Disons le franchement: voir, avec « Nuit debout », une partie de la jeunesse, encore extrêmement faible, dont la sociologie est à observer (quelle est la participation de la jeunesse populaire des quartiers par exemple?), se réunir sur les places de nos villes pour échanger, débattre, lutter, rêver d’un autre monde que celui du capitalisme meurtrier, du capitalisme terroriste, du capitalisme destructeur des êtres humains et de leur environnement, cela nous fait franchement plaisir.
Si nous respectons la stricte indépendance de ce mouvement nous avons aussi le strict droit de critiquer certains aspects de ce mouvement.
Revendiquer, s’unir et s’organiser pour gagner
Nous parlons de mouvement car malgré son hétérogénéité, certains traits se retrouvent dans cette démarche.
August Bebel, grande figure du socialisme allemand, avait coutume de dire » Quand nos ennemis de classe me félicitent, je me demande quelle bêtise j’ai pu dire ».
Ce réflexe, les jeunes des « Nuit debout » doivent l’acquérir car comment ne s’interrogeraient ils pas devant la déferlante médiatique bienveillante dont ils sont l’objet, alors que le syndicalisme de classe ou les militants franchement communistes sont méthodiquement censurés dans les médias, y compris les journaux prétendument de gauche comme Libé ou l’Humanité ? Comment expliquer qu’un mouvement « anti-système » rencontre autant de sympathie de la part des chiens de garde du système ? Oublions les chiens de garde idiots du genre Pitbull du Figaro ou du Point mais regardons, écoutons les autres : Libé, Le Monde, l’Obs, France Culture, BFM, LCP, France-Inter, etc.
Partout dégouline le sucre écœurant de la flatterie. Pourquoi ?
Parce que ce mouvement « n’a pas de revendications », parce qu’il est « contre les organisations », parce qu’il est « libertaire », parce qu’il rejette « les recettes du passé », parce qu’il est « antimarxiste », parce qu’il « se méfie des syndicats » (et non de leurs directions conciliatrices, ce qui serait fort juste), parce qu’il veut faire « comme Podemos« , parce qu’il est « pro-européen », et nous pourrions ainsi continuer la litanie.
l’apolitisme le spontanéisme et la désorganisation pour se diviser et perdre
Et il est vrai que cette petite musique se fait entendre dans ce mouvement, la petite musique de l’apolitisme, du spontanéisme, de l’anarchie, de l’euro-constructivisme, autant de maladies que le mouvement ouvrier et populaire a connues et vaincues, mais qui resurgissent forcément dans les phases de recul et de contre-révolution. Mais l’arrivée au combat de couches intellectuelles petites-bourgeoises sans expérience politique et imprégnées de l’idéologie propre à ces catégories entraîne des positionnements qui méritent la critique. Non pour condamner les « nuit debout » ou toute autre forme de lutte inventée par les intéressés, mais pour rappeler que le capitalisme ne sera pas renversé sans que la classe ouvrière et le monde du travail en général, ne prennent leur place centrale dans la lutte : et pour cela ne négligeons pas le lieu central de l’affrontement de classes entre capital et travail qu’est l’entreprise. Oui à la lutte des « Places » si elle conforte la lutte des classes, pas si elle prétend s’y substituer ! Oui aux nuits debout si elles débattent avec bienveillance de la nécessité d’une manif nationale de combat que propose le PRCF contre l’ensemble des contre-réformes, de la grève interprofessionnelle reconductible, du blocage des profits capitalistes sans lequel le capital, son UE et son gouvernement ne reculeront pas.
Que la jeunesse rassemblée sur les places, si elle veut être réellement rebelle, s’inspire du militant syndicalise suédois-américain Joe Hill qui quelques heures avant son exécution par l’Etat étasunien écrivait à ses camarades de l’IWW : « Ne perdez pas de temps dans le deuil. Organisez-vous ! ».
@fhollande cajole les jeunes, l’#Unef et #NuitDebout. #LoiTravail #CanardEnchaine pic.twitter.com/JO3UTL1HDP
— Netchys ن (@netchys) 7 avril 2016