusion est loin, très loin de compenser la baisse de l’assiette.
Tableaux de nos hypothèses
Tableaux : conséquence du nouveau mode de calcul de la pension
Or dans la situation actuelle le taux de remplacement est au delà de 70%. Une chute de 18 points.
On doit ici souligner que toutes les simulations ont été faites avec la valeur du point retenue dans le rapport soit 0,55 €. Mais rien n’indique que ce sera la valeur retenue.
Même si cette valeur est retenue dans un premier temps on voit ici clairement comment il sera facile de modifier le montant de la pension tout simplement en modifiant la valeur du point : 0,55 puis 0,54, 0,53 et ainsi de suite….
L’intégration des primes
Tableau du poids relatif des primes dans la rémunération – source COR-
Dans le cas des professeurs et plus généralement pour le corps enseignant elles sont d’un montant très faibles et ne sont pas comme souvent dans le privé des primes ‘récompenses’ mais la contrepartie d’un travail effectif : heures supplémentaires, conseil de classes, réunion parents-professeurs, surveillance d’examens…
Dans le cas des praticiens hospitaliers il s’agit des heures supplémentaires liées aux gardes ; dans la situation de pénurie de praticiens cela peut représenter un complément e salaire significatif. Mais outre que les gardes de 24 heures devraient être interdites, elles devraient diminuer dans uns situation de fonctionnement normal d’un hôpital et d’une vie de famille.
Si les primes entrent dans l’assiette cela signifie qu’elles devraient donc être soumises à cotisations. Ce ne serait que justice sociale. Les exonérations de cotisations qui se sont multipliées ont pu faire croire à une amélioration de revenu mais en réalité elles fragilisée la situation financière de la Sécurité Sociale. Pour 1€ gagné sur le salaire le travailleur en a perdu 10 en protection sociale !
* 5 gardes à 150€
Mais le macronat est visiblement totalement intoxiqué. Alors qu’il prévoit la réintégration des primes dans l’assiette il persiste dans les exonérations et défiscalisation. C’est ainsi que les décrets n°2019-40 du 24 janvier 2019 relatif à l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et complémentaires et n°2019-133 du 25 février 2019 portant application aux agents publics de la réduction de cotisations salariales et de l’exonération d’impôt sur le revenu au titre des rémunérations des heures supplémentaires ou du temps de travail additionnel effectif est entré en vigueur en octobre.
En synthèse, ces textes prévoient une exonération partielle d’impôt sur le revenu (dite « défiscalisation ») ainsi qu’une réduction des cotisations salariales d’origine légale (dite « désocialisation ») sur les indemnités perçues par les praticiens en contrepartie d’un temps de travail additionnel (TTA).
Comme on peut le constater l’intégration des primes modifie le montant de la pension seulement à la marge : + 2 points pour le médecin et + 6 points pour le professeur. On reste loin, très loin de la situation actuelle.
La fable des cotisations ‘patronales’
On ne sait si le rapporteur en reprenant la distinction cotisations patronales /cotisations salariales montre une ignorance crasse des mécanismes de financement de la protection sociale ou s’il est d’un cynisme tel qu’il se permet les plus odieux mensonges.
En réalité le financement du salaire comme de la sécurité sociale est une part de la valeur ajoutée (niveau de l’entreprise) ou du produit intérieur brut (niveau national). Il n’y a donc qu’un seul prélèvement sur la richesse créée : celui qui vient financer le paiement de la force de travail. La distinction ‘patronale’/ ‘salariale’ est purement idéologique et ne vise qu’à faire croire que le patronat financerait pour partie la protection sociale. Ce qui est un vrai gros mensonge.
Il y a certes une différence : lorsque dans une négociation les syndicats acceptent une augmentation des cotisations prélevées sur le salaire brut il accepte de modifier au profit des salariés privés d’emploi la répartition de la masse salariale. Cela ne modifie pas la répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital. Lorsqu’ils peuvent imposer une augmentation des cotisations ‘patronales’ cette répartition se modifie en faveur du salariat. Et c’est une bonne chose.
On ne répétera jamais assez que le système de financement par répartition est le plus efficace. Il repose sur la mutualité la plus large contrairement aux contrats d’assurance privés. Il est le plus juste et le plus solidaire. Il affirme l’unité du monde du travail, en activité ou privé d’activité pour des raisons diverses (maladie, accident du travail, chômage). Il permet la continuité de l’inclusion des retraités dans le monde du travail.
Dans ce système je cotise pour moi (lorsque je suis malade ou accidenté) et pour les autres (chômeurs, retraités). J’affirme toute l’importance du social, tout en protégeant l’individu.
Dans le système par point je cotise pour moi et de façon la plus égoïste.
Au fond le projet de réforme c’est la traduction concrète dans la vie de la stupide sentence thatchérienne : ‘il n’y a a pas de société il n’ y a que des individus’.
