« C’est la loi des séries », disent d’un air grave nos grands journalistes amenés à « expliquer » la succession de catastrophes ferroviaires qui ont rythmé ce début d’été du Québec à Brétigny-sur-Orge, de St-Jacques de Compostelle à la récente collision de deux trains suisses.
Autre « explication » de la même eau: la négligence ou la forfanterie des conducteurs, « ces pelés, ces galeux d’où nous vient tout le mal ».
Sauf qu’au Canada, cela ne dérange pas les autorités, désireuses d’éviter les frais qu’occasionnerait la pose d’oléoduc transcontinentaux, de faire rouler des convois de produits hautement explosifs dans le coeur des villes.
Sauf qu’à Brétigny, la rupture d’une pièce d’aiguillage met de nouveau en cause la politique ferroviaire des gouvernements maastrichtien successifs. Quand on découple le réseau, jugé improductif, de l’exploitation – où les tarifs s’envolent dans le cadre d’une SNCF soumise à la « concurrence libre et non faussée », quand on n’entretient plus le réseau ni le matériel roulant au niveau voulu, quand on réduit sans cesse le nombre de cheminots (ou, sur un autre plan, de fonctionnaires de l’Equipement assurant la sécurité des routes et des barrages…), faut-il s’étonner que frappe la « loi des séries », en réalité, les effets implacables des probabilités?
Saut qu’en Espagne, pour faire des économies en période d’euro-austérité drastique, on a bien mis en place un réseau grande vitesse mais qu’on ne l’a pas équipé du système français qui stoppe le train en cas de survitesse liée à une défaillance, toujours possible, des conducteurs les plus aguerris. Il est vrai que le président du réseau espagnol a cru bon de préciser que « si le conducteur ne contrôle pas la vitesse, il n’est qu’un passager ». Et si le PDG de la RENFE n’installe pas les équipements indispensables à la vie de ses passagers, il se conduit comment, sinon en parasite incompétent et plein de morgue?
En réalité, les mêmes causes produisent partout les mêmes effets. La « responsabilité humaine » ne consiste pas à conjurer magiquement et en toutes circonstances les carences structurelles d’un système capitaliste uniquement préoccupé, du Canada ultra-libéral à l’UE maladivement occupée à casser du fonctionnaire, à réduire les dépenses publiques pour majorer les profits… ou pour sauver le damné euro cher aux financiers.
Et tant pis si dans ces conditions le train de l’austérité se transforme parfois en train de la mort…