(Hallyday annonce un disque entièrement en anglais).
Notre « Johnny national », comme disent imperturbablement les médias, porte un pseudo américain ; il rêve aussi de devenir belge ou monégasque pour échapper à l’impôt sur la fortune (c’est-à-dire à la solidarité du riche qu’il est devenu avec le public populaire qui a fait sa fortune : seuls les pauvres devraient-ils financer la protection sociale et les services publics ?) ; ce fier « rebelle » appelle à voter Sarko, le parangon de l’OTAN, l’homme du Fouquet’s et le champion de la droite dure et antipopulaire ; entre deux tournées en France, qui lui permettent de se renflouer quand il a trop fait la fête, le « Johnny national » séjourne tantôt en Suisse, tantôt en Amérique. Et voilà maintenant que, cerise sur le gâteau, il annonce un disque entièrement chanté en anglais…
On peut certes penser que cet homme, dont beaucoup apprécient le talent, est depuis toujours victime d’un entourage qui l’entraîne à trahir le pays qui lui est toujours resté fidèle, fût-ce à sens unique. On peut même garder un fond de tendresse pour ce vieil ado qui a longtemps prouvé qu’on pouvait chanter en français des tubes « qui balancent » et dont la trajectoire perso n’a rien du « long fleuve tranquille » des enfants nés coiffés.
Mais on peut aussi penser que certains n’ont aucun scrupule, que leur seule patrie est le fric, que la seule civilisation qu’ils révèrent est celle du dollar et des maîtres yankees et que leur ingratitude envers leur langue maternelle, envers leur pays d’adoption, est décidément sans limite.
Mais le plus triste n’est pas que les Depardieu, Hallyday et consorts renient leur pays et qu’ils méprisent le « petit peuple » qui les a « faits », adoptés, relancés et constamment accompagnés.
Le plus triste est qu’une partie de notre peuple semble parfois « en redemander », reniant sa langue pour le tout-globish, affichant partout le « stars and stripes » ou l’ « Union Jack » pourtant si menacé à domicile (à quand la sécession annoncée de l’Ecosse et du Pays de Galles, à quand la réunification républicaine de l’Irlande, à quand la fin du Royaume « uni », donc du drapeau qui le symbolise ?).
Bien sûr, cette anglo-américanomanie galopante n’est pas totalement de la faute du peuple français : celui-ci est quotidiennement matraqué de films américains et abreuvé de chansons et de pubs en anglais ; dès la maternelle, alors qu’ils ne maîtrisent pas encore le B.A.-BA de leur langue nationale, nos enfants sont désormaisimmergés dans un « bain linguistique » anglais. Et bien entendu, rien de tout cela n’est gratuit : à l’arrière-plan de cette POLITIQUE de basculement linguistique qui destitue la langue de Victor Hugo au profit du « Wall Street English », c’est l’idéologie néolibérale, c’est l’anti-modèle social anglo-social, c’estl’adulation du sinistre « American Dream » qui progressent : les Etats-Unis n’en sont pas moins le pays qui emprisonne le plus, qui multiplie les guerres, des coups d’Etat et les blocus impérialistes, qui torture officiellement ses prisonniers de guerre, qui fomente des « attentats ciblés » par drones interposés dans des pays prétendument indépendants, qui espionne la planète entière comme l’a révélé E. Snowden, et surtout, qui impose au monde un système militaro-économique qui permet à 300 personnes de posséder plus que le milliard d’hommes le plus pauvre : qui dit pire ?
Certes, comme l’expliquait Marx, « dans une société divisée en classes, les pensées dominantes sont les pensées de la classe dominante », et – ajouterons-nous, la langue dominante est celle de l’oligarchie mondiale dominante.
Mais voilà : il n’est jamais interdit de résister. De se révolter. De refuser d’avaler n’importe quoi pourvu que cela soit estampillé « made in the States ». Pas interdit non plus de raviver le vieil esprit frondeur du peuple français qui s’exprimait déjà jadis par des chansons bien senties à l’encontre des puissants, qu’il s’agisse des « mazarinades » de la Fronde, des chants révolutionnaires des Soldats de l’An II, du Temps des cerises rédigés par des poètes communards, de tous ces airs à la fois tendres, railleurs et poétiques qui firent le tour du monde sous l’égide des Brassens, Greco, Moustaki, Barbara, Brel, Renaud, Ferrat, Montand, Ferré, Perret, pour ne parler que des « classiques »…
Par bonheur, alors que toute une partie de la jeunesse aliénée par l’énorme machine de domination US et par ses collabos « culturels » hexagonaux donne tête baissée dans tous les panneaux, on voit AUSSI des jeunes des cités populaires, souvent issus de l’immigration, faire vivre le français moderne dans leurs textes de slam ou de rapp. Manifestement ce n’est pas euxqui, dans notre pays, ont le plus gros problème d’identité « nationale » et d’ « intégration », n’en déplaise à Sarko, à Mme Le Pen et à Manuel Valls. Même s’ils l’ignorent, ces jeunes auteurs sont l’avenir de Marianne et de sa langue. De même les jeunes Tunisiens font-ils plus pour la francophonie résistante que cent Académiciens (et nous ne parlons pas du combatif Michel Serres !) quand ils crient « dégage Enahda ! » après avoir crié, en français et en arabe dialectal, « dégage, Benali » !
Pas de pire esclavage que celui qui se prend pour la liberté. Pas de pire servitude que la servitude volontaire.
Le disque d’Hallyday va certainement être « promu » par tout le système médiatico-publicitaire « français ». Y compris par le prétendu « service public » audiovisuel, qui viole quotidiennement la loi et la constitution française en baptisant ses émissions et ses « produits » culturels « Welcome », « Summertime », « Come on !», etc. Le respect de la loi, c’est bon pour les pauvres. Quand les milliards de l’industrie culturelle sont en jeu, le puissant CSA devient tout-à-coup muet, indulgent, voire complaisant… Ne parlons pas de Hollande qui prétend « défendre l’exception culturelle » tout en préparant l’entrée du Euro-Frenchland déculturé dans l’ « Union transatlantique » prônée par Obama et exigé par le MEDEF… Mais depuis le viol du Non français à la constitution européenne, qui se soucie encore de démocratie chez nous, si ce n’est pour l’ « image » – pardon, pour le « look » ?
Non, les résistants ne sont pas ceux qui défendront « ce-pauvre-Johnny-attaqué-par-des-ringards »… mais soutenu unanimement par les médias, par la presse de droite et par la gauche bobo du type « Libé ». C’est la langue française qui est attaquée partout, et maintenant par « notre Johnny national », qui rallie piteusement le camp du plus fort : n’inversons pas les choses !
Alors les rebelles, ce ne sont pas ceux qui disent cent fois par heure « yeeeeeeees » ! ou « OK-d’accord ». L’esprit de rébellion est du côté de ceux qui refusent la langue unique mondiale qui sert à nous bourrer le crâne, à nous couper la langue et qui nous détourne de la résistance à la casse de notre pays, de nos emplois et de nos acquis.
Les rebelles ce sont ceux qui savent encore dire « non » dans leur langue et qui refusent la « loque-attitude ». En attendant que claque à nouveau un autre mot français, composé de cinq lettres, par lequel un général issu du peuple sut naguère défier les envahisseurs anglo-européens qui menaçaient la France d’alors.