Cette fable justifie aussi aux yeux du patronat la gestion paritaire de la protection sociale. Mais les sommes collectées au titre de la solidarité n’appartiennent qu’aux travailleurs et ils sont seuls habilités à les gérer. Pourrions nous accepter de confier notre salaire à un chef d’entreprise pour qu’il gère notre budget ?
Si elle se mettait en place, cette contreréforme serait terrible pour les fonctionnaires et tous les statuts dans lesquels la modération salariale avait pour compensation le niveau des pensions. D’où l’explosion de 1995.
La situation de retraité pour un fonctionnaire sera celle d’un appauvrissement considérable. Il est donc utile de montrer la régression sociale qu’elle entraînerait.
Mais il est encore plus important de montrer qu’au delà de l’aggravation des conditions de vie de plusieurs millions de travailleurs ce qui est jeu c’est la défense d’un système qui outre son efficacité est celui du monde du travail et de la solidarité en acte de tous les travailleurs.
S’ajoutant à l’ensemble des coups portés à la fonction publique ce projet d’appauvrissement de millions de retraités crée une situation sociale explosive.
Un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous , sauf que là valeur du point sera identique pour tous et que les petits salaires ne pourront pas avoir autant de points qu’ un cadre et devront donc repousser leur date de depart en retraite , de plus ce systeme prétendument egalitaire ne prend pas en compte la penibilite , et pénalise
lourdement les carrières « hachees » notamment pour des motifs de chômage ou de maladie alors que le systeme actuel validée ses périodes et assure au minimum une retraite au moins egale a 75% du dernier salaire pour les carrieres completes
????
bonjour
Dans votre calcul des points générés par les cotisations vous ne considérez que les cotisations salariales .Or je suis dans la fonction publique et le montant mensuel des cotisations employeur pour la retraite sont très élevées ,bien plus que ma part de salarié et à un taux énormément plus élevé que sur la feuille de salaire d’une employé dans le privé Alors pensez vous qu’il n’y aura plus de cotisations employeurs ? ou que ces cotisations employeur ne seront pas comptabilisées dans le calcul des points ??
en vous remerciant de vos eclaircissements
Dans la fonction publique d’Etat, la retraite est portée par le régime des fonctionnaires civils et des militaires de l’Etat. Il est directement abondé par le budget de l’Etat. Ce régime de retraite est EXCEDENTAIRE de 2 milliards d’euros en 2017. Il est alimenté par une cotisation salariale de 10.56% et par une cotisation de l’état de 74% pour les fonctionnaires civils, portant sur le traitement indiciaire brut. Ces cotisations traduisent le fait que l’Etat assure le traitement continué de ses agents à travers le programme 741 de la loi de finance. Ce compte spécial d’affectation doit être équilibré, chaque année. La fusion dans le régime universel permettra éventuellement à l’Etat employeur de ses dégager de ses obligations de versement du traitement continué. Rien n’est écrit sur le fait que ces cotisations état employeurs seront reprises dans le système de retraite par point lors de la conversion. En revanche, elle disparaitront au profit du taux unique. Avec à la clé de grosse économie pour le budget de l’état exclusivement financée par une baisse du salaire effectif réel total des fonctionnaire.
C’est à dire une baisse massive des pensions.
merci pour votre réponse ..en fait du coup je suis allée voir le rapport delevoye sur lequel s’appuie le projet du nouveau système de retraite
Dans celui ci les préconisations indiquées sont :(je copie)
« Salariés et fonctionnaires : des cotisations identiques Un taux de cotisation de 28,12% réparti à 60%/40% entre les employeurs et les salariés »…
« Une cotisation plafonnée de 25,31%(soit 90% des 28,12%). Elle s’appliquera à toute la rémunération jusqu’à 120000€(soit 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale). C’est à partir de ces montants de cotisations versées que seront calculés les droits à retraite accordés aux assurés au titre de leur activité professionnelle.● Une cotisation déplafonnée de 2,81%(soit 10% des 28,12%) qui participera au financement mutualisé et solidaire des dépenses du système de retraite. Elle s’appliquera à la totalité des rémunérations perçues sans limitation et permettra de faire contribuer solidairement les plus hauts revenus au financement du système de retraite. Aucun droit à retraite ne sera directement accordé aux assurés sur la base des montants de cotisations versées à ce titre. Tous les salariés et leurs employeurs, quels que soient le secteur d’activité ou la nature juridique de l’employeur, seront traités identiquement du point de vue des cotisations. »
donc en fait la réponse à ma question est dans ce rapport ..il y aurait des taux identiques de cotisations employeurs et employés ,dans le public comme dans le privé et toutes ces cotisations serviraient au calcul des points
il n’y aurait donc plus cette différence très importante dans le taux des cotisations employeurs mais quid des déficits ??
re decidemment ma question sur les deficits a sa réponse dans le rapport .au-dessus de 120000 euros une cotisation de 2,81 pour cent ne servirait pas à accorder des points supplementaires mais servirait à la solidarite du financement et donc aux deficits